Annales de dermatologie et de vénéréologie (2010) 137, 423—424
CHRONIQUE GÉNOMIQUE
Mutations de la kératine k6c dans les kératodermies palmoplantaires focales Keratin k6c mutations in focal palmoplantar keratoderma O. Dereure Service de dermatologie, hôpital Saint-Éloi, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France Disponible sur Internet le 24 avril 2010
Le vaste groupe des kératodermies palmoplantaires (KPP) d’origine génétique a très largement bénéficié de l’application des méthodes de génétique moléculaire et la majorité des entités cliniques, de description souvent assez ancienne, ont ainsi été liées à des anomalies moléculaires tout à fait précises même si le lien entre le génotype pathologique et ses conséquences phénotypiques n’est pas toujours aisé à identifier. Toutefois, un certain nombre de sousgroupes de KPP n’avaient pas encore été décryptés notamment celui des formes focales dont la mieux connue est probablement la forme de Brauer-Buschke-Fischer. Une avancée probablement significative a été réalisée récemment dans ce sous-groupe de kératodermies par une équipe écossaise qui a mis en évidence des mutations du gène codant pour la kératine K6c dans un certain nombre de familles. Il était déjà connu que des mutations des kératines 6a, 6b, 16 et 17 peuvent être responsables de génodermatoses regroupées sous le nom de pachyonychies congénitales caractérisées par un épaississement unguéal associé à diverses anomalies ectodermiques, et notamment à une kératodermie palmoplantaire focale qui est probablement l’élément clinique le plus douloureux et le plus handicapant chez ces patients. Quelques familles atteintes de KPP focale isolée ou associée à des modifications unguéales mineures présentent effectivement des mutations de la kératine 16,
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mais la plupart des familles atteintes n’ont en fait aucune modification morbide des quatre gènes de kératines mentionnés ci-dessus. En conséquence, il était donc nécessaire de chercher d’autres mutations, ce qui a été réalisé dans trois familles atteintes, sans lien de parenté entre elles, où la KPP focale était isolée ou associée à des anomalies unguéales mineures. L’étude des gènes codant les kératines 6a, 6b, 16 et 17 n’a montré comme attendu aucune anomalie mais, au contraire, l’analyse mutationnelle d’un gène plus récemment identifié, codant pour la kératine 6c, a montré des altérations morbides dans les trois fratries sous la forme de mutations hétérozygotes en cadre de type délétion [1]. Deux de ces trois familles présentaient d’ailleurs une mutation absolument identique portant sur l’acide aminé 172 qui était délété (Asn172del). Dans la troisième famille, au contraire, il s’agissait d’une délétion des acides aminés 462 à 470. Le caractère hétérozygote de l’affection est probablement lié à un effet dominant négatif de ces mutations, tout à fait similaire à celui qui a été mis en évidence dans les mutations des gènes KRT6A, KRT6B, KRT16 et KRT17 dans les pachyonychies congénitales ; l’anomalie présente sur la moitié des protéines synthétisées suffit apparemment à perturber de fac ¸on suffisante toutes les paires de kératine présentes dans la cellule afin d’entraîner un phénotype pathologique. Enfin, le gène KRT6C est exprimé dans l’épiderme plantaire comme l’a montré une étude en RTPCR, ce qui vient bien sûr à l’appui de la responsabilité d’altérations de ce gène dans ce groupe de kératodermies. Il est toutefois hautement probable que les KPP focales soient
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424 en fait hétérogènes sur le plan moléculaire et qu’il reste probablement un ou plusieurs gènes à découvrir dont les anomalies sont également responsables de ce sous-groupe de KPP.
Conflit d’intérêt Les auteurs n’ont pas transmis de conflit d’intérêt.
O. Dereure
Référence [1] Wilson NJ, Messenger HG, Leachman SA, O’Toole EA, Lane B, Mac Lean WH, et al. Keratin K6c mutations cause focal palmoplantar keratoderma. J Invest Dermatol 2010;130: 425—9.