Néovascularisation de la plaque ostéochondrale : nouvelle cible thérapeutique de l’arthrose

Néovascularisation de la plaque ostéochondrale : nouvelle cible thérapeutique de l’arthrose

Revue du rhumatisme 78 (2011) 12–17 Mise au point Néovascularisation de la plaque ostéochondrale : nouvelle cible thérapeutique de l’arthrose夽 Laure...

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Revue du rhumatisme 78 (2011) 12–17

Mise au point

Néovascularisation de la plaque ostéochondrale : nouvelle cible thérapeutique de l’arthrose夽 Laurence Pesesse , Christelle Sanchez , Yves Henrotin ∗ Unité de recherche sur l’os et le cartilage, université de Liège, institut de pathologie, +5, CHU Sart-Tilman, 4000 Liège, Belgique

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Accepté le 6 mai 2010 Disponible sur Internet le 19 juin 2010 Mots clés : Arthrose Angiogenèse Cartilage Os Chondrocytes Ostéoblastes

r é s u m é Le cartilage articulaire adulte sain est un tissu dépourvu de vaisseaux sanguins et d’innervation. À l’inverse, le cartilage arthrosique est parfois envahi par des vaisseaux sanguins provenant de l’os souschondral. Les causes de cette néovascularisation ne sont pas encore clairement identifiées, mais semblent trouver leur origine dans la différenciation hypertrophique des chondrocytes. L’identification des facteurs impliqués dans l’angiogenèse du cartilage est l’objet de nombreuses recherches. Cet article propose une réflexion sur les mécanismes physiopathologiques impliqués dans l’angiogenèse du cartilage arthrosique, basée sur des preuves scientifiques extraites d’une revue systématique de la littérature effectuée dans les bases de données Pubmed et ISI web of knowledge. Nos conclusions offrent de nouvelles perspectives de recherche et envisagent de nouvelles opportunités thérapeutiques. © 2010 Société Franc¸aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

L’arthrose est une maladie complexe impliquant l’ensemble des tissus articulaires et périarticulaires. Elle se caractérise par une dégradation progressive du cartilage articulaire. Au cours de l’arthrose, ce tissu va subir de nombreuses modifications structurelles et métaboliques responsables de la perte de ses propriétés mécaniques et physicochimiques. Il est progressivement moins résistant aux contraintes mécaniques. À l’examen macroscopique, il apparaît effiloché, fissuré et parfois même minéralisé. Au stade ultime de la maladie, il disparaît, laissant l’os sous-chondral à nu. À l’examen microscopique, on observe un dédoublement de la tidemark (front de minéralisation), un épaississement de la couche calcifiée du cartilage (CCC), des fissurations traversant le cartilage jusqu’à l’os sous-chondral, et enfin, l’apparition de clones de chondrocytes, de structures conjonctivovasculaires et de vaisseaux [1,2]. Dans l’arthrose, le chondrocyte subit des modifications de phénotype. Selon sa localisation et le stade d’évolution de la maladie, il peut exprimer un phénotype « hypertrophique », « fibroblastique ou dédifférencié », « catabolique » ou « anabolique » [3]. L’os souschondral joue également un rôle important dans la pathogénie de l’arthrose. Le plateau sous-chondral s’épaissit, ce qui altère sa capacité à amortir les contraintes mécaniques. Enfin, la membrane synoviale est souvent le siège d’une réaction inflammatoire qui est secondaire à la dégradation du cartilage. Dans cette revue de la littérature, nous tenterons d’établir le lien entre les modifications

夽 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais sa référence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Henrotin).

structurométaboliques observées dans l’articulation arthrosique et la néovascularisation du cartilage. 1. La plaque ostéochondrale Le cartilage est un tissu conjonctif constitué de cellules spécialisées, les chondrocytes. Ces cellules sont localisées dans une matrice extracellulaire composée essentiellement de collagène de type II, d’agrécane et d’eau. De la surface à la profondeur, le cartilage peut être divisé en quatre couches appelées couche superficielle, couche moyenne, couche profonde et couche calcifiée. L’ensemble du cartilage repose sur une couche d’os cortical dense que l’on appelle plateau osseux sous-chondral. La CCC et le plateau osseux sous-chondral forment un ensemble fonctionnel appelé plaque ostéochondrale [4] (Fig. 1). 1.1. La couche calcifiée du cartilage et la tidemark La CCC est constituée de chondrocytes enchâssés dans une matrice extracellulaire minéralisée. Par sa situation au sein de l’articulation, à la fois en contact avec la couche profonde du cartilage articulaire et avec l’os sous-chondral, la CCC est une zone d’ancrage du cartilage articulaire à la plaque osseuse sous-jacente. L’épaisseur de cette zone représente 2 à 3 % de l’épaisseur du cartilage articulaire. La CCC est dix à 100 fois plus rigide que le cartilage articulaire mais dix fois moins que l’os [5]. La limite entre la couche profonde et la CCC est marquée par une zone basophile nommée tidemark, représentant le front de minéralisation de la matrice extracellulaire. Son épaisseur est de 2 à 5 ␮m environ. Dans l’arthrose, les chondrocytes situés en bordure de la

1169-8330/$ – see front matter © 2010 Société Franc¸aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2010.05.004

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Fig. 1. Coupe de cartilage sain colorée à l’hématoxyline/vert lumière/safranine-O. La tidemark sépare la couche profonde du cartilage articulaire et la couche calcifiée. La plaque ostéochondrale est constitué de la couche calcifiée du cartilage et du plateau osseux sous-chondral (grossissement 10 ×).

tidemark expriment un phénotype hypertrophique et minéralisent la matrice extracellulaire. Ils produisent de la phosphatase alcaline [6] et du collagène de type X [7].

Fig. 2. Coupe de cartilage arthrosique colorée à l’hématoxyline/vert lumière/safranine-O. Mise en évidence d’une multiplication de la tidemark (grossissement 20 ×).

1.2. Le plateau sous-chondral Le plateau sous-chondral est une couche d’os compact très vascularisé de plus ou moins 0,6 mm située entre le cartilage calcifié et l’os trabéculaire [8]. La fonction principale du plateau souschondral est d’absorber les contraintes mécaniques exercées sur l’articulation. Il assure également une partie des apports nutritifs du cartilage. En effet, les vaisseaux terminaux présents au niveau du plateau sous-chondral sont en contact direct avec la couche profonde du cartilage [2,3]. Ils délivrent au cartilage environ 50 % de ses besoins en glucose et en oxygène [8]. 2. La plaque ostéochondrale dans l’arthrose 2.1. Le cartilage Le cartilage arthrosique est caractérisé par plusieurs anomalies histologiques : • la présence de « clones » de chondrocytes et l’apparition de cellules hypertrophiques ; • des fibrillations et des fissures pouvant s’étendre de la couche superficielle au plateau ostéochondral ; • des zones de minéralisation entourant les chondrocytes hypertrophiques ; • un épaississement de la CCC ; • une multiplication de la tidemark (Fig. 2) ; • l’apparition de spicules osseux accompagnés d’un vaisseau qui pénètrent la CCC.

[10,11]. Cette différenciation hypertrophique s’accompagne d’une minéralisation de la matrice extracellulaire, d’un épaississement de la CCC et de la multiplication de la tidemark. Il s’agit d’un phénomène d’ossification endochondrale responsable de l’augmentation de la rigidité du cartilage et en conséquence des contraintes mécaniques exercées sur le cartilage sus-jacent. L’épaississement de la couche de cartilage calcifiée semble précéder l’apparition des spicules ostéovasculaires [12]. Récemment, nous avons démontré que la différenciation hypertrophique des chondrocytes était dépendante de la présence de sérum. Cette observation nous a permis d’émettre l’hypothèse que la différenciation hypertrophique des chondrocytes et la néovascularisation du cartilage étaient des phénomènes interdépendants. La néovascularisation du cartilage arthrosique pourrait donc être responsable de la réinitialisation de l’ossification endochondrale du cartilage menant à la minéralisation de la matrice cartilagineuse [13]. Quant à la tidemark, elle apparaît multipliée dans le cartilage arthrosique [5]. Ce phénomène est un indicateur de progression et de l’avancée du front de minéralisation vers le cartilage non calcifié. Le dédoublement de la tidemark serait la conséquence d’une réactivation du système d’ossification endochondrale associée à une différentiation hypertrophique des chondrocytes et à la minéralisation de la matrice du cartilage. En effet, l’étude histologique de cette zone met en évidence la présence de chondrocytes hypertrophiques au voisinage de la tidemark. Notons que la réplication de la tidemark précède l’apparition des lésions du cartilage et constitue donc un signe précoce de l’arthrose. 2.2. Le plateau osseux sous-chondral

D’un point de vue métabolique, les chondrocytes peuvent donc exprimer des phénotypes différents selon leur localisation et l’évolution de la pathologie. Le phénotype dit « anabolique » est caractérisé par la synthèse accrue de collagène de type II et de molécules d’agrécane. Cette hyperactivité est limitée aux chondrocytes des zones moyennes et profondes du cartilage arthrosique [3] et est observée au stade précoce de la maladie [9]. Dans les stades avancés de la maladie, l’activité catabolique des chondrocytes est prédominante [9]. Le phénotype « catabolique » est caractérisé par la synthèse accrue de métalloprotéinases matricielles (MMP). Les cellules « fibroblastiques » ou « dédifférenciées » se caractérisent par la synthèse accrue de collagène de type I et III. Enfin, les chondrocytes peuvent exprimer un phénotype « hypertrophique » marqué par la production de phosphatase alcaline tissu non spécifique, d’ostéocalcine et de collagène de type X

Dans l’articulation arthrosique, le plateau osseux sous-chondral s’épaissit, se sclérose mais est moins minéralisé, moins dense et donc moins rigide. Sa porosité est également augmentée en comparaison au plateau osseux sous-chondral normal [4]. Selon les théories, ces modifications pourraient être la conséquence de la perte de cartilage ou au contraire précéder les lésions cartilagineuses et initier l’apparition de celles-ci. Le phénotype des ostéoblastes du plateau sous-chondral arthrosique est également altéré dans les zones sclérosées. Les cellules produisent davantage de collagène de type I, d’ostéocalcine, d’ostéopontine, d’interleukine (IL)-6, d’IL-8, et de protéine Progressive ankylosis protein homolog (ANKH) que les ostéoblastes issus des zones non sclérosées [14]. Ils expriment également plus d’activité enzymatique de type phosphatase alcaline et transglutaminase.

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2.3. La communication entre l’os sous-chondral et le cartilage Dans l’articulation arthrosique, des microfractures sont visibles au niveau de la plaque ostéochondrale. Certaines microfractures sont envahies par des structures conjonctivovasculaires ou par des vaisseaux sanguins, qui par cette voie pénètrent la CCC. La présence de ces connections (microfractures, canaux vasculaires, vaisseaux sanguins) entre l’os sous-chondral et le cartilage suggère que des médiateurs produits par les ostéoblastes sous-chondraux peuvent atteindre le cartilage sus-jacent et agir sur les chondrocytes. Le passage de facteurs biochimiques entre l’os et le cartilage a été démontré par une équipe canadienne. Ces chercheurs ont révélé la présence du hepatocyte growth factor (HGF) dans les couches profondes du cartilage arthrosique, alors que les chondrocytes ne produisent pas ce facteur sous sa forme native [15]. Par ailleurs, des marqueurs du remodelage osseux, tel que l’ostéocalcine, ont été trouvés dans le fluide synovial des patients arthrosiques [16]. Récemment, en utilisant un système de co-culture ostéoblaste/chondrocyte, nous avons montré que les ostéoblastes des zones sclérosées de l’os sous-chondral arthrosique, contrairement aux ostéoblastes des zones non sclérosées, diminuaient la synthèse d’agrécane et de collagène de type II et augmentaient l’expression des MMP-3 et -13 par les chondrocytes [17]. L’ensemble de ces éléments démontre l’existence d’une communication entre le cartilage et l’os sous-chondral, et suggère que des médiateurs provenant de l’os sous-chondral contribuent à la dégradation du cartilage. 3. Angiogenèse et arthrose Le cartilage articulaire normal est un tissu non vascularisé. Cette propriété particulière provient de la richesse du cartilage en facteur dits « antiangiogéniques » comme la chondromoduline-1 (ChM-1) et la thrombospondine-1 (TSP-1) [18,19]. La vascularisation du cartilage intervient dans la pathogenèse de l’arthrose lors de la formation et de la croissance d’ostéophytes, du remodelage de l’os sous-chondral et de la minéralisation du cartilage. 3.1. Angiogenèse et remodelage de l’os sous-chondral Les ostéoblastes et les ostéoclastes expriment les différentes isoformes du vascular endothelial growth factor (VEGF) et de ses récepteurs, ainsi qu’un inhibiteur de l’angiogenèse, le pigment epithelium-derived factor (PEDF) [20]. Ces facteurs jouent un rôle crucial dans l’angiogenèse et le remodelage osseux. De plus, diverses protéines produites par les ostéoblastes, comme l’ostéocalcine, la sialoprotéine osseuse Bone Sialoprotein (BSP) et la bone morphogenetic protein (BMP)-7, ont montré des propriétés proangiogéniques [21–23]. Récemment, nous avons montré que les ostéoblastes des zones sclérosées de l’os sous-chondral arthrosique produisent davantage de VEGF et d’ostéocalcine que les ostéoblastes des zones non sclérosées [14]. La synthèse accrue de ces facteurs localement pourraient expliquer l’invasion de la plaque osseuse sous-chondrale arthrosique par des vaisseaux sanguins. 3.2. Angiogenèse et ossification endochondrale Dans le cartilage normal, la présence de vaisseaux sanguins a été observée dans la CCC. En revanche, la présence de tels vaisseaux audessus de la tidemark, dans les couches non calcifiées du cartilage, est un phénomène anormal [24]. Dans le cartilage arthrosique, il y a une augmentation du nombre de vaisseaux et de terminaisons nerveuses sensitives et sympathiques qui franchissent la tidemark [25]. L’apparition de vaisseaux sanguins au sein de la jonction ostéochondrale (Fig. 3) pourrait être un élément déclencheur de l’ossification

Fig. 3. Coupe de cartilage arthrosique colorée à l’hématoxyline/vert lumière/ safranine-O. Mise en évidence de structures vasculaires au sein de la plaque ostéochondrale (grossissement 20 ×).

endochondrale, caractérisée par la différenciation hypertrophique des chondrocytes, l’augmentation de l’activité phosphatase alcaline dans le cartilage et l’accumulation de microcristaux [26]. Ce phénomène expliquerait, en tout cas en partie, l’épaississement de la CCC et la réplication de la tidemark. In vitro, nous avons observé que le sérum de veau fœtal induisait la différenciation hypertrophique des chondrocytes, alors que d’autres milieux comme l’ITS+ (insuline, transferrine, sélénium, acide linoléique et albumine) ou l’UltroserTM G (substitut de sérum chimiquement défini et riche en facteurs de croissances, hormones et stéroïdes) n’avaient pas cet effet [13]. Ces résultats suggèrent que l’apport de sérum est un facteur déclencheur de l’ossification endochondrale dans l’articulation arthrosique. 3.3. Effet des médiateurs de l’inflammation sur l’angiogenèse L’inflammation est étroitement liée à l’angiogenèse. L’inflammation est impliquée dans la néovascularisation tissulaire de plusieurs manières. Les tissus inflammés sont souvent hypoxiques et l’hypoxie peut induire l’angiogenèse en augmentant la production de VEGF. De plus, les cellules inflammatoires telles que les macrophages, présents en abondance dans la membrane synoviale arthrosique, produisent également des facteurs proangiogéniques. [27] Notons, que le tumor necrosis factor-˛ (TNF-␣), une cytokine produite en abondance par les macrophages, est également un facteur proangiogénique [24]. Le mode d’action du TNF-␣ est indirect puisque celui-ci n’a pas une action mitogène sur les cellules endothéliales [28]. De plus, le TNF-␣ semble réguler, en partie, l’expression de deux enzymes protéolytiques, MMP-9 et MMP-14 qui sont connues pour être cruciales dans la progression des vaisseaux au sein de la matrice extracellulaire [29]. L’hypothèse commune est que l’angiogenèse potentialise l’inflammation. En effet, certains facteurs angiogéniques tels que le VEGF et le fibroblast growth factor (FGF-2) ont également un rôle pro-inflammatoire. La coexistence des deux phénomènes peut donc mener à une inflammation persistante [24]. 4. Présence d’un déséquilibre entre facteurs pro- et antiangiogéniques au sein du cartilage arthrosique De manière générale, l’angiogenèse tissulaire résulterait d’un déséquilibre entre facteurs pro- et antiangiogéniques. Ce déséquilibre peut résulter d’une augmentation de production des facteurs

L. Pesesse et al. / Revue du rhumatisme 78 (2011) 12–17 Tableau 1 Régulateurs de l’angiogenèse localisés ou libérés par les chondrocytes articulaires arthrosiques (en gras) [51] et sains (souligné) [52]. Activateurs

Inhibiteurs

VEGF121/189

Thrombospondine-1

Endoglin

Leukaemia inhibitory factor

HGF

TIMP-1 et -2

IL-1, -8, -18

TGF-␤

TGF␤1/2/3

TNF-␣

TNF␣

CTGF

Chondrocyte inhibitor of angiogenesis

Substance P

Chondromoduline-I

PGE2

Troponine-I

Nitric oxide

Thrombospondine-3

Histamine FGF-2 FGF-1 ESAF IGF-1 EGF PDGF-A Transferrine Cyr61 MMP-9/gelatinase B CTGF : connective tissue growth factor ; Cyr61 : cysteine-rich angiogenic inducer 61 ; EGF : epidermal growth factor ; ESAF : endothelial cell stimulating angiogenic factor ; FGF : fibroblast growth factor ; HGF : hepatocyte growth factor ; IGF : insulin-like growth factor ; IL : interleukine ; MMP : métalloproteinase matricielle ; PDGF-A : plateletderived growth factor A ; PGE2 : prostaglandine E2 ; TGF ␤ : transforming growth factor ˇ ; TIMP : tissue inhibitor of metalloproteinases ; TNF ␣ : tumor necrosis factor ˛ ; VEGF : vascular endothelial growth factor.

proangiogéniques et/ou d’une diminution de production des facteurs antiangiogéniques. Plusieurs études ont montré la présence de molécules proangiogéniques, comme le FGF-2 et le VEGF dans le cartilage sain [30,31] bien que ce tissu soit non vascularisé. Ces observations suggèrent que le cartilage normal est potentiellement angiogénique bien qu’il maintient un phénotype angiostatique. 4.1. Facteurs antiangiogéniques Les protéoglycanes jouent un rôle antiangiogénique très important. Smith et al. ont montré que la diminution du contenu en protéoglycanes de la matrice extracellulaire était associée à l’invasion vasculaire du cartilage [32]. Des protéoglycanes peuvent également agir en se fixant à certains facteurs angiogéniques. Par exemple, l’héparine et l’héparan sulfate sont capables de lier le FGF2 ainsi que le VEGF, empêchant ainsi la liaison de ces facteurs à leurs récepteurs tyrosine-kinase [30,33,34] et bloquant de cette fac¸on leur diffusion dans la matrice extracellulaire. Les chondrocytes produisent de nombreux facteurs antiangiogéniques (Tableau 1). Dans cette revue, nous nous sommes limités à la description détaillée de trois facteurs identifiés dans le cartilage. Il s’agit de la TSP-1, de la troponine-I (TnI) et de la ChM-1. La TSP-1 est une glycoprotéine impliquée dans les interactions matrice-chondrocyte [19]. Dans le cartilage normal, la TSP-1 est présente principalement dans les zones moyenne et profonde et l’expression des ARNm est prédominante au niveau des chondrocytes de la zone moyenne. Elle est présente en quantité moins importante dans le cartilage arthrosique que dans le cartilage normal. La TSP-1 est un facteur activateur du TGF-␤1 [35]. Cette protéine inhibe l’angiogenèse en empêchant la migration des cellules endothéliales [36] et en induisant leur apoptose [37]

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ainsi qu’en inhibant la liaison du VEGF à son récepteur VEGFR-2 [38]. La ténascine, une autre protéine impliquée dans les interactions matrice-cellule, jouerait également un rôle dans le phénomène d’angiogenèse. Contrairement à la thrombospondine, la ténascine aurait un rôle proangiogénique [39]. Il a été montré que l’expression de la ténascine augmente dans le cartilage arthrosique mais qu’elle est faiblement exprimée dans le cartilage normal [40]. Cette protéine pourrait dès lors jouer un rôle dans la néovascularisation du cartilage arthrosique. La TnI a été identifiée pour la première fois dans le cartilage humain par Moses et al. [41]. Il s’agit d’une protéine contractile connue pour son rôle au niveau du muscle. Son pouvoir antiangiogénique a été mis en évidence par l’inhibition de la prolifération des cellules endothéliales des capillaires et l’angiogenèse de l’embryon de poulet in vivo [41]. Une étude menée en 2003 par Kern et son équipe a permis d’attribuer l’effet antiangiogénique de la TnI à son site actif, le peptide Glu94-Leu123 [42]. Ces chercheurs ont montré que ce peptide inhibe de fac¸on concentration-dépendante la division des cellules endothéliales et la production de VEGF par les cellules endothéliales. Enfin, la ChM-1, une glycoprotéine de 25 kDa, a été identifiée dans le cartilage [43,44]. Différentes études ont montré que la ChM-1 inhibe la prolifération des cellules endothéliales in vitro [45] et in vivo [43]. Selon une étude immunohistologique récente, l’expression de ChM-1 diminue dans la zone superficielle du cartilage dans les stades précoces de l’arthrose et elle est réduite dans toutes les zones du cartilage articulaire dans les stades les plus sévères. La réduction de ChM-1 coïncide avec l’invasion vasculaire du cartilage [46]. De fac¸on concomitante, on peut observer une augmentation de l’expression du VEGF et des MMP-9 et MMP-13, deux métalloprotéinases favorisant l’invasion vasculaire du cartilage arthrosique. Il est important de souligner qu’à ce jour, les facteurs impliqués dans la régulation de l’expression de ces facteurs antiangiogéniques au sein du cartilage sont méconnus. 4.2. Facteurs proangiogéniques Un certain nombre de facteurs proangiogéniques ont été identifiés au sein du cartilage (Tableau 1). Le plus étudié est le VEGF. C’est pour cette raison que nous avons choisi de centrer notre attention sur ce facteur. Le VEGF est une glycoprotéine homodimérique, avec une masse moléculaire de 34 à 45 kDa, qui existe sous cinq isoformes différentes (VEGF121 , VEGF145 , VEGF165 , VEGF189 et VEGF206 ) qui fixent trois récepteurs (VEGFR-1, VEGFR-2 et VEGFR-3) [47]. Trois isoformes sont produits par les chondrocytes, sains et arthrosiques (VEGF121 , VEGF165 et VEGF189 ). Les trois récepteurs sont exprimés par les chondrocytes arthrosiques, alors qu’aucun récepteur pour le VEGF n’a été détecté sur les chondrocytes sains [48]. Les principaux facteurs induisant l’expression du VEGF par les chondrocytes en culture sont l’hypoxie et l’hypoxia-inductible factor (HIF-1), le stress mécanique ainsi que divers facteurs tels que l’IL-1, l’IL-17, le TNF-␣, le monoxyde d’azote (NO) et H2 O2 [49]. Une étude immunohistochimique a montré que le VEGF n’est pas présent dans le cartilage normal. En revanche, la présence de ce facteur autour des chondrocytes augmente avec la sévérité des lésions histologiques déterminée sur l’échelle de Mankin [10,32,48]. Dans le cartilage arthrosique, la présence du VEGF est particulièrement importante autour des clones de chondrocytes arthrosiques près de la surface du tissu. À l’inverse, Brew et al. ont montré que le taux d’ARNm codant pour le VEGF dans l’ARN total extrait de cartilage était plus faible dans les chondrocytes arthrosiques en comparaison avec les chondrocytes sains [31]. Une hypothèse avancée par ces chercheurs pour expliquer cette diminution est que les chondrocytes produi-

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raient du VEGF principalement au début de la pathologie et que, ensuite, le VEGF s’accumulerait dans la matrice extracellulaire. Le VEGF stimule la prolifération et la migration des cellules endothéliales. Il stimule également la synthèse des MMP-1 et -3 par les chondrocytes arthrosiques [48]. L’activité du VEGF est contrôlée par le connective tissue growth factor (CTGF), qui se lie au VEGF165 et bloque son activité angiogénique. Les MMP digèrent sélectivement le CTGF dans le complexe CTGF/VEGF165 et réactivent l’activité angiogénique du VEGF [50]. Il est donc tentant de spéculer que dans le cartilage normal le CTGF bloque l’activité angiogénique du VEGF en se complexant avec lui et que dans le cartilage arthrosique, les MMP activent le VEGF en le libérant du complexe CTGF/VEGF [50]. 4.3. Les métalloprotéinases matricielles La formation de nouveaux vaisseaux sanguins requiert la dégradation de la membrane basale vasculaire et le remodelage de la matrice extracellulaire. Ces étapes sont un préalable nécessaire à la migration des cellules endothéliales à travers la matrice. Les principales MMP impliquées dans ces processus sont la MMP-2, -7 et la MT1-MMP. Elles favorisent l’angiogenèse en libérant des péricytes des vaisseaux en croissance, en relâchant les facteurs de croissance angiogéniques liés à la matrice (VEGF et FGF-2), en exposant des sites de liaisons pour les intégrines proangiogéniques dans la matrice [notamment (␣v␤3)], en générant des fragments angiogéniques à partir de la fibrine et en clivant les liaisons entre les cellules endothéliales [53–55].

De fac¸on paradoxale, les MMP peuvent aussi exercer un contrôle négatif sur l’angiogenèse, en clivant le site de liaison des facteurs proangiogéniques à leur récepteur. Par exemple, la MMP-2 peut cliver l’ectodomaine de FGFR-1 qui maintient l’activité de liaison du FGF [56]. Les MMP peuvent également avoir un rôle antiangiogénique en générant des inhibiteurs endogènes de l’angiogenèse à partir de protéines circulantes ou matricielles. Les MMP-2, -7, -9 et 12 libèrent de l’angiostatine, à partir du plasminogène [57,58] ou de certains collagènes matriciels. Par exemple, l’endostatine est libérée de la chaîne ␣1 du collagène de type XVIII, la tumstatine de la chaîne ␣3 du collagène de type IV, et l’arrestine de la chaîne ␣1 du collagène de type IV et enfin la canstatine de la chaîne ␣2 du collagène de type IV [59]. Citons de plus la chondrostatine, un fragment du procollagène de type II, qui est libérée dans la matrice du cartilage au cours du processus de synthèse des fibres de collagène de type II [60]. 5. Conclusion L’invasion vasculaire du cartilage arthrosique est impliquée dans la différenciation hypertrophique des chondrocytes, la minéralisation de la matrice extracellulaire et l’innervation du cartilage (Fig. 4). La néo-innervation du cartilage associée à cette invasion pourrait être un déterminant de la douleur mécanique qui particularise la symptomatologie du patient arthrosique. La néovascularisation observée au sein de la plaque ostéochondrale arthrosique constitue par conséquent une cible thérapeutique intéressante dans le traitement de la maladie. Conflit d’intérêt Aucun. Remerciements Nous remercions les laboratoires Expanscience et le FNRS pour le financement relatif à ces travaux. Le Docteur Christelle Sanchez est chargé de recherché au FNRS. Références

Fig. 4. Représentation schématique de l’articulation montrant le rôle des différents facteurs proangiogéniques impliqués dans l’invasion vasculaire de la plaque ostéochondrale arthrosique. CCC : couche calcifiée du cartilage ; IL : interleukine ; MMP : métalloprotéinase matricielle ; OC : ostéocalcine ; PEDF : pigment epithelial derived factor ; TNF : tumor necrosis factor ; TSP1 : thrombospondine-1 ; VEGF : vascular endothelial growth factor.

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