PCSK9 : une nouvelle cible pour le traitement de l’hypercholestérolémie

PCSK9 : une nouvelle cible pour le traitement de l’hypercholestérolémie

Dossier thématique Lipides PCSK9 : une nouvelle cible pour le traitement de l’hypercholestérolémie PCSK9: A new target to treat hypercholesterolemia ...

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PCSK9 : une nouvelle cible pour le traitement de l’hypercholestérolémie PCSK9: A new target to treat hypercholesterolemia B. Cariou1,2

Résumé

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PCSK9 (Proprotein Convertase Subtilisin Kexin type 9) est une proconvertase qui intervient dans le métabolisme du cholestérol en inhibant le récepteur au LDL. Alors que les mutations « gains de fonction » de PCSK9 sont responsables d’une hypercholestérolémie familiale, les mutations « perte de fonction » sont associées à une baisse des concentrations de LDL-cholestérol (LDL-C) et à une protection cardiovasculaire. Les données épidémiologiques retrouvent également une corrélation positive entre les concentrations circulantes de PCSK9 et de LDL-C. L’inhibition de PCSK9 est ainsi devenue un enjeu majeur pour le traitement de l’hypercholestérolémie. Les résultats des études de phase 2 avec les anticorps monoclonaux anti-PCSK9 retrouvent une baisse du LDL-C de 50 à 65 %, obtenue chez des populations de patients avec une hypercholestérolémie familiale hétérozygote, ou à très haut risque cardiovasculaire sous statines. Les études de phase 3 sont en cours et permettront de confirmer l’efficacité et d’évaluer la tolérance de cette nouvelle classe thérapeutique.

Clinique d’endocrinologie, l’Institut du Thorax, CHU de Nantes, Nantes. 2 Inserm UMR 1087, l’Institut du Thorax, Nantes.

Mots-clés : Récepteur au LDL – LDL cholestérol – anticorps monoclonaux – hypercholestérolémie familiale – statines.

Summary PCSK9 (Proprotein Convertase Subtilisin Kexin type 9) is a secreted protease that modulates cholesterol homeostasis by decreasing LDL receptor (LDLr) expression. PCSK9 gain-of-function mutations are linked to familial autosomal dominant hypercholesterolemia, characterized by elevated plasma concentrations of cholesterol associated to LDL-cholesterol (LDL-C). Conversely, PCSK9 loss-of-function mutations result in low LDL-C levels and protect against coronary heart disease. In the recent years, epidemiological data accumulated, in particular concerning the correlation between plasma PCSK9 concentrations and LDL-C levels. More importantly, new pharmacological strategies aiming for PCSK9 inhibition have arisen during the last year. Notably, phase 2 studies with monoclonal antibodies directed against PCSK9 have led to consistent and promising results in patients with either heterozygous familial hypercholesterolemia or primary hypercholesterolemia with a 50 to 65% reduction of LDL-C levels in association to statin therapy. Phase 3 studies are currently ongoing and will help to position PCSK9 inhibitors in the pharmacological management of hypercholesterolemia.

Key-words: LDL receptor – LDL cholesterol – monoclonal antibodies – familial hypercholesterolemia – statins. Correspondance : Bertrand Cariou Clinique d’endocrinologie Hôpital Guillaume & René Laennec Boulevard Jacques Monod, Saint-Herblain 44093 Nantes Cedex 1 [email protected] © 2013 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

Introduction : l’histoire d’une recherche accélérée par la génétique PCSK9 est un exemple de recherche translationnelle accélérée, avec moins

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de 10 années écoulées entre sa découverte, en 2003, et les premiers essais thérapeutiques avec les anticorps monoclonaux anti-PCSK9, en 2012. PCSK9 est le 9e membre de la famille des proconvertases (PCs) qui sont des

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Dossier thématique Lipides sérines protéases impliquées dans la maturation des peptides. Les PCs activent une multitude de substrats (hormones, neuropeptides...) en les clivant et sont impliquées dans de très nombreux processus biologiques (par exemple, PC1 pour le clivage de la proinsuline en insuline). PCSK9, initialement dénommé NARC-1 (pour Neural Apoptosis-Regulated Convertase-1), a été cloné, en 2003, par le groupe de Nabil Seidah à partir d’une banque d’ADNc issue de neurones en culture primaire en apoptose [1]. Dans le même temps, l’équipe de Catherine Boileau identifiait PCSK9 comme étant le 3e gène impliqué dans l’hypercholestérolémie familiale autosomique dominante (FH) [2]. La même équipe avait précédemment identifié le locus FH3 en 1999, sans réussir à identifier le gène en cause [3]. Quatre ans plus tard, deux mutations « gains de fonction » de PCSK9 (S127R et F216L) ont été retrouvées chez deux familles françaises avec FH. Il faut néanmoins préciser, qu’en France, les mutations de PCSK9 ne sont responsables que de 0,7 % des cas de FH, contre 73,9 % pour le récepteur au LDL (LDLR) et 6,6 % pour l’apolipoprotéine B (apoB) [4]. En parallèle, nous avons réalisées des expériences de cinétique de lipopoprotéines riches en apoB (LDL, VLDL) in vivo chez des patients porteurs de mutations «  gains  » [5] et « perte de fonction » [6] de PCSK9. Ces études démontrent que PCSK9 diminue le catabolisme des LDL [6] et augmente la production hépatique de VLDL [5], même si l’on ne peut pas exclure que certains effets observés soient spécifiques de certaines mutations. Le tournant dans le développement de PCSK9 comme cible potentielle dans le traitement de l’hypercholestérolémie a été la publication, en 2006, que des variants génétiques « perte de fonction » de PCSK9 (Y142X, C679X ou R46L) étaient associés à une baisse de 15 à 28 % du LDL-C et à une diminution de 47 à 88 % de la survenue des événements cardiovasculaires à 15 ans [7]. Cette étude pivot démontrait ainsi que l’inhibition de PCSK9 était à la fois bénéfique et sans danger. En effet, les patients porteurs de ces mutations n’ont pas de pathologie particulière, y compris chez des patients totalement déficients en PCSK9 [6, 8]. Les industriels ont donc cherché à développer des inhibiteurs de PCSK9 afin de

diminuer les concentrations de LDL-C. En 2012, la première étude de phase 1 avec un anticorps monoclonal anti-PCSK9 a été publiée [9] et les phases 3 sont actuellement en cours.

La fonction principale de PCSK9 : un inhibiteur endogène du récepteur au LDL La fonction de PCSK9 a été rapidement élucidée après son clonage [revue in 10], même si des questions demeurent en suspens. PCSK9 est principalement exprimée au niveau du foie, de l’intestin et du rein. PCSK9 subit un autoclivage dans le réticulum endoplasmique, progresse dans le golgi et est finalement sécrétée dans le sang. Contrairement aux prodomaines des autres PCs qui peuvent être à nouveau clivés à distance du site de synthèse de l’enzyme, libérant ainsi leur activité enzymatique, les études de cristallographie démontrent que le prodomaine de PCSK9 reste intact et demeure lié à la protéine, une fois celle-ci sécrétée dans le plasma (figure 1). Ainsi, mis à part ellemême, il n’est pas connu d’autre substrat à PCSK9. Très récemment, il a été

démontré que PCSK9 interagit avec la protéine cargo Sec24A (via le biais d’un récepteur transmembranaire inconnu) pour faciliter son « trafficking » du réticulum endoplasmique vers le golgi [11]. Ce travail ouvre des perspectives intéressantes quant au développement de molécules visant à inhiber la maturation, et donc la sécrétion, de PCSK9. La seule activité biologique clairement reconnue de PCSK9 est celle d’inhiber le LDLR. La surexpression adénovirale de PCSK9 in vivo chez la souris entraine une augmentation des concentrations plasmatiques de cholestérol, liée à une diminution de l’expression hépatique du LDLR [12]. À l’inverse, les souris invalidées pour PCSK9 (PCSK9 KO) ont une diminution de 30 % des taux circulants de cholestérol en rapport avec une augmentation des quantités de LDLR (2,8 fois plus importante que chez les souris sauvages) [13]. Enfin, des expériences de parabiose réalisées chez la souris ont pu démontrer que PCSK9 circulante issue d’une souris transgénique est capable de dégrader le LDLR à distance chez une autre souris receveuse [14]. Des expériences chez la souris montrent qu’au moins 70 % de PCSK9 circulante provient du foie [15]. PCSK9 a une demi-vie courte (5 minutes) et agit très rapidement sur le

Figure 1. Mécanisme d’action de PCSK9. PCSK9 est transcrit et traduit sous forme d’un précurseur inactif : pro-PCSK9. Au cours de son trafficking dans le réticulum endoplasmique, pro-PCSK9 subit un autoclivage en libérant le prodomaine, qui reste néanmoins attaché à la protéine. PCSK9 mature est sécrétée par l’hépatocyte et se lie au récepteur au LDL au niveau de son domaine extracellulaire EGF-A. La liaison de PCSK9 avec le LDLR interrompt son recyclage à la membrane en le dirigeant vers la voie de dégradation lysosomale, contribuant ainsi à l’hypercholestérolémie. Pour plus de détails, voir le texte [Figure adaptée de 10].

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LDLR. PCSK9 agit comme une véritable hormone et module l’expression du LDLR dans d’autres organes, dont l’intestin, le tissu adipeux, l’îlot de Langerhans, les poumons, les reins [10]. Le LDLR des surrénales échappe à l’emprise de PCSK9, sans que les déterminants moléculaires de cette spécificité soient connus [10]. En l’absence de PCSK9, la lipoprotéine LDL, riche en cholestérol, se lie au LDLR via l’apoB et l’ensemble est endocytosé dans l’hépatocyte. Alors que la particule de LDL est orientée vers les lysosomes où ses composants sont métabolisés ou recyclés, le LDLR est redirigé vers la surface de l’hépatocyte pour lier et épurer une nouvelle particule de LDL. Le LDLR peut être ainsi recyclé 150 fois. PCSK9 circulante interrompt ce cycle en se liant au domaine extracellulaire du LDLR, agissant ainsi comme une protéine chaperone. En effet, il est important de préciser ici que l’activité catalytique de PCSK9 n’est pas nécessaire à son action inhibitrice vis-à-vis du LDLR [10]. L’ensemble PCSK9-LDLR est endocytosé, mais au lieu de repartir vers la membrane, le LDLR et PCSK9 sont détruits dans les lysosomes (figure 1). En résumé, plus les concentrations plasmatiques de PCSK9 sont élevées, moins la quantité de LDLR présent à la surface de l’hépatocyte est importante, et plus la cholestérolémie augmente. Dans ce contexte, l’expression de PCSK9 est finement régulée par les concentrations intracellulaires en stérols, tout comme celle du LDLR. Un abaissement de la teneur en stérols, notamment en réponse aux statines qui inhibent la synthèse de cholestérol, se traduit par une augmentation de la synthèse de PCSK9 et du LDLR. Pour rappel, cette induction de l’expression du LDLR est le mécanisme moléculaire de l’effet hypocholestérolémiant des statines. PCSK9 apparait donc comme un frein à l’effet hypocholestérolémiant des statines, et sa neutralisation devrait amplifier leur effet hypocholestérolémiant (figure 2). Cela a pu être démontré à la fois chez les souris PCSK9 KO [13] et chez des patients porteurs de mutations « perte de fonction » de PCSK9 [16] avec une réponse aux statines exacerbée.

Figure 2. Régulation transcriptionnelle de PCSK9. L’expression de PCSK9 est en partie sous le contrôle du facteur de transcription SREBP-2 qui est stimulé en réponse à la déplétion intracellulaire en cholestérol induite par un traitement par statines. Les statines augmentent également la transcription du LDLR via SREBP-2. PCSK9 apparaît donc comme un frein à l’action hypocholestérolémiante des statines.

PCSK9 circulant : un nouveau biomarqueur ? Il est possible de mesurer les concentrations plasmatiques de PCSK9 dans le sang par un test ELISA. De nombreuses études se sont intéressées à la régulation de la sécrétion de PCSK9 chez l’homme en réponse à différents stimuli, physiologiques ou pharmacologiques, et ont établi des corrélations entre PCSK9 et différents paramètres métaboliques [revue in 17]. De façon physiologique, nous avons montré que la concentration de PCSK9 est diminuée au cours du jeûne [18]. Cette régulation peut être, en partie, expliquée par un effet stimulateur de l’insuline [19] et inhibiteur du glucagon [20] sur la transcription de PCSK9. La sécrétion de PCSK9 suit un rythme circadien, avec un pic au petit matin (05h00) et un nadir en début de soirée (18h00-21h00) [18]. Sur le plan nutritionnel, les concentrations de PCSK9 sont augmentées en réponse à un régime riche en fructose [21] et diminuées en réponse aux acides gras polyinsaturés (omega-6) [22]. Sur le plan pharmacologique, les statines et les fibrates augmentent les niveaux circulants de PCSK9 [23], alors que l’ézétimibe est sans effet [24]. Des études sur de grandes cohortes de sujets ont démontré que PCSK9 circulante est positivement corrélée aux concentrations plasmatiques de

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cholestérol total et, surtout, de LDL-C [17, 25]. Des mesures de cinétiques de lipoprotéine in vivo démontrent que PCSK9 est directement et inversement corrélée au catabolisme des LDL. Il est intéressant de noter que cette association est perdue chez les patients diabétiques avec déséquilibre glycémique [26], suggérant que PCSK9 pourrait subir des modifications post-traductionnelles. Les statines augmentant PCSK9 et diminuant, dans le même temps, le LDL-C, la corrélation entre PCSK9 et le LDL-C est perdue chez les patients sous statines. Il est important de noter que les concentrations basales de PCSK9 ne permettent pas de prédire l’efficacité hypocholestérolémiante des statines [27]. Au total, en pratique clinique, l’intérêt de PCSK9 comme biomarqueur du métabolisme des lipoprotéines apparaît limité, du moins actuellement. Il a été observé, dans différentes cohortes, une corrélation positive de PCSK9 (mais plus faible que celle observée avec le LDL-C) avec plusieurs paramètres métaboliques associés à l’insulinorésistance et au syndrome métabolique, comme la glycémie à jeun, l’indice Homeostasis model assessment (HOMA)-IR et les triglycérides plasmatiques à jeun [17, 25]. Les concentrations de PCSK9 sont plus élevées chez les femmes, notamment ménopausées, que chez les hommes [17]. Une étude pilote chez des femmes suivies pour des

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Dossier thématique Lipides inductions d’ovulation en procréation médicalement assistée (PMA) suggère que de fortes concentrations d’estradiol diminuent les concentrations de PCSK9 [28], alors qu’il n’a pas été mis en évidence d’effet du traitement hormonal substitutif (THS) dans les études de cohorte [25].

Quelle stratégie d’inhibition de PCSK9 ? À l’heure actuelle, il existe deux grandes classes d’inhibiteurs de PCSK9 en cours d’évaluation clinique, tous en préparations injectables [17] : - les anticorps monoclonaux ; - les oligonucléotides. Les anticorps monoclonaux ciblent la protéine circulante afin d’empêcher son interaction avec le LDLR et sont, à l’heure actuelle, testés dans des essais cliniques de phase 3. Les oligonucléotides (du type anti-sens, ou SiRNA) entraînent une dégradation de l’ARN messager (ARNm) de PCSK9 ou de sa traduction, et donc la diminution de la synthèse protéique. Ces molécules sont actuellement évaluées dans des essais de phase 1. Il est prématuré de prédire l’efficacité relative de ces deux stratégies, même si les premières données de tolérance sont en faveur des anticorps monoclonaux. L’un des avantages théoriques des SiRNA, ou anti-sens, est qu’ils pourraient également inhiber l’action intracellulaire de PCSK9, qui demeure mal connue. Celle-ci pourrait être révélée, à l’avenir, par la comparaison des effets obtenus avec les anticorps et les oligonucélotides. Une dernière stratégie (conceptuelle pour l’instant) serait de bloquer la maturation et donc la sécrétion de PCSK9, par exemple en inhibant son activité catalytique au niveau intra-cellulaire (figure 3).

Les essais cliniques avec les oligonucéotides : des problèmes de tolérance Deux oligonucléotides anti-sens dirigés contre PCSK9 (développés par ISIS/ Bristol-Myers Squibb et Santaris) ont été arrêtés en cours de développement (phase 1) chez l’homme pour des raisons de toxicité, avec notamment des cas d’insuffisance rénale aigüe.

Figure 3. Les stratégies d’inhibition de PCSK9.

À l’heure actuelle, seuls subsistent en développement des SiRNA anti-PCSK9 (Alnylam) qui ont fait la preuve de leur efficacité chez le singe, avec une diminution des niveaux de PCSK9 circulante et une réduction du LDL-C de 56 %, en moyenne [29]. Un essai de phase 1 a eu lieu chez l’homme avec les SiRNA anti-PCSK9 avec, à la dose maximale, une diminution de 68 % des concentrations de PCSK9 et de 41 % du LDL-C [K. Fitzgerald, communication orale, meeting ATVB, Chicago 2012].

Les anticorps monoclonaux anti-PCSK9 : des résultats très prometteurs En 2012, les résultats des essais de phase 2 obtenues avec deux anticorps monoclonaux anti-PCSK9 (SAR236553/ REGN727 [Sanofi-Regeneron] ; AMG145 [Amgen]) ont été publiés [30-36]. Les principaux résultats en terme d’efficacité sont résumés dans le tableau I. Il s’agit d’études de courte durée, de 8 à 12 semaines, avec comme critère primaire la baisse du LDL-C par rapport à un placebo. Les anticorps monoclonaux sont humanisés à 100 % et la fréquence des injections varie de 2 à 4 semaines. De façon rassurante, les résultats obtenus sont comparables avec les deux molécules. La première population étudiée est celle des patients ayant une hypercholestérolémie familiale hétérozygote et n’atteignant pas la valeur cible de LDL-C de 1,0 g/l, voire 0,7 g/l pour ceux à plus

haut risque cardiovasculaire [30, 33]. Chez ces patients, déjà traités pas des doses maximales tolérées de statine (± ézétimibe), les anticorps anti-PCSK9 entraînent une diminution impressionnante du LDL-C, de 60 %. Quasiment 100 % des patients atteignent l’objectif de LDL-C < 0,7 g/l. L’effet sur le HDL-C est neutre (une légère augmentation, de 5 à 10 %, parfois significative, a été décrite dans certaines études), alors qu’une baisse généralement non significative des triglycérides, d’environ 15 %, est observée. En revanche, fait surprenant et inexpliqué, il a été observé une diminution significative de la lipoprotéine(a) [Lp(a)] d’environ 20 à 30 %, qui pourrait conférer une protection cardiovasculaire supplémentaire. Des résultats similaires ont été observés chez des patients à haut [34] et faible risque cardiovasculaire [31, 32, 35] avec les anticorps anti-PCSK9, seuls [35] ou en association aux statines [31, 32, 34]. Enfin, l’efficacité a été également démontrée chez des patients intolérants aux statines [36]. Il a pu être démontré que l’efficacité hypocholestérolémiante des anticorps est parallèle à la diminution du taux circulant de PCSK9 libre. La tolérance a été très bonne sur ses études de courte durée (i.e. 12 semaines), avec l’absence d’effets indésirables graves. Un seul cas de vascularite leucocytoclasique a été observé dans une étude [31]. Il n’y a pas eu de problème de réaction au niveau du site d’injection.

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Tableau I. Efficacité des anticorps anti-PCSK9 dans les essais cliniques de phase 2. HeFH : hypercholestérolémie familiale autosomique dominante CARACTÉRISTIQUES DE LA POPULATION À l’INCLUSION

EFFICACITÉ (BASELINE)

Antécédents Refs

Stein et al. [30]

POPULATION

HeFH

Age (ans) / Hommes (%)

CHD (%)

53,4 / 60 %

42

AVC Diabète AOMI (%) (%) nd

4

Traitement hypolipémiant

LDL-C (mg/dl)

Statines : 100 % (77 %: fortes doses) Ezétimibe : 71 %

147

BRAS DE TRAITEMENT

HeFH

50 / 53 %

21

nd

nd

Statines fortes doses : 90 % Ezétimibe : 64 %

156

56,7 / 47,5 %

5,5

4,3

12

Atorvastatine 10, 20 ou 40 mg/j

Hypercholestérolémie polygénique

Placebo (n =31) 50 mg/2 sem (n = 30) 100 mg/2 sem (n = 31) 150 mg/2 sem (n = 31) 200 mg/4 sem (n = 30) 300 mg/4 sem (n = 30) 57 / 40 %

3

6

15

Atorvastatine 10 mg/j

Lp(a)

-10,6 % -28,7 % -31,5 % -42,5 % -67,9 %

-6,4 % -20,9 % -20,9 % -28,4 % -50,2 %

+2,2 % +7,8 % +6,5 % +10,0 % +12,3 %

-10,5 % -16,7 % -13,1 % -4,9 % -16,2 %

-3,9 % -10,1 % -7,4 % -15,3 % -23,4 %

+1,1 % -42,7 % -55,2 %

+2,9 % -31,9 % -43,3 %

+2,3 % +10,1 % +9,1 %

+9,4 % +4.1 % -19,1 % -5,6 % -10,4 % -27,4 %

-5,1 % -39,6 % -64,2 % -72,4 % -43,2 % -47,7 %

+2,2 % -27,3 % -48,1 % -56,1 % -28,7 % -33,1 %

-1,0 % +6,7 % +4,1 % +5,5 % +6,3 % +8,5 %

+9,7 % -6,6 % -5,5 % -18,9 % -10,8 % -8,4 %

-17,3 % -66,2 % -73,2 %

-12,0 % -54,4 % -58,0 %

-3,6 % +2,6 % +5,8 %

-11,9 % -2,7 % -34,7 % -4,0 % -24,7 % -31,0 %

123-132 RGN727/SAR236553 Durée ttt : 12 semaines

Faible risque cardiovasculaire

Roth et al. [32]

TG

122

0,0 % -13,3 % -26,1 % -28,6 % -16,7 % -7,9 %

RGN727/SAR236553 Durée ttt : 8 semaines Atorva 80 mg/j + PCB (n = 31) Atorva 10 mg/j +150mg/2 sem (n =31) Atorva 80mg/j +150 mg/2 sem (n =30)

PCSK9 : une nouvelle cible pour le traitement de l’hypercholestérolémie

Hypercholestérolémie polygénique

HDL-C

AMG145 Durée ttt : 12 semaines

Placebo/4 sem (n = 56) 350 mg/4 sem (n = 55) 420 mg/4 sem (n = 56) McKenney et al. [31]

ApoB

RGN727/SAR236553 Durée ttt : 12 semaines

Placebo (n = 15) 150 mg/4 sem (n = 15) 200 mg/4 sem (n = 16) 300 mg/4 sem (n = 15) 150 mg/4 sem (n = 16) Raal et al. (essai RUTHERFORD) [33]

LDL-C

417

418

EFFICACITÉ (BASELINE)

Antécédents Refs

POPULATION

HypercholesGiugliano et al. térolémie (essai polygénique LAPLACEHaut risque TIMI 57) cardiovasculaire [34]

Age (ans) / Hommes (%)

CHD (%)

62,0 / 49 %

30

AVC Diabète AOMI (%) (%) 10

16

Traitement hypolipémiant

LDL-C (mg/dl)

Statines : 99 % (29 % : fortes doses) Ezétimibe : 0 %

125

BRAS DE TRAITEMENT

Hypercholestérolémie polygénique Faible risque cardiovasculaire

50,6 / 34 %

0

0

0,2

Pas de statines

144

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Intolérants aux statines

61,8 / 36,3 %

17

7

nd

Pas de statines

50-60

HDL-C

TG

Lp(a)

-41,8 % -60,2 % -66,1 % -41,8 % -50,0 % -50,3 %

-34,7 % - 50,1 % -56,4 % -34,4 % -40,8 % -42,0 %

+6,9 % +6,6 % +8,1 % +1,6 % +5,5 % +4,5 %

-18,1 % -24,9 % -33,7 % -13,4 % -13,7 % -19,4 %

nd nd nd nd nd nd

-37,3 % -40,2 % -47,2 % -43,6 % -47,7 % -52,5 %

-32,3 % -35,9 % -44,2 % -33,2 % -37,9 % -42,5 %

+4,2 % +7,3 % +10,2 % +3,3 % +4,0 % +5,8 %

-11,3 % -7,4 % -12,0 % -1,7 % -5,3 % -3,3 %

-11,1 % -17,7 % -29,3 % -21,6 % -27,7 % -29,2 %

-40,8 % -42,6 % -50,7 % -63,0 % -14,8 %

-33,6 % -34,3 % -42,1 % -49,1 % -12,2 %

+5,9 % +5,5 % +7,4 % +12,0 % -1,1 %

-18,0 % -19,3 % -14,2 % -9,5 % -5,5 %

-24,3 % -23,6 % -17,4 % -22,8 % -7,5 %

AMG145 Durée ttt : 12 semaines *Résultats ajustés sur placebo 70 mg/2 sem (n = 45) 105 mg/2 sem (n = 46) 140 mg/2 sem (n = 45) 280 mg/4 sem (n = 45) 380 mg/4 sem (n = 45) 420 mg/4 sem (n = 45)

GAUSS [36]

ApoB

AMG145 Durée ttt : 12 semaines *Résultats ajustés sur placebo

70 mg/2 sem (n = 79) 105 mg/2 sem (n = 79) 140 mg/2 sem (n = 78) 280 mg/2 sem (n = 79) 350 mg/4 sem (n = 79) 420 mg/4 sem (n = 80) Koren et al. (essai MENDEL) [35]

LDL-C

AMG145 Durée ttt : 12 semaines 280 mg/4 sem (n = 32) 380 mg/4 sem (n = 31) 420 mg/4 sem (n = 32) 420 mg/4 sem + ézé 10 mg/j (n=30) Placebo + ézé 10 mg/j (n=32)

CHD : maladie coronaire ; AVC : accident vasculaire cérébral ; AOMI : artérite oblitérante des membres inférieurs.

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CARACTÉRISTIQUES DE LA POPULATION À l’INCLUSION

Lipides

Tableau I. suite.

PCSK9 : une nouvelle cible pour le traitement de l’hypercholestérolémie

Les essais de phase 3 sont actuellement en cours, de même que les essais de morbi-mortalité cardiovasculaire qui viennent de débuter. Si ces premiers résultats sont extrêmement encourageants, plusieurs questions demeurent en suspens : - quelles sont les conséquences à long terme de taux très abaissés de LDL-C  (certains patients atteignant des taux < 0,25 g/l) ? ; - quel sera l’effet des inhibiteurs de PCSK9 dans le cadre des dyslipidémies mixtes associées au diabète de type 2 et à l’insulinorésistance (LDL-C « normal », mais LDL petites et denses, HDL-C bas, triglycérides élevés) ? - quelles sont les conséquences de l’inhibition de PCSK9 sur l’homéostasie du glucose et le risque de diabète ? - quelle est l’efficacité à long terme de ces anticorps monoclonaux (développement d’anticorps spécifiques ? même si il s’agit d’anticorps humanisés) ?

PCSK9 : ce qu’il reste à découvrir et comprendre Nous avons vu que l’historique de PCSK9 est un modèle de recherche intégrée centrée autour du paradigme de sa fonction unique d’inhibiteur endogène du LDLR. Néanmoins, le « trafficking » et l’action intracellulaire de PCSK9 demeurent mal connus. De même, les partenaires de PCSK9 restent à être identifiés pour la plupart (seuls l’annexine A2 [37] et Sec24A [11] sont connus). Les données issues

de la génétique chez l’homme sont rassurantes, avec la forte protection cardiovasculaire observée chez les patients porteurs des mutations « perte de fonction » de PCSK9. L’ampleur de la réduction du risque cardiovasculaire observée chez ces patients dépasse celle obtenue dans les essais cliniques avec les statines. L’hypothèse principale est liée au fait que ces patients sont porteurs de concentrations abaissées de LDL-C depuis l’enfance. Néanmoins, on ne peut pas exclure un rôle pléiotrope de PCSK9 sur d’autres facteurs de risque cardiovasculaire. PCSK9 est, notamment, fortement exprimé au niveau de l’intestin, où son rôle est encore mal défini. Notre groupe a démontré que PCSK9 est impliqué dans le contrôle de l’hyperlipidémie post-prandiale chez la souris [38], ainsi que dans le contrôle de l’excrétion transintestinale du cholestérol [39]. Par ailleurs, il est possible que PCSK9 puisse intervenir dans le contrôle de la pression artérielle de part son expression au niveau rénal et compte tenu du fait que les patients porteurs de mutations « perte de fonction » de PCSK9 ont moins d’hypertension artérielle [7]. Dans le cadre du développement clinique des anticorps anti-PCSK9, l’autre question est de savoir quelles pourraient être les conséquences néfastes d’une inhibition prolongée de PCSK9. PCSK9 pourrait agir sur le contrôle de la masse grasse en dégradant le récepteur au VLDL au niveau des adipocytes. Ainsi, les souris PCSK9 KO ont plus de tissu adipeux viscéral que les souris

Les points essentiels • PCSK9 est un inhibiteur endogène du récepteur au LDL (LDLR). • PCSK9 est sécrété par l’hépatocyte et se lie au domaine extracellulaire du LDLR, entraînant sa dégradation dans les lysosomes. • Les mutations « gains de fonction » de PCSK9 sont rares et représentent la 3e cause d’hypercholestérolémie familiale autosomique dominante. • À l’inverse, les mutations « perte de fonction » de PCSK9 sont associées à une baisse des concentrations de LDL-cholestérol (LDL-C) et à une protection cardiovasculaire. • Les anticorps monoclonaux dirigés contre PCSK9 sont la stratégie d’inhibition de PCSK9 la plus prometteuse, avec une baisse du LDL-C d’environ 60 % dans les essais cliniques de phase 2. • La sécurité d’emploi à long terme des inhibiteurs de PCSK9, ainsi que les conséquences d’un abaissement majeur des concentrations de LDL-C (< 0,50 g/l), demeurent à déterminer.

Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2013 - Vol. 7 - N°5

Conclusion L’inhibition de PCSK9 ouvre un nouveau champ dans le domaine de la prise en charge des hypercholestérolémies, en ciblant, de façon spécifique et complémentaire des statines, le LDL-C. Les résultats de phase 2 avec des anticorps monoclonaux sont très encourageants et les études de phase 3 sont déjà en cours. Outre le coût du traitement, l’un des freins théoriques au développement de ces inhibiteurs pourrait être la voie d’administration (injections sous-cutanée), qui constitue un réel changement dans le domaine de la lipidologie. À l’avenir, il est probable que le positionnement des inhibiteurs de PCSK9 dépendra, en partie du moins, des résultats des études de morbi-mortalité en cours avec les nouveaux inhibiteurs de la cholesteryl ester transfer protein (CETP), l’anacétrapib et l’evacétrapib, qui abaissent également le LDL-C, et qui présentent l’avantage d’une prise per os.

sauvages [40]. PCSK9 pourrait également jouer un rôle bénéfique dans le contrôle de l’infection par le virus de l’hépatite C, en diminuant l’expression du récepteur CD81 permettant l’entrée du virus dans l’hépatocyte [41]. Enfin, nous avons démontré récemment que PCSK9 pourrait jouer un rôle dans les états critiques. En effet, les concentrations de PCSK9 sont augmentées chez des polytraumatisés admis en réanimation et PCSK9 apparaît comme un marqueur de mauvais pronostic [42]. Remerciements Bertrand Cariou est titulaire d’un contrat d’interface Inserm pour hospitalier (2009-2014). Déclaration d’intérêt L’auteur déclare des interventions ponctuelles rémunérées : - rapport d’expertise, activités de conseil, conférences en tant qu’orateur pour SanofiRegeneron et Amgen ; - essais cliniques en tant que coordonateur national et/ou investigateur principal pour Sanofi-Regeneron et Amgen.

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