Notre expérience de la PCR dans la détection des bacilles de la tuberculose dans les biopsies cutanées incluses en paraffine

Notre expérience de la PCR dans la détection des bacilles de la tuberculose dans les biopsies cutanées incluses en paraffine

Ann Dermatol Venereol 2006;133:380-5 Lettres à la rédaction Notre expérience de la PCR dans la détection des bacilles de la tuberculose dans les bio...

85KB Sizes 1 Downloads 138 Views

Ann Dermatol Venereol 2006;133:380-5

Lettres à la rédaction

Notre expérience de la PCR dans la détection des bacilles de la tuberculose dans les biopsies cutanées incluses en paraffine D. BACCOUCHE, M. TRIMECHE, S. ZIADI, K. AMARA, H. BRAHAM, S. KORBI

L

a tuberculose est une maladie infectieuse contagieuse, provoquée par le bacille de Koch (BK) ou Mycobacterium tuberculosis dans 99 p. 100 des cas. La localisation cutanée de la tuberculose est très rare. A la variabilité clinique de cette localisation s’ajoute la difficulté du diagnostic histologique, notamment les diagnostics différentiels avec d’autres maladies, infectieuses ou non, qui se manifestent par une réaction granulomateuse. La mise en évidence du BK est alors primordiale pour confirmer le diagnostic. Les colorations spéciales de Ziehl-Neelsen et à l’auramine ne permettent pas dans la plupart des cas de résoudre le problème à cause de leur faible sensibilité. La culture, par contre, est un examen bactériologique performant mais qui se positive après plusieurs semaines. Depuis quelques années la réaction de polymérisation en chaîne (PCR) est devenue un outil utile dans la détection des organismes à croissance lente comme le BK. Cette technique permet la détection rapide de l’ADN mycobactérien directement à partir de prélèvements tissulaires. Le but de notre travail était d’évaluer l’utilité de la PCR dans la détection du BK à partir de biopsies cutanées fixées en formol ou en Bouin et enrobées en paraffine.

Matériel et méthodes Dix-sept biopsies cutanées provenant de 17 patients non immunodéprimés ont été incluses dans cette étude. Le diagnostic de tuberculose cutanée était retenu sur des arguments cliniques, histologiques et thérapeutiques. L’examen bactériologique avec culture avait été pratiqué pour un seul cas et il était négatif. Les patients étaient répartis en 6 hommes et 11 femmes dont la moyenne d’âge était de 45 ans (extrêmes 7-83 ans). Les lésions cutanées étaient classées selon les données cliniques en scrofuloderme dans 7 cas, lupus tuberculeux dans 6 cas, tuberculose verruqueuse dans 2 cas, tuberculose orificielle et lichen scrofulosorum dans respectivement un cas. Une relecture des cas, en microscopie optique après coloration standard à l’hématoxyline-éosine et coloration spéciale de Ziehl-Neelsen et au microscope à fluorescence après coloration à l’auramine, a été effectuée.

L’extraction de l’ADN à partir des biopsies cutanées enrobées en paraffine a été réalisée selon la méthode décrite par Coombs et al. [1]. La présence d’ADN amplifiable a été évaluée par l’amplification d’une séquence de 268 pb dans le gène de b-globine [2]. Les biopsies PCR b-globine négatives ont été exclues de l’étude de l’ADN mycobactérien par PCR. La recherche de l’ADN mycobactérien a été effectuée par PCR en utilisant un couple d’amorces (sens : 5’-CCTGCGAGCGTAGGCGTCGG-3’ ; anti-sens : 5’-CTCGTCCAGCGC CGCTTCGG-3’) visant l’amplification d’un fragment d’ADN de 123 pb localisée dans la séquence d’insertion IS6110 spécifique des bacilles de la tuberculose (Mycobacterium tuberculosis, M. bovis, M. bovis BCG, M. africanum, M. microti) [3]. La synthèse des amorces a été effectuée chez Qbiogene (Illkirch, France). Le milieu d’amplification est préparé avec précaution et stérilement. Il contient pour chaque cas à analyser et pour un volume final de 50 µl, 200 ng d’extrait d’ADN, 200 µM de chaque dNTP (dATP, dCTP, dGTP et dTTP), 0,8 µM de chaque amorce oligonucléotidique, 0,8 U de Taq polymérase (Roche Molecular Biochemicals, Mannheim, Allemagne) et 1x tampon PCR. Le tampon PCR 1x contient le Tris-HCl à 10 mM; KCl à 50 mM et le MgCl2 à 1,5 mM (pH 8,3). L’amplification de l’ADN a été effectuée dans un thermocycleur (PTC200 DNA Engine, MJ Research, Inc., Waterdown, Massachusetts, Etats-Unis). Les réactions d’amplifications démarrent par une étape de dénaturation de 4 minutes à 93°C, suivie de 40 cycles de dénaturation à 94°C pendant 30 secondes, d’hybridation à 60°C pendant 1 minute et d’élongation à 72°C pendant 1 minute. Une dernière étape de 7 minutes à 72°C est aussi incluse ; elle permet à la Taq polymérase d’arriver au terme de la synthèse des fragments d’ADN double brin. Les produits d’amplification par PCR ont été analysés par électrophorèse sur gel d’agarose à 2 p. 100 contenant le bromure d’éthidium à 5 µl/ml et photographiés sous UV avec le système Gel Doc 2000 (BioRad Laboratories, Marnes-la-Coquette, France). Pour chaque série d’amplification, un témoin positif (ADN extrait d’une culture positive à M. tuberculosis) et un témoin négatif (eau distillée stérile) sont inclus.

Résultats Laboratoire d’Anatomie et de Cytologie Pathologiques, CHU Farhat-Hached, Sousse 4000, Tunisie. Tirés à part : S. KORBI, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected]

A l’étude histologique, un granulome tuberculoïde était présent dans 54 p. 100 des cas. Une nécrose caséeuse était associée dans 31,6 p.100 des cas réalisant des granulomes tuber383

Ann Dermatol Venereol 2006;133:380-5

Lettres à la rédaction

Tableau I. – Répartition de la positivité de la PCR b-globine et de la détection des bacilles de la tuberculose par PCR IS6110 selon la forme clinique de tuberculose. Forme clinique Scrofuloderme Lupus tuberculeux Tuberculose verruqueuse Tuberculose orificielle Lichen scrofulosorum Total

Nombre de cas

PCR b-globine +

PCR IS6110 +

7 6 2 1 1 17

6 4 1 1 1 13

1 2 0 0 1 4/13 (30,7 %)

culeux. Les colorations de Ziehl-Neelsen et à l’auramine étaient négatives dans tous les cas. Parmi les 17 biopsies testées, 13 étaient PCR b-globine positives. Parmi ces dernières, 4 (30,7 p. 100) étaient PCR BK positives. Il s’agissait d’un lupus tuberculeux dans 2 cas, d’un scrofuloderme et d’un lichen scrofulosorum dans respectivement un cas (tableau I), (fig. 1). Les 4 cas PCR BK positifs concernait des femmes âgées de 19 à 80 ans.

Discussion La PCR utilisée dans cette étude consistait en une amplification de la séquence d’insertion IS6110. La spécificité et la nature répétitive de cette séquence font d’elle une cible idéale pour l’amplification par PCR. Dans notre série, cette technique a permis la détection de l’ADN du BK dans 30,7 p. 100 des cas de biopsies cutanées PCR b-globine positives dans lesquelles la recherche de bacilles acido-alcoolo-résistants

par colorations de Ziehl-Neelsen et à l’auramine était négative. Il s’agissait d’un lupus tuberculeux dans 2 cas, d’un scrofuloderm et d’un lichen scrofulosorum dans respectivement un cas. De nombreux auteurs ont utilisé la PCR dans la détection de l’ADN de M. tuberculosis dans des biopsies cutanées fixées en formol et enrobées en paraffine. Le taux de positivité de cette technique variait de 0,4 à 77 p. 100 des cas selon les séries. Dans l’étude de Senturk et al. [4] le complexe mycobactérien était identifié dans un cas de lupus tuberculeux parmi 32 spécimens différents testés. Margall et al. [5] ont même noté une sensibilité supérieure de la PCR par rapport à la culture (90 p. 100 versus 65 p. 100). La variabilité importante du taux de positivité notée entre les séries pourrait être expliquée par des différences concernant le type de matériel testé (frais, congelé ou fixé en formol ou en Bouin, inclus en paraffine), le type de PCR utilisé et les formes cliniques de tuberculose étudiées. De nombreuses causes de faux négatifs de la PCR sont possibles. Ils peuvent être secondaires à une quantité trop faible de matériel tissulaire utilisé, à l’utilisation de fixateurs non adaptés, à la présence d’inhibiteurs dans les tissus ou à une dégradation de l’ADN dans les tissus d’archive [6]. En effet, la dégradation de l’ADN augmente avec la durée de conservation des tissus en paraffine, réduisant significativement l’amplification par PCR après un délai de 5 ans. La positivité de la PCR semble être également influencée par l’état immunitaire de l’hôte. En effet, Tan et al. [7] ont appliqué cette technique à des sujets immunodéprimés, la PCR était positive dans tous les cas où la recherche de bacilles acido-alcoolo-résistants à l’étude histologique était aussi positive. En effet, sur des terrains immunodéprimés, l’étude histologique suffit généralement pour porter le diagnostic. La PCR apporte l’avantage d’un diagnostic plus rapi-

Fig. 1. Electrophorèse sur gel d’agarose à 2 p. 100 des produits d’amplification par PCR IS6110 visant la détection des bacilles de la tuberculose. M : marqueur de taille moléculaire à 100 paires de bases. 3, 5 : cas positifs. 1, 2, 4 : cas négatifs. T+ : Témoin positif (ADN extrait d’une culture positive à Mycobacterium tuberculosis). T- : Témoin négatif.

384

Ann Dermatol Venereol 2006;133:380-5

Lettres à la rédaction

de et permet de distinguer la tuberculose commune des autres mycobactérioses fréquentes sur ce terrain. La technique de PCR sur de l’ADN extrait à partir de coupes tissulaires déparaffinées possède l’avantage de sa rapidité permettant de déceler la présence de mycobactéries en 24 à 48 heures. Elle rend possible également le diagnostic d’espèce grâce à l’utilisation d’amorces spécifiques [8]. Plusieurs variantes de PCR ont été utilisées pour la détection de l’ADN mycobactérien. La PCR « nichée » étant la plus spécifique et la plus sensible, mais sa réalisation est plus difficile avec un risque accru de contamination et de faux positifs. Par ailleurs, en plus de la technique basée sur l’amplification de la séquence d’insertion IS6110 d’autres procédures basées sur l’amplification de séquences au niveau du gène codant la protéine HSP ainsi que du gène mtp40 ont été utilisées et seraient moins sensibles que la première [9].

Conclusion La PCR sur coupes déparaffinées permet un diagnostic simple et rapide de tuberculose cutanée à condition de respecter les différentes précautions méthodologiques. Elle est d’un grand intérêt surtout dans les formes paucibacillaires de tuberculose et dans les tuberculides. Cependant, elle reste une méthode relativement onéreuse et qui ne peut remplacer la culture, méthode de référence, qui seule autorise l’étude de la sensibilité aux antibiotiques.

Références 1. Coombs NJ, Gaugh AC, Primrose NJ. Optimisation of DNA and RNA extraction from archival formalin-fixed tissue. Nucleic Acids Research 1999;27:e12. 2. Saiki RK, Scharf S, Faloona F, Mullis KB, Horn GT, Erlich HA, et al. Enzymatic amplification of beta-globin genomic sequences and restriction site analysis for diagnosis of sickle cell anemia. Science 1985;230:1350-4. 3. Eisenach KD, Crowford JT, Bates JH. Repetitive DNA sequences as probes for Mycobacterium tuberculosis. J Clin Microbiol 1990;26:2240-45. 4. Senturk N, Sahin S, Kocagoz T. Polymerase chain reaction in cutaneous tuberculosis: is it a reliable diagnostic method in paraffin-embedded tissues? Int J Dermatol 2002;41:863-6. 5. Margall N, Baselga E, Coll P, Barnadas MA, de Moragas JM, Prats G. Detection of Mycobacterium tuberculosis complex DNA by the polymerase chain reaction for rapid diagnosis of cutaneous tuberculosis. Br J Dermatol 1996;135:231-6. 6. Hofman V, Selva E, Landraud L, Sicard D, Venissac N, Castillo L, et al. Apport des technique d’amplification par PCR réalisées à partir de coupes tissulaires déparaffinées pour le diagnostic d’infection à Mycobacterium tuberculosis. Ann Pathol 2003;23:206-15. 7. Tan SH, Tan BH, Goh CL, Tan KC, Tan MF, Ng WC, Tan WC. Detection of Mycobacterium tuberculosis DNA using polymerase chain reaction in cutaneous tuberculosis and tuberculids. Int J Dermatol 1999;38:122-7. 8. Cook SM, Bartos RE, Pierson CL, Frank TS. Detection and characterization of atypical mycobacteria by the polymerase chain reaction. Diagn Mol Pathol 1994;3:53-8. 9. Gori A, Franzetti F, Marchetti G, Catozzi L, Corbellino M. Specific detection of Mycobacterium tuberculosis by mtp40 nested PCR. J Clin Microbiol 1996;34:2866-7.

385