Cancer/Radiothérapie 17 (2013) 543–548
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Mise au point
Obésité et irradiation : difficultés techniques, toxicité et efficacité Obesity and radiation: Technical difficulties, toxicity and efficacy B. Pichon a,∗ , S. Thureau b , G. Delpon a , I. Barillot c , M.A. Mahé a a
Service de radiothérapie, institut de cancérologie de l’Ouest René-Gauducheau, boulevard Jacques-Monod, 44805 Saint-Herblain, France QuantIf-Litis (EA4108), UFR de médecine - pharmacie, département de radiothérapie et de physique médicale, centre Henri-Becquerel, université de Rouen, 76038 Rouen, France c Service de radiothérapie, hôpital Bretonneau, centre régional universitaire de cancérologie HS-Kaplan, CHU de Tours, 37044 Tours, France b
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Rec¸u le 13 juin 2013 Accepté le 18 juin 2013 Mots clés : Obésité Surpoids IMC Toxicité Irradiation Radiothérapie Repositionnement Efficacité
r é s u m é Le nombre de patients atteints d’obésité est en augmentation en France depuis deux décennies, avec des conséquences sur l’incidence de nombreux cancers. L’obésité a un impact sur la prise en charge des cancers par radiothérapie, du fait des contraintes matérielles, techniques et dosimétriques qu’elle implique, ainsi que sur la toxicité aiguë et tardive, le contrôle local et la survie des patients. © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
a b s t r a c t Keywords: Obesity Overweight BMI Toxicity Radiation therapy Repositioning Efficiency
The number of obese patients has increased in France over the last two decades, which has had an impact on the incidence of numerous types of cancer. The treatment of cancer by radiotherapy is impacted by obesity as a result of the physical, technical and dosimetric constraints, the acute and late toxicity, local control and the survival of patients. © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction La surcharge pondérale est un problème majeur de santé publique dans les pays occidentaux avec notamment, en France, 22 millions de personnes en surpoids ou obèses [1]. Son augmentation est constante depuis les années 1990. Son rôle en tant que facteur de risque au développement de cancers a déjà été montré [2]. L’objectif de cet article est d’exposer les contraintes du traitement par irradiation externe chez des patients obèses puis, de
∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (B. Pichon).
décrire les conséquences de l’obésité sur la toxicité et l’efficacité de la radiothérapie selon le type de cancer. 1.1. Définitions 1.1.1. Indice de masse corporelle L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit le surpoids et l’obésité comme une « accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle qui peut nuire à la santé ». L’indice de masse corporelle (IMC) ou indice de Quetelet, a été défini comme standard par l’OMS en 1997 pour estimer le surpoids et l’obésité chez l’adulte de 18 ans et plus. Il correspond à la masse divisée par le carré de la taille, exprimé en kg/m2 . Il est d’interprétation difficile chez les personnes à forte musculature, à densité osseuse importante et
1278-3218/$ – see front matter © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2013.06.034
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chez les personnes naines ou de grande taille. Il permet de classer les individus en grandes classes par intervalles standard d’IMC (Tableau 1). 1.1.2. Épidémiologie L’obésité a été en constante augmentation en France chez l’homme et la femme de 1997 à 2012. En 2012, on estime que 32,3 % des Franc¸ais adultes étaient en surpoids et que 15 % étaient obèses (Tableau 2), soit environ 6 922 000 personnes [1]. L’IMC moyen a été évalué à 25,4 kg/m2 , soit au-dessus de l’intervalle de normalité de l’IMC. 1.2. Relations entre surcharge pondérale et cancers De nombreuses études ont démontré que le surpoids et l’obésité avaient une influence sur la survenue de cancers [3]. 1.2.1. Cancer de la prostate Dans l’étude de Zilli et al., les patients ayant une augmentation du tissu adipeux sous-cutané et du tissu adipeux abdominal viscéral avaient un cancer de prostate de risque plus élevé. Un tissu adipeux sous-cutané plus important était également associé à un score de Gleason supérieur (p = 0,030) [4]. 1.2.2. Cancer du sein Le risque de cancer du sein chez la femme ménopausée obèse ou en surpoids augmente significativement avec la surcharge pondérale [5]. Dans une étude prospective de cohorte portant sur 1,2 millions de femmes britanniques recrutées de 1996 à 2001, 5629 patientes ménopausées atteintes de cancer du sein ont été répertoriées. Le risque relatif de cancer du sein augmentait proportionnellement avec le degré d’excès pondéral, passant de 1,00 dans le groupe référence avec un IMC inférieur à 25 kg/m2 , à 1,21 en cas d’IMC entre 27,5 et 29,5 kg/m2 (intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,13–1,29), et à 1,29 (IC 95 % : 1,22–1,36) en cas d’obésité [3]. Ainsi, le risque relatif de cancer du sein pour une augmentation de l’IMC de dix unités était de 1,40 (IC 95 % : 1,31–1,49) [5]. À signaler que chez la femme non ménopausée, un IMC élevé n’était pas lié à un risque accru de cancer du sein. Une méta-analyse récente a montré que l’obésité, lors du diagnostic d’un cancer du sein, était associée à une augmentation très significative du risque de second cancer : entre 37 et 40 % pour le Tableau 1 Classification selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) par intervalle standard d’indice de masse corporelle (IMC). WHO classification based on standard BMI intervals. IMC (kg/m2 )
Classification OMS
Entre 18,5 et 24,9 Entre 25 et 29,9 Entre 30 et 34,9 Entre 35 et 39,9 Supérieur à 40
Normal Surpoids Obésité modérée Obésité sévère Obésité morbide
Classification OMS
Pourcentage de la population franc¸aise
Entre 25 et 30 Entre 30 et 35 Entre 35 et 40 Supérieur à 40
Surpoids Obésité modérée Obésité sévère Obésité morbide
32,3 10,7 3,1 1,2
1.2.3. Cancer colorectal Selon une méta-analyse de 56 études portant sur plus de sept millions de personnes, le risque de cancer colorectal augmentait significativement avec la surcharge pondérale. Par rapport aux individus ayant un IMC inférieur à 23,0 kg/m2 , ceux ayant un IMC compris entre 23 et 24,9 avaient une augmentation du risque de cancer colorectal de 14 %, ceux avec un IMC compris entre 25,0 et 27,4 de 24 % et ceux avec un IMC supérieur à 30,0 kg/m2 de 41 %. L’impact de l’augmentation de l’IMC par rapport à l’incidence du cancer était plus marqué chez l’homme que chez la femme et pour le cancer colique que pour le cancer rectal [6]. 1.2.4. Cancer de l’endomètre Le cancer de l’endomètre semble être le cancer le plus influencé par le surpoids. Selon une méta-analyse rassemblant 24 études et plus de 17 000 cas, les risques relatifs de cancer de l’endomètre, par comparaison à une population ayant un IMC normal, étaient respectivement de 1,22 (1,19–1,24), 2,09 (1,94–2,26), 4,36 (3,75–5,10), et 9,11 (7,26–11,51) pour des IMC de 32, 37, et 42 kg/m2 [7]. 1.2.5. Adénocarcinome œsophagien Il a été démontré que l’augmentation de l’incidence de l’adénocarcinome de l’œsophage chez les patients occidentaux était liée à la modification du mode de vie et à l’augmentation de l’incidence de l’obésité. Les personnes en surpoids (IMC de plus de 25 kg/m2 ) avaient une augmentation de risque de développer un cancer de l’œsophage de 2,2 chez les hommes (odd ratio [OR] = 2,2 ; IC 95 % 1,7–2,7) et de 2,0 chez les femmes (OR = 2,0 ; IC 95 % 1,4–2,9) [8]. En revanche, pour les carcinomes épidermoïdes, c’est l’IMC bas qui est associé à une fréquence accrue de cancer dont les facteurs de risque connus sont principalement l’intoxication alcoolo-tabagique [9]. 1.2.6. Autres cancers L’impact de l’IMC sur la fréquence de nombreux autres cancers a été démontré comme pour les cancers du rein, du pancréas ou de la vésicule biliaire [3,10,11]. Cette relation a également été mise en évidence pour les cancers hématologiques : lymphomes, myélomes et leucémies [12]. 2. Impact de l’obésité sur la prise en charge des patients en radiothérapie Le surpoids et les modifications morphologiques des patients obèses peuvent entraîner des difficultés techniques diverses. 2.1. Tables et supports
Tableau 2 Épidémiologie de l’obésité en France en 2012, d’après [1]. Epidemiology of obesity in France in 2012. IMC (kg/m2 )
cancer du sein, 96 % pour le cancer de l’endomètre et 89 % pour le cancer colorectal [5].
Nombres de personnes en France 14 807 123 4 937 846 1 434 259 550 110
IMC : indice de masse corporelle ; OMS : Organisation mondiale de la santé.
L’obésité morbide peut constituer un facteur limitant majeur de prise en charge dans certains centres de radiothérapie en fonction des équipements disponibles. Le poids maximum supporté par les tables de tomodensitométries (TDM) et de traitement varie de 135 à 200 kg, ce qui représente une différence de plus de 30 % selon les fabricants. Le Tableau 3 présente les données constructeurs de quelques machines utilisées en radiothérapie. Les supports doivent avoir une flèche (delta de l’inclinaison entre table avancée en butée maximale et table reculée en butée minimale) la plus faible possible pour permettre un traitement optimal du patient obèse en bout de table. Les mesures sont effectuées à l’isocentre et à 20 cm de part et d’autre de l’isocentre dans le sens longitudinal. L’écart entre les hauteurs du plateau de table ne doit pas excéder 5 mm lorsque le plateau, supportant une charge de 50 kg placée à l’extrémité de la table en direction du bras, est
B. Pichon et al. / Cancer/Radiothérapie 17 (2013) 543–548 Tableau 3 Performance/rigidité des tables et supports de quelques appareils utilisés à l’institut de cancérologie de l’Ouest (ICO Nantes). Data of the performance/rigidity of tables and supports of various devices used at the ICO Nantes. Appareils (constructeur)
Clinac® 2100 (Varian Medical Systems) Novalis® (Brainlab) Saturne 41 (GE Healthcare) SL 10 (Elekta) SL 25 (Elekta) TomoTherapy® (Accuray® ) TDM (GE Healthcare)
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cutané, induit par l’utilisation de photons de haute énergie, impose dans certains cas l’utilisation de bolus compensateurs afin de palier à ce phénomène physique potentiellement pourvoyeur de récidive locale.
Masses supportées (kg) Table reculée (butée minimale)
Table avancée (butée maximale)
180
135
135 135 200 200 200 200
88 100 100
déplacé longitudinalement sur toute sa course. À titre d’exemple, la flèche est de 3,5 mm sur un accélérateur Novalis® , côté tête du plateau, et de 1 mm, côté pied du plateau. Pour un accélérateur de type Clinac® , la flèche est de 3,5 mm côté tête du plateau, et de 0,5 mm côté pied du plateau. La rigidité et l’horizontalité du plateau conditionnent la précision du repérage de la balistique sur la peau du patient. Les constructeurs ont su s’adapter, au fil des ans, pour créer des supports résistants, afin de supporter des personnes obèses de plus de 150 kg, tout en limitant l’absorption des rayonnements lors des incidences postérieures. Certains systèmes de planification des traitements permettent d’intégrer le plateau de table et ainsi de prendre en compte cette absorption dans le calcul de la distribution de la dose. Par ailleurs, l’utilisation de scanographes dédiés à la radiothérapie avec de larges anneaux permet de simplifier la mise en place des patients obèses, notamment pour l’irradiation des cancers du sein. 2.2. Dosimétrie Le choix du rayonnement est primordial chez les personnes en surpoids ou obèses pour permettre une bonne distribution de dose du volume cible. Le tissu adipeux, plus important que chez des individus sans surcharge pondérale, modifie les concepts habituels utilisés en dosimétrie. 2.2.1. Photons Quand l’énergie des photons augmente, la dose à la peau (Ds) diminue et la profondeur du maximum de dose (Zmax) augmente. Le rendement en profondeur du 50 % de dose (R50) augmente également et c’est pourquoi les photons de haute énergie, de 15 à 23 MV, sont habituellement utilisés pour traiter les tumeurs profondes abdominopelviennes. L’emploi de faisceaux multiples et de la radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI) permet de s’affranchir de ces photons de haute énergie, malgré une grande épaisseur de tissus traversés, avec des isodoses élevées en profondeur et faibles en superficie. Pour une irradiation de glande mammaire, chez les patientes obèses à fort volume mammaire, l’utilisation de photons de plus de 10 MV est souvent nécessaire pour couvrir la totalité de la glande mammaire, notamment en son centre afin de palier à l’hétérogénéité de doses et d’éviter des zones de surdosage, mais au prix d’un « sous-dosage » sous-cutané qui pourra être préjudiciable. Ainsi, chez ce type de patientes, certains centres utilisent une RCMI qui permet d’obtenir une meilleure homogénéisation de la dose et de s’affranchir des photons de haute énergie [13]. Le « sous-dosage »
2.2.2. Électrons Le rendement en profondeur des rayonnements par électrons est différent de celui des photons. Quand l’énergie des électrons augmente, la Ds augmente, la profondeur du maximum de dose (R100) et du parcours thérapeutique (R85) augmentent. La pénétration du tissu sous-cutané par des électrons de haute énergie se fait donc au détriment d’une augmentation de la dose à la peau, et potentiellement de la toxicité cutanée aiguë et tardive. 2.3. Repositionnement Les techniques de repositionnement sont désormais plus performantes avec le développement de la radiothérapie guidée par l’image et des différents systèmes d’imagerie en salle de traitement [14]. L’avènement de ces nouvelles technologies a été étudié pour le repositionnement des patients obèses ou en surpoids. Nous présentons ici les résultats de deux cancers pelviens, chez l’homme et la femme. 2.3.1. Cancer de la prostate Selon les études, des données discordantes sont retrouvées concernant les mesures de décalage lors du repositionnement par l’imagerie embraquée en cas de traitement de patients obèses atteints de cancer de la prostate. En effet, une étude a analysé la relation entre l’IMC et le déplacement pendant la fraction après mesures des déplacements à partir d’images réalisées avant et après les traitements chez des patients bénéficiant d’une radiothérapie de prostate guidée par l’image. Les résultats indiquent que les patients avec un IMC plus élevé avaient moins de déplacements crâniocaudaux que ceux avec un IMC plus faible [15]. Une autre étude a analysé ces mêmes déplacements prostatiques pendant les fractions après positionnement précis à l’aide de transpondeurs radiofréquences implantées en fonction de l’IMC. Les résultats n’étaient pas significativement différents dans les quatre dimensions mais il y avait une tendance à un déplacement plus petit chez les hommes obèses [16]. Wong et al. se sont intéressés à 1870 scanographies dosimétriques préthérapeutiques et aux mesures du décalage lors du repositionnement pour 329 patients atteints de cancer de prostate [17]. Il y avait chez les patients en surpoids un décalage antéropostérieur statistiquement plus grand que dans le groupe témoin et le sous-groupe des patients obèses (p < 0,05). Par ailleurs, le déplacement latéral entre les fractions chez les patients du sous-groupe des patients obèses était significativement plus grand que chez ceux du groupe contrôle et du groupe des patient en surpoids (p < 0,001). En revanche, une étude rétrospective s’est intéressée à 117 patients ayant rec¸u une irradiation guidée par l’image pour un cancer de prostate et de fortes corrélations ont été observées entre l’épaisseur du tissu adipeux sous-cutané, l’IMC, la masse du patient et les écarts-types des déplacements quotidiens vers la gauche ou la droite (p < 0,01) [18]. Cela peut même expliquer pour Wong et al. le taux de récidive plus élevé en cas de radiothérapie externe classique, le volume cible n’ayant certainement pas rec¸u la dose prévue, en l’absence de correction du positionnement pertinent sans guidage par l’image, en particulier chez des patients obèses. L’imagerie portale électronique quotidienne conjuguée à l’implantation de repères fiduciels d’or améliore considérablement la précision de la radiothérapie externe chez les patients atteints d’une obésité morbide et d’un cancer de prostate [19]. Les erreurs d’installation observées semblent être la principale cause d’erreur
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de positionnement chez les hommes obèses plutôt que le mouvement des organes. Même si ces résultats semblent discordants, ils démontrent la difficulté de repositionnement des patients traités pour des tumeurs pelviennes, notamment en cas d’obésité, et la nécessité d’associer à la radiothérapie pelvienne une imagerie de repositionnement tumoral de préférence. 2.3.2. Cancer de l’endomètre Lin et al. ont montré, après analyse de plus de 700 images de basse énergie (kV) chez des patientes traitées pour un cancer de l’endomètre par irradiation conformationnelle avec modulation d’intensité avec guidage quotidien par l’image, que les erreurs systématiques étaient plus élevées chez les patientes obèses [20]. Les auteurs concluaient que pour les femmes avec un IMC normal ou en surpoids des marges de 7 à 10 mm suffisaient lors d’un traitement sans guidage par l’image, mais que pour les patientes obèses, ces marges étaient insuffisantes. 3. Toxicité Pour de nombreuses localisations, l’obésité semble avoir un impact sur la toxicité aiguë et tardive de la radiothérapie. 3.1. Cancer de la prostate Comme pour le repositionnement, les résultats sont discordants en termes de toxicité pour le cancer de la prostate. Une étude de Dieperink et al. a montré une association significative négative entre obésité et effets secondaires de la radiothérapie pour un cancer de la prostate. L’obésité sévère avait un impact négatif significatif sur la qualité de vie mesurée par questionnaires d’auto-évaluation chez 317 patients traités par irradiation conformationnelle et privation androgénique. L’obésité sévère était également prédictive d’incontinence urinaire, modérée à sévère [21]. Dans une étude rétrospective comprenant 440 patients, traités par irradiation pour un cancer de la prostate, les symptômes pelviens tardifs telles que rectorragies (p < 0,01) et la nycturie (p < 0,05) étaient plus importants chez les personnes en surpoids, par rapport à ceux avec un poids normal ou bas. La cohorte comprenait 63,3 % d’hommes avec un IMC supérieur à 25 kg/m2 [22]. 3.2. Cancer du sein Pour Bentzen et Dische, l’âge des patientes et l’obésité sont les seuls facteurs reconnus comme ayant une relation avec la morbidité liée à la radiothérapie chez des patientes traitées pour un cancer du sein. En effet, il existe selon les auteurs un lien entre obésité et risque de lymphœdème en cas d’irradiation axillaire [23]. Lors d’une radiothérapie hypofractionnée de 42,56 Gy par fractions de 2,66 Gy, le volume mammaire a été le seul facteur significativement associé à une desquamation humide après analyse multifactorielle (p = 0,01) dans une étude de Corbin et al. [24]. Il a été observé chez les patientes avec un volume mammaire de plus de 2500 mL une desquamation humide dans 27,2 % des cas contre 6,34 % si le volume mammaire était inférieur à 2500 mL, et ce, dans une population comptant 78,7 % de patientes en surpoids ou obèses. À noter que pour Corbin et al. il n’y avait pas de contre-indication à réaliser un traitement hypofractionné chez les patientes obèses et à poitrine volumineuse par rapport à un traitement classique du fait de l’absence d’augmentation significative de la toxicité aiguë, quel que soit le fractionnement [24].
3.3. Cancer rectal Dans un essai randomisé comprenant une cohorte de près de 1700 patients atteints de cancer du rectum de stade II ou III qui ont rec¸u une chimioradiothérapie adjuvante à base de 5-fluorouracile, les patients obèses avaient un taux significativement plus faible de leucopénie, neutropénie et stomatite de grade 3 ou 4 et un taux plus faible de toute autre toxicité de grade 3 ou plus en comparaison aux personnes de poids normal [25]. Il est à noter que les doses de chimiothérapie étaient rapportées à la surface corporelle du patient sans notion d’adaptation à partir d’un certain poids. 3.4. Cancers bronchopulmonaires Dans une étude rétrospective comprenant 262 patients atteints de cancer bronchique à petites cellules confirmé histologiquement et traité par une association de chimiothérapie et de radiothérapie, il n’y avait pas d’association significative entre l’IMC ou les niveaux d’IMC et la toxicité du traitement. Lorsque la survie a été évaluée, aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre la survie des patients et l’IMC [26]. Une étude a évalué la toxicité chez 265 patients traités par irradiation stéréotaxique de 50 Gy en quatre séances de 12,5 Gy pour des tumeurs pulmonaires à moins de 2,5 cm de la paroi thoracique. L’IMC a été fortement associé au développement d’une douleur thoracique. Parmi les patients ayant un IMC de 29 kg/m2 ou plus, 27 % souffraient d’une douleur de la paroi thoracique contre 13 % chez ceux ayant un IMC inférieur (OR : 2,45 IC 95 % : 1,24–4,84 ; p = 0,01). L’IMC médian pour les patients sans douleur était de 26,3 kg/m2 contre 28,3 pour les patients souffrant de douleur (p = 0,03) [27]. 3.5. Cancer de la tête et du cou Dans le cadre d’un essai randomisé, Meyer et al. ont étudié les facteurs prédictifs de toxicité aiguë et tardive dans une cohorte de 540 patients traités par irradiation externe pour des cancers localisés de la tête et du cou. Quatre facteurs prédictifs indépendants de toxicité aiguë sévère ont été identifiés : le sexe féminin, l’indice de Karnofsky, le stade TNM et l’IMC. Les patients en surpoids avaient significativement plus de risque (OR : 1,88 ; IC 95 % : 1,22 à 2,90) de développer une toxicité aiguë de stade 3 ou 4 que les patients avec un IMC inférieur à 25 kg/m2 [28]. Deux facteurs prédictifs indépendants ont été trouvés pour la toxicité tardive sévère : le sexe féminin et la perte de poids pendant le traitement. L’obésité ou la surcharge pondérale n’étaient pas directement liées à la toxicité tardive. En revanche, un IMC supérieur à 25 kg/m2 permet d’avoir moins significativement recours à une gastrostomie percutanée que pour les patients avec un IMC normal ou bas (OR : 4,13 ; IC 95 % : 1,03–12,09 ; p = 0,014) [29]. 3.6. Cancer de l’endomètre Pour le cancer de l’endomètre, l’augmentation de l’IMC était significativement associée à une moindre toxicité gastrointestinale (R −0,21, p = 0,004) mais à une toxicité cutanée plus importante (R 0,18, p = 0,016) dans un essai clinique randomisé chez des patientes traitées par chirurgie avec ou sans radiothérapie adjuvante [30]. Cette différence de toxicité peut s’expliquer par l’interpolation de graisse entre le volume cible et les anses digestives.
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3.7. Cancer du col de l’utérus
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Des résultats similaires à ceux du cancer de l’endomètre ont été retrouvés pour le cancer du col de l’utérus dans une étude s’intéressant à des patientes atteintes d’une tumeur localement évoluée. En effet, les patientes par comparaison à celles avec un IMC inférieur à 18,5 kg/m2 . Les taux d’entérite radique étaient respectivement de 13,6 % et 16,7 % (p = 0,03), ceux de fistule rectovaginales ou vésicovaginale de 8,8 % et 11,1 % (p = 0,05), ceux d’obstruction colique de 4,4 % et33,3 % (p < 0,01) et ceux de lymphœdème de 1,2 % et 5,6 % (p = 0,02) [31].
atteints de cancer de la tête et du cou traité par irradiation à visée curative à 60 Gy ou plus [35]. Cependant, chez les patients avec un IMC avant le traitement de plus de 25 kg/m2 , les probabilités de survie spécifique du cancer, de survie globale et de survie sans diffusion métastatique étaient augmentées dans le groupe avec la perte de poids la plus faible durant la radiothérapie. Dans l’étude de McRackan et al. les patients, avec un IMC de plus de 25 kg/m2 avaient une survie globale significativement plus longue (hazard ratio [HR] : 4,4 ; IC 95 % : 1,2–15,9 p = 0,026) et une récidive plus tardive (HR : 3,6 ; IC 95 % : 1,04–12,06 ; p = 0,043) que ceux avec un IMC normal ou bas (IMC de 25 kg/m2 ou moins) [29].
4. Efficacité
4.5. Cancer de l’œsophage
L’impact du surpoids et de l’obésité sur les taux de contrôle local et de survie sont beaucoup plus difficile à évaluer car les études sont plus disparates et leurs résultats sont très souvent contradictoires.
Chez des patients atteints d’adénocarcinome de l’œsophage traités par œsophagectomie après chimioradiothérapie néoadjuvante, il n’y avait pas de différence significative en termes de survie globale ni de survie sans maladie quel que soit l’IMC [36].
4.1. Cancer de la prostate Dans une étude comprenant 112 patients, il n’y avait pas de corrélation entre les indices cliniques d’obésité (tissu adipeux abdominal viscéral, tissu adipeux sous-cutané, circonférence abdominale et IMC) et la survie sans récidive biochimique de la maladie [32]. Mais pour King et al., il n’y avait pas d’association significative observée entre les paramètres favorables de traitement (PSA, score de Gleason, stade TNM, marges, âge) et l’IMC en termes de rechute chez des patients après prostatectomie puis rechute biochimique et radiothérapie de rattrapage, mais l’obésité était significativement associée (RR 1,2 p = 0,012) à un taux de rechute plus élevé en analyse multifactorielle [33]. Allott et al. ont analysé les données de la littérature entre 1991 et 2012 et ont retrouvé un risque accru de rechute biochimique après prostatectomie radicale et radiothérapie externe, une fréquence plus élevée de complications suite à l’hormonothérapie, et une augmentation de la mortalité spécifique du cancer de la prostate chez les patients obèses [34]. 4.2. Cancer rectal Meyerhardt et al. ont montré dans un essai randomisé que les hommes obèses atteints d’un cancer rectal étaient plus susceptibles que les hommes de poids normal d’être atteints d’une récidive locale (risque relatif : 1,61, IC 95 % : 1,00–2,59). En revanche, l’obésité n’était pas prédictive de récidive du cancer chez les femmes, et l’IMC n’était pas prédictif de la survie globale dans cette étude que ce soit chez les hommes ou les femmes [26]. 4.3. Cancer bronchique à petites cellules Georgiadis et al. n’ont observé aucune différence statistiquement significative entre la survie des patients selon les différents niveaux d’IMC chez les patients atteints de cancer bronchique à petites cellules après chimioradiothérapie [26]. Dans la cohorte de 262 patients atteints de cancer bronchique à petites cellules, l’obésité en début du traitement n’a pas été associée à une survie écourtée. Il ne semble pas exister de données pour les cancers bronchiques non à petites cellules. 4.4. Cancer de la tête et du cou L’IMC élevé semble associé à un pronostic plus favorable. En effet, Pai et al. ont montré qu’il n’y avait pas de différence significative en termes de contrôle local, de diffusion métastatique quels que soient les groupes d’IMC avant la radiothérapie chez 1562 patients
4.6. Cancer du col utérin Pour le cancer du col utérin, la maigreur semble au contraire associée à une espérance de vie inférieure. En effet, dans une étude comprenant 404 patientes atteintes d’un carcinome du col utérin localement évoluée, après une chimioradiothérapie concomitante, Kizer et al. ont montré que, en analyse multifactorielle, comparativement à un poids normal (IMC de 18,5 à 24,9 kg/m2 ), les patientes avec un IMC inférieur à 18,5 kg/m2 survivaient moins longtemps (risque relatif : 2,38 ; IC 95 %, 1,58–4,38 ; p < 0,01). Il n’y avait pas de différence significative en termes de survie globale (p = 0,158) ni de survie sans maladie (p = 0,19) chez les patientes en surpoids. En analyse unifactorielle, le taux de survie globale à cinq ans était meilleur chez les patientes avec un IMC de plus de 24,9 kg/m2 (68 %), que chez celles avec un IMC de 18,5 à 24,9 kg/m2 (60 %) ou celles avec un IMC de moins de 18,5 kg/m2 (33 %) [31]. 5. Conclusion L’obésité est un facteur de risque important dans de nombreux cancers tels que le cancer du sein, de l’endomètre, du côlon ou de la prostate. L’irradiation chez les patients en surpoids ou obèses, est soumise à des difficultés matérielles, techniques et dosimétriques, qui peuvent en partie être surmontées par l’avènement de nouvelles technologies telles que la radiothérapie guidée par l’image et la RCMI, mais au prix d’une toxicité aiguë et tardive parfois augmentée, ainsi que d’une efficacité variable selon les localisations traitées. Selon le Fonds mondial de recherche contre le cancer (WCRF) et l’Institut national du cancer (Inca), une bonne hygiène alimentaire pourrait permettre de réduire de 30 % l’incidence des cancers dans les pays occidentaux [37]. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Inserm, Kantar Health, Roche. ObÉpi-Roche, enquête épidémiologique de référence sur l’évolution de l’obésité et du surpoids en France. Boulogne-Billancourt: Roche; 2012 [Disponible en ligne à l’adresse : http://www.roche.fr/home/recherche/domaines therapeutiques/cardio metabolisme/enquete nationale obepi 2012.html (accès le 15/7/2013)]. [2] Institut national du cancer (Inca). Surpoids, obésité et risque de cancer [collection Fiches repère]. Boulogne-Billancourt: Inca; 2013 [Disponible en
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