Orientations de la recherche en médecine du sport

Orientations de la recherche en médecine du sport

Science & Sports 20 (2005) 229–231 http://france.elsevier.com/direct/SCISPO/ Maison de l’Unesco, 20 janvier 2005 Orientations de la recherche en méd...

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Science & Sports 20 (2005) 229–231 http://france.elsevier.com/direct/SCISPO/

Maison de l’Unesco, 20 janvier 2005

Orientations de la recherche en médecine du sport Future directions for the research in sport medicine J.-L. Saumet Laboratoire de physiologie, faculté de médecine, 49045 Angers cedex, France Accepté le 20 janvier 2005 Disponible sur internet le 22 août 2005

Résumé Introduction. – Les orientations présentes et futures de la recherche en médecine du sport sont largement abordées dans les divers articles de ce numéro de Sciences & Sport. Mon propos est de rappeler quelques notions générales et de donner quelques exemples complémentaires. Exposé. – La grande originalité de la recherche en médecine du sport tient au fait que l’athlète de haut niveau à de telles performances que sa physiologie est différente de celle des autres personnes. Les modifications provoquées par entraînement fréquent et intensif n’ont pas seulement des effets quantitatifs mais aussi qualitatifs. Les cellules devront non seulement amplifier mais aussi modifier leur fonctionnement pour que le sportif atteigne un haut niveau de performance. Les moyens de la recherche sont classiques, ceux de la biologie moléculaire, de l’imagerie, de la physiologie intégrée et de la recherche clinique avec sa méthodologie et sa réglementation. Ils doivent être adaptés aux athlètes de haut niveau, mais également aux autres personnes qui peuvent bénéficier des activités physiques. Conclusion. – La recherche en médecine du sport utilise toutes les techniques des sciences de la vie pour mieux comprendre les modifications physiologiques immédiates et à long terme de l’exercice physique. Les objectifs sont l’amélioration de la santé par le sport et la prévention des risques liés à la pratique sportive. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Present and future directions in sports medicine are largely developed in the present edition of “Sciences & Sport”. Our aim is to provide some examples and develop some general concepts. Specificity of the research in sports medicine relates to the fact that highly trained athletes show different physiology and physiological responses as compared to non-athletes. Repeated and intensive training result in both qualitative and quantitative changes and adaptations. Cells must not only increase their function but also modify their metabolism to fulfil high metabolic requirements and allow high levels of performance to be reached. Research in sports medicine uses most conventional techniques — such as cell biology, imaging, integrative physiology and clinical research — and must follow accepted techniques, ethics constrains and legal rules. Developed techniques have to be adapted to the athletes’physiology but may indeed benefit non-athletes submitted to exercise activity. All techniques of life sciences can be applied to the research in sports medicine and allow for a better understanding of short and long term physiological consequences of exercise. The common aims are the improvement of the quality of life through sports or exercise and the prevention of the risks resulting from sports activity. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Exercice ; Remodelage ; Microcirculation Keywords: Exercice; Microcirculation

Adresse e-mail : [email protected] (J.-L. Saumet). 0765-1597/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.scispo.2005.01.018

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1. Introduction Les orientations présentes et futures de la recherche en médecine du sport sont largement abordées dans les divers articles de ce numéro de Sciences & Sport. Mon propos est de rappeler quelques notions générales et de donner quelques exemples complémentaires.

2. Exposé La grande originalité de la recherche en médecine du sport tient au fait que l’athlète de haut niveau a de telles performances que sa physiologie est différente de celle des autres personnes. Les modifications provoquées par l’entraînement fréquent et intensif n’ont pas seulement des effets quantitatifs mais aussi qualitatifs. Les cellules devront non seulement amplifier mais aussi modifier leur fonctionnement pour que le sportif atteigne un haut niveau de performance. Les moyens de la recherche sont classiques, ceux de la biologie moléculaire, de l’imagerie, de la physiologie intégrée et de la recherche clinique avec sa méthodologie et sa réglementation. Ils doivent être adaptés aux athlètes de haut niveau, mais également aux autres personnes qui peuvent bénéficier des activités physiques. La recherche en médecine du sport concernera donc aussi la prévention du vieillissement et la lutte contre l’obésité. Il y a beaucoup de connaissances sur l’être humain au repos, malade ou en bonne santé. Il y en a beaucoup moins sur la personne ayant une forte activité physique répétée, le remodelage des tissus, le développement des voies de signalisation intra-, intercellulaire, tout cela va être différent des modèles pathologiques. Par exemple, de nombreuses recherches concernent l’hypertension artérielle pathologique mais elle est différente des à-coups hypertensifs du sportif de haut niveau. Cela est vrai aussi pour la pharmacologie, où on a beaucoup de données sur le sujet sain au repos, sur le malade, mais beaucoup moins chez le sujet ayant un fort potentiel d’exercice. La question principale de la médecine du sport est : quelle est l’activité physique la meilleure pour améliorer la santé ? C’est le but de notre recherche. L’amélioration des performances ne doit pas mettre la santé en péril. La recherche sur les vaisseaux sanguins n’a pas été abordée dans les autres particules de ce numéro. Je l’apprendrai donc comme exemple. Chez le sportif de haut niveau les effets immédiats de l’hémodynamique sur les grosses artères sont assez bien étudiés. La microcirculation qui est pourtant le lieu de la régulation de la pression artérielle, des échanges entre le sang et les tissus ne bénéficie pas de la même attention. La pression artérielle qui s’élève et l’accélération de la vitesse du sang circulant, consécutives à l’exercice provoquent un remodelage des vaisseaux. Comment se fait ce remodelage ? Utilise-t-il les mêmes mécanismes que le remodelage de l’hypertension artériel pathologique ? Comment

s’arrêter à temps pour tirer bénéfice de l’entraînement sans provoquer des altérations pariétales ? Que deviennent les vaisseaux au niveau de la microcirculation, lieu des échanges tissulaires et d’amortissement de la pulsatilité artérielle ? Pour étudier les microvaisseaux les chercheurs utilisent des modèles de complexité variable. Il existe un équilibre permanent entre vasoconstriction et vasodilatation. La pression artérielle va agir sur les cellules musculaires lisses en augmentant le tonus myogénique alors que le débit sanguin va exercer une action permanente sur la cellule endothéliale. L’endothélium libère des médiateurs qui agissent sur les cellules musculaires lisses en provoquant une relaxation et ainsi donnant une vasodilatation. Au cours de l’exercice tous ces mécanismes sont mis en jeu simultanément. Pour les étudier, des modèles expérimentaux sont utilisés. Des petites artères, branches de second ordre de l’artère mésentérique, sont liées de façon à diminuer le flux dans celles d’amont. Ainsi un bas débit sanguin sera dans les artères de premier ordre en amont des ligatures et un hyperdébit compensatoire va se créer sur l’artère qui est entre les deux artères à bas flux. À distance il reste des artères avec un débit normal qui serviront de témoins. L’animal va ensuite être mis en élevage. Après quelques semaines, l’effet du remodelage vasculaire, dû à un hyperdébit chronique, va pouvoir être observé. Les vaisseaux sont prélevés puis montés entre deux pipettes de quelques centaines de microns. Les variations de diamètre seront mesurées en permanence. Ainsi, pourront être mesurés les effets de tel agent pharmacologique, de tel médiateur, sur les artères normales ou ayant subi un remodelage dû à un hyperdébit chronique. Puisque c’est du tissu vivant, une analyse biochimique des tissus permettra d’étudier les modifications des voies de signalisation intracellulaire. D’autres techniques vont s’intéresser à la densité des vaisseaux sousjacents. L’analyse des résultats montre une modification importante des mécanismes internes à la cellule. Par exemple la NO synthase, enzyme nécessaire à la fabrication du monoxyde d’azote, va être beaucoup plus élevée dans les cellules endothéliales des vaisseaux ayant subi un hyperdébit chronique. Cela est dû aux forces de frottement du sang contre l’endothélium et la déformation du cytosquelette des cellules endothéliales. Le monoxyde d’azote est un puissant vasodilatateur. Il est aussi en partie responsable de remodelage vasculaire. Dans ce modèle expérimental, l’augmentation de débit dans ces petites artérioles est de beaucoup inférieure à celle provoquée par un exercice intense chez un athlète de haut niveau. Le débit cardiaque de l’athlète de haut niveau peut être multiplié par 5 ce qui n’est pas le cas dans le montage expérimental proposé. Toutefois celui-ci permet d’observer les modifications de la vasomotricité et du remodelage vasculaire. Il est donc nécessaire d’adapter les modèles expérimentaux pour être au plus près de la réalité de l’athlète de haut niveau. La recherche en médecine du sport n’est pas seulement expérimentale. Elle se fait également dans le plateau technique d’évaluation des athlètes. L’examen de sportifs bien

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entraînés, par rapport à des sédentaires montre que leur index de pression systolique à la cheville, qui est le rapport de la pression à la cheville sur la pression sur le bras, est moins abaissé après une épreuve d’effort. Cette différence entre le sédentaire et le sujet entraîné peut être due à un remaniement pariétal ou une différence de section des vaisseaux. La différence de section des vaisseaux est facile à mesurer par échographie. La comparaison des échographies vasculaires des triathlètes et des cyclistes à des sujets non entraînés montre que les artères sont dilatées chez les triathlètes et les cyclistes. Cette dilatation est fonction du travail musculaire qui a été réalisé. Chez le triathlète, elle est plus importante, niveau de l’artère sous-clavière, que chez les cyclistes. Au niveau fémoral elle est identique. Donc, il y a une modification des conditions vasculaires dues au sport. Le problème est de ne pas dépasser les objectifs. Un entraînement excessif peut aboutir à une endofibrose. Si l’entraînement diminue, s’arrête, la lésion ne régresse pas mais reste stable. Il serait intéressant d’avoir des marqueurs biologiques, de façon à pouvoir dire à cet athlète : « Écoute, il faut peut-être faire autre chose que du cyclisme. » Le traitement médical n’existe pas. Soit l’athlète arrête le sport, soit il subit une intervention chirurgicale. Ce qui est vrai pour les vaisseaux est valable pour le cœur. Il y existe un remodelage cardiaque, avec des aspects quantitatifs qui sont bien décrits. Le problème est de connaître les variations interindividuelles, qui tiennent à divers facteurs, mais en particulier génétiques, pour éviter de passer du cœur du sportif au cœur pathologique. Le remodelage cardiaque fonctionnel se passe au niveau moléculaire et expose aussi au risque de dépassement. Devant les différences interindividuel-

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les il y a nécessité de connaître les caractéristiques interindividuelles, trouver des gènes candidats qui pourraient les expliquer. Un exemple nous est fourni par l’enzyme de conversion : deux allèles, trois génotypes. L’un, favorable à l’activité physique de longue durée, l’autre aux sports de force. Mais il faut prendre ses résultats avec prudence et attendre leur confirmation. La recherche en médecine du sport est spécifique mais elle rejoint souvent des grandes problématiques de santé. L’un d’entre eux est la véritable épidémie d’obésité qui se développe dans presque tous les pays. C’est un problème de santé majeure en particulier en raison des complications vasculaires de l’obésité et du diabète. La pratique sportive offre une alternative à la restriction calorique seule pour lutter contre l’obésité. L’accroissement de la masse musculaire permet une meilleure utilisation du glucose. Les recherches menées sur les modifications vasculaires et sur les effets métaboliques consécutifs à la pratique sportive permettent de voir les effets à la fois sur l’origine du problème (métaboliques) et les conséquences (risques vasculaires) de la pratique sportive. 3. Conclusion La recherche en médecine du sport utilise toutes les techniques des sciences de la vie pour mieux comprendre les modifications physiologiques immédiates et à long terme de l’exercice physique. Les objectifs sont l’amélioration de la santé par le sport et la prévention des risques liés à la pratique sportive. Tous les organes et systèmes sont concernés que ce soit à l’échelon moléculaire ou plus intégratif. Les résultats doivent être interprétés en les replaçant dans l’ensemble des modifications de la personne concernée car tous les systèmes physiologiques sont interdépendants.