Science & Sports (2010) 25, 165—167
MISE AU POINT
Orthopédie dento-faciale et « protège-muqueuses » chez le jeune sportif Orthodontia and mucous-guard among young sportsmen H. Lamendin ∗ Faculté du sport et de l’éducation physique, université d’Orléans, BP 6237, 45062 Orléans cedex 2, France Rec ¸u le 10 d´ ecembre 2009 ; accepté le 15 f´ evrier 2010 Disponible sur Internet le 11 juin 2010
MOTS CLÉS Orthopédie dento-faciale ; Protège-muqueuses ; Jeunes sportifs
KEYWORDS Orthodontia; Mucous-guard; Young sportsmen
Résumé Du fait de blessures répétées des joues sur des appareillages orthodontiques ou de dégradations de ceux-ci, survenant lors d’activités physiques et sportives, on prive trop souvent l’enfant de toute activité, alors qu’il en a pourtant tellement besoin, dans cette période de sa vie, pour son développement et son épanouissement. Cela est inconséquent, quand il est possible de l’éviter par la réalisation d’un « protège-muqueuses ». © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary Because of cheek repeated injuries on orthodontic appliance or those degradation after shocks during sport practice, children are too often deprived of sport activities, when sport is vital in these life periods for their development and bloom. That is irresponsible when it is possible by ‘‘mucous-guard’’ to avoid that privation. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Que l’on prive un enfant de pratique sportive (en particulier de celle où il peut recevoir des coups de tête, de poing, d’épaule, de genou ou de pied) avant traitement orthodontique, cela est parfaitement justifié. Des dysmorphoses maxillaires et malpositions dentaires constituent, en effet, de « véritables provocations à l’accident ». Il serait donc « inconscient » de faire prendre des risques de pertes
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de dents, chez des enfants, quand on sait que cela entraîne le port de prothèses amovibles, à renouveler en fonction de la croissance dans l’attente de pouvoir réaliser une reconstitution fixée ; en outre, ces prothèses amovibles d’attente ne sont jamais longtemps bien adaptées en fonction de la croissance, sont plus ou moins gênantes et souvent à l’origine de plaisanteries désagréables de la part des camarades, donc aussi préjudiciables du point de vue psychologique [1] (Fig. 1—3). En cas de luxations dentaires totales, certes des réimplantations peuvent ou doivent être tentées aussi souvent
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Figure 1.
H. Lamendin
« Protège-muqueuses » : volets découpés par incision.
que possible, mais avec l’espoir d’une longévité relative en fonction de l’âge du sujet, du temps écoulé entre l’accident et la « remise en place », de la technique employée si réimplantation non « immédiate ». . . Même si ce n’est que pendant un temps plus ou moins long, les réimplantations retardent, parfois beaucoup, ou évitent même le port de prothèses amovibles jusqu’à l’institution d’une prothèse fixée, ce qui n’est déjà pas si mal [2,3].
1. Orthopédie dento-faciale et pratique sportive Il existe donc des contre-indications à la pratique sportive, soit préalable, comme rappelé ci-dessus, avant institution d’un traitement d’orthopédie dento-faciale (ODF) nécessaire, soit temporaire, juste après dépose d’appareillage ODF, par exemple. Une bonne coordination est donc indispensable entre les médecins du sport et les odontologistes ou stomatologistes traitants, à cet égard. Mais que, pendant un traitement ODF en cours, on soit amené à priver un enfant d’APS, suite à des blessures fréquentes des joues sur l’appareillage ou le décollement à répétition de brackets, avec parfois libération dangereuse, pour la joue ou la lèvre, de l’arc. . . n’est pas justifiable. La plupart du temps, cette décision de facilité est finalement prise en accord avec les parents par souci de sécurité, mais aussi, et surtout, afin d’éviter des déplacements et séances multiples chez l’orthodontiste. À l’âge où il doit prendre
Figure 3.
« Protège-muqueuses ».
conscience de son corps, le maîtriser, se mesurer. . . pour un développement harmonieux de lui-même par rapport aux autres, pour son épanouissement, priver un enfant de sport, dont il a besoin, est inconséquent, alors qu’on peut faire autrement [4]. Beaucoup de médecins du sport, entraîneurs et éducateurs font des remarques à cet égard, se plaignent à juste raison de cet état de fait et demandent pourquoi cet interdit se produit, d’autant que la plupart d’entre eux connaissent l’existence du « protège-muqueuses ».
2. Le « protège-muqueuses » de Minière
Figure 2.
« Protège-muqueuses » : volets s’écartant facilement.
Le « protège-muqueuses » n’est pas une nouveauté, mais il continue à être trop méconnu, d’où ce nouveau rappel. Il ne s’agit pas d’une « protection dento-maxillaire », car il ne comporte pas d’armature rigide, laquelle s’opposerait aux remaniements des arcades découlant de traitements ODF. C’est une gouttière plastique souple, qui s’adapte bien aux modifications morphologiques et ne les gêne pas, ayant pour principal objet de protéger les muqueuses de blessures pouvant découler de la présence, en bouche, d’appareillages ODF (d’où son nom). Secondairement, le « protège-muqueuses » permet de protéger aussi ces appareillages, eux-mêmes, contre des chocs intempestifs et
Orthopédie dento-faciale et « protège-muqueuses » chez le jeune sportif déstructurants, ce qui n’est pas un moindre avantage pour le bon déroulement d’un traitement, et donc, tout autant utile pour le praticien que pour le patient et ses parents. À noter que les armatures rigides, des appareillages ODF fixés, remplissent, en quelque sorte, une fonction de « protection dento-maxillaire », sous l’emballage d’un « protège-muqueuses ». Ce qui constitue un bon équipement préventif contre les accidents, donc une économie de santé et financière. Le « protège-muqueuse » est une gouttière plastique thermoformable avec volets vestibulaires rabattables, permettant une mise en place et un retrait aisés, sans interférence sur l’appareillage ODF (risques de décollements). Afin d’éviter le danger de glissements dangereux pour les articulations temporo-mandibulaires, sur la surface « occlusale » de la gouttière, il est souhaitable que soit marquée, sur celle-ci, l’indentation antagoniste. Selon les cas, les « protège-muqueuses » peuvent être faits pour la mâchoire supérieure ou inférieure (prognate).
3. Possible substitut d’urgence Faute de vouloir consacrer du temps à la confection d’un « protège-muqueuses », car la prise d’empreinte est délicate et sa réalisation n’est pas lucrative, on peut faire appel à un « protège-dents » standard thermoformable de la taille voulue, pourvu que celui-ci soit assez souple, le former puis l’adapter ou le renouveler, en fonction de l’évolution du développement du sujet et/ou du traitement orthodontique. Faisant fonction de « protège-muqueuses », le « protège-dents », bien que provenant du secteur commercial, devient une orthèse et relève, alors, de la capacité professionnelle du praticien. Cette solution « de moindre effort » ne vaudra jamais la réalisation d’un vrai « protège-muqueuses », car même appliqué le mieux possible en bouche par un praticien, lors de ses mises en place et retraits successifs, le « protègedents » peut apporter des déformations de l’appareillage ODF, décoller une attache ou desceller une bague. . . De plus, il est plus encombrant et risque d’être trop rigide. Cependant, bien évidemment, il appartient à chacun de prendre ses responsabilités.
4. Conclusion Le « protège-muqueuses » est une orthèse relevant de la capacité professionnelle des médecins-stomatologistes et
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des chirurgiens-dentistes (en particulier spécialisés en ODF). Il lève l’interdit, trop fréquent, de pratique d’APS pendant des traitements ODF et supprime la hantise des coups. Il évite les rendez-vous d’urgence chez le spécialiste traitant. Il protège les appareils orthodontiques et permet donc le bon déroulement des traitements. Il peut être réadapté aisément en fonction des besoins. Son coût est peu élevé [5]. Pratiquement, un « protège-muqueuses » devrait être réalisé pour tout porteur d’un appareillage ODF fixé, car, en APS, notamment, les risques de contacts, parfois brutaux, sont beaucoup plus nombreux qu’on ne le pense : cela va de sports réputés violents à la simple cour de récréation. Les chocs se font contre d’autres, certes, mais aussi sur des équipements et des installations sportives, selon le type d’activités pratiqué [6]. C’est parfois à la demande de médecins du sport que des « protège-muqueuses » sont réalisés, afin de permettre à des jeunes sportifs (et aussi parfois d’adultes, maintenant) en cours de traitement orthodontiques de ne pas être injustement privés de leurs activités. Mais faut-il attendre cette demande pour penser à faire le nécessaire ?
Conflit d’intérêt L’auteur n’a aucun conflit d’intérêt.
Références [1] Lamendin H. Conséquences chez les sportifs des non réimplantations dentaires après luxations complètes. Question no 9 pour CES ou capacité en biologie et médecine du sport. Cinesiologie 1988;118:100—3. [2] Lamendin H. Les réimplantations dentaires immédiates. Question no 7 pour CES ou capacité en biologie et médecine du sport. Cinesiologie 1987;114:184—6. [3] Miniac L, Lamendin H. Réflexions sur le devenir physiologique de dents réimplantées. In: Étude en milieu sportif. Actes du XXIIIème Congrès international des médecins de langue franc ¸aise de l’hémisphère américain. 1994. p. 101—2. [4] Minière J, Lamendin H. Protection des appareils orthodontiques fixes en pratique sportive : le « protège-muqueuses ». Rev Orthop Dento Faciale 1987;21:135—42. [5] Lamendin H. « Protège-muqueuses » en orthopédie dentofaciale. Clinic 2003;6:373—6. [6] Lamendin H. Protections endo-buccales pour sportifs : terminologie. Bull Acad Natl Chir Dent 1997;1:143—5.