Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques

Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques

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EMC-Oto-rhino-laryngologie 2 (2005) 26–61

www.elsevier.com/locate/emcorl

Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques Chronic otitis media. Natural history and clinical presentations P. Tran Ba Huy Service d’oto-rhino-laryngologie, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France

MOTS CLÉS Otite moyenne chronique ; Otite séromuqueuse ; Otite sécrétoire ; Otite muqueuse ouverte ; Otite adhésive ; Otite atélectasique ; Otite cholestéatomateuse

Résumé L’otite moyenne chronique (OMC), définie conventionnellement comme une inflammation prolongée des cavités de l’oreille moyenne, se présente en pratique sous de multiples formes cliniques. Chacune d’entre elles constitue un processus pathologique actif caractérisé par des lésions anatomiques et histologiques irréversibles et par des données sémiologiques, otoscopiques et évolutives propres. La pathogénie de ces diverses variétés reste mal connue. Elle implique un dérèglement des nombreux facteurs embryologiques, anatomiques, histologiques, immunologiques et autres régulant la physiologie de l’oreille moyenne, avec – théoriquement – pour point commun une agression inflammatoire et/ou infectieuse initiale de l’enfance. Les mécanismes qui président à la différenciation des différentes formes restent également incertains. L’étude de leur histoire naturelle suggère toutefois qu’elles relèvent chacune de filières distinctes. L’OMC ne constitue donc qu’un terme générique recouvrant au moins cinq entités que la simple otoscopie soigneuse et répétée permet bien souvent à elle seule de distinguer : i) les otites séromuqueuses ou sécrétoires, quasi constantes dans l’enfance, qu’elles se compliquent ou non d’épisodes de surinfection, réalisent un exsudat traduisant une métaplasie mucipare secondaire à une inflammation elle-même secondaire à une otite aiguë ou des voies respiratoires. Le plus souvent résolutives, elles pourraient – mais cela est très discuté – jouer un rôle inducteur vis-à-vis des autres formes d’OMC ; ii) les otites muqueuses ouvertes, archétype d’OMC, peuvent se compliquer d’ostéite, de métaplasie épidermoïde et/ou mucipare, ou d’épidermose malléaire. Elles peuvent ailleurs laisser des séquelles anatomiques ou fonctionnelles, avec ou sans tympanosclérose ; iii) les otites adhésives traduisent une pathologie du tissu conjonctif symphysant le mésotympanum et pourraient compliquer certaines otites muqueuses sévères de l’enfance ; iv) les otites atélectasiques relèvent d’une pathologie de la ventilation auriculaire retentissant sur une membrane tympanique fragilisée ; dans leur forme excentrée, elles réalisent les poches de rétraction qui sont le stade précurseur du cholestéatome ; v) l’otite cholestéatomateuse acquise primaire représente la dernière entité, la plus dangereuse, en raison de son pouvoir extensif et ostéolytique. L’OMC n’est pas unique et il est fondamental de démembrer les variétés parfaitement distinctes qui la composent, chacune possédant son histoire propre et appelant une prise en charge particulière. © 2004 Publié par Elsevier SAS.

Adresse e-mail : [email protected] (P. Tran Ba Huy). 1762-5688/$ - see front matter © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi: 10.1016/j.emcorl.2004.08.002

Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques

KEYWORDS Chronic otitis media; Serous otitis; Secretory otitis; Open chronic mucosal otitis; Adhesive otitis; Atelectatic otitis; Cholesteatoma otitis

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Abstract Chronic otitis media (COM), usually defined as a prolonged inflammation of the middle ear cavities, has several clinical presentations. Each corresponds to a pathological process characterized by irreversible anatomical and histological lesions, by specific symptoms and otoscopic features, as well as by its evolution. The pathogenic process that leads to these different types remains insufficiently known. It induces a dysfunction of the numerous embryological, anatomical, histological and immunological factors that are involved in the regulation of the middle ear physiology. The different types share an initial inflammation and/or infection occurring most of the time in early childhood. The mechanisms responsible for the evolution towards the various forms are still uncertain. The study of their natural history suggests that each type is related to a distinct path. The COM is therefore a generic term that covers at least five different entities which may be distinguished by repeated and careful otoscopies : i) serous otitis or secretory otitis media, is almost constant during childhood, sometimes complicated by a bacterial infection; it produces an effusion indicating a mucous metaplasia which is due to a sustained inflammation of the middle ear, itself a consequence of an acute otitis media or an airway infection. Most frequently, these episodes have a favourable outcome, but could, although this is very controversial, induce the transformation towards the other types of COM; ii) open chronic mucosal otitis, a typical COM, may be complicated by an osteitis, a squamous and/or mucous metaplasia, or mallear epidermosis. These may leave anatomical or functional sequelae, with or without tympanosclerosis; iii) adhesive otitis is the consequence of a connective tissue pathology, which is probably due to severe childhood mucosal otitis media, leading to a symphysis of the mesotympanum; iv) atelectatic otitis is the result of middle ear ventilation pathology acting on a fragile tympanic membrane; when eccentric, it realizes a retraction pocket which preludes to the development of the last entity; v) the cholesteatoma which is the most dangerous variety due to its osteolytic and extensive properties. As a conclusion, the COM is not a unique entity and it is therefore important to establish the distinction between its different clinical presentations, since each has its own history and necessitates specific therapeutic management. © 2004 Publié par Elsevier SAS.

Introduction Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existe pas aujourd’hui de définition précise de l’otite moyenne chronique. La plus consensuelle semble avoir été formulée en 1987 lors du quatrième symposium international sur l’otite moyenne : l’otite moyenne chronique (OMC) est une inflammation de la muqueuse de l’oreille moyenne, c’est-à-dire de la caisse du tympan, des cavités annexes et de la trompe auditive, prolongée au-delà de 3 mois, et s’accompagnant soit d’effusion derrière une membrane tympanique intacte mais sans symptômes aigus, soit d’otorrhée s’écoulant à travers une perforation tympanique.1 Si l’utilité d’une pareille définition et la rigueur de son application s’imposent à tous, il convient d’en souligner le caractère imprécis et ambigu. Cette définition ne donne, en effet, de l’OMC qu’une vision globale et confuse, plaçant sur un même plan la « glue ear » de l’enfant et l’otorrhée chronique de l’adulte ou l’otite séreuse traînante du sujet âgé et le cholestéatome surinfecté du grand adolescent, sans prendre en compte les nombreuses formes évolutives ou séquellaires, compli-

quées ou récidivantes, qui font toute la complexité clinique de l’OMC et dont témoigne la multitude d’appellations rencontrées dans la littérature : otite séromuqueuse, otorrhée tubaire, otomastoïdite chronique, otite fibroadhésive, otite atélectasique, otite chronique ouverte, otite cholestéatomateuse, etc. Cette imprécision générique est d’ailleurs alimentée par une inépuisable littérature, peu troublée par les incertitudes pathogéniques et, à vrai dire, surtout empreinte de préoccupations chirurgicales. En pratique, l’expérience quotidienne montre qu’il existe non pas une, mais des otites moyennes chroniques. D’où les nombreuses questions qui se posent : Leur origine est-elle commune ? Existe-t-il une filiation entre elles ? Correspondent-elles à l’évolution d’une pathologie d’emblée déterminée ou bien résultent-elles de la différenciation d’un magma séromuqueux informe et polyvalent, provoqué par des accidents infectieux intercurrents ? Ces derniers jouent-ils le rôle de « big bang » de l’univers otitique ou ne sont-ils que des avatars évolutifs irresponsables ? Quels sont les facteurs de différenciation conduisant à telle ou telle forme clinique ? Et quels sont les facteurs de pérénnisation d’un processus otitique ?

28 Nulle réponse définitive ne semble pouvoir être apportée à l’heure actuelle à ces questions essentielles et ce, pour au moins quatre raisons : • l’extrême difficulté de suivre une cohorte de jeunes patients sur une période suffisamment longue : même dans certains pays à population faible mais à médicalisation poussée, aucune étude longitudinale n’a permis d’établir l’incidence exacte des diverses variétés d’otite chronique, leur date d’émergence ou la précession indiscutable d’une otite dite sécrétoire ; • la fréquente impossibilité de retracer avec précision des antécédents souvent lointains, méconnus, voire ignorés du patient ; • l’absence de critères biologiques, radiologiques et histologiques spécifiques, hormis pour la tympanosclérose ou le cholestéatome ; • la variation interindividuelle dans l’interprétation otoscopique : face à un même tympan, tel otologiste verra la marque d’un processus inflammatoire sous-jacent, tel autre la séquelle d’un phénomène adhésif. Or c’est bien l’otoscopie minutieuse et surtout répétée qui seule diagnostique, analyse et suit l’évolution du processus otitique et permet l’identification des diverses formes cliniques. Compte tenu de ces difficultés, notre but sera, transgressant le cadre nosologique rappelé plus haut et après un rappel de quelques incontournables données physiopathologiques, de décrire l’OMC dans la multiplicité de ses formes cliniques et d’en présenter une histoire élémentaire et simple. Par « élémentaire », nous entendons l’exposé d’éléments cliniques tels qu’ils se découvrent et se livrent à l’observation clinique. Et par « simple », une histoire épurée de toutes controverses et autres considérations techniques, lesquelles surévaluent le détail, imposent citations et références et estompent les grandes lignes du phénomène.

Pathogénie Les mécanismes qui aboutissent au développement d’une OMC restent inconnus mais semblent multiples et non exclusifs. Ils impliqueraient un dérèglement des nombreux facteurs qui régissent l’existence et la fonction de l’oreille moyenne.

Facteurs embryologiques : rôle du mésenchyme L’organogenèse de l’oreille moyenne doit se concevoir comme un processus dynamique associant dé-

P. Tran Ba Huy veloppement et fusion de divers constituants issus des trois feuillets embryologiques fondamentaux.2,3 L’oreille moyenne est donc particulièrement sensible au moindre dérèglement spatiotemporel de la machine embryogénétique. Dans l’assemblage des diverses pièces de ce puzzle embryologique, une place prépondérante doit être faite au mésenchyme dans et autour duquel se constitue, par résorption ou condensation, l’essentiel de l’oreille moyenne. C’est lui qui induit les différentes étapes du développement de l’oreille moyenne et de son système pneumatique mastoïdien et qui marque d’un sceau héréditaire le potentiel biologique de ces organes. Du caractère plus ou moins complet de sa résorption, qui débute tôt dans la vie fœtale pour se poursuivre parfois durant plusieurs années au-delà, dépend le degré de pneumatisation des cavités atticales et mastoïdiennes. La persistance du mésenchyme dans les cavités néoformées peut gêner les capacités de drainage de la muqueuse. Son rôle de vecteur et de matrice de soutien explique encore que toute anomalie à son niveau retentira sur la migration des éléments épidermiques avoisinants. De cette résorption dépend également la qualité de la couche conjonctive, appelée lamina propria, de la muqueuse de caisse et de la membrane tympanique dont elle forme le feuillet intermédiaire. Ce dernier confère à cette membrane ses capacités vibratoires et sa résistance aux forces de rétraction.4 Dans le quadrant postérosupérieur du tympan, cette lamina propria semble présenter une fragilité constitutionnelle, qui serait en rapport avec son origine embryologique. Cette région correspond, en effet, à l’isthme tympanique, c’est-à-dire à la jonction des deux arcs branchiaux.5 Une place importante doit être réservée à la mise en place de certaines zones de condensation du mésenchyme, comme l’anneau tympanique. Cet anneau joue, en effet, un rôle essentiel dans l’induction de la différenciation des structures avoisinantes. L’incisure de Rivinus correspond à l’absence d’os tympanal au sommet du cadre tympanique : à cet endroit, il n’y a pas d’anneau fibrocartilagineux ni de lamina propria organisée.6 Un déplacement, même minime, de cet anneau de son plan normal de développement ou une incoordination dans son amarrage aux structures pétreuses sont susceptibles de désaxer l’un de ses bras antérieur ou postérieur. De ce défaut d’accolement naissent des points de faiblesse qui joueront,

Les anomalies de résorption ou de condensation du mésenchyme sont responsables de troubles du développement de l’oreille moyenne pouvant favoriser la pérennisation de phénomènes inflammatoires.

Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques comme nous le verrons plus loin, un rôle probablement important dans le développement des poches de rétraction. Mais la bascule de l’anneau osseux retentit aussi sur l’orientation de la chaîne ossiculaire et du manche du marteau, et par là, sur l’anatomie même de l’oreille moyenne.

Facteurs anatomiques : compartimentation De cette organogenèse complexe naît une oreille moyenne dont l’anatomie compliquée, avec ses aditus et défilés, ses sinus et récessus, joue sans doute un rôle décisif dans le développement, l’entretien, puis l’individualisation d’une pathologie inflammatoire. Résultats des tractions et tensions subies lors de l’organogenèse osseuse, les vestiges mésenchymateux dessinent avec les ligaments et les osselets sur lesquels ils se moulent des cloisonnements qui retentissent sur le drainage et la ventilation de l’oreille moyenne.7 Dès 1839, Arnold décrivait les plis muqueux antérieur et postérieur épitympaniques. En 1856, von Tröltsch rapportait la présence de deux poches aériennes antérieure et postérieure entre tympan et ligaments malléaires antérieur et postérieur. En 1887, Prussak individualisait une troisième poche située au-dessus de la tête du marteau communiquant avec la poche postérieure de von Tröltsch. En 1868, Helmholtz décrivait le ligament malléaire latéral qui constitue le toit de la poche de Prussak. En 1945, Chatellier et Lemoine décrivaient le diaphragme interatticotympanique compris entre l’étrier, le nerf facial et le tensor tympani. En 1964, Proctor ajoutait un isthme tympanique postérieur séparé du précédent par le ligament incudien postérieur.

Facteurs histologiques : cellules souches et « pseudoépithélium respiratoire » Épithélium L’oreille moyenne est tapissée par un épithélium de type pseudorespiratoire8–11 composé de cinq types de cellules : • les cellules basales, par analogie avec l’épithélium trachéobronchique, sont probablement des

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cellules souches dont les autres cellules sont issues ; • les cellules intermédiaires représentent un stade de transition entre la cellule basale et la cellule différenciée ; • les cellules ciliées assurent la propulsion du mucus grâce à la spécialisation de leur membrane apicale hérissée d’environ 200 cils. Leurs mouvements sont orientés dans la même direction, qui est celle du pied du corpuscule basal, et synchronisés en décalage de phase, ce qui définit l’onde métachronale ; • les cellules à mucus sont des cellules très hautes, cylindriques, contenant des granules de sécrétion qui occupent la partie supérieure de la cellule. L’étude ultrastructurale permet de distinguer deux types de cellules en fonction de l’aspect des grains de sécrétion, qui apparaissent tantôt foncés, tantôt clairs ; • les cellules à microvillosités sont des cellules cylindriques ou cuboïdales ne possédant ni cils, ni grains de sécrétion. Leur face apicale est parsemée de microvillosités. Indépendamment de leur spécialisation spécifique, la plupart, voire toutes les cellules épithéliales au contact de la lumière présentent des microvillosités sur leur membrane apicale, ce qui laisse supposer l’existence d’une activité de transport. Ainsi dès 1974, Lim démontrait que in vivo, la muqueuse de l’oreille moyenne pouvait rapidement absorber des isotopes.12 Cette fonction a été récemment confirmée sur des cultures de cellules épithéliales d’oreille moyenne.13 Chez l’homme comme chez l’animal, les cellules ciliées et les cellules à mucus sont essentiellement présentes dans le tiers antérieur de l’oreille moyenne et forment des travées cellulaires, véritables tapis roulants qui convergent vers l’orifice tubaire depuis l’hypotympanum, la région des fenêtres et l’attique. Au sein de ces travées, il existe environ une cellule à mucus pour quatre cellules ciliées. Dans les autres régions, l’épithélium est formé de cellules d’autant plus aplaties que l’on progresse d’avant en arrière vers les cavités mastoï-

L’épitympanum est cloisonné en multiples compartiments aériens communiquant entre eux par des défilés plus ou moins larges. Le repli tympanique antérieur ou tensor fold des auteurs anglo-saxons est une barrière séparant l’épitympanum antérieur, ou plus précisément le récessus supratubaire, du protympanum. Le diaphragme interatticotympanique est l’unique voie d’aération des cavités supérieure et postérieure de l’oreille moyenne. La compartimentation de l’oreille moyenne conduit à séparer la cavité tympanique en deux segments : l’un antéro-inférieur, atriotubaire, spacieux et l’autre postérosupérieur, antroattical, cloisonné. Cette dualité anatomique joue un rôle primordial dans l’histoire naturelle des OMC.

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La cellule souche est pluripotentielle. Les traînées cellulaires mucociliaires assurent la clairance de l’oreille moyenne. La lamina propria est le siège de phénomènes pathologiques qui jouent un rôle majeur dans le développement du processus otitique. L’inflammation chronique est capable de modifier le phénotype des cellules épithéliales, permettant la différenciation des cellules aplaties des cavités postérieures en cellules cylindriques, la multiplication des cellules à mucus – c’est la métaplasie mucipare – et le développement de véritables glandes sous-muqueuses par invagination des cellules épithéliales dans le chorion. diennes. Les cellules ciliées en sont absentes et les cellules à mucus y sont rares. Une telle variation de distribution des divers types cellulaires dans l’oreille moyenne explique que cet épithélium soit un « pseudoépithélium » respiratoire. Lamina propria Sous-jacente au revêtement épithélial, la couche conjonctive ou lamina propria joue un rôle physiopathologique majeur. C’est là que se joue probablement le drame de l’otite chronique. Constituée essentiellement de fibres collagènes et d’élastine noyées dans une épaisse couche de substance fondamentale, elle imprime à la pathologie de la membrane tympanique une évolution tantôt tympanosclérotique, par surchage hyaline, tantôt atélectasique du fait de la modification de ses caractéristiques mécaniques. De plus, l’infiltrat inflammatoire, dont la présence caractérise l’otite chronique, est susceptible de retentir, par interaction hétérotypique, sur la biologie des cellules épithéliales de voisinage, altérant ici leur métabolisme, modifiant là leur différenciation. Épiderme du tympan et du conduit auditif externe L’épiderme qui tapisse le conduit osseux mais également la membrane tympanique présente une particularité unique : c’est le seul épiderme de l’organisme à migrer latéralement selon des lignes de force géodésiques et centrifuges. Posée à même l’os, cette couche épidermique est, plus que toute autre, sensible à une pathologie inflammatoire quelle qu’en soit l’origine, moyenne ou externe. Elle ajoute à celle de l’oreille moyenne le poids de sa propre pathologie.

Facteurs physiologiques Pour transmettre au mieux la vibration sonore vers l’oreille interne, l’oreille moyenne doit être aérée et drainée. Ces deux conditions sont assurées par la ventilation, la trompe auditive et par la clairance mucociliaire. Ventilation de l’oreille moyenne Pour vibrer de façon optimale, le système tympanoossiculaire doit être en équipression, c’est-à-dire que la pression intratympanique doit être équivalente à la pression atmosphérique dans le conduit auditif externe, soit 760 mmHg (Tableau 1). Cette dernière valeur est obtenue dans l’air ambiant par la sommation des pressions partielles des quatre principaux gaz constitutifs, à savoir l’O2 (150 mmHg), le CO2 (≈ 0 mmHg), le N2 (563 mmHg) et la vapeur d’eau (47 mmHg). En revanche, dans l’oreille moyenne, la composition des gaz diffère : • d’une part parce que l’oreille moyenne est une cavité close connectée à l’extérieur par l’intermédiaire de la trompe auditive et des fosses nasales. Or, l’air du cavum susceptible de pénétrer dans l’oreille moyenne par la trompe est un air de type expiré contenant moins d’O2 et davantage de CO2 que l’air ambiant ; • d’autre part parce qu’interviennent des échanges gazeux entre l’oreille moyenne et le sang artériel et veineux qui parcourt la muqueuse. Au niveau de celui-ci, les pressions partielles de ces gaz sont différentes : il y a plus d’O2 dans le premier et plus de CO2 dans le second puisque des échanges sont intervenus respectivement au niveau des alvéoles pulmonaires et des tissus de l’organisme.14 La composition de l’air contenu dans l’oreille moyenne est donc différente de celle de l’air am-

Tableau 1 Pressions partielles des principaux constituants gazeux (d’après Sadé et Ar, 1997). PO2 PCO2 H2O N2 Pression totale

Air ambiant 150 0 47 563 760

Sang artériel 93 39 47 575 754

Sang veineux 38 44 47 575 704

Oreille moyenne 40 50 47 623 760

Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques biant. D’ailleurs si elle était identique, il y aurait, par diffusion purement passive, une absorption nette importante de gaz par la muqueuse. En effet, entre cet air ambiant et les capillaires qui parcourent la muqueuse, le gradient « sortant » (de l’oreille moyenne vers les capillaires) serait de 57 mmHg pour l’O2 alors que le gradient « entrant » (des capillaires vers l’oreille moyenne) ne serait que de 39 mmHg pour le CO2. Il en résulterait une forte dépression intratympanique. Or, malgré une composition gazeuse différente, la pression dans l’oreille moyenne avoisine – et doit avoisiner – celle de la pression atmosphérique pour permettre une transmission sonore optimale. Comment ? • 1. La somme des pressions d’O2 et de CO2 étant plus faible que dans l’air ambiant, c’est donc l’azote qui possède une pression partielle plus élevée (623 mmHg) en raison de sa très lente diffusion vers les capillaires. • 2. L’air de type expiré qui pénètre dans l’oreille moyenne par la trompe contient, nous l’avons vu, moins d’O2 et davantage de CO2 que l’air ambiant, ce qui diminue d’autant l’importance de l’absorption passive de ces gaz par la muqueuse. • 3. Le débit sanguin dans la muqueuse de l’oreille moyenne est probablement faible ce qui limite l’importance des échanges gazeux et pourrait permettre aux pressions partielles d’O2 et de CO2, très diffusibles, d’être presque à l’équilibre.15–17 Il en est de même pour la vapeur d’eau qui diffuse facilement au travers des diverses barrières. Des travaux expérimentaux récents18 ont établi que les échanges transmuqueux résultent en une absorption de gaz, et donc en une dépression intratympanique que doit compenser l’ouverture de la trompe auditive. Rôle de la trompe auditive Sa fonction est de réaliser un équilibre dynamique entre deux situations contraires et toutes deux nécessaires. L’ouverture de la trompe permet l’équilibration des pressions et l’élimination vers le nasopharynx des sécrétions issues de l’oreille moyenne. À l’opposé, la fermeture de la trompe protège l’oreille moyenne de la flore bactérienne rhinopharyngée, des variations brutales de la pression dans le rhinopharynx. Cette notion d’équilibre dynamique est illustrée par la fluctuation au cours du nycthémère des tympanogrammes chez un même individu.19,20 Au repos, la trompe d’Eustache est fermée21 du fait de la tension superficielle du mucus, des forces élastiques du cartilage et de la membraneuse tu-

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baire, et du tonus des muscles péritubaires. Elle offre peu de résistance au passage d’air ou de sécrétions de l’oreille moyenne vers le rhinopharynx, alors que le passage passif en sens contraire est difficile en raison de la valve muqueuse et cartilagineuse. Ainsi une pression positive dans l’oreille moyenne ne persistera pas du fait d’un passage aisé de gaz de l’oreille moyenne vers le rhinopharynx (ainsi lors d’une simple ascension, le passage passif se produit dès 15-20 hPa de surpression, soit 170 m de dénivelé !). Il en va tout autrement des pressions négatives dans l’oreille moyenne. Celles-ci ne pourront être équilibrées que grâce à un processus actif, musculaire, mettant en jeu le muscle tensor veli palatini ou péristaphylin externe. Toutefois, si le gradient pressionnel atteint 80 hPa, il se produit un blocage irréversible. À l’état normal, l’ouverture de la trompe est brève (200 ms), peu fréquente (toutes les 1 à 2 minutes), au travers d’un conduit étroit (3 à 4 cm de long) de faible diamètre (1 mm). Elle ne peut donc laisser passer qu’un volume d’air maximum de 1 à 3 ll. Comme le gradient de pression entre nasopharynx et oreille moyenne est très faible (1 à 2 mmH2O), il est extrêmement peu probable que la trompe auditive permette le renouvellement de l’atmosphère de l’oreille moyenne. Le rôle principal de la trompe auditive est sans doute d’ajuster la pression intratympanique de façon à compenser la tendance à la dépression intratympanique résultant des échanges gazeux.22 Contrôle des échanges gazeux Le maintien des pressions partielles assurant l’équipression et donc, d’une composition gazeuse adéquate, dépend surtout des échanges gazeux entre cavité tympanique et vaisseaux. Quatre facteurs peuvent influencer ceux-ci : le flux sanguin, l’épaisseur de la muqueuse qui s’interpose entre cavités et vaisseaux, la perméabilité de ceux-ci et les variations de pressions partielles des gaz telles que l’on peut en observer au cours du nychtémère par exemple. À l’état normal, ces fluctuations pressionnelles (qui se font pratiquement toujours dans le sens d’un déficit) sont plus ou moins ressenties selon le volume total de l’oreille, c’est-à-dire selon le volume de la mastoïde, et s’exercent sur la seule paroi souple de l’oreille qu’est le tympan. Ainsi les effets aspiratifs d’une dépression sont-ils plus marqués en cas de mastoïde petite, dense et éburnée qu’en cas de mastoïde spatieuse et très pneumatisée. D’où la notion de « mastoïde tampon » des variations pressionnelles de l’oreille moyenne.23,24 Incidemment, la notion selon laquelle le développement de la mastoïde est fonction des acci-

32 dents infectieux de l’enfance n’est pas avérée. Si certains auteurs ont prétendu – et ce, depuis plus d’un siècle – que les otites répétées aboutissaient à une sclérose mastoïdienne, d’autres, en revanche, ont établi que le degré de pneumatisation de celle-ci relevait avant tout de facteurs génétiques. En pathologie Les oreilles pathologiques à tympan non perforé ont le plus souvent des pressions inférieures à la pression atmosphérique, comme cela ressort des études longitudinales de Tos et al.25 C’est notamment clairement le cas d’une variété d’OMC, l’otite atélectasique. Celle-ci se caractérise par une rétraction de la membrane tympanique et – estime-t-on – par une hypopression. Trois explications sont avancées pour en rendre compte. • 1. Une dysfonction tubaire soit par obstruction mécanique soit par incompétence fonctionnelle. Aucune donnée clinique ou expérimentale ne permet, à ce jour, d’accréditer cette première hypothèse. Les blocages mécaniques expérimentaux induisent des phénomènes aigus non comparables à une pathologie chronique. Les études anatomiques, radiologiques ou endoscopiques ne montrent pas de sténose ou d’obstruction tubaire. Les tests pressionnels utilisés en clinique sont extraphysiologiques. Incriminer une dysfonction tubaire dans le développement d’une otite chronique est très probablement incorrect. Certes, un blocage complet par un processus tumoral, après radiothérapie ou au cours d’une inflammation aiguë peut entraîner des phénomènes pathologiques (effusion séreuse ou muqueuse). Mais il ne s’agit pas des circonstances rencontrées lors d’une OMC. • 2. La théorie du « sniff », c’est-à-dire du reniflage. Certains patients présentent une béance tubaire, ce qui crée chez eux une gêne à type d’autophonie ou d’hyperacousie. Ils remédient à cette gêne par un tic de reniflement qui aspire l’air de l’oreille moyenne. Le sujet renifleur induit ainsi des dépressions dans son oreille

P. Tran Ba Huy moyenne, de façon suffisamment importante pour que la trompe se verrouille par effet ventouse.26 Mais cette théorie est discutée car, expérimentalement, des gaz marqués insufflés dans l’oreille moyenne s’éliminent en fonction de leurs coefficients de diffusion respectifs (donc par absorption muqueuse) et non simultanément (par la trompe) comme le voudrait la théorie du sniff. • 3. La diffusion excessive de gaz liée notamment à une augmentation du flux sanguin telle qu’il s’en observe dans les états inflammatoires. Dans ces conditions, les échanges gazeux sont accrus, notamment l’absorption d’azote par la circulation, ce qui induit une baisse de sa pression partielle dans l’oreille moyenne qui ne peut être compensée par l’ouverture tubaire. Clairance mucociliaire La fonction essentielle du système mucociliaire est de propulser la couche de mucus afin de permettre son élimination, et conjointement celle des débris cellulaires, des micro-organismes et des diverses particules exogènes dont il s’est chargé. Ce flux de mucus peut aisément être objectivé par le transport de saccharine ou d’un indicateur coloré depuis l’oreille moyenne jusqu’au rhinopharynx. L’efficacité de ce processus dépend tout à la fois des caractéristiques du mucus, de la qualité du mouvement ciliaire et du couplage entre les cils et le mucus. Le film de mucus est formé de deux couches27 : • l’une, superficielle, la phase « gel », est composée de glycoprotéines de haut poids moléculaire qui lui confèrent ses caractéristiques physiques de viscosité et d’élasticité ; • l’autre, profonde, très fluide, la phase « sol », baigne les cils dont seule l’extrémité vient s’ancrer sur la couche visqueuse superficielle. Le « couplage mucociliaire » est l’interaction dynamique qui permet aux cils de propulser la phase gel, alors que la phase « sol » n’est pas mobilisée. Les caractéristiques hydroélectrolytiques de cette phase « sol » et leur contrôle sont donc essentiels à une dynamique ciliaire normale.

Le contrôle des échanges gazeux à l’intérieur de l’oreille moyenne joue un rôle essentiel dans la pression intratympanique. C’est probablement l’excès de diffusion de gaz au travers d’une muqueuse inflammatoire plus que l’insuffisance de ventilation par la trompe qui rend compte de la diminution du volume gazeux observée dans les atélectasies. Cette diminution de volume avec la rétraction tympanique qui l’accompagne n’implique pas forcément d’hypopression intratympanique permanente. La trompe auditive ne peut assurer le renouvellement de l’air des cavités d’oreille moyenne. Elle ne jouerait qu’un rôle de valve corrigeant les variations trop brutales de pression.

Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques Les travaux conduits dans notre laboratoire13,28 ont clairement établi les points suivants : • l’épithélium absorbe le Na+, lequel entraîne secondairement l’H2O. Il contrôle donc la fluidité de la couche « sol » ; • expérimentalement, les médiateurs de l’inflammation augmentent ou diminuent le transport de Na+ à faibles ou fortes concentrations, respectivement. Cela signifie que, selon le degré de l’inflammation, il peut y avoir tantôt un arrêt de l’absorption du sodium (et donc de l’eau) avec inondation de l’oreille moyenne, tantôt une accélération de cette absorption sodique réduisant l’épaisseur de la couche « sol » et immobilisant les cils, d’où arrêt de la clairance et formation d’un bouchon muqueux. La capacité du mucus à bloquer les microorganismes est assurée par deux types de macromolécules, les immunoglobulines As et les nombreuses chaînes glycaniques des mucines dont la diversité joue un rôle essentiel dans la défense antimicrobienne de l’organisme. Par leurs similitudes avec les sites cellulaires reconnus par les bactéries, qui permettent l’adhérence des micro-organismes aux cellules épithéliales, les chaînes glycaniques du mucus pourraient leurrer les adhésines bactériennes, permettant le piégeage de celles-ci dans le mucus et leur élimination.29 En pathologie Toute perturbation de la clairance mucociliaire peut affecter profondément la physiologie de l’oreille moyenne. Ainsi, un processus inflammatoire chronique provoque-t-il une métaplasie mucipare qui augmente la production de mucus mais diminue également la fluidité de la couche « sol ». Cela entraîne un bouchon muqueux qui s’accumule dans le protympanum et finit par se bloquer dans la lumière tubaire. La dépression intratympanique augmente progressivement (comme à l’intérieur d’une seringue dont l’embout est bouché et dont on tire le piston), induisant à son tour des phénomènes véritablement mécaniques à type, par exemple, de rétraction tympanique, etc. Mais d’autres facteurs semblent également capables d’agir sur la fonction ciliaire. Les dyskinésies ciliaires primitives ou secondaires se compliquent volontiers d’otites muqueuses.

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Facteurs microbiologiques Un somme considérable de travaux fondamentaux a été consacrée ces dernières années à l’étude de ces facteurs. Il s’est surtout agi, en réalité, d’en étudier les implications dans l’otite moyenne aiguë. De la récente conférence internationale de recherche sur l’otite moyenne, les quelques points suivants peuvent être retenus.30 Il est établi que les infections par virus respiratoires (rhinovirus humains, virus respiratoire syncytial) jouent un rôle essentiel dans l’éclosion des « otites dites sécrétoires » de l’enfant. Bien que d’aucuns la considéraient comme un phénomène aseptique, il s’avère qu’au moins 50 % des épanchements contiennent en fait des acides ribonucléiques (ARN) viraux, isolés ou associés à des résidus bactériens, avec un spectre semblable à celui observé au cours des otites moyennes aiguës. C’est sans doute par le biais de la production de médiateurs de l’inflammation (leukotriènes LTB4, interleukines 8 [IL8]) que les agressions virales favorisent la surinfection bactérienne. Cette surinfection bactérienne semble responsable à la fois dans l’induction du processus otitique chronique et dans le réchauffement et l’entretien d’une otite muqueuse ouverte. Dans les deux cas, le rôle exact de tel ou tel germe reste difficile à préciser. Au sein des otorrhées purulentes chroniques de l’enfant, des clapiers fongueux ou du tissu de granulation comblant la caisse du tympan ou la cavité mastoïdienne, les agents infectieux les plus souvent rencontrés semblent être Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus, Haemophilus influenzae et Proteus mirabilis. Pour chacun de ces germes, des récepteurs de surface cellulaires ont été ou sont en cours d’identification. Les protéines d’adhésion représentent, en effet, l’une des clés de la compréhension du phénomène otitique et de sa pérennisation. Ces données épidémiologiques sont cependant changeantes au cours des ans et variables selon les pays et le type de population étudié. La prédominance de germes Gram négatifs pourrait être en rapport avec les effets propres de la fraction lipopolysaccharidique de la paroi bactérienne, encore appelée endotoxine.31 Ces endotoxines stimuleraient la production de tumour necrosis factor a (TNF-a) et d’IL-1b dans l’oreille moyenne et pérenniseraient le processus chronique.

La clairance mucociliaire joue un rôle primordial dans la physiologie de l’oreille moyenne. Le contrôle de la couche « sol » par les échanges ioniques conditionne la fonction ciliaire. Toute métaplasie mucipare, en augmentant la « charge » de mucus, perturbe la fonction de clairance.

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Facteurs immunologiques Bien que très souvent invoqué, un dysfonctionnement immunitaire n’a jamais été démontré dans l’OMC. Le rôle des végétations adénoïdes a certes été impliqué : en sécrétant des immunoglobulines A (IgA), elles identifient et éliminent les germes pathogènes du nasopharynx et donc protègent l’oreille moyenne. À l’état basal, certains auteurs ont pu dire que l’oreille moyenne n’était pas immunocompétente car dépourvue de cellules immunocompétentes.12 En cas d’inflammation aiguë, cependant, survient une vasodilatation qui, associée à une leucodiapédèse, permet aux macrophages et lymphocytes d’affluer, créant les conditions d’une réponse immune locale. Depuis quelques années se sont multipliées les expérimentations animales visant à mettre en évidence un rôle néfaste de la réponse immunitaire, susceptible de chroniciser le processus inflammatoire qui lui a donné naissance. L’archétype de ces protocoles consiste à immuniser des chinchillas par injections intramusculaires répétées durant plusieurs semaines d’Haemophilus influenzae non typables (NTIH) inactivés. L’injection de ces germes inactivés dans l’oreille moyenne de ces animaux immunisés déclenche alors une otite moyenne séreuse. On peut en conclure que la formation locale de complexes immuns, c’est-à-dire l’association Ag bactériens-Ac, active la voie du complément et pérennise l’infection. Ces expériences sont certes avérées, mais leur pertinence pathogénique chez l’homme est discutable, car elles supposent une sensibilisation systémique préalable, ce qui n’est pas le cas dans l’otite humaine. Là, c’est l’infection première de l’oreille moyenne qui déclenche des phénomènes de chimiotactisme provoquant l’afflux de cellules immunocompétentes (lymphocytes et macrophages). Celles-ci initient alors localement la réaction immunitaire qui suit l’infection, au lieu de la précéder dans le modèle animal. En thérapeutique, l’immunomodulation, qui consiste à modifier la réponse inflammatoire otitique au moyen d’une immunisation orale et la vaccinothérapie, basée sur la mise en évidence de nouveaux antigènes bactériens communs aux différentes sous-classes antigéniques, n’ont toujours pas fait la preuve de leur efficacité.

Facteurs cellulaires En réponse aux conditions pathologiques, la muqueuse de l’oreille moyenne est susceptible de présenter des modifications de son phénotype cellulaire. Celles-ci pourraient être induites par les

P. Tran Ba Huy cytokines. Encore appelées facteurs de croissance ou modificateurs de la réponse biologique, les cytokines sont des peptides produits par de très nombreuses cellules. Elles exercent une activité mitogène sur un mode autocrine ou paracrine et sont susceptibles de moduler la différenciation épithéliale. Ces cytokines pourraient, au cours des phénomènes otitiques, être responsables de la métaplasie sécrétoire, favorisant la multiplication des cellules muqueuses et la différenciation des cellules souches en cellules à mucus. Elles pourraient de même, dans certaines circonstances, induire une métaplasie épidermoïde. De plus, leur action sur le tissu conjonctif pourrait stimuler la multiplication des fibroblastes et la synthèse de collagène, favorisant l’épaississement du tissu conjonctif observé au cours de l’otite adhésive.

Clinique L’OMC se présente sous de multiples formes cliniques. Chacune d’entre elles constitue un processus pathologique actif caractérisé par des lésions anatomiques et histologiques irréversibles résultant d’une « blessure auriculaire » ancienne. Chacune d’entre elles présente des caractéristiques sémiologiques, otoscopiques et évolutives propres. Toutes réalisent des affections bien différentes se développant certes au sein d’une même cavité mais aussi distinctes l’une de l’autre que peuvent l’être dans le poumon un asthme, un emphysème ou un cancer. Dans les lignes qui suivent, nous décrirons les principales caractéristiques des grands syndromes otitiques chroniques connus et tenterons de les positionner les uns par rapport aux autres dans l’histoire du processus otitique (Fig. 1).

Otites séromuqueuses (dites sécrétoires) de l’enfance Elles se caractérisent par la présence, dans les cavités de l’oreille moyenne, d’une effusion durant plus de 3 mois, en l’absence de tout signe inflammatoire aigu. Leur fréquence est extrême puisque l’on admet qu’elles affectent sans doute tous les enfants à un moment quelconque de leurs premières années. Leur pathogénie implique un état inflammatoire locorégional d’origine probablement multifactoriel. Qu’elles soient ou non compliquées d’accidents infectieux aigus (réalisant ce que nous définissons par l’acronyme ASIE ou accidents sécrétoires et/ou

Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques

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Figure 1 Schéma général de l’histoire naturelle des otites chroniques. Les accidents sécrétoires et/ou infectieux de l’enfance (ASIE) constituent peut-être le passage obligé des grandes formes cliniques d’otite chronique. La disposition du bouquet des flèches initiales suggère toutefois que la différenciation de ces différentes formes puisse leur être antérieure et être indépendante d’elles. Quatre grandes entités sont individualisées : i) l’otite muqueuse ouverte (OMO) qui pourrait compliquer ou résulter de phénomènes infectieux particulièrement sévères de l’enfance. Son évolution peut se faire vers trois complications : ostéite, métaplasie épidermoïde ou épidermose malléaire. Elle peut laisser des séquelles avec ou sans tympanosclérose. Cette dernière entité pourrait résulter d’agressions infectieuses sévères répétées ; ii) l’otite adhésive qui pourrait compliquer l’évolution des otites sécrétoires muqueuses sévères (glue ear) ; iii) l’otite atélectasique qui pourrait compliquer ou résulter à la fois d’une fragilisation tympanique et d’un trouble de la ventilation muqueuse (pas forcément d’origine tubaire). Elle peut évoluer vers les poches de rétraction, lesquelles peuvent se compliquer de cholestéatome.

infectieux de l’enfance), elles soulèvent la question de leur place et de leur rôle initiateur éventuel dans l’histoire et le développement des diverses formes d’otites moyennes chroniques.

Caractéristiques de l’effusion Elles sont celles d’un exsudat, contenant un taux de protéines (gammaglobulines, glycoprotéines, mucines, etc.) supérieur à 11,5 mg/% (à la différence des transsudat où le taux de protéines est théoriquement inférieur à 7,5 mg/%). Mais l’effusion contient également des cellules inflammatoires, des leucocytes, du mucus, des enzymes. Surtout, les techniques de biologie moléculaire ont permis d’identifier la présence de débris bactériens, ce qui, dans une effusion théoriquement stérile, a donné crédit à l’hypothèse d’une origine exsudative infectieuse. Son aspect est blanchâtre et sa consistance plus ou moins visqueuse. Comme nous le verrons, l’importance du mucus dans l’effusion reflète l’importance de la métaplasie mucipare et conditionne en grande partie les caractéristiques viscoélastiques de l’effusion. Et c’est sa plus ou moins forte concentration qui a longtemps permis d’opposer – faussement – les for-

mes séreuses, fluides, aux formes muqueuses visqueuses et épaisses. C’est pourquoi le terme d’« otite sécrétoire » semble mieux adapté et d’ailleurs recommandé dans la littérature internationale.

Pathogénie Deux théories se sont longtemps opposées. Théorie ex vacuo Cette théorie popularisée par Adam Politzer implique un blocage de la trompe auditive responsable d’une dépression marquée intratympanique (le vacuum) avec rétraction du tympan et transsudation au travers des capillaires de la muqueuse. Cette théorie qui prévalut plusieurs décennies expliquait le caractère visqueux des effusions de l’enfant par la simple augmentation de concentration des protéines sanguines transsudées. Or, il est établi qu’une pareille augmentation n’élève en rien la viscosité du milieu. Surtout, elle négligeait la présence de cellules à mucus au sein de l’épithélium de l’oreille moyenne et la métaplasie mucipare résultant d’une inflammation prolongée avec pour corollaire la sécrétion de mucus. Le vacuum de caisse fut longtemps attribué à une obstruction tubaire par des végétations adénoïdes

36 ou par un œdème tubaire d’étiologie variable. Mais ces étiologies sont aujourd’hui contestées par de nombreuses constatations biologiques, cliniques, endoscopiques, radiologiques ou nécropsiques : • l’analyse biochimique des effusions révèle qu’elles sont manifestement très différentes d’un transsudat32 ; • le tissu lymphoïde n’obstrue ni ne pénètre la lumière tubaire ; des otites séromuqueuses s’observent sans présence de végétations ou après adénoïdectomie33 ; • l’otoscopie ne retrouve pas, en règle, de rétraction tympanique comme le supposerait un vacuum de caisse ; • l’endoscopie tubaire de nombreuses otites chroniques ne montre pratiquement jamais de blocage34 ; • l’histopathologie des rochers d’otite chronique ne met pas en évidence d’anomalie luminale.35 Cette théorie ex vacuo reste sans doute valable pour rendre compte des otites traumatiques aiguës d’origine pressionnelle ou directe par fracture du rocher cisaillant la trompe auditive, ou encore inflammatoires aiguës. Théorie inflammatoire Il semble admis aujourd’hui que l’inflammation est le facteur causal essentiel sinon unique de l’otite séromuqueuse de l’enfance. Selon cette théorie, l’origine en serait une otite aiguë ou une infection des voies respiratoires supérieures qui enclenche le processus inflammatoire dont la pérennité varie selon les enfants et selon certains facteurs : taille de la mastoïde (cf. supra), récidive des accidents infectieux, utilisation inadéquate de l’antibiothérapie, etc. Ainsi une otite séromuqueuse serait-elle la conséquence d’une inflammation ou d’une infection de la sphère otorhino-laryngologique (ORL) déclenchant, au sein de la muqueuse de l’oreille, une pathologie exsudative prolongée avec pour substratum anatomopathologique la métaplasie mucipare évoquée plus haut. La métaplasie mucipare consiste en une prolifération des cellules à mucus avec inversion de leur ratio par rapport aux cellules ciliées. Wendt, en 1873, puis, quelques années plus tard, Tumarkin et Politzer avaient déjà observé qu’un état inflammatoire chronique pouvait induire des modifications histologiques sévères de l’épithélium. Ces constatations historiques ont depuis lors été largement confirmées. Sadé a souligné le rôle inducteur de facteurs non spécifiques aussi variés que la fumée de tabac, la vitamine A, la progestérone, ou les variations des taux de CO2 ou d’O2 de l’air ambiant dans la transformation massive des cellules souches de l’épithélium en cellules à mucus. Une telle

P. Tran Ba Huy métaplasie reflète les capacités des premières cellules à modifier – en réponse à des conditions pathologiques – leur différenciation. C’est cette multiplication des cellules mucipares qui aboutit à la production de glycoprotéines analogues aux mucines dont la plus ou moins grande quantité dans l’effusion conditionne les propriétés viscoélastiques de celle-ci. C’est la constatation, grâce aux techniques de biologie moléculaire de débris bactériens dans l’effusion, qui permet de conforter l’hypothèse d’une atteinte infectieuse primaire.36 L’analyse de l’effusion montre qu’elle est pratiquement toujours celle d’un exsudat contenant des taux plus ou moins importants de glycoprotéines et non celle d’un transsudat. Il semble donc acquis aujourd’hui que la trompe auditive n’a aucun rôle primaire dans la genèse de l’otite sécrétoire. S’il existe bien des obstructions aiguës (otite barotraumatique) responsables alors d’une dépression intratympanique subite et d’une otite séreuse avec transsudat (théorie ex vacuo), l’otite sécrétoire de l’enfance qui dure plusieurs semaines, mois, voire années ne s’accompagne d’aucun blocage tubaire objectivé par une quelconque étude anatomique, anatomopathologique, radiologique ou endoscopique. Ce sont les travaux d’Hilding il y a plus de 60 ans qui ont permis d’expliquer pourquoi le blocage tubaire n’était en réalité que secondaire à l’inflammation de l’oreille moyenne. Dans son expérience historique sur la trachée37, il a, en effet, démontré que celui-ci est causé par l’enclavement du bouchon muqueux transporté par le tapis mucociliaire vers le protympanum, ce qui crée en aval une dépression croissante au fur et à mesure que progresse le bouchon et que la muqueuse résorbe l’air de l’oreille moyenne (comme le piston d’une seringue à embout fermé que l’on tire), ce qui explique l’effet bénéfique immédiat d’une paracentèse ou de la pose d’un aérateur (cf. infra).

Évolution Ainsi conçues, les otites séromuqueuses de l’enfance s’inscrivent dans le cadre de la maladie dite d’adaptation qui témoigne de la rencontre d’un organisme vierge avec les germes du monde extérieur et en explique la fréquence. Cela explique aussi que l’évolution puisse être émaillée d’accidents infectieux aigus plus ou moins sévères et plus ou moins fréquents, définissant l’ASIE. Comme nous l’avons vu, c’est la répétition ou la prise en charge insuffisante des otites aiguës, notamment par traitement antibiotique inadapté, qui pourraient induire et entretenir le processus

Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques inflammatoire responsable de l’otite séromuqueuse. C’est vers 5-6 ans que prend habituellement fin cet apprentissage immunitaire. Dans l’immense majorité des cas, ces ASIE ne laissent aucune séquelle, sinon le souvenir de paracentèses mouvementées et douloureuses, d’antibiothérapie tatillonne et prolongée, et/ou de poses répétées d’aérateurs transtympaniques. Dans un nombre limité de cas, et pour des raisons mal connues, la pathologie se pérennise.

Place de l’otite séromuqueuse ou des accidents sécrétoires et/ou infectieux de l’enfance dans l’otite chronique. Origine ou épiphénomène ? Dans la naissance du drame otitique, deux théories s’affrontent. Selon la première théorie, les ASIE seraient le tronc commun, le passage obligé vers les différentes formes d’OMC que nous décrivons plus bas. Aucune d’entre elles ne naîtrait ex nihilo passé l’âge de 5-7 ans. La seconde théorie remet en cause la responsabilité des ASIE dans l’émergence d’une OMC et ce, sur plusieurs arguments : • l’anamnèse, même la mieux conduite chez certains jeunes patients parfaitement éduqués, au livret médical détaillé, à la mémoire précise, ne retrouve parfois aucun antécédent otitique ; • certaines formes d’OMC et notamment d’otite cholestéatomateuse sont découvertes au-delà de la soixantaine, chez des patients apparemment indemnes de tout passé otitique et il paraît difficile d’admettre chez eux la quiescence aussi prolongée d’un état inflammatoire ; • l’extrême fréquence des ASIE contraste avec la relative rareté des OMC ; • les ASIE n’expliquent pas la différenciation d’un processus inflammatoire otitique initial apparemment non spécifique en telle ou telle variété clinique bien individualisée. Quelle que soit la théorie exacte, deux questions se posent alors : quel est le processus responsable de la chronicité ? Quel est le processus de différenciation ? La nature exacte de ces processus reste incertaine. Mais trois remarques méritent d’être faites : • de l’analyse des facteurs pathogéniques qui précède, il ressort que ces processus sont très probablement multifactoriels ; • la variété de causes potentielles rend sans doute compte de la grande diversité des formes clini-

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ques que revêt l’affection chez l’adolescent et l’adulte ; • une explication pourrait résider dans la dualité causale évoquée plus haut opposant inflammation et infection. Le développement de l’antibiothérapie trop systématique et souvent inadaptée a probablement favorisé la prévalence de la première – ce qui pourrait expliquer l’augmentation des formes atélectasiques ou fibroadhésives – aux dépens de la seconde – ce qui rendrait compte de la diminution des formes otorrhéiques. Dans la plupart des cas, il semble que l’individualisation des différentes formes cliniques intervienne au cours des premières années. C’est donc entre 5 et 10 ans que l’examen otoscopique répété revêt une importance primordiale pour saisir les étapes de la différenciation anatomoclinique. Et c’est à cette période qu’il faut dans doute agir pour prévenir une évolution irréversible. Car une fois amorcé, le processus otitique spécifique va poursuivre sa logique interne qui le conduira au tableau constitué d’une entité déterminée. Un traitement peut ralentir, voire stopper cette course. Il ne peut en changer la direction. Ainsi, une otite atélectasique débutante peut-elle arrêter son évolution au stade 1 (cf. infra). Elle ne peut aboutir à la constitution d’une otite adhésive. Principes thérapeutiques La question la plus immédiate qui se pose est d’abord de savoir s’il est nécessaire de traiter. Compte tenu de sa fréquence extrême et de l’absence d’ototoxicité avérée, une effusion dans l’oreille moyenne ne mérite d’être évacuée et prévenue que pour deux motifs : • la surdité qui, si elle persiste d’importance, peut, chez le jeune enfant, retentir sur le développement de son langage et sur sa scolarité et chez l’adulte affecter sa vie socioprofessionnelle ; • le rôle inducteur qu’elle peut éventuellement présenter dans le développement des autres formes d’otite chronique (Fig. 1). Ce rôle est, en réalité, éminemment discutable comme le suggère le suivi de jeunes patients montrant qu’une otite séromuqueuse n’est pas le facteur significatif dans le développement d’une atélectasie.38 Dans tous les cas, les moyens dont nous disposons sont limités : • la prévention des infections des voies aériennes est aléatoire. Aucune immunothérapie n’a fait la preuve de son efficacité ; • la prévention des otites aiguës peut éventuellement faire appel à l’antibiothérapie prolongée.

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Il est possible – mais non prouvé – que les otites séromuqueuses et les ASIE de l’enfance constituent le passage obligé vers l’OMC. Ils n’expliquent pas ce qui détermine l’évolution vers telle ou telle forme clinique. Peut-être les accidents infectieux sévères favoriseraient-ils le passage vers l’otite muqueuse ouverte (OMO), et l’otite muqueuse sévère celui vers l’otite adhésive. L’aérateur transtympanique semble le moyen le plus efficace pour lutter contre les otites séromuqueuses. Traitée ou non, toute otite séromuqueuse doit faire l’objet d’une surveillance otoscopique prolongée, de façon à s’assurer qu’elle n’évolue pas vers l’une des formes cliniques d’otite chronique. Mais ce concept est discuté en raison des résistances et des effets secondaires ; • l’adénoïdectomie est également sans effet significatif sur la survenue des ASIE ; • l’antibiothérapie et la corticothérapie des otites sécrétoires constituées sont inefficaces ; • les mucolytiques sont également inefficaces sur le rétablissement de la clairance mucocilaire ; • antihistaminiques et autres agents ne semblent d’aucun intérêt pour traiter la muqueuse ; • les insufflations tubaires et les décongestionnants locaux semblent inutiles ; • en l’état actuel, la paracentèse avec mise en place d’un aérateur transtympanique représente le seul moyen efficace de traiter l’effusion et de prévenir la récidive des otites séreuses chroniques (OSC). Son mécanisme d’action en a été explicité par l’expérience princeps de Hilding décrite plus haut. Indications des aérateurs transtympaniques Les indications d’aujourd’hui admises sont : • une surdité supérieure à 30 dB ; • une tendance à la rétraction tympanique, car elle traduit l’existence d’un processus atélectasique dont l’évolutivité pourrait être favorisée par la présence de l’effusion (ce qui n’en démontre nullement le rôle inducteur) mais semble en tous les cas ralentie sinon stoppée par la mise en place de l’aérateur ; • les épisodes de réchauffement, c’est-à-dire les otites aiguës dont la répétition semble également favorisée par cette effusion et qui peuvent ouvrir la voie à l’otite chronique ouverte et aux séquelles avec ou sans tympanosclérose. À ces indications classiques doit, à notre avis, s’ajouter celle d’un épanchement muqueux, très visqueux et dont la surveillance prolongée montre la persistance au-delà des 5-6 ans, c’est-à-dire au-delà de ce qu’il est convenu d’appeler la maladie d’adaptation. Certaines otites adhésives pourraient en constituer la sévère conséquence. Savoir attendre et surveiller reste le principe qui doit prévaloir lorsque aucun traitement n’est décidé.

En dehors des indications énoncées plus haut, il paraît licite de n’imposer aucune thérapeutique particulière. Un traitement inefficace étant par définition superflu, aucun argument ne justifie une prescription même compassionnelle. La résolution spontanée du processus inflammatoire constatée dans l’immense majorité des cas, le développement des résistances bactériennes, l’incidence économique considérable (estimée de 3 à 5 milliards de dollars aux États-Unis)39 suffisent à recommander a priori l’abstention sous surveillance otoscopique dans l’immense majorité des cas.

Otite muqueuse ouverte Cette entité représente la forme la plus caractéristique d’otite chronique en ce qu’elle constitue – au sens précis de la définition internationale – une inflammation chronique de la muqueuse de l’oreille moyenne avec otorrhée au travers d’une perforation tympanique. Elle réalise l’extension et/ou l’équivalent auriculaire des rhinosinusites chroniques et s’inscrit donc souvent dans le cadre d’une maladie locorégionale.1

Pathogénie et anatomopathologie « Fragilité » ou « débilité » muqueuse sont sans doute les termes qui, malgré leur caractère peu scientifique, résument encore le mieux ce que l’on sait des facteurs qui prédisposent au développement de l’OMO. Nous avons vu plus haut les notions immunologiques et génétiques qui pouvaient rendre compte de la susceptibilité particulière de la muqueuse de l’oreille aux diverses agressions. Au plan histologique, la muqueuse tubaire, tympanique et mastoïdienne apparaît œdémateuse avec un épithélium hyperplasique où les cellules caliciformes sont plus nombreuses que normalement avec diminution parallèle du nombre de cellules ciliées. Le chorion contient des cellules inflammatoires mononucléées, lymphocytes, macrophages et plasmocytes en nombre généralement modéré.

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Clinique « Oreille humide » est sans doute le terme qui caractérise le mieux cette entité. Certes, une surdité existe, d’importance variable, souvent négligée. Mais c’est le plus souvent pour une otorrhée que le malade finit par consulter. Cette otorrhée est habituellement minime, filante, inodore, mais permanente, mouillant parfois le conduit auditif externe et agaçant le patient. À l’occasion d’épisodes de réchauffement secondaires à une inflammation aiguë de la sphère rhinosinusienne ou à une baignade, elle devient purulente, abondante, et parfois fétide et blanchâtre. Ces deux derniers caractères ne traduisent nullement ici l’existence d’un cholestéatome, comme l’enseignent les classiques traités de séméiologie otologique, mais plutôt l’hyperkératose et la macération du revêtement cutané du conduit auditif externe. C’est en tous les cas bien souvent le caractère incommodant de cette odeur qui conduit le patient (poussé par son entourage) à consulter. À l’otoscopie, le tympan présente une perforation non marginale, soit antérosupérieure (c’est la classique perforation « tubaire »), soit centrale et réniforme (c’est le classique « haricot qui coule »). À travers cette perforation, la muqueuse apparaît œdémateuse, de couleur rose saumon et luisante. L’aspiration douce permet parfois de recueillir dans l’hypotympanum une effusion plus ou moins épaisse, parfois de type « glue ear », qui témoigne de la transformation mucipare de la muqueuse promontoriale. Les osselets sont en règle normaux mais présentent parfois des lésions variables avec le degré et la durée de l’affection : bascule promontoriale ou lyse de l’extrémité du manche du marteau, ostéite avec ou sans interruption de l’articulation incudostapédienne, destruction de la superstructure de l’étrier (Fig. 2–5). Une classification simple et commode en quatre stades peut être utilisée pour caractériser l’état inflammatoire de la muqueuse de l’OMO :

Classification des otites muqueuses ouvertes Stade Stade Stade Stade

1 2 3 4

= = = =

érythémateuse érythémateuse sécrétante polypoïde non sécrétante polypoïde sécrétante

D’un point de vue audiométrique, la surdité de transmission varie entre 20 et 50 dB. L’atteinte de la conduction osseuse est assez tardive. La manométrie révèle un dysfonctionnement ou un blocage complet de la trompe auditive, mais cela n’est pas

Figure 2 Otite muqueuse ouverte gauche stade 1. Noter l’aspect inflammatoire de la muqueuse de caisse vue à travers la perforation.

Figure 3 Otite muqueuse ouverte stade 2 (c’est-à-dire érythémateuse et sécrétante). Noter la perforation non marginale et l’aspect œdématié, rose saumoné, suintant de la muqueuse promontoriale. Noter surtout l’existence, dans le conduit auditif externe, de dépôts purulents mêlés de quelques squames épidermiques. Cette otorrhée purulente, éventuellement fétide, n’est en rien le témoin d’un choléstéatome.

constant. Cela suggère a contrario que la dysfonction de la trompe auditive n’est pas constante dans l’OMC. D’un point de vue radiologique, la tomodensitométrie, lorsqu’elle est demandée, montre souvent un flou de la région mastoïdienne, flou qui traduit la réaction inflammatoire de la muqueuse, ainsi que l’ostéite éventuellement surajoutée.

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P. Tran Ba Huy sisté sur le rôle des infections de voisinage dans l’entretien et le réchauffement de l’OMO. Dans le même ordre d’idées, une enquête allergologique permet parfois d’identifier un allergène dont l’éradication ne peut qu’être bénéfique au patient.

Évolution Elle peut être envisagée et schématisée selon qu’elle est ou non traitée.

Figure 4 Otite muqueuse ouverte droite de stade 4, c’est-à-dire polypoïde et sécrétante. Noter les polypes de la muqueuse du promontoire comblant la perforation centrale. Noter également la présence d’une otorrhée dans le conduit auditif externe et quelques petites plaques de dyskératose disséminées dans le conduit auditif externe.

Figure 5 Otite muqueuse ouverte en poussée de réchauffement aigu. Noter les granulomes périorificiels et surtout l’hyperkératose massive du conduit auditif externe. Cette hyperkétarose traduit la souffrance du revêtement cutané canalaire et rend compte du caractère parfois nauséabond de l’otorrhée et de la présence de débris épidermiques dans l’otorrhée pouvant faire diagnostiquer à tort un cholestéatome.

C’est dans cette forme d’otite que l’examen de la sphère ORL, particulièrement centré sur les sinus et le rhinopharynx, revêt une importance capitale pour l’approche tant pathogénique que thérapeutique de l’affection. Nous avons, en effet, déjà in-

Non traitée L’OMO revêt habituellement un caractère chronique particulièrement désespérant. Les épisodes de réchauffement se succèdent au gré des infections rhinopharyngées et des influences climatiques et saisonnières. Conséquence du « mouchage » répété par l’oreille, l’otorrhée peut provoquer des épisodes d’otite externe par irritation du revêtement cutané du conduit osseux. Parallèlement, la surdité de transmission s’aggrave lentement, avec éventuellement labyrinthisation. Dans les formes particulièrement graves, trois événements peuvent marquer de leur empreinte l’histoire de l’OMO : une ostéite, une métaplasie épidermoïde, une épidermose malléaire. Ostéite Elle peut s’installer à bas bruit et intéresser : • soit le cadre qu’elle érode dans sa partie sousligamentaire ou dans la région du mur de la logette ; • soit la mastoïde dont elle grignote la corticale et/ou les traînées cellulaires sus- et rétrolabyrinthiques. Cette ostéite va pérenniser l’inflammation muqueuse et rendre compte d’aspects otoscopiques variés simulant des pseudocavités d’évidements ou des atticotomies transméatiques sur des oreilles pourtant vierges de tout antécédent chirurgical. Elle justifie la tomodensitométrie systématique devant une OMO traînante. Elle explique les échecs des traitements médicaux et constitue une indication chirurgicale. Elle se présente sous l’aspect de « sucre mouillé » avec fongosités polypoïdes et granulomes à cholestérine jaunâtre. Ces lésions doivent être enlevées à la fraise ou la curette jusqu’à tomber en os sain. Métaplasie mucipare et/ou épidermoïde Il s’agit là d’une modalité évolutive qui traduit une souffrance prolongée de la muqueuse. Métaplasie mucipare. Elle résulte du même mécanisme que celui évoqué à propos des otites sécrétoires. Elle rend compte des caractères filant et visqueux de l’effusion que l’on peut aspirer sous microscope dans l’hypotympanum.

Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques

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Figure 6 Schéma de la métaplasie épidermoïde. Cette pathologie muqueuse se déroule à ciel ouvert mais pluvieux... Le « climat » inflammatoire qui prévaut de façon très prolongée dans les cavités de l’oreille moyenne provoque une métaplasie malpighienne, c’est-à-dire le passage d’une muqueuse cylindrique ou mucociliaire en une muqueuse kératinisée et desquamante. La muqueuse malpighienne ne présente aucune continuité avec le tympan. CAE : conduit auditif externe ; TA : trompe auditive ; M : mastoïde.

Métaplasie épidermoïde. Elle peut s’observer sur les muqueuses de caisse particulièrement inflammatoires et infectées. Il s’agit ici d’une maladie dégénérative de la muqueuse de l’oreille moyenne (Fig. 6). Au plan histologique, le revêtement cubocylindrique ou respiratoire normal est remplacé par un épithélium malpighien stratifié avec une kératinisation ortho- ou parakératosique.40 Le chorion contient généralement de nombreuses cellules inflammatoires mononucléées. Fait essentiel, il existe une zone transitionnelle plus ou moins étendue, plus ou moins abrupte entre les deux types d’épithélium. Wendt en 1873 puis, quelques années plus tard, Tumarkin et Politzer avaient déjà observé qu’un état inflammatoire chronique pouvait induire des modifications histologiques sévères de l’épithélium. Ces constatations historiques ont, depuis lors, été largement confirmées. Des facteurs aussi variés que la fumée de tabac, la vitamine A, la progestérone, ou les variations des taux de CO2 ou d’O2 de l’air ambiant ont un rôle inducteur dans la production de kératine par des cellules épithéliales d’origine entoblastique. Car la métaplasie épidermoïde n’est nullement spécifique de la muqueuse de l’oreille moyenne. Elle reflète les capacités des cellules épithéliales, notamment respiratoires à modifier – en réponse à des conditions pathologiques – leur différenciation, et de produire alors les types de kératine correspondant à leur nouveau phénotype. Cliniquement, il existe donc une perforation tympanique, en règle non marginale, et dans le mésotympanum, une accumulation de squames épidermiques disposées en amas ou en plaques. Après aspiration, la muqueuse apparaît blanchâtre, de façon diffuse ou par îlots, sèche ou sanieuse. Dans

Figure 7 Otite muqueuse ouverte droite très inflammatoire avec une perforation tympanique totale ainsi qu’une lyse complète de la chaîne ossiculaire. Noter surtout la conjonction d’une métaplasie mucipare de l’hypotympanum et d’une métaplasie épidermoïde de la partie supérieure de caisse, intéressant également le conduit auditif externe. Ces deux processus témoignent bien des modalités évolutives particulières de l’otite muqueuse ouverte.

tous les cas, on ne retrouve pas de matrice et la muqueuse hyperkératosique est sans continuité avec la membrane tympanique ou la peau du conduit auditif externe. Des aspects similaires peuvent s’observer dans les cavités d’évidement surinfectées, mal aérées et mal surveillées, notamment dans la région mastoïdienne, et sont à tort diagnostiqués comme une récidive de cholestéatome alors qu’il ne s’agit que de la métaplasie d’une zone non épidermisée et en souffrance (Fig. 7). Cette métaplasie doit donc être clairement distinguée du classique cholestéatome avec lequel elle ne partage aucun lien pathogénique. Elle est d’ailleurs susceptible de régresser sous traitement médical prolongé lorsque ce dernier parvient à assécher la muqueuse de caisse. Cette métaplasie indique, plutôt qu’elle ne contre-indique, une technique fermée. Épidermose malléaire Elle constitue une complication tout à fait particulière de certaines OMO « marginales » c’est-à-dire dont la perforation tympanique, en s’élargissant au fil de l’évolution, en vient à jouxter le manche du marteau.41 C’est à cette modalité évolutive (et sans doute à elle seule) que semble pouvoir réellement s’appliquer la notion de migration ou d’invasion épidermique décrite par Habermann au XIXe siècle.42,43

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Figure 8 Otite muqueuse ouverte gauche compliquée d’épidermose malléaire. Le fond de caisse bien visible au travers de la perforation totale est très inflammatoire et suintant (stade 2). Il existe autour de l’umbo une prolifération épidermique très caractéristique.

Cette épidermose se traduit, en effet, par une hyperkératose naissant de l’umbo, véritable centre germinatif à partir duquel des lamelles blanc nacré remontent le long du manche du marteau et s’engouffrent à la face profonde des reliquats tympaniques et vers la caisse. Cette efflorescence semble bien se faire à partir de la couche superficielle de la membrane tympanique ou de ce qu’il en reste, à la faveur du contact qu’elle noue autour du relief osseux malléaire avec la couche muqueuse profonde. La prolifération de kératine peut se diriger vers l’épitympanum le long de la face profonde du marteau mais elle demeure habituellement cantonnée au mésotympanum. Aucune matrice n’est individualisable. La face interne des restes tympaniques apparaît tapissée d’une fine couche d’épiderme dont elle ne peut être clivée. La muqueuse du mésotympanum présente souvent de discrets signes d’inflammation mais n’est pas dyskératosique. Les lamelles de kératine sont apposées sur elle mais n’y adhèrent pas. Il est donc constamment possible de la nettoyer de tout débris épidermique. En d’autres termes, la muqueuse n’est pas métaplasique. La chaîne ossiculaire est en règle intacte. L’umbo peut cependant présenter un certain degré de lyse (Fig. 8–10). Au plan histologique, l’examen des fragments de membrane tympanique prélevés lors du geste chirurgical révèle une structure modifiée : la couche moyenne conjonctive est préservée mais ses deux

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Figure 9 Épidermose malléaire. Noter la perforation tympanique incompatible avec un processus atélectasique ainsi que la présence de kératine dans le mésotympanum. Un tel aspect est bien différent de ceux qui prévalent dans le cholestéatome.

Figure 10 Schéma de l’épidermose malléaire. « L’immigration illégale » d’épiderme se produit ici à partir du manche du marteau à la faveur d’une perforation longeant celui-ci. Une inflammation même minime jointe à la modification « climatique » du mésotympanum secondaire à la perforation favorise l’irruption d’épiderme dans l’oreille moyenne. Il n’y a pas de paroi limitante comme dans le cholestéatome. Noter que la membrane tympanique colonisée comprend trois couches : deux épithéliales malpighiennes et une moyenne conjonctive. CAE : conduit auditif externe ; TA : trompe auditive ; M : mastoïde.

faces sont constituées d’épithélium malpighien qui, du côté interne, desquame abondamment (Fig. 11). Le processus de prolifération de kératine provient bien de l’extrémité du manche du marteau au niveau duquel il est parfois possible, à l’aide de l’aspiration, de désenclaver de la cavité de l’oreille moyenne un « bouchon épidermique » manifestement solidaire de l’umbo. Tout comme la métaplasie épidermoïde, l’épidermose doit donc être distinguée du cholestéatome. D’un point de vue thérapeutique, seule la

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sibles, la chirurgie modifie les conditions locales de l’oreille moyenne, guérissant ce que certains auteurs ont appelé « la pathologie de la caisse ouverte ». Il est donc licite de la proposer devant une OMO rebelle à un traitement médical assidûment suivi. La chirurgie de l’OMO se discute moins en cas de complications, c’est-à-dire en cas d’ostéite atticomastoïdienne et d’épidermose mésotympanique. Par des voies d’abord et selon des techniques variées, elle consiste alors à cureter tous les foyers inflammatoires, muqueux et osseux, atticaux ou mastoïdiens, à éradiquer une épidermose mésotympanique, et à fermer la membrane tympanique. Figure 11 Aspect histologique d’une épidermose malléaire. Noter la présence d’une couche conjonctive moyenne normale tapissée sur ses deux faces par de l’épithélium malpighien kératinisé.

fermeture chirurgicale de la perforation semble garantir l’arrêt de l’épidermose. Traitée L’OMO peut évoluer vers la guérison avec ou sans séquelles, c’est-à-dire le passage d’une OMO humide à une oreille ouverte sèche.

Principes thérapeutiques Antibiotiques par voie générale ou locale, corticoïdes en cures discontinues (plutôt qu’antiinflammatoires non stéroïdiens), microaspirations répétées, soins locaux semblent essentiels. La patience et l’obstination dans la conduite du traitement sont ici de mise, l’un des facteurs essentiels de succès étant la motivation du patient lui-même. Bien souvent, en effet, un patient débarrassé d’une otorrhée abondante ou fétide cessera son traitement, habitué qu’il est à un certain degré d’hypoacousie. Tout épisode infectieux de la sphère ORL doit être traité vigoureusement. Ce n’est que sur une oreille asséchée durant quelques mois – c’est-à-dire sur une oreille séquellaire – que peut éventuellement s’envisager un acte chirurgical fonctionnel. En refermant une perforation tympanique, en curettant les lésions muqueuses et osseuses irréver-

Séquelles d’otite chronique Cette deuxième entité clinique constitue le stade terminal le plus favorable des OMC et la forme clinique sans doute la plus fréquemment rencontrée.

Pathogénie et anatomopathologie Les lésions observées associent à des degrés divers une disparition de la couche moyenne conjonctive du tympan avec ou sans perforation, et/ou une lyse partielle ou complète des osselets. La perforation tympanique est ici non marginale. Les lésions ossiculaires siègent avec prédilection sur l’apophyse lenticulaire de l’enclume mais peuvent intéresser un point quelconque de la chaîne. Il n’existe habituellement pas de lésions mastoïdiennes. Le fait essentiel est qu’il n’existe pas de lésions inflammatoires.

Clinique Les circonstances de sa découverte sont variées : surdité ancienne ou lentement évolutive ; examen systématique d’un sujet aux antécédents otitiques anciens ou oubliés ; otite aiguë intercurrente survenant à l’occasion d’une baignade. À l’otoscopie, le tympan peut associer deux types de lésions : une perforation plus ou moins

L’OMO représente le type le plus classique d’otite chronique. Elle paraît être la conséquence d’accidents infectieux sévères et nécrosants ayant détruit la membrane tympanique et laissant une inflammation muqueuse traînante. Elle peut, spontanément ou sous traitement médicochirurgical, évoluer vers des séquelles avec ou sans tympanosclérose, ou se compliquer d’ostéïte, de métaplasie épidermoïde ou d’épidermose malléaire. Ces deux dernières entités se caractérisent par la présence de kératine dans l’oreille moyenne – ce qui souligne que cette dernière ne signifie pas automatiquement cholestéatome.

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Figure 12 Otite séquellaire simple gauche sans tympanosclérose. Noter la perforation tympanique non marginale, le reste de pars tensa très pellucide par disparition de la couche moyenne conjonctive. La muqueuse de caisse est normale.

importante mais non marginale, c’est-à-dire respectant l’annulus fibreux, et un remaniement de sa structure qui le rend anormalement fin, transparent, ayant perdu sa texture habituelle. Cet aspect pellucide s’explique par la disparition de couche moyenne conjonctive ou lamina propria. Parfois, existe un aspect de perforation bouchée, où un tympan présente en un endroit un fin velum, correspondant manifestement au siège d’une ancienne perforation. La chaîne ossiculaire peut être examinée, soit par une perforation intéressant la partie postérieure du tympan, soit à travers un voile tympanique transparent. L’apophyse lenticulaire de l’enclume peut être lysée, l’articulation incudostapédienne cariée, fibreuse ou disjointe, les branches de l’étrier détruites partiellement ou totalement, le manche du marteau rétracté et l’umbo lysé. Mais, fait capital, la muqueuse du fond de caisse est normale, en dehors bien sûr d’un épisode de réchauffement. En surviendrait-il un qu’un traitement antibiotique efficace entraînerait un rapide retour ad integrum de la muqueuse. Cette oreille séquellaire est donc sèche (Fig. 12, 13). D’un point de vue audiométrique, la surdité est en général de transmission pure, supérieure ou non à 30 dB, selon que les lésions ont ou non retenti sur la mobilité et la continuité de la chaîne ossiculaire. La fonction tubaire explorée par manométrie (en cas de perforation tympanique) est habituellement normale. Le bilan radiologique est inutile dans cette forme.

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Figure 13 Otite séquellaire gauche avec tympanosclérose. Noter la perforation tympanique non marginale postérieure, la chaîne continue, et la plaque calcaire sur la partie tout antérieure la pars tensa. Noter surtout l’aspect parfaitement normal de l’épithélium de l’oreille moyenne.

Évolution Ces séquelles sont en principe stables. Deux faits méritent cependant d’être soulignés : • la perforation tympanique favorise les accidents infectieux aigus (notamment lors des baignades). Mais, comme mentionné plus haut, sous traitement médical énergique, l’oreille moyenne reprend vite son aspect séquellaire antérieur ; • les lésions tympaniques et ossiculaires peuvent se combiner à d’autres formes cliniques que nous examinerons plus loin et qui vont évoluer pour leur propre compte. L’évolution des séquelles est donc souvent celle des entités qui lui sont associées.

Principes thérapeutiques Elles relèvent de la chirurgie dite fonctionnelle. Pour le tympan, une myringoplastie peut être proposée avec de grandes chances de succès. Encore faut-il que cette chirurgie dite « de confort » soit justifiée par une demande du patient ou par le risque réel de surinfection auquel peut l’exposer une profession ou une activité nautique particulière. Pour les osselets, la chirurgie rétablit l’effet columellaire par transposition d’osselets ou d’autres matériaux. Les résultats des innombrables procédés décrits, souvent spectaculaires dans l’immédiat, ne résistent cependant pas toujours à

Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques l’épreuve du temps (le lecteur est ici renvoyé aux ouvrages traitant de cette chirurgie).

Tympanosclérose Décrite dès 1734 par Cassebohm lors de ses descriptions anatomiques de l’oreille, individualisée en 1869 par von Tröltsch, dénommée par Zöllner et Beck en 1953, cette troisième entité clinique peut se définir comme un processus de cicatrisation caractérisé par une infiltration hyaline avec dépôts calcaires intra- et extracellulaires et de cristaux de phosphate dans le tissu conjonctif sous-muqueux tapissant les osselets, les parois osseuses et la couche moyenne tympanique.44 Elle est très souvent associée à la forme précédente et représente une forme évolutive relativement favorable, aux aspects cliniques caractéristiques mais à la genèse encore mystérieuse.

Pathogénie et anatomopathologie L’anomalie de base est une accumulation de collagène dans la couche conjonctive affectant préférentiellement soit le tympan dans sa pars tensa, soit la muqueuse de caisse au contact de la chaîne ossiculaire. Rappelons que le collagène est une protéine fibrillaire, constituant essentiel de la matrice extracellulaire du tissu fibreux dont la production et la dégradation dépendent de mécanismes régulateurs et notamment de la collagénase. Il ne fait aucun doute que l’otite moyenne est le facteur causal déterminant de cette perturbation du métabolisme du collagène (même si, à l’inverse, la tympanosclérose n’est pas constante à son décours). Mais le fait que la tympanosclérose ne s’observe que longtemps après l’extinction des phénomènes inflammatoires aigus rend difficile l’identification des mécanismes pathogéniques. Il est d’ailleurs frappant que dans la tympanosclérose la muqueuse soit pratiquement toujours sèche, témoignant de l’ancienneté et de la guérison de l’épisode infectieux causal. Les travaux de Shiff et al. suggèrent qu’une infection sévère, telle une otite aiguë nécrosante à streptocoque ou Haemophilus, altère la perméabilité de la muqueuse permettant aux multiples substances présentes dans l’effusion qui en résulte (immunoglobulines, facteurs du complément, produits de dégradation microbienne, etc.) d’atteindre la couche conjonctive où ils agiraient comme stimulants antigéniques.45 Il en résulte œdème de la muqueuse et congestion capillaire puis étirement et désorganisation de la composante fibrillaire de la lamina propria. La répétition éventuelle des épi-

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sodes infectieux expliquerait la structure lamellaire, en « couches d’oignon », des plaques de tympanosclérose myringienne. Ainsi l’affection serait-elle une réaction immune secondaire à un épisode infectieux aigu survenant sur une oreille sensibilisée par un épisode inflammatoire précédent. Pour Wielinga et al., le facteur causal pourrait être non pas infectieux mais mécanique.46 Gibb, au contraire, estime que la tympanosclérose intratympanique, c’est-à-dire localisée dans la cavité, serait le produit de dégradation terminale de résidus inflammatoires non drainés vers la trompe auditive. Ce qui expliquerait sa localisation préférentielle autour des osselets. Au plan histologique, la lamina propria devient dense, homogène, acellulaire et avasculaire. Les fibres de collagène qui la composent apparaissent altérées dans leur structure et anarchiques dans leur agencement. Leur entassement lui confère un aspect vitreux. Entre ces fibres se trouvent des structures vésiculaires bordées d’une membrane au niveau de laquelle débute le processus de calcification. Sus-jacent à cette dégénérescence conjonctive, le revêtement épithélial apparaît aminci et dégénéré. Ces modifications aboutissent à une infiltration calcaire de la muqueuse de caisse, ici lamellaire, souple, là massive, dure, par blocs. Ainsi s’expliquent les multiples aspects cliniques rencontrés qui peuvent aller de la myringosclérose punctiforme à la pétrification de la totalité de l’oreille moyenne, ou encore de la découverte fortuite du stigmate histopathologique à la surdité sévère par blocage complet des structures vibrantes.

Clinique Il s’agit habituellement de sujets jeunes (20 à 30 ans) venant consulter pour une surdité d’aggravation progressive. L’interrogatoire retrouve des antécédents d’otites aiguës de l’enfance, avec épisodes otorrhéiques à répétition, taris parfois depuis plusieurs années. À l’otoscopie, les lésions tympanosclérotiques peuvent intéresser le tympan et/ou la chaîne ossiculaire. Dans la tympanosclérose myringienne, le tympan est incrusté de plaques calcaires, blanc jaunâtre, dures sous le stylet, antérieures ou postérieures, tantôt minimes, punctiformes ou en plaques, respectant l’annulus fibreux dont les sépare un fin liseré de tympan normal, tantôt majeures, exubérantes, affectant parfois la totalité du tympan qu’elles transforment alors en un disque rigide. Il faut observer que la membrane de Shrapnell (qui ne comporte pas de couche moyenne conjonctive) n’est jamais concernée par le processus.

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Figure 14 Tympanosclérose myringienne. Noter la persistance d’un liseré de tympan normal autour des plaques calcaires.

Les parties de pars tensa non touchées par la tympanosclérose sont souvent cicatricielles et pellucides. Une perforation est fréquente, habituellement subtotale, toujours non marginale, ne laissant subsister que quelques restes tympaniques incrustés de plaques calcaires et encadrant le manche du marteau. Ces dernières lésions ne semblent, en fait, pas correspondre à l’entité « tympanosclérose » mais plutôt à l’entité « séquelles d’otite », l’association des deux formes étant fréquente sinon constante (Fig. 14). Dans la tympanosclérose intratympanique, la chaîne ossiculaire peut présenter des lésions de blocage ou d’interruption. Cette appréciation se fait différemment selon l’existence ou non d’une perforation tympanique. Derrière une membrane tympanique non perforée, ces lésions de blocage peuvent être suspectées lorsque l’infiltration myringienne est massive, atteignant l’annulus, ou lorsque la surdité est importante. Ailleurs, elles seront décelées à travers une perforation ou lors de l’exploration chirurgicale. Le blocage peut affecter un point quelconque de la chaîne et entraîner les fixations les plus diverses : fixation de l’étrier par un pont soudant une branche aux berges de la fosse ovale, par une sclérose isolée du ligament annulaire, par calcification du tendon du muscle de l’étrier ou par un comblement massif de la fosse ovale noyant platine et superstructure ; ankylose de la tête du marteau ou du corps de l’enclume aux parois de l’attique ; pétrification complète de la chaîne dans un magma calcaire (Fig. 15, 16). Les interruptions de chaîne par lyse intéressent fréquemment la branche descendante de l’en-

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Figure 15 Tympanosclérose « maligne » droite. Noter l’aspect discrètement jaunâtre des plaques de tympanosclérose (distinct de l’aspect blanchâtre de choléstéatome ou blanc-gris de l’otite fibroadhésive). Noter également l’absence de liseré tympanique entre le disque calcaire central et l’annulus osseux, témoin indirect d’une infiltration fibrohyaline massive de toute la caisse.

Figure 16 Tympanosclérose myringienne et intratympanique. Noter, à travers la perforation, une plaque de tympanosclérose en tache de bougie sur le promontoire clairement distincte de l’infiltration myringienne. Noter la « perle » de tympanosclérose appendue à l’annulus inférieur.

clume, moins souvent l’étrier, voire le marteau. Là aussi, il est probable que ces lésions ossiculolytiques relèvent de l’entité « séquelles d’otite » associée et non du phénomène tympanosclérotique. L’ensemble de ces lésions prédomine donc dans la caisse du tympan, et il est remarquable de cons-

Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques tater que les cavités postérieures et la trompe d’Eustache sont en règle respectées. Au plan audiométrique, la tympanosclérose se caractérise par une surdité de transmission, supérieure ou non à 30 dB, avec ou sans abolition du réflexe stapédien, selon que la chaîne ossiculaire est ou non bloquée. L’atteinte de la conduction osseuse est rare. Les radiographies sont inutiles.

Évolution La tympanosclérose est, en principe, un état stable ou très lentement évolutif. En fait, il faut savoir que certaines oreilles conservent un potentiel de dégénérescence hyaline, et des lésions apparemment quiescentes peuvent, notamment après un acte chirurgical, retrouver très rapidement une activité, source de déboires chirurgicaux notoires. L’observation clinique permet d’ailleurs souvent de distinguer les formes stables et mineures, tympaniques pures, des formes évolutives et majeures, comblant la caisse et pétrifiant la chaîne.

Principes thérapeutiques Une intervention chirurgicale peut être proposée. Elle vise à fermer la perforation tympanique (les résultats sont habituellement bons) ou à libérer les osselets des lamelles et blocs rigides qui les immobilisent. Les résultats, parfois positifs quand seul l’étrier est bloqué, sont souvent mauvais lorsque les lésions affectent l’attique (pour plus de détails, le lecteur est renvoyé aux chapitres spécialisés).

Otite adhésive C’est une forme rare mais redoutable d’otite chronique qui, une fois installée, résiste à toute thérapeutique et peut évoluer vers la labyrinthisation. Malgré l’ancienneté de son identification qui remonte aux travaux de von Tröltsch et Politzer, sa définition reste encore controversée et celles que l’on peut trouver dans la littérature paraissent contradictoires. Selon nous et avec d’autres auteurs47, l’otite adhésive se caractérise par une prolifération anarchique du tissu conjonctif du mésotympanum, aboutissant à une symphyse conjonctive tympanopromontoriale, c’est-à-dire par un comblement du mésotympanum.

Pathogénie L’otite adhésive semble résulter d’une maladie du tissu conjonctif avec trouble de l’évolution du col-

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lagène au décours de certaines otites chroniques muqueuses à tympan fermé. Mais le ou les facteurs susceptibles de déclencher le processus adhésif restent inconnus : nonrésolution d’un épanchement séromuqueux de l’enfance, toxicité particulière de certaines effusions, maladie primaire du tissu conjonctif de caisse, rôle délétère de facteurs de l’inflammation. En revanche, il est peu probable que ce soit un défaut de ventilation par blocage tubaire qui soit en cause. Il n’y a pas, en effet, de collapsus tympanique à proprement parler et il n’est pas sûr que l’hypopression dans l’oreille moyenne soit significative. Cette prolifération conjonctive interdit toute vibration tympanique. Elle ménage quelques espaces remplis de glu épaisse, vestige probable d’une effusion séromuqueuse ancienne n’ayant pu se drainer et suggérant que l’otite adhésive puisse constituer l’évolution ultime de certaines otites sécrétoires de l’enfance. Dans la région du protympanum, un espace aérien est fréquemment retrouvé notamment sur les scanners. Comme le soulignaient Brémond et al., cela confirme que l’otite adhésive n’est pas secondaire à un dysfonctionnement tubaire mais bien à une maladie du tissu conjonctif de l’oreille moyenne.

Anatomopathologie Les lésions observées montrent des zones inflammatoires très intenses au sein d’un chorion très épaissi avec disparition de l’épithélium muqueux de la membrane tympanique et de celui du promontoire. Ce feutrage conjonctif épais emplit la plus grande partie du mésotympanum et noie la chaîne ossiculaire. Il y a connexion directe entre la couche épidermique superficielle du tympan et le promontoire par l’intermédiaire d’un magma tissulaire inflammatoire. Le processus prédomine dans le mésotympanum et y obture le diaphragmme interatticotympanique. Cela explique que les lésions de l’épitympanum et de la mastoïde ne soient que secondaires.

Clinique Le malade vient consulter pour une surdité évoluant progressivement depuis des années et fréquemment associée à des acouphènes. Les antécédents otitiques sont difficiles à faire préciser, tant est longue la période muette, qu’aucun épisode otorrhéique n’a apparemment troublée. L’otoscopie permet, à elle seule, le diagnostic (Fig. 17, 18).

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Figure 17 Otite fibroadhésive droite. Noter le caractère blancgris et rétracté du tympan, ainsi que son aspect opaque rendant invisible le contenu de la caisse.

P. Tran Ba Huy pédienne est parfois lysée, l’étrier peut saillir. Les ligaments tympanomalléolaires forment un relief « à la manière d’une corde à linge qui sous-tend le drap tympanique entre pars flaccida et pars tensa retractées ».47 Trois faits sont essentiels. Le couloir aérien péripromontorial a disparu, c’est-à-dire qu’il n’y a plus d’espace aérien dans la caisse du tympan, qui est ainsi devenue virtuelle. Une éventuelle paracentèse serait incapable de trouver un espace où placer un drain. Si une exploration chirurgicale était effectuée, elle permettrait d’observer une caisse totalement comblée par des granulomes et des couennes épaisses et, çà et là, des restes d’épanchement muqueux, cloisonnés et organisés. Le spéculum pneumatique de Siegle ne parvient pas à mobiliser la membrane tympanique, ce qui confirme l’absence d’aération de la caisse du tympan. L’attique peut présenter – de façon indépendante ou associée – les mêmes lésions que l’atrium. Au plan audiométrique, la surdité est souvent de type mixte : la conduction aérienne présente une perte pouvant dépasser 50 dB, et la conduction osseuse chute sur les fréquences aiguës traduisant une labyrinthisation assez précocement observée dans cette forme d’otite chronique. L’impédancemétrie montre un tympanogramme plat, caractéristique mais non spécifique de l’otite adhésive. Le bilan radiologique n’est pas indispensable. Son intérêt serait de montrer le comblement du mésotympanum, alors que le protympanum est souvent aéré. Les cavités postérieures sont, en revanche, opaques. Il n’y a pas d’ostéite du cadre.

Évolution

Figure 18 Otite adhésive gauche. Noter l’aspect totalement opaque du tympan. Noter également des zones de dépression (à ne pas appeler poche de rétraction) correspondant probablement à la résorption d’une effusion muqueuse ancienne.

Le tympan apparaît épaissi, gris-blanc, lardacé, rétracté globalement ou par endroits sur le promontoire ou sur les reliefs ossiculaires tel un drap mouilllé. Des zones de dépression sont ainsi observées qui n’ont cependant rien à voir avec les poches de rétraction que nous verrons plus loin. La chaîne ossiculaire devient trop visible, moulée par un drap tympanique opaque : le manche du marteau est becqué sur le promontoire, l’apophyse externe est anormalement saillante, l’articulation incudosta-

L’otite adhésive se caractérise par une labyrinthisation progressive, que révèlent la détérioration auditive, l’aggravation des acouphènes et la distorsion sonore. Cette évolution peut être lente. Elle ne semble pas réversible. C’est dire l’importance du dépistage des formes débutantes lors de la période charnière de différenciation otitique à laquelle nous avons fait allusion plus haut. L’attention du clinicien doit donc être attirée par certaines otites séromuqueuses atypiques : • car se prolongeant au-delà de 5-7 ans ; • car d’éventuelles tentatives d’aération transtympanique souvent difficiles et hémorragiques n’ont pas entraîné d’amélioration auditive ; • car au fil des mois, le tympan s’opacifie et se rétracte insensiblement. C’est devant de tels signes qu’il faut suspecter une otite adhésive débutante.

Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques Contrairement à d’autres auteurs, nous ne pensons pas qu’un cholestéatome puisse jamais se développer sur une otite adhésive. Un cholestéatome attical peut bien sûr s’observer à côté d’une otite adhésive atriale ; il ne peut apparaître dans le compartiment propre à l’otite adhésive (cf. infra : compartimentation et expression des résultats).

Principes thérapeutiques Il n’y a pas de traitement de l’otite adhésive constituée. La chirurgie n’a pas sa place et semble même contre-indiquée : d’une part parce que l’on ne guérit pas une maladie du tissu conjonctif avec un bistouri, d’autre part parce que toutes les techniques proposées à ce jour pour reconstituer une membrane tympanique vibrante et pour libérer la chaîne ossiculaire des brides inflammatoires ou fibreuses qui l’entravent se soldent par un échec auditif... lorsqu’elles ne précipitent pas le processus de labyrinthisation. L’exploration chirurgicale de la caisse découvre un feutrage dense et hémorragique, véritable jungle conjonctive inextricable. La mise en place de lames de Silastic® empêche certes l’accolement du tympan au promontoire mais ne normalise pas la physiologie de l’épithélium et n’apporte pas, à long terme, de résultats auditifs significatifs. L’aération tympanique, par installation d’aérateurs transmyringiens, est inutile ; elle est d’ailleurs souvent impossible à réaliser dans une caisse virtuelle et à travers un tympan épaissi, et de toutes les façons trop tardive pour enrayer le processus adhésif. Le meilleur traitement est donc sans doute préventif qui consiste à suivre tout épisode otitique de l’enfance semblant amorcer un processus adhésif et à tenter d’en stopper l’évolution. L’otite adhésive représente une modalité évolutive sévère d’otite chronique. Elle est secondaire à une maladie de la muqueuse par prolifération anarchique du tissu conjonctif et non à un dysfonctionnement tubaire. Elle est probablement secondaire à des épisodes inflammatoires prolongés et à l’organisation d’un épanchement muqueux non drainé. Il n’y a pas de traitement de l’otite adhésive constituée.

Otite atélectasique Dernière grande entité clinique individualisable, l’otite atélectasique (atelês = incomplète, ekta-

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sis = extension) se caractérise par un collapsus partiel des cavités méso- et/ou épitympaniques, c’est-à-dire par la rétraction d’une partie plus ou moins étendue d’une membrane tympanique fragilisée dans sa pars flaccida ou dans sa pars tensa.48,49 Certaines de ses variétés constituent un authentique état précholestéatomateux. Sa fréquence semble en progression. Compte tenu de l’intérêt considérable que soulève cette entité, les éléments de cette définition méritent d’être précisés. Le collapsus de l’oreille moyenne n’est que partiel. La caisse du tympan reste donc aérée, ce qui implique la persistance, quel que soit le degré de la rétraction tympanique, d’un espace aérien autour de la rétraction tympanique, réalisant le classique couloir aérien péripromontorial. Cela permet d’opposer formellement les otites atélectasiques aux otites adhésives que nous venons de décrire, où la majeure partie du mésotympanum est virtuelle. La compartimentation otitique dont nous avons parlé plus haut suggère que le processus atélectasique puisse intéresser les deux espaces épi- et mésotympanique ou n’en concerner qu’un seul. Le point de départ et le siège de la rétraction de la pars tensa permettent d’opposer les atélectasies épitympaniques et mésotympaniques et, parmi ces dernières, les atélectasies centrales s’élargissant progressivement à partir de l’umbo à tout le tympan, et les atélectasies excentrées ou poches de rétraction siégeant le plus souvent dans le quadrant postérosupérieur. Le tympan fragilisé, « désarmé » selon Brémond, sous-tend une notion pathogénique capitale que nous développerons plus loin, mais également une donnée otoscopique non moins essentielle puisqu’elle permet d’opposer, là encore, les otites atélectasiques aux otites adhésives. Si, dans les deux cas, le tympan est remanié et donne l’impression de mouler les reliefs ossiculaires et la paroi interne de caisse, il est pellucide et transparent dans l’otite atélectasique alors qu’il est épais, infiltré et totalement opaque dans les otites adhésives. La confusion trop longtemps entretenue entre ces deux entités que tout oppose justifie que le mot « adhésif » ne soit, en aucun cas, appliqué à l’otite atélectasique. La notion d’état précholestéatomateux a progressivement émergé de l’observation soigneuse du devenir des otites atélectasiques. C’est d’ailleurs cette potentialité évolutive qui fait tout l’intérêt de l’étude de cette entité. La fréquence croissante de l’otite atélectasique s’explique sans doute par une surveillance plus attentive des otites sécrétoires de l’enfance. Elle

50 va de pair avec une diminution de la fréquence des otites cholestéatomateuses constituées.

Étiopathogénie Les mécanismes qui président à l’apparition d’une otite atélectasique et de sa forme particulière qu’est la poche de rétraction sont multiples et, pour une large part, méconnus. Deux d’entre eux semblent évidents : une hypopression dans l’oreille moyenne exerçant ses effets sur une membrane tympanique et le fait que celle-ci soit fragilisée. Hypopression de l’oreille moyenne Diverses études tympanométriques font état de pressions négatives dans les oreilles atélectasiques et une corrélation a pu être établie entre la gravité de la rétraction atticale et le caractère pathologique du tympanogramme.25,50 Ces données doivent cependant être examinées avec prudence car les tests d’exploration tubaire se placent dans des conditions relativement extraphysiologiques. Comme nous l’avons vu plus haut, il existe une tendance naturelle et permanente à la dépression intratympanique. À l’état normal, cette tendance est contre-balancée par l’ouverture tubaire dont nous avons toutefois souligné la brièveté et le caractère insuffisant pour assurer le renouvellement du contenu gazeux de l’oreille moyenne. Deux facteurs, isolés ou associés, peuvent donc être légitimement invoqués : • le premier est celui d’un dysfonctionnement tubaire. Quoique très classique, cette hypothèse est en réalité discutée. Le processus atélectasique évolue souvent sur de nombreuses années et un dysfonctionnement tubaire, s’il existe probablement durant la période des ASIE, s’amende au fil des ans. L’otoscopie et le scanner objectivent souvent une trompe auditive normale et aérée. Par ailleurs, Sadé estime n’avoir jamais pu objectiver la réalité d’une obstruction ou d’un dysfonctionnement tubaire réel ; • le second est celui d’une augmentation des échanges gazeux liée à l’inflammation muqueuse. La sortie accrue de gaz ne serait pas compensée par l’ouverture tubaire, d’où hypopression intratympanique progressive. De plus, l’insuffisance du volume tampon mastoïdien constatée par Sadé dans la plupart des otites atélectasiques ne permettrait pas d’amortir des variations pressionnelles mimines. Fragilisation tympanique Liée à la disparition ou à la dégradation de son armature conjonctive, la lamina propria, la fragi-

P. Tran Ba Huy lité de la membrane tympanique peut être de deux types : • constitutionnelle : deux zones anatomiques représentent, pour des raisons embryonnaires, une zone de moindre résistance : C la membrane de Shrapnell qui, faute de lamina propria, n’est constituée que de deux couches épithéliales sans armature conjonctive ; C la partie postérosupérieure de la pars tensa. Nous avons vu plus haut qu’une anomalie dans le plan de développement de l’anneau tympanique osseux ou une incoordination de son amarrage aux structures pétreuses pouvaient aboutir à une torsion de l’un de ses bras. Cette désaxation, à la façon d’un bracelet annulaire tordu, peut entraîner un bâillement dans cette région postérosupérieure, fragilisant cette zone d’attache des fibres tympaniques. Dans cet ordre d’idées, il est souvent observé un cadre osseux anormalement élargi par rapport au conduit auditif externe observé chez les sujets normaux ou dans les autres variétés d’otite chronique. Ce diamètre excessif de l’annulus osseux qui dévoile à l’œil de l’observateur des régions habituellement masquées par le cadre osseux, comme la deuxième portion du VII, l’attique ou la pyramide de l’étrier, serait, selon certains auteurs, congénital et favoriserait l’étirement et donc la fragilisation de la membrane myringienne. Selon d’autres, cependant, cet excès de diamètre est secondaire et non primitif, par ostéite du cadre ; • acquise : la fragilisation de la lamina propria objectivée sur les coupes histologiques de tympan atélectasique, réalise le « tympan désarmé » de Brémond, où la trame collagène apparaît désorganisée et raréfiée. Cette fragilisation acquise pourrait être liée à : C la contrainte pressionnelle de l’oreille moyenne. On peut assimiler, en effet, la membrane tympanique à une membrane viscoélastique : soumise à une contrainte donnée, la déformation s’accroît avec le temps par rupture progressive des entrecroisements de fibres de collagène. Les localisations les plus fréquentes des poches de rétraction correspondent d’ailleurs aux zones de déplacement maximal de la membrane tympanique soumise à une dépression donnée4 ; C la nécrose tissulaire fréquemment observée au décours de phénomènes infectieux aigus ; C l’activité enzymatique des effusions séromuqueuses. Il est établi que celles-ci sont particulièrement riches en collagénases, élastases et autres enzymes protéolytiques. Il y a alors lyse du collagène et apparition de zones de déhiscence de la lamina propria.

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Une hypopression intratympanique exerçant ses effets sur une membrane tympanique fragilisée est le mécanisme le plus communément admis. L’excès d’absorption de gaz par une muqueuse inflammée est une hypothèse séduisante mais non prouvée. La rétraction tympanique facilitée par la fragilisation myringienne pourrait tout aussi bien constituer une tentative pour lutter contre cette dépression, la réduction du volume aérien augmentant la pression (PV = constante). Confinement de l’inflammation et blocage du diaphragme interatticotympanique Les facteurs anatomiques mentionnés plus haut permettent d’expliquer une fréquente constatation : les processus atélectasiques prédominent quasi constamment dans la région atticale ou mésotympanique postérosupérieure, c’est-à-dire en regard du diaphragme interatticotympanique qui constituerait un véritable goulot d’aspiration. Cette notion semble conditionner le degré et le type d’otite atélectasique. Les lésions inflammatoires viennent obturer les étroits défilés aériens entre mésotympanum et attique, individualisant et autonomisant des foyers inflammatoires dans les cavités postérieures. En cas de blocage complet du diaphragme, la membrane de Shrapnell est attirée par la dépression atticomastoïdienne : c’est une poche de rétraction atticale. En cas de diaphragme perméable est observée une rétraction sous-ligamentaire postérieure ou antérieure. Ainsi, la fragilisation du tympan jointe à une hypopression de l’oreille moyenne aboutit-elle à la distension progressive de la membrane progressivement aspirée vers le fond de caisse. Cette distension, d’abord réversible puis irréversible, aboutit à un excès de substance tympanique. Ce stigmate anatomique qu’objective la manœuvre de Valsalva est pathognomonique de l’atélectasie.

Clinique Les circonstances de découverte d’une otite atélectasique sont variées : examen systématique d’anciens otitiques, épisode d’otite séromuqueuse ou hypoacousie d’installation progressive. Fait important, une otorrhée purulente ne s’observe qu’au décours de l’évolution des poches de rétraction, nous en verrons plus loin la raison. L’otoscopie permet immédiatement le diagnostic en montrant un tympan fin, transparent, pellucide et rétracté. C’est en fonction du degré et du siège de la rétraction tympanique qu’il est possible, selon nous, de distinguer l’otite atélectasique selon la classification suivante (Fig. 19–25).

Figure 19 Otite atélectasique gauche centrale type I. Noter l’aspect pellucide et transparent de la membrane tympanique laissant nettement voir une effusion séreuse de la caisse. La présence de cette effusion témoigne de l’évolutivité de cette otite atélectasique.

Classification des otites atélectasiques Atélectasies centrales La rétraction est centrée sur le promontoire et débute à l’extrémité de l’umbo. Trois stades peuvent être identifiés : • I : la rétraction est périombilicale, ne touchant pas le promontoire ; • II : la rétraction vient au contact de l’articulation incudostapédienne ; • III : la rétraction touche la face interne de caisse, moule le verre de montre promontorial mais respecte un couloir aérien en regard des cellules sous- et prélimacéennes. Cela donne le classique mais faux aspect de « perforation bouchée » dans lequel un voile pellucide passe « en pont » des berges de l’anneau tympanique au promontoire, ménageant autour de la saillie du promontoire, tapissée du voile épidermique, un espace aérien entre le tympan et le fond de caisse.

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Figure 20 Otite atélectasique droite de type II. Noter l’aspect transparent de la membrane tympanique venant au contact de l’articulation incudostapédienne. Il n’y a, ici, aucune effusion séreuse. Cette otite peut être parfaitement stable et n’être qu’une découverte d’examen systématique.

Figure 21 Otite atélectasique droite type III. La membrane tympanique pellucide moule le verre de montre promontorial et ce qui reste de chaîne ossiculaire. La trompe d’Eustache vue par transparence paraît normale. On note des granulomes à cholestérines dans l’hypotympanum. Noter que le conduit auditif externe est propre.

Atélectasies excentrées ou poches de rétraction La rétraction est centrée sur l’attique ou sur l’un des quadrants de la pars tensa : elle est donc classée atticale ou atriale. Dans ce dernier cas, elle

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Figure 22 Otite atélectasique droite type III. Le tympan pellucide est rétracté et moule également le verre de montre promontorial.

Figure 23 Otite atélectasique gauche excentrée type a. Il s’agit donc d’une poche de rétraction postérosupérieure dont le fond est contrôlable. La très discrète coulée de lave située sur le conduit auditif externe (CAE) invite cependant à surveiller de près cette poche.

est en règle postérosupérieure, et selon son degré, peut être classée en trois stades : • a : le fond de la poche est parfaitement contrôlable, c’est-à-dire entièrement accessible à la vision sous microscope ; • b : le fond n’est plus contrôlable, ce qui se traduit par une accumulation de produits de sécrétion épidermique brunâtres et un aspect de faux bouchon de cérumen profond (faux, car

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Figure 24 Otite atélectasique excentrée droite type b. Le tympan très rétracté moule le promontoire, pouvant donner le change avec un type III. En réalité, l’existence d’une coulée de lave épidermique jaunâtre postérosupérieure signe la présence d’une poche de rétraction dont le fond est non contrôlable et hyperproductif.

Figure 25 Otite atelectasique excentrée et rompue gauche type c. Le tympan rétracté moule le promontoire, mais il existe une otorrhée purulente signant la rupture d’une poche de rétraction. Un granulome est visible. Il s’agit, ici, d’un stade précholestéatomateux.

l’examen histologique y révèle la présence non de sécrétion glandulaire mais de cellules desquamées ; profond, car situé au-delà de la zone des glandes cérumineuses) ; • c : une rupture se produit au fond de la poche. Cette rupture se traduit par un signe : une

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otorrhée purulente, plus ou moins abondante, et jamais observée auparavant dans l’histoire de la poche de rétraction. L’otoscopie et l’aspiration retrouvent alors sous une « croûtelle » atriale ou atticale quelques gouttes purulentes, un granulome et une muqueuse du fond de caisse à nu. Cette étape est absolument essentielle dans l’histoire de l’otite atélectasique car elle marque l’entrée irréversible de l’oreille moyenne dans le processus cholestéatomateux. L’otoscopie, facilitée par la transparence de la membrane tympanique et par le fréquent élargissement du cadre osseux, doit apprécier un certain nombre d’éléments : • la chaîne ossiculaire : le manche du marteau est en règle becqué vers le promontoire. Cette donnée est essentielle car elle explique que le niveau de la membrane tympanique, soustendue par le « mât malléaire », est abaissé au niveau de la tête de l’étrier, voire du promontoire, ce qui, incidemment, rend habituellement inutiles les procédés de rehaussement ossiculaire dans ce type d’otite chronique. L’apophyse lenticulaire de l’enclume est fréquemment lysée. L’étrier peut être ou non normal ; • le conduit auditif externe : il est très fréquent d’observer le long des parois du conduit osseux des traînées épidermiques brunâtres simulant une accumulation de cérumen. Ce signe, d’une valeur séméiologique extrême, ne s’observe qu’aux stades b ou c. En utilisant des métaphores vulcanologiques, l’on peut dire que ces « coulées de lave » traduisent l’activité du « volcan » atélectasique. Elles proviennent bien, en effet, du fond de la poche et dessinent dans le conduit une trace brunâtre menant immanquablement au cratère dont elles signent l’activité persistante et annoncent parfois l’éruption. En décollant prudemment, car la manœuvre est douloureuse, la coulée épidermique, il est fréquent de constater, sous-jacente, une ulcération cutanée du conduit auditif externe avec dénudation osseuse du cadre et granulome développé aux dépens de la muqueuse de l’oreille moyenne située en regard. C’est le classique « Hérodion » décrit par Sadé. Une telle constatation revêt une double importance : C pathogénique d’abord, car cette ulcération cutanée avec ostéite sous-jacente explique l’entretien et la lente progression des lésions atélectasiques aboutissant à un élargissement du cadre, bref à des lésions irréversibles qui font la gravité de ce stade. De plus, ces coulées de lave correspondent à l’issue de cellu-

54 les épidermiques de l’oreille moyenne. Ce fait contredit la théorie de la migration épidermique, selon laquelle l’épiderme pénétrerait dans l’oreille moyenne à la faveur d’une perforation marginale ; C clinique et thérapeutique ensuite, car ces lésions inflammatoires et infectieuses doivent être impérativement traitées et ne peuvent habituellement l’être que chirurgicalement. L’examen du conduit auditif externe représente donc un temps capital ; • les cavités postérieures : le mécanisme du processus atélectasique implique qu’à leur niveau se développent et s’autonomisent des lésions inflammatoires par blocage de l’isthme tympanique. L’examen radiologique peut apporter des arguments en montrant une opacité, voire une ostéolyse de ces cavités. Au plan audiométrique, l’otite atélectasique se traduit par une surdité de transmission. Mais cette dernière est habituellement modérée, en tous cas souvent moins importante que ne le laisserait supposer l’aspect otoscopique. Cela suggère d’une part que la distension de la membrane tympanique n’altère pas trop ses capacités vibratoires et d’autre part que la myringo-incudo-stapédopexie est souvent fonctionnellement efficace. Dans tous les cas, il faut souligner ici l’absence de parallélisme audioclinique : une atélectasie débutante peut présenter un Rinne de 40 dB, et une atélectasie plus importante, une audition normale. Deux circonstances peuvent s’accompagner d’une détérioration auditive nette : • les poussées d’otite séreuse, témoin fidèle d’un accident inflammatoire ; • une rupture de chaîne, plus précisément de la branche descendante de l’enclume. Le fait qu’une oreille atélectasique puisse avoir une audition normale suggère que la réduction du volume de la cavité y augmente la pression et restaure une relative équipression avec l’extérieur.

Évolution des otites atélectasiques et des poches de rétraction L’évolution naturelle d’une otite atélectasique semble être sous la dépendance de deux facteurs : • les phénomènes inflammatoires rhinopharyngés et atriotubaires, qui se traduisent, en pratique, par des épisodes d’otites séromuqueuses ; • l’autonomisation de lésions inflammatoires postérieures. En l’absence de poussée inflammatoire, une otite atélectasique, quel que soit son stade, peut réaliser un état parfaitement stable. C’est

P. Tran Ba Huy d’ailleurs sûrement le cas de nombreux patients adultes chez lesquels est découverte de façon fortuite une atélectasie de type I, II ou III totalement asymptomatique. Cependant, et particulièrement chez des patients jeunes, l’histoire clinique est marquée par la survenue d’otites séreuses ou séromuqueuses à répétition. Cela a une double implication : • toute otite sécrétoire de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte peut révéler une otite atélectasique. C’est pourquoi, lors de l’examen otoscopique d’une telle otite même banale, une manœuvre de Valsalva doit toujours être effectuée. Lorsque celle-ci provoque une expansion de la membrane tympanique qui, telle une baudruche, se déplisse de façon explosive, il peut être établi que l’épisode d’otite sécrétoire en question n’est que l’épiphénomène d’un processus chronique atélectasique et que la membrane tympanique présente dès lors des lésions anatomiques irréversibles ; • toute otite sécrétoire est un facteur d’aggravation d’une otite atélectasique. La présence d’une effusion pourrait ne pas être anodine : du fait de sa toxicité propre ou pour des raisons encore mal élucidées peuvent apparaître dans la caisse des lésions granulomateuses à la face profonde du tympan, responsables de la fixation de la poche à l’articulation incudostapédienne ou au promontoire, puis de l’apparition de lésions ossiculaires. Ainsi, peut-on observer, rythmée par des accidents inflammatoires à répétition, la transformation, plus ou moins lente mais en tout cas irréversible, d’une atélectasie de type I en type II, puis III. Le second facteur d’évolutivité est constitué par la présence dans les cavités postérieures atticomastoïdiennes ou dans la région atriale postérieure, de lésions inflammatoires, muqueuses ou osseuses. Ces lésions, autonomisées, représentent sans doute un foyer d’aspiration, surtout pour les poches de rétraction au contact desquelles elles se développent. Le risque évolutif majeur est, cependant, représenté par le cholestéatome, lequel ne s’observe qu’au décours des atélectasies excentrées, c’est-àdire des poches de rétraction (Fig. 26, 27).

Principes thérapeutiques Toute poche de rétraction (PR) comporte donc un risque potentiel majeur d’évolution cholestéatomateuse (Fig. 28) et les règles cliniques suivantes peuvent être édictées : • toute poche autonettoyante, propre et contrôlable (stade a), découverte chez un enfant ou un

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Figure 26 Poche de rétraction atticale gauche type IV a-b. Noter, en effet, la très discrète coulée de lave remontant le long du toit du conduit auditif externe (CAE). Noter également l’existence d’une otite atélectasique atriale.

Figure 27 Poche de rétraction atriale antérosupérieure droite avec une coulée de lave antérieure remontant sur le toit du conduit auditif externe (CAE).

adolescent doit être surveillée durant quelques années afin de s’assurer de sa parfaite stabilité. Chez un adulte, deux examens successifs à 1 an d’intervalle doivent permettre de juger de son évolutivité éventuelle ; • toute otite sécrétoire survenant sur une oreille atélectasique signifie que celle-ci est en activité, et donc susceptible de se détériorer ; en

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conséquence, toute otite sécrétoire sur un tel terrain doit être traitée ; • tout « bouchon de cire » observé au-delà du conduit cartilagineux correspond en fait à l’accumulation de débris épidermiques et indique la probable existence sous-jacente d’une poche au stade b, c’est-à-dire ayant perdu son pouvoir d’autonettoyage ; • toute poche au stade b constitue le dernier stade non cholestéatomateux de l’otite chronique. Elle doit donc être traitée comme telle, c’est-à-dire en pratique faire l’objet d’une chirurgie préventive ; • la survenue d’une otorrhée purulente, même minime, signe la rupture du fond de la poche (stade c), et donc l’entrée de l’otite atélectasique dans la maladie cholestéatomateuse. Elle justifie le recours à la chirurgie. Dans les atélectasies centrales (types I, II, et III), il faut avant tout surveiller et traiter les épisodes d’otites séromuqueuses. Lorsque le traitement médical classique ne suffit pas, la pose d’un aérateur transtympanique paraît indiquée. Ainsi peut-on stabiliser des évolutions, voire observer, mais dans le type I seulement, des restitutio ad integrum, la membrane tympanique reprenant alors sa place normale. On n’observe pratiquement jamais une telle normalisation dans les types II, le contact entre tympan atélectasique et articulation incudostapédienne paraissant définitif. Au stade III, cependant, leur mise en place n’est pas aisée en raison de l’absence de place dans l’oreille moyenne. De plus, une réaction de rejet est fréquemment observée, suggérant qu’une membrane tympanique distendue tolère mal la présence du corps étranger que constitue l’aérateur. Il faut donc souvent, à ce stade, se contenter d’une paracentèse évacuatrice et surveiller l’oreille. Il n’y a donc pas d’indication chirurgicale dans les atélectasies centrales. Dans les poches de rétraction, il n’y a pas non plus d’indications chirurgicales pour le stade a. En revanche, les stades b et c nécessitent une chirurgie préventive du cholestéatome. Cette chirurgie a pour buts de : • réduire la poche d’invagination, c’est-à-dire la désenclaver soigneusement et en totalité des structures de l’oreille moyenne auxquelles elle adhère, puis la remplacer par un greffon solide susceptible d’en empêcher la récidive sans altérer les capacités vibratoires de la partie greffée. Le périchondre tragien, doublé ou non de cartilage, semble le matériau le plus adapté pour cette chirurgie dite « de renforcement » ; • traiter la cause de la poche, c’est-à-dire éradiquer les lésions inflammatoires postérieures,

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Figure 28 Schéma des trois stades évolutifs d’une poche de rétraction. CAE : conduit auditif externe ; TA : trompe auditive ; M : mastoïde.

qu’elles soient muqueuses ou osseuses, atriales, atticales ou mastoïdiennes. Une « antroscopie » visant à identifier de telles lésions doit donc être systématique au cours de toute chirurgie préventive. Elle conduira, en cas de besoin, à la classique atticomastoïdectomie sus- et rétroméatique, éradiquant tout foyer inflammatoire et rétablissant la perméabilité aditale. Vis-à-vis des lésions atticales et atriales, le curetage des lésions granulomateuses et ostéitiques impose souvent le fraisage du rebord inférieur du cadre, soit dans la région sous-ligamentaire postérieure, soit dans la région atticale. L’élargissement ainsi obtenu ne nécessite pas de reconstruction lorsqu’il aboutit à une simple « ovalisation » du cadre. En cas d’encoche plus importante, le cartilage tragien suffit parfaitement à colmater le defect osseux et à prévenir une invagination ultérieure ; • traiter d’éventuelles lésions ossiculaires. Il semble que les innombrables procédés de recons-

truction décrits ne soient guère nécessaires. En effet, comme nous l’avons souligné plus haut, la membrane tympanique distendue et soutenue par un manche du marteau becqué vers le promontoire vient affleurer le niveau de la tête de l’étrier. Il faut donc enlever un osselet carié mais les procédés de rehaussement sont habituellement inutiles.

Otite cholestéatomateuse Cet immense chapitre de l’otite chronique ne fera ici l’objet que d’un exposé synthétique, le lecteur étant prié de se reporter à l’article qui lui est spécialement dédié dans cet ouvrage.

Définition De nombreuses définitions existent dans la littérature : « Présence d’épithélium malphigien desqua-

L’otite atélectasique est une pathologie de la ventilation de l’oreille moyenne qui se développe sur un tympan fragilisé. Dans sa forme excentrée, elle constitue une poche de rétraction pouvant évoluer vers le cholestéatome. Le traitement chirurgical d’une poche de rétraction est justifié lorsqu’elle devient hyperkératinisante et perd son pouvoir d’autonettoyage.

Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques mant dans les cavités tympaniques »1, « Peau à la mauvaise place »51, « Kyste épithélial contenant de la kératine ».52 Dans notre conception, l’otite cholestéatomateuse représente l’évolution ultime d’une poche de rétraction. Son diagnostic exige donc, outre des caractéristiques cliniques connues, des critères histologiques (au moins sur le cholestéatome acquis vierge de toute intervention), à savoir d’une part la présence d’une paroi limitante constituée des deux feuillets externe et interne de la membrane tympanique (la couche moyenne conjonctive étant quasi absente) et d’autre part une accumulation de squames épidermiques provenant de la desquamation de la couche épithéliale malpighienne de ladite paroi. Le cholestéatome est donc une poche de rétraction desquamante douée d’un potentiel d’expansion et d’érosion.

Pathogénie Si l’on exclut le chosteatome congénital (qui n’est pas « otitique ») ainsi que les cholestéatomes posttraumatiques ou iatrogéniques, quatre théories sont couramment invoquées : la rétraction, l’immigration, la métaplasie et l’invasion papillaire. Seule la première d’entre elles, la rétraction, nous paraît devoir être retenue, définissant le cholestéatome sac ou cholestéatome acquis primaire. Théorie de la rétraction Le concept selon lequel un cholestéatome peut se développer à partir d’une rétraction de la membrane tympanique soit de sa pars tensa, soit de sa pars flaccida a été évoqué le siècle dernier par Bezold en 1989, puis par Witmaack dans les années 1930. De récentes données histopathologiques53 ainsi que des études de suivi longitudinal ont conforté cette théorie, le caractère dynamique d’une poche de rétraction évoluant vers un cholestéatome-sac défini. Les facteurs qui favorisent cette transition ne sont pas connus avec certitude, mais mettent en jeu très probablement : • l’adhérence de la poche aux structures osseuses ou ossiculaires de l’oreille moyenne rendant irréversible la rétraction ; • l’infection locale qui favorise la desquamation de la couche épithéliale superficielle ; • la perte de l’autonettoyage, conséquence d’un goulot d’étranglement de la poche de rétraction et aboutissant à une accumulation de kératine. Les squames s’accumulent et entraînent macération et surinfection, responsables à leur tour tôt ou tard d’une rupture du fond de la poche

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induisant une brèche épithéliale.54 À ce niveau, le tissu conjonctif entre en contact avec les débris de kératine et avec les effusions de l’oreille moyenne, ce qui provoque et entretient l’inflammation muqueuse, la production d’enzymes ostéolytiques, l’érosion osseuse55,56, ainsi que la probable stimulation antigénique des cellules de Langerhans présentes dans l’épithélium tympanique.57 Les antigènes en cause ne sont pas encore connus mais sont vraisemblablement la kératine ou les débris cellulaires. Il y a alors augmentation de l’activité sécrétoire des cellules de Langerhans, accolement de celles-ci à des cellules « lymphocyte-like », déclenchement d’une réaction immunitaire de type cellulaire avec production de lymphokines et de facteurs chimiotactiques.1 En particulier, on note alors la production d’OAF (« osteoclast activating factor »)57 qui rend compte de l’importance des lésions ostéo- et ossiculolytiques, ainsi que celle de PGE2 qui stimule la prolifération épithéliale. Le processus cholestéatomateux, avec son cortège infectieux et ostéitique, est dès lors enclenché.58,59 Ainsi, s’expliquent les données histopathologiques essentielles de la paroi limitante du cholestéatome : une couche d’épithélium malpighien kératinisé correspondant à la face superficielle de la membrane tympanique et une couche épithéliale cuboïdale et plane correspondant à la muqueuse de la face interne de cette même membrane tympanique. Entre ces deux couches, peuvent persister quelques éléments fibreux conjonctifs atrophiques. La paroi limitante du cholestéatome correspond donc bien à une membrane tympanique affinée et distendue. Autres théories Les deux autres théories : celle de la métaplasie épidermoïde et celle de l’immigration nous paraissent, quant à elles, s’appliquer aux deux formes évolutives de l’otite chronique ouverte que nous avons décrites plus haut. Quant à la théorie de l’invasion papillaire décrite par Lange en 1925, elle suggère qu’une inflammation locale peut entraîner une prolifération de cellules basales épidermiques à travers la lamina propria. Les travaux expérimentaux de Ruedi60 et de Fernandez et Lindsay61, utilisant l’application de talc, de fibrine ou de quinine, semblent avoir porté crédit à cette théorie. De même, les travaux de Wright et al.62 et de Meyerhoff et al.63 ont également évoqué la possibilité d’une invasion épidermique au travers d’une membrane tympanique intacte. Toutefois, ces travaux expérimentaux fondés sur l’application locale d’un irritant chimique

58 peuvent, certes, entraîner la production de kératine par l’épithélium de l’oreille moyenne, mais leur application clinique soulève quelques critiques : • l’inflammation chronique, telle qu’elle s’observe dans le phénomène otitique, ne peut être comparée avec les lésions aiguës expérimentales utilisées par les auteurs ; • les cholestéatomes expérimentaux ainsi obtenus réalisent des perles ou des nodules d’épithélium pavimenteux ne reproduisant pas les lésions observées dans le cholestéatome humain ; • aucun phénomène pressionnel négatif, ni de rétraction tympanique n’ont jamais été observés. À l’inverse, cette théorie confirme que des cellules épithéliales soumises à des conditions expérimentales particulières peuvent aboutir à la production de kératine, confortant la théorie métaplasique.

Clinique D’innombrables chapitres, articles et ouvrages traitent de ce paragraphe. Dans l’esprit de ce travail, nous ne ferons donc ici que souligner quelques points nous paraissant importants. Symptômes et signes cliniques L’otorrhée est un signe important, en ce qu’elle représente un signe essentiel du passage d’une PR en cholestéatome. Le caractère fétide ou la présence de « paillettes blanchâtres » dans une otorrhée ne suffisent en aucun cas à caractériser le cholestéatome. De tels éléments s’observent, en effet, au décours d’une épidermose malléaire, d’une métaplasie épidermoïde, voire d’une banale otite muqueuse ouverte surinfectée. Le cholestéatome-rétraction peut donner une fausse impression de perforation tympanique. Celle-ci correspond en réalité au collet de la PR. En d’autres termes, une perforation tympanique est a priori incompatible avec un cholestéatome. Certains aspects otoscopiques sont éminemment évocateurs : croûtelle ou polype attical ; poche de rétraction sous-ligamentaire postérieure ou antérieure suivie régulièrement et se compliquant d’infection et de débris épidermiques s’extériorisant dans le CAE. L’aspect otoscopique initial est parfois faussé par une surinfection. Il est donc souvent utile d’aspirer l’oreille, de la traiter localement et de la réexaminer quelque temps plus tard. Il est indispensable d’analyser l’ensemble de l’oreille moyenne : en effet, un cholestéatome attical peut s’associer à un mésotympanum normal

P. Tran Ba Huy ou au contraire à une pathologie mésotympanique différente, telle une otite adhésive ou une otite muqueuse ouverte. Il est essentiel de souligner ici le rôle de la compartimentation otitique qui, en cloisonnant les espaces de l’oreille moyenne, permet le développement au sein d’une même oreille de pathologies différentes.52 Nous verrons plus loin les implications majeures d’une telle analyse. L’imagerie par tomodensitométrie est devenue quasi systématique dès lors que l’on suspecte un cholestéatome. C’est surtout l’ostéolyse qui en est le signe le plus évocateur. En revanche, la présence de bulles d’air dans l’attique ou la mastoïde constitue un argument majeur contre le cholestéatome. Les complications (méningite, paralysie faciale, signes vestibulaires spontanés, etc.) sont parfois révélatrices et font la gravité de cette entité. Outre l’infection et l’activité enzymatique qu’il peut développer, c’est au pouvoir expansif de sa paroi limitante qu’il faut sans doute attribuer son pouvoir destructif. Le cholestéatome peut être découvert fortuitement, même chez un sujet âgé. Cela remet en cause la responsabilité pathogénique des ASIE.

Principes thérapeutiques. Compartimentation et expression des résultats Extirper le cholestéatome, en prévenir la récidive et préserver, voire restaurer l’audition constitue un

Figure 29 Association pathologique entre une otite fibroadhésive atriale et une atticotomie spontanée cholestéatomateuse atticale. Cet aspect illustre la possibilité de voir deux entités pathologiques radicalement distinctes se développer dans une même oreille moyenne.

Otites moyennes chroniques. Histoire élémentaire et formes cliniques

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Le cholestéatome postotitique ou cholestéatome acquis primaire représente l’évolution ultime d’une poche de rétraction ayant acquis un potentiel d’expansion, de desquamation et d’érosion. Son diagnostic exige des critères histopathologiques : paroi limitante constituée des deux feuillets externe et interne de la membrane tympanique (la couche moyenne conjonctive étant quasi absente) et accumulation de squames épidermiques provenant de la desquamation de la couche épithéliale malpighienne. La seule présence de kératine ne suffit pas au diagnostic. Sa pathogénie atélectasique suggère qu’il ne puisse être associé à une perforation tympanique dans le compartiment où il se développe. Son éradication et la prévention de sa récidive restent les éléments clés de toute décision thérapeutique. principe toujours indiscuté. C’est de la pertinence de la dernière partie de la proposition, lorsqu’elle risque de compromettre la guérison du processus cholestéatomateux, dont continuent de débattre les innombrables articles consacrés chaque année au sujet. Nous n’en discuterons pas ici. Nous souhaitons, en revanche, insister sur une condition essentielle pour une indication chirurgicale appropriée64 : l’identification des pathologies développées au sein des divers compartiments de l’oreille moyenne (Fig. 29). Lorsque, par exemple, l’on se propose d’opérer un cholestéatome attical, il est important d’apprécier l’état du mésotympanum, et plus particulièrement de la région des fenêtres. Si un processus fibroadhésif comble la caisse et l’hypotympanum et noie la fosse ovale, englobant l’articulation incudostapédienne et l’étrier dans un magma indisséquable, il nous paraît illusoire de prétendre effectuer une chirurgie à visée dite fonctionnelle. En tous les cas, le pronostic auditif d’une chirurgie sur une telle oreille ne saurait rivaliser avec un acte identique effectué sur un cholestéatome attical identique mais associé à une pathologie atélectasique ou discrètement inflammatoire, voire à l’absence de toute pathologie mésotympanique. L’étude de la littérature montre pourtant que cette précision, qui conditionne très largement le résultat auditif que l’on peut escompter, n’est pratiquement jamais mentionnée. En d’autres termes, l’interprétation et l’expression des résultats d’une chirurgie pour otite chronique doit prendre en considération la partition otitique et les diverses pathologies dont elle favorise le développement.

soigneuse et répétée demeure le temps essentiel de l’examen et permet souvent à elle seule un diagnostic d’entité. Une fois encore, l’OMC n’est pas une seule entité et il est fondamental de démembrer les variétés parfaitement distinctes qui la composent, chacune possédant son histoire propre et appelant une prise en charge particulière. Mais cette conception très sémiologique de l’affection ne doit pas masquer la complexité du processus otitique dont nous continuons d’ignorer le primum movens. La lente accumulation de données expérimentales, la mise au point de modèles animaux, l’application de nouveaux outils d’investigation sauront seuls éclairer notre méconnaissance actuelle des mécanismes qui président à son développement. Gageons que, là comme ailleurs, les progrès de la connaissance viendront calmer les passions et résoudre les énigmes soulevées par ce chapitre majeur de la pathologie otologique.

Références 1.

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Conclusion Ce long exposé n’a pu qu’effleurer les innombrables questions que soulève encore l’OMC. À l’heure de l’imagerie moderne et autres investigations sophistiquées, la description essentiellement clinique que nous en avons faite souligne que l’otoscopie

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