Pancréatite aiguë non alcoolique non biliaire

Pancréatite aiguë non alcoolique non biliaire

Presse Med 2005; 34: 795-6 C © 2005, Masson, Paris A S C L I N I Q U E Pancréatite aiguë non alcoolique non biliaire S. Berthier1, C. Michiels2 C...

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Pancréatite aiguë non alcoolique non biliaire S. Berthier1, C. Michiels2 C. Sgro3, B. Bonnotte1 B. Lorcerie1

Difficultés du diagnostic étiologique et toxicité possible de la nicotine

Summary

Résumé

Acute nonalcoholic nonbiliary pancreatitis Difficulties in diagnosis and possibility of nicotine toxicity

1 - Service de médecine interne et immunologie clinique, 2 - Service de gastroentérologie, Hôpital le Bocage, Dijon (21). 3 - Service de pharmacologie, Hôpital général, Dijon (21).

Correspondance: Sabine Berthier, service de médecine interne et immunologie clinique, Hôpital Le Bocage, Bd de Lattre de Tassigny, 21000 Dijon. Tél.: 0380293432 Fax: 0380293846 [email protected]

Reçu le 8 avril 2004 Accepté le 8 décembre 2004

Introduction The possibility of nicotine toxicity, although rare, should be considered in cases of acute edematous pancreatitis. Case A 30-year-old woman was hospitalized to identify the cause of an initial episode of acute edematous pancreatitis. The observation of native anti-DNA and antiphospholipid antibodies suggested lupus pancreatitis and/or an antiphospholipid syndrome, both subsequently ruled out. The final diagnosis was nicotine poisoning induced by the combination of a nicotine patch and tobacco smoking. Conclusion Although a nicotine patch has never been reported in connection with an episode of acute pancreatitis before, this case suggests that such an event might be a rare complication of an overdose of nicotine.

Introduction Parmi les causes de pancréatite aiguë œdémateuse, la possibilité d’un surdosage nicotinique, même si elle est exceptionnelle, doit être envisagée. Observation Une femme âgée de 30 ans a été hospitalisée pour le bilan étiologique d’un premier épisode de pancréatite aiguë œdémateuse. La mise en évidence d’anticorps anti-ADN natifs et d’anticorps anticardiolipides a fait discuter puis éliminer une pancréatite lupique et/ou un syndrome des antiphospholipides. Le diagnostic finalement retenu a été celui d’un surdosage en nicotine lié à l’association entre des patchs de nicotine et la persistance d’un tabagisme actif. Conclusion Cette observation, bien qu’il n’ait pas été décrit jusqu’alors de poussée de pancréatite aiguë sous patch de nicotine, pourrait inciter à penser qu’une telle poussée peut être une complication exceptionnelle d’un surdosage nicotinique.

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association d’un patch nicotinique et d’un tabagisme actif est contre-indiquée.Elle pourrait être à l’origine de pancréatites aiguës, et la survenue de douleurs abdominales dans un contexte de surdosage nicotinique justifie de réaliser un bilan pancréatique. C’est ce que montre cette observation.

OBSERVATION Une femme, âgée de 30 ans, a été adressée pour le bilan étiologique d’une douleur épigastrique brutale. Les principaux antécédents familiaux étaient de nature autoimmune:une tante atteinte d’un lupus érythémateux disséminé (LED) et un frère d’une thyroïdite d’Hashimoto. Ses antécédents personnels se résumaient à un syndrome de Raynaud ancien sans trouble trophique.Son traitement habituel comportait un estroprogestatif depuis 4 ans et des patchs de nicotine depuis 3 semaines pour le sevrage d’un tabagisme estimé à 10 paquets/année. La symptomatologie douloureuse épigastrique débutait brutalement le lendemain d’une soirée festive au cours de laquelle la patiente n’avait pas absorbé d’alcool et avait fumé à 20 cigarettes. La douleur transfixiante s’associait à un ralentissement du transit et à une sensibilité abdominale sans défense à la palpation. La patiente était apyrétique, normotendue;

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les touchers pelviens étaient normaux. L’électrocardiogramme était normal. Sur le plan de l’imagerie, un scanner abdominal réalisé dès l’arrivée mettait en évidence un aspect œdémateux du pancréas sans phénomène nécrotique. L’échographie abdominale, l’écho-Doppler des veines mésentériques,la gastroscopie et l’écho-endoscopie des voies biliaires étaient sans particularités.Sur le 3 plan biologique,il existait une lymphopénie à 830/mm , une protéine C réactive à 40 mg/L (N < 5), une lipasémie à 1929 UI/L (N < 300) et des D- dimères à 3490 ng/mL (N < 500ng/mL). Le dosage des β HCG était négatif, de même que le bilan à la recherche d’une infection bactérienne,virale et parasitaire.Le bilan immunologique mettait en évidence des anticorps anti-nucléaires positifs à 1/160, des anticorps anti-ADN natifs à 82 UI (N < 39), des anticorps anticardiolipides (ACL) à 38 UI/L de type IgG (N < 15).Une capillaroscopie montrait de nombreux capillaires dystrophiques. Le rôle respectif d’une atteinte pancréatique secondaire à un lupus,aux anticorps antiphospholipides,aux patchs de nicotine a été discuté.Une étiologie toxique a été retenue. La contraception orale par estroprogestatif a été stoppée, les patchs de nicotine enlevés.Par prudence,un traitement anticoagulant a été débuté.Après un recul de 2 ans et demi sans traitement,la symptomatologie n’a jamais récidivé. La Presse Médicale - 795

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DISCUSSION Après avoir éliminé les causes les plus fréquentes de pancréatite (alcool, obstacle biliaire), cette première poussée de pancréatite aiguë œdémateuse chez une femme jeune fait discuter le rôle d’un lupus érythémateux disséminé,d’un syndrome des antiphospholipides (SAPL) et les étiologies toxiques. Les causes de pancréatites aiguës au cours du lupus sont, outre la maladie elle-même, les causes infectieuses (favorisées par l’immunodépression), métaboliques (à l’occasion d’une hypertriglycéridémie sous corticoïdes),médicamenteuses (azathioprine,furosémide,acide 1-3 valproïque…) . La responsabilité décrite des corticoïdes reste discutée. Cependant, curieusement, le traitement des pancréatites 4,5 lupiques repose sur la corticothérapie . Le LED lui-même se com4 plique d’une pancréatite aiguë dans 1 à 8 % des cas . Le risque de pancréatite est corrélé à l’activité de la maladie et survient en général lorsque plusieurs organes (6 en moyenne) sont atteints par la mala1,6 die .Dans la littérature,seulement 10 cas de pancréatite aiguë révélatrice d’un lupus ont été décrits et dans chacune de ces observations la pancréatite n’était jamais la seule manifestation clinique du 4,6-10 .Dans notre observation,le syndrome de Raynaud associé à lupus une lymphopénie et à des anticorps anti-ADN natifs pouvait faire évoquer l’hypothèse d’un lupus, mais le caractère révélateur exceptionnel d’une atteinte pancréatique, sans autre atteinte viscérale concomitante, et la régression rapide des symptômes sans corticothérapie ont conduit à réfuter l’hypothèse d’une pancréatite lupique. Les pancréatites aiguës associées à un SAPL sont décrites dans un contexte de syndrome catastrophique des antiphospholipides ou 11,12 . encore de thromboses artérielles et/ou veineuses à répétition Lorsque la pancréatite fait partie des symptômes d’un SAPL, les antécédents des patients sont émaillés de thromboses veineuses profondes, d’embolies pulmonaires, d’accidents vasculaires cérébraux, et la survenue de la pancréatite est concomitante d’autres 4,11 phénomènes ischémiques veineux et/ou artériels . Dans cette observation, il semble difficile d’incriminer les anticardiolipides devant l’absence de phénomène thrombo-embolique décelé, la normalité de l’écho-Doppler mésentérique et du scanner abdomi-

Pancréatite aiguë non alcoolique non biliaire Difficultés du diagnostic étiologique et toxicité possible de la nicotine nal. Cependant, par prudence, pour ne pas laisser évoluer dans les premiers jours un phénomène thrombotique inapparent, un traitement anticoagulant avait été proposé.L’absence de toute thrombose avant, au cours, puis après l’épisode pancréatique (avec un recul de 2 ans et demi sans traitement anticoagulant) est contre la responsabilité isolée des anticorps antiphospholipides dans cette atteinte pancréatique. L’existence d’un surdosage nicotinique la veille de la symptomatologie douloureuse chez cette jeune femme qui avait décidé de cesser toute intoxication tabagique depuis 3 semaines, l’absence d’autre étiologie évidente, la résolution des symptômes en l’absence de traitement spécifique nous ont incités à retenir le diagnostic de pancréatite aiguë par surdosage nicotinique. Le surdosage nicotinique a été estimé à 38 mg du fait de l’association de patch et de la reprise d’un tabagisme actif.Les effets pathogènes de la nicotine sur le pancréas ont été décrits chez l’animal et des études physiopathologiques expérimentales ont précisé le mécanisme d’action de la nicotine dans l’apparition d’une pancréatite 13 aiguë . Ces mécanismes sont ischémiques (diminution de la perfusion des capillaires pancréatiques), toxiques (toxicité des métabolites nicotiniques sur les cellules pancréatiques) et métaboliques (rôle anorexigène générateur d’une dysrégulation des sécrétions 13 pancréatiques) . Chez l’homme, les effets pathogènes de la nico14 tine sur le pancréas ont également été décrits chez des fumeurs . Le plus souvent, les surdosages nicotiniques sont responsables de troubles digestifs (nausées,douleurs abdominales,diarrhées).Après revue de la littérature et interrogation de la banque de pharmacovigilance,il n’a pas été décrit,à notre connaissance,de poussée de pancréatite aiguë sous patch de nicotine et cette observation pourrait inciter à considérer qu’une poussée de pancréatite aiguë peut être une complication exceptionnelle d’un surdosage nicotinique. Étant donné la gravité des symptômes, aucun test de réintroduction prouvant une imputabilité n’a été envisagé.En revanche,Il est difficile de savoir si les autres facteurs de risque vasculaires constatés dans cette observation (contraception orale,ACL) ont pu jouer un rôle favorisant. ■

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