Papillomatose confluente et réticulée de Gougerot et Carteaud faciale ou hyperkeratotic head and neck Malassezia dermatosis ?

Papillomatose confluente et réticulée de Gougerot et Carteaud faciale ou hyperkeratotic head and neck Malassezia dermatosis ?

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2010) 137, 451—454 CAS CLINIQUE Papillomatose confluente et réticulée de Gougerot et Carteaud faciale ou ...

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Annales de dermatologie et de vénéréologie (2010) 137, 451—454

CAS CLINIQUE

Papillomatose confluente et réticulée de Gougerot et Carteaud faciale ou hyperkeratotic head and neck Malassezia dermatosis ? Facial confluent and reticulate papillomatosis (Gougerot-Carteaud syndrome) or hyperkeratotic head and neck Malassezia dermatitis? A. Pham-Ledard a,∗, K. Ezzedine a, B. Couprie b, H. Begueret c, F. Boralevi a, A. Taieb a a

Centre de référence des maladies rares de la peau, service de dermatologie, hôpital Saint-André, CHU de Bordeaux, 1, rue Jean-Burguet, 33075 Bordeaux cedex, France b Laboratoire de mycologie, hôpital Saint-André, CHU de Bordeaux, 1, rue Jean-Burguet, 33075 Bordeaux cedex, France c Service d’anatomie pathologique, hôpital Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux, avenue de Magellan, 33604 Pessac, France Rec ¸u le 19 novembre 2009 ; accepté le 8 avril 2010 Disponible sur Internet le 20 mai 2010

MOTS CLÉS Papillomatose confluente et réticulée ; Gougerot et Carteaud ; Hyperkeratotic head and neck Malassezia dermatitis ; Malassezia ; Pigmentation ; Dermatose faciale

Résumé Introduction. — Nous avons observé trois patients présentant des lésions brunes et hyperkératosiques du visage. Deux cas ont été déjà rapportés [Boralevi et al. (2006) [1]] sous le nom de « Hyperkeratotic head and neck Malassezia dermatosis (HHNMD) ». Le cas récent d’une patiente connue pour une papillomatose confluente et réticulée de Gougerot et Carteaud (PCRGC) permet de rapprocher ces deux entités. Observation. — Une femme de 56 ans était suivie pour une PCRGC étendue. Les prélèvements mycologiques étaient négatifs. Au cours de l’évolution, les lésions touchaient le visage avec une atteinte brune et hyperkératosique des deux joues. Discussion. — La PCRGC est une affection rare ou probablement sous-diagnostiquée. Il s’agit de macules et de plaques confluentes et réticulées, pigmentées, hyperkératosiques et squameuses. Le tronc et la nuque sont classiquement touchés, mais des atteintes plus diffuses peuvent être observées. L’atteinte du visage est assez exceptionnelle. L’affection que nous avions décrite



Auteur correspondant. EA 2406 histologie et pathologie moléculaire des tumeurs, université de Bordeaux-2, bâtiment 3B, 2e étage Zone Nord, 146, rue Léo-Saignat, 33076 Bordeaux, France. Adresse e-mail : [email protected] (A. Pham-Ledard). 0151-9638/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annder.2010.04.001

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A. Pham-Ledard et al. sous le terme de HHNMD pourrait correspondre à une atteinte faciale de PCRGC avec colonisation levurique contingente. Un test thérapeutique aux cyclines peut être envisagé pour des observations de ce type. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Confluent and reticulated papillomatosis; Gougerot-Carteaud; Hyperkeratotic head and neck Malassezia dermatitis; Malassezia; Pigmentation; Facial dermatitis

Summary Background. — We report three patients with brown hyperkeratotic lesions of the face. Two cases have been published [Boralevi et al. (2006) [1]] under the title ‘‘Hyperkeratotic Head and Neck Malassezia Dermatosis (HHNMD)’’. A patient recently diagnosed with confluent and reticulated papillomatosis (CRP) (Gougerot-Carteaud) allowed us to link theses two entities. Patients and methods. — A 56-year-old woman was followed for extensive CRP. Cultures for fungi and bacteria were negative. During the course of the disease, she developed brown hyperkeratotic dermatitis on both cheeks. Discussion. — CRP is a rare or probably under-diagnosed condition. Brown, scaly, hyperkeratotic macules and patches are observed with a confluent and reticulated disposition. The chest and neck are generally involved, but extensive forms are possible. Facial involvement is rare. HHNMD, the disorder we earlier described, could be a facial presentation of CRP with contingent yeast colonisation. A therapeutic test with tetracyclines may be considered in HHNMD. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Les dermatoses faciales peuvent poser des problèmes de diagnostic différentiel aux cliniciens du fait du chevauchement ou de la coexistence possibles de plusieurs maladies. Si l’acné, la rosacée ou la dermatite séborrhéique sont classiquement, facilement identifiables, certains patients présentent des signes communs à plusieurs affections, rendant le diagnostic difficile. C’est le cas par exemple de

l’association, maintenant bien identifiée, de signes de rosacée et de dermatite séborrhéique. Nous avons observé trois patients présentant des lésions brunes et hyperkératosiques du visage. Le cas détaillé dans l’observation correspondait à une forme typique de papillomatose confluente et réticulée de Gougerot et Carteaud (PCRGC) avec atteinte faciale associée. Les deux autres cas

Figure 1. Lésions du décolleté (a), du dos (b), des membres inférieurs (c) et des deux joues (d) au cours de l’évolution d’une papillomatose confluente et réticulée de Gougerot et Carteaud.

Papillomatose confluente et réticulée de Gougerot et Carteaud faciale

Figure 2. Coupe histologique d’une biopsie cutanée, coloration HES. Modifications épidermiques discrètes : épiderme ondulé focalement papillomateux, hyperkératosique, non acanthosique.

avaient été rapportés auparavant par notre équipe sous le diagnostic de hyperkeratotic head and neck Malassezia dermatosis (HHNMD). L’aspect clinique très similaire des lésions du visage chez ces trois patients nous suggère de rapprocher ces deux entités.

Observation Une femme de 56 ans était adressée pour des plaques brunes du corps évoluant depuis cinq ans. On notait dans ses antécédents une sinusite chronique et une hypercholestérolémie traitée par fénofibrate. À l’examen clinique, on observait des plaques brunes, hyperkératosiques, réticulées, réparties de manière symétrique sur le tronc, le dos et les membres inférieurs (Fig. 1a, b et c). Ces lésions prenaient un aspect jaune-vert fluorescent en lumière de Wood. Elles évoquaient une forme étendue de PCRGC. Au cours de l’évolution, la patiente présentait des lésions similaires au niveau des joues (Fig. 1d). Les différents prélèvements mycologiques restaient négatifs. La biopsie cutanée montrait un épiderme ondulé focalement papillomateux non acanthosique et une hyperkératosique orthokératosique, compatibles avec le diagnostic de PCRGC (Fig. 2). Un traitement d’un mois par minocycline orale permettait une amélioration spectaculaire dès le 15e jour. Cependant, les lésions récidivaient quelques semaines après l’arrêt. La seconde cure de minocycline proposée un an plus tard était moins efficace ; c’est pourquoi on tentait une alternative avec l’azithromycine. Ce traitement se révélait lui aussi inefficace. Devant des récidives fréquentes, différents traitements étaient alors proposés : rétinoïdes locaux et systémiques, mal tolérés ; amoxicilline et doxycycline, photothérapie UVB à spectre étroit, apportant une amélioration transitoire.

Discussion Nous rapportons un cas de lésions faciales brunes et hyperkératosiques correspondant à l’extension d’une PCRGC typique

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sur le visage, localisation rarement observée au cours de cette maladie. En 2006, nous avions rapporté deux autres cas de dermatose faciale brune et hyperkératosique d’aspect inhabituel, pour lesquels nous avions proposé le diagnostic de HHNMD [1]. Le premier cas était celui d’un homme de 26 ans qui présentait des plaques brun chamois hyperkératosiques, atteignant surtout le front de manière symétrique. Ces lésions émettaient une fluorescence jaune-vert en lumière de Wood. L’examen mycologique direct était positif, révélant de nombreuses colonies de Malassezia et la culture sur milieu de Dixon permettait d’isoler deux espèces : M. globosa et M. sympodialis. Un traitement oral par kétoconazole puis par antifongique local était suivi tardivement d’une amélioration partielle. Le second cas concernait une femme de 42 ans gênée par des lésions squameuses et hyperkératosiques du visage. On observait des plaques brunes hyperkératosiques de disposition symétrique sur les joues, le front, la lisière du cuir chevelu et la nuque. Le prélèvement local était positif à l’examen direct, montrant des colonies de Malassezia. La culture isolait M. globosa. On proposait un traitement par kétoconazole oral et local associé à une préparation salicylée ; les lésions étaient récalcitrantes, nécessitant un mois de traitement intensif. L’observation récente de la patiente présentée ici nous a conduit à remettre en cause l’autonomie de l’affection que nous avions décrite en 2006 sous le terme de HHNMD et à la rapprocher d’une atteinte faciale isolée de PCRGC. D’autres diagnostics peuvent néanmoins être évoqués pour ces deux cas. Une forme topographique inhabituelle de pityriasis versicolor très hyperkératosique avec atteinte faciale prédominante est compatible avec l’aspect clinique, l’examen en lumière de Wood et les résultats mycologiques. L’atteinte faciale du pityriasis versicolor, notamment au niveau du front, existe en zone tropicale mais est rarement observée en climat tempéré. Une dermatite séborrhéique était aussi envisageable du fait de l’atteinte de quelques zones séborrhéiques de la face. Les lésions étaient cependant peu inflammatoires et épargnaient les autres zones séborrhéiques. Une dermatitis neglecta (simple accumulation de « crasse ») a été également discutée [1]. La PCRGC est une affection rare ou probablement sousdiagnostiquée ; son existence en tant qu’entité autonome est même toujours débattue. Certains considèrent en effet cette affection comme une forme floride de pityriasis versicolor, une localisation particulière d’acanthosis nigricans ou un aspect d’amylose papuleuse. Cette dermatose a été décrite en 1927 Gougerot et Carteaud et se caractérise par la présence de petites papules papillomateuses, voire hyperkératosiques, brunâtres, confluant en éléments de plus grande taille, prenant un aspect réticulé [2]. Les lésions atteignent fréquemment le thorax et notamment les régions intermammaires et interscapulaires, les creux axillaires, le cou et le décolleté, et peuvent s’étendre vers les sites adjacents. L’atteinte des membres est plus rare, de même que celle du visage. Après une phase d’extension initiale, les lésions se stabilisent et restent inchangées. Les adolescents et les adultes jeunes sont plus volontiers concernés, sans prédominance de sexe ou d’ethnie. L’histologie cutanée montre une hyperkératose, une papillomatose (parfois absente) et une acanthose d’intensité variable. Cette affection semble sous-diagnostiquée probablement du fait de sa

454 méconnaissance et le délai avant le diagnostic est souvent long (3,1 ans dans la série de 39 patients rapportée par Davis et al.) [3]. La physiopathologie reste inconnue. Une réaction anormale de l’hôte à une colonisation par des levures ou à des bactéries folliculaires pourraient être la cause des lésions. La présence d’actinomycètes au sein des lésions cutanées de PCRGC a été rapportée [4,5]. Cependant, des déséquilibres endocrinologiques ont aussi été incriminés et la présence de quelques cas familiaux permet de suggérer une susceptibilité génétique potentiellement liée à un trouble de la kératinisation [6—7]. Il pourrait aussi s’agir d’un trouble de la différentiation kératinocytaire conduisant à une hyperprolifération. Une faible réponse aux antifongiques est classiquement observée, notamment dans la série de Davis et al., ce qui va à l’encontre de la théorie d’une réponse anormale à un agent fongique [3,8]. L’efficacité des cyclines a été observée de manière fortuite dès 1965 par Carteaud. Depuis, plusieurs séries attestent de leur efficacité [3,9]. Le mécanisme d’action de ces antibiotiques est probablement anti-inflammatoire et non anti-infectieux au vu des posologies utilisées et des récidives fréquentes à l’arrêt du traitement. La minocycline a plus souvent été proposée dans la littérature ; la doxycycline semble cependant une alternative équivalente et probablement préférable en termes de sécurité. La localisation faciale de la PCRGC nous semble assez exceptionnelle. Davis et al. relevaient en 2006 deux cas d’atteinte faciale parmi 39 patients [3]. Un cas était rapporté en 1980 par Faergerman et al. [10] et un autre plus récemment par Kim et al. [11]. Chez notre patiente, l’atteinte faciale survenait au cours de l’évolution d’une PCRGC typique particulièrement étendue et récalcitrante ; c’est pourquoi le diagnostic de cette dermatose faciale présentant des caractéristiques sémiologiques identiques aux lésions présentes sur les autres sites nous semble clair. Les prélèvements mycologiques étaient négatifs et une bonne réponse aux cyclines était notée, mais avec des récidives fréquentes à l’arrêt. En revanche, chez les deux malades pour lesquels nous avions proposé le diagnostic de HHNMD auparavant, l’atteinte faciale prédominante ne permettait pas d’évoquer initialement une PCRGC. Cependant, a posteriori, la similitude sémiologique des lésions faciales de ces trois malades nous conduit à considérer le diagnostic de PCRGC faciale isolée. Le tableau anatomopathologique, peu spécifique, reste compatible dans les deux cas avec cette proposition diagnostique. Malassezia est une levure ubiquitaire souvent saprophyte de la peau, notamment dans les ostiums folliculaires et les régions séborrhéiques ; sa présence pourrait correspondre dans les deux cas à une colo-

A. Pham-Ledard et al. nisation levurique contingente non pathogène. De plus, si les antifongiques ont une action anti-infectieuse prédominante, ils pourraient aussi agir par une autre voie pharmacologique (inhibition de leucotriènes, inhibition de la prolifération épidermique) et par conséquent avoir amélioré l’état clinique des patients alors que les levures n’étaient pas directement la cause de leur dermatose.

Conflit d’intérêt Aucun.

Références [1] Boralevi F, Marco-Bonnet J, Lepreux S, Buzenet C, Couprie B, Taieb A. Hyperkeratotic head and neck Malassezia dermatosis. Dermatology 2006;212:36—40. [2] Gougerot H, Carteaud A. Papillomatose pigmentée innominée. Bull Soc Fr Dermatol Syph 1927;34:712—9. [3] Davis MD, Weenig RH, Camilleri MJ. Confluent and reticulate papillomatosis (Gougerot-Carteaud syndrome): a minocyclineresponsive dermatosis without evidence for yeast in pathogenesis. A study of 39 patients and a proposal of diagnostic criteria. Br J Dermatol 2006;154:287—93. [4] Jones AL, Koerner RJ, Natarajan S, Perry JD, Goodfellow M. Dietzia papillomatosis sp. nov., a novel actinomycete isolated from the skin of an immunocompetent patient with confluent and reticulated papillomatosis. Int J Syst Evol Microbiol 2008;58:68—72. [5] Natarajan S, Milne D, Jones AL, Goodfellow M, Perry JD, Koerner RJ. Dietzia strain X: a newly described actinomycete isolated from confluent and reticulated papillomatosis. Br J Dermatol 2005;153:825—7. [6] Inaloz HS, Patel GK, Knight AG. Familial confluent and reticulated papillomatosis. Arch Dermatol 2002;138:276—7. [7] Henning JP, de Wit RF. Familial occurrence of confluent and reticulated papillomatosis. Arch Dermatol 1981;117:809—10. [8] Riaux A, Bourrat E, Pinquier L, Morel P, Dubertret L, Petit A. Papillomatose confluente et réticulée de Gougerot et Carteaud : étude rétrospective de neuf cas. Ann Dermatol Venereol 2007;134:327—31. [9] Montemarano AD, Hengge M, Sau P, Welch M. Confluent and reticulated papillomatosis: response to minocycline. J Am Acad Dermatol 1996;34:253—6. [10] Faergemann J, Fredriksson T, Nathorst-Windahl G. One case of confluent and reticulate papillomatosis (Gougerot-Carteaud). Acta Derm Venereol 1980;60:269—71. [11] Kim BS, Lim HJ, Kim HY, et al. Case of minocycline-effective confluent and reticulated papillomatosis with unusual location on forehead. J Dermatol 2009;36:251—3.