Paralysie faciale périphérique et sérothérapie anti-tétanique. À propos d’une observation

Paralysie faciale périphérique et sérothérapie anti-tétanique. À propos d’une observation

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Brève communication Paralysie faciale périphérique et sérothérapie anti-tétanique. À propos d’une observation S. Kharoubi Service d’Oto-Rhino-Laryngologie, Faculté de Médecine, Annaba, Algérie. Reçu le : 29/06/2004 ; Reçu en dernière révision le : 05/11/2004 ; Accepté le : 19/11/2004.

RÉSUMÉ Introduction. La paralysie faciale périphérique (PFP) est un symptôme fréquent, dominé par les formes idiopathiques. Les paralysies d’origine toxique sont rares et peu documentées dans la littérature. Observation. Nous rapportons le cas d’une patiente atteinte d’une PFP de survenue brutale et rapidement résolutive dans les suites d’une sérothérapie anti-tétanique pour plaie du membre inférieur. L’examen clinique et la recherche étiologique ne montrèrent aucune cause spécifique. Le profil évolutif de cette paralysie faciale (régression rapide à partir du cinquième jour et totale au vingtième jour) était compatible avec une cause toxique (sans exclure de façon catégorique une cause a frigore). Conclusion. Les paralysies faciales périphériques bien que le plus souvent idiopathiques peuvent résulter d’une cause toxique (médicamenteuse, toxique industriel, stupéfiant). Le lien de causalité direct est souvent difficile à mettre en évidence et repose sur une démarche graduée basée essentiellement sur l’anamnèse et l’imagerie, notamment l’imagerie par résonance magnétique (IRM) qui permet d’éliminer les autres étiologies (inflammatoire, tumorale) de PFP.

Mots-clés : Paralysie faciale périphérique • Sérothérapie anti-tétanique • Névrite toxique • Neuroradiologie

SUMMARY Peripheral facial paralysis associated with anti-tetanic serotherapy: a case report S. Kharoubi, Rev Neurol (Paris) 2005; 161: 4, 469-471 Introduction. Peripheral facial paralysis (PFP) is a frequent symptom, idiopathic forms predominate. Toxin-related PFP was not common pathology and apparently has not been documented in the literature. Observation. We report a case of sudden-onset PFP which resolved rapidly in a patient given tetanic anti-serotherapy for a wound of the lower limb. Physical examination and search for a cause were unable to establish a specific etiology. The clinical course of this case of PFP (rapid regression from the fifth day and total resolution at the twentieth) was compatible with a toxic cause, although a frigore cannot be excluded. Conclusion. Although generally idiopathic, peripheral facial paralysis can result from a toxic cause (drug, industrial toxic, narcotic). The direct causal mechanism is often difficult to establish. History taking and imaging, particularly magnetic resonance imaging, are helpful in ruling out other causes (inflammation, tumor).

Keywords: Peripheral facial paralysis • Tetanic anti-serotherapy • Toxic neuritis • Neuroradiology

INTRODUCTION La paralysie faciale périphérique (PFP) est une situation fréquente en pratique médicale. Son incidence exacte reste difficile à évaluer. Sur le plan étiologique, les PFP restent largement dominées par les formes idiopathiques ou « a frigore » considérées actuellement comme l’expression d’une maladie virale (groupe Herpès) (Darrouzet et al., 2002). Les PFP d’origine neurotoxiques (vaccination – sérothérapie) sont peu fréquentes. La toxicité s’exprime le plus souvent par immuns-complexes interposés avec atteinte myélinique, œdème et perturbation de l’apport vasculaire au niveau du nerf facial. Ces formes peu documentées dans la littérature méritent une mention particulière dans le cadre de la pathologie iatrogénique.

Nous rapportons l’observation d’une patiente ayant présenté quelques minutes après une sérothérapie anti-tétanique une PFP, d’évolution rapidement favorable.

OBSERVATION Cas n° 2000.123. — La patiente, âgée de 34 ans, mère de 2 enfants, sans profession, consulta en ORL pour une asymétrie faciale gauche brutale évoluant depuis quelques heures. Suite à une plaie de la jambe gauche par chute, la patiente s’était présentée à 11 heure aux urgences chirurgicales. Après le bilan lésionnel (plaie superficielle de 2 cm), elle bénéficia de soins locaux (antiseptiques et pansement) et d’une ordonnance médicale comportant une antibiothérapie de 8 jours (oxacilline) avec des soins quotidiens. Compte tenu de l’agent en cause (clou rouillé), une sérothé-

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DISCUSSION Cette observation fait état d’un cas de PFP de survenue brutale, très certainement secondaire à une sérothérapie antitétanique. Elle ouvre de ce fait la possibilité, du moins théorique, d’une responsabilité étiopathogénique. Parmi toutes les étiologies de PFP, la paralysie faciale a frigore ou idiopathique est la plus fréquente, mais reste un diagnostic d’élimination. Son incidence annuelle est de 14 à 25 pour 100 000 habitants indépendamment de toute influence saisonnière, de sexe ou de côté atteint (Leujeune et al., 2002) (Tableau I). Des PFP d’origine toxique ont été rapportées, mais restent très rares. Dans ces formes particulières, l’interrogatoire est décisif car il permet une première évocation de causalité. Les principales intoxications décrites sont le plomb, l’arsenic, le chlore, l’éthylène-glycol et le monoxyde de carbone (Trotoux et Coiffier, 1997). Le rôle de l’alcool est plus difficile à mettre en évidence en raison d’intrication de plusieurs facteurs tels les déficits vitaminiques et la sensibilisation accrue aux infections virales. Aidan et al. (1995) ont rapporté une observation de PFP après prise d’ecstasy. L’ectasy avait été prise la veille et les auteurs évoquent plusieurs hypothèses pathogéniques : un effet toxique direct, un traumatisme nerveux par choc temporal, un étirement du nerf lors de mouvements brutaux pseudo-convulsifs. Une paralysie classique a frigore ne peut cependant être exclue. L’évolution de leur patient fut favorable, avec une récupération complète au bout du 5e mois. Les complications neurologiques après vaccination ou sérothérapie (anti-tétanique, anti-diphtérique) sont rares, voire exceptionnelles. Le vaccin anti-tétanique (obligatoire à 3 mois) est présenté sous la forme d’une anatoxine tétanique purifiée administrée par voie sous-cutanée ou intramusculaire. Les complications neurologiques post-vaccinales semblent plus fréquentes et intéressent surtout le système

Tableau I. – Étiologies des paralysies faciales périphériques. Causes of peripheral facial paralysis. Post traumatiques : – fractures du Rocher – iatrogènes (postopératoires). Tumorales : – neurinome du nerf facial – cholestéatome intrapétreux – neurinome de l’acoustique – tumeurs malignes de la parotide Infectieuses : – otite moyenne aiguë – otomastoïdite – maladie de Lyme – otite tuberculeuse – zona du ganglion géniculé – infection par le VIH Métaboliques : – amylose – porphyries – carences en vitamines B1, B12 et PP Toxiques : – plomb – arsenic – chlore – monoxyde de carbone – ecstasy Maladies de système : – sarcoïdose – multinévrites, syndrome de Heerfordt – périartérite noueuse – maladie de Kawasaki – granulomatose de Wegener – syndrome de Gougerot-SjogrenSclérose en plaques Syndrome de Melkersson-Rosenthal

nerveux périphérique. En effet, plusieurs publications rapportent des cas de neuropathies périphériques neuromotrices : syndrome de Guillain-Barré (Reinstein et al., 1982), myélite transverse aiguë (Read et al., 1992 ; Topaloglu et al., 1992) et paralysie du muscle dentelé gauche (Gersbach et Waridel, 1976). Ganry et al. (1992) ont rapporté l’observation d’une PFP suite à une vaccination contre l’hépatite, et Reijnevelid et al. (1997) l’observation d’un homme de 38 ans ayant présenté un syndrome parkinsonien transitoire après vaccination anti-tétanique. Plusieurs cas de myélite transverse aiguë ont été associés à des vaccinations : rubéole, choléra, typhoïde, grippe, oreillons, rage, poliomyélite (Kline et al., 1982 ; Friedrich, 1997). Notre observation rend très pertinente l’étiologie sérotoxique de la PFP en raison de l’absence d’antécédents et de circonstances étiologiques connues, de la survenue brutale (quelques heures) de la PFP après la sérothérapie antitétanique, de la localisation du site d’injection du sérum anti-tétanique du même côté de la paralysie faciale (gauche), de l’enquête étiologique négative et de la régression rapide sous corticothérapie (à partir du 5e jour), suivie d’une récu-

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pération totale au bout du 20e jour. L’absence d’une preuve directe ou reproductible, voire expérimentale, ainsi que l’absence d’imagerie ne permettent cependant pas d’affirmer le lien de causalité entre la survenue de la paralysie faciale et la sérothérapie anti-tétanique. Sur le plan pathogénique, nous pouvons supposer que la survenue d’une PFP de façon isolée et rapide plaide en faveur d’un mécanisme de type immuns complexes circulants. Les formes tardives seraient plutôt la traduction d’une réaction retardée à médiation cellulaire. En raison du nombre de cas très faible, il n’est pas possible de dicter une démarche thérapeutique spécifique des PFP neurotoxiques. Nous avons donc proposé une corticothérapie à la dose de 1 mg/kg, cinq jours par voie intraveineuse, puis un relais 10 jours per os à doses dégressives. Des mesures de protection oculaire (larmes artificielles, occlusion palpébrale nocturne) sont systématiquement associées à ce traitement (Leujeune et al., 2002). Une déclaration bien circonstanciée (observation, agent causal potentiel, dose, mode d’administration) doit être faite au centre de pharmacovigilance.

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