Pathologie néonatale du chiot

Pathologie néonatale du chiot

EMC-Vétérinaire 2 (2005) 30–53 www.elsevier.com/locate/emcvet Pathologie néonatale du chiot Diseases in newborn puppies C. Dumon (Docteur vétérinair...

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EMC-Vétérinaire 2 (2005) 30–53

www.elsevier.com/locate/emcvet

Pathologie néonatale du chiot Diseases in newborn puppies C. Dumon (Docteur vétérinaire, consultant en reproduction et élevage canin) 161, chemin des Plateaux, 78520 Saint-Martin-la-Garenne, France

MOTS CLÉS Hypoxie ; Immaturité physiologique ; Malformations congénitales ; Pathologie liée à la mère ; Pathologie d’élevage

KEYWORDS Hypoxia; Physiological immaturity; Congenital abnormalities; Breeder’s pathology

Résumé La pathologie néonatale est un problème complexe pour de nombreuses raisons, et notamment : une étiologie multifactorielle avec composantes génétiques, environnementales et infectieuses ; la difficulté des investigations cliniques et la nécessité d’examens complémentaires par des laboratoires spécialisés ; une pathologie spécifique dans les collectivités ; des particularités thérapeutiques liées à l’immaturité physiologique des jeunes carnivores. Des recherches sont encore indispensables pour mieux maîtriser le sujet, mais les connaissances acquises, dont nous présentons ici la synthèse, nous permettent de proposer le plus souvent des solutions thérapeutiques curatives ou au moins préventives. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Neo-native pathology is a complex problem for many reasons: a multi-factorial aetiology with genetic, environmental, infectious components; the difficulty of clinical investigations and the necessity of complementary examinations by specialized laboratories; specific pathology in the communities; therapeutic characteristics related to physiological immaturity of the young carnivores. Research remains essential for better controlling the subject, but current acquired knowledge, synthesised in the present paper, allows proposing many curative or at least preventive therapeutic solutions. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction On entend classiquement par pathologie néonatale celle que l’on observe pendant les 15 premiers jours de la vie d’un chiot. Au-delà, et jusqu’au sevrage, on parle habituellement de pathologie pédiatrique. Ainsi sont définies les limites de notre propos, à savoir : morbidité et mortalité des chiots au cours des 2 premières semaines de vie. Une étude récente réalisée en Australie sur 500 portées représentant 2 574 chiots a démontré

Adresse e-mail : [email protected] (C. Dumon).

que 20 % d’entre eux meurent entre la naissance et le sevrage, et que cette mortalité se répartit de la façon suivante : • 7 % mort-nés ou avortements tardifs ; • 11,3 % pendant la première semaine ; • 1,7 % entre 8 jours et le sevrage. C’est donc la pathologie néonatale qui est essentiellement en cause et, en raison des pertes enregistrées, il s’agit d’un problème important, qui est au centre des préoccupations des éleveurs et des cynophiles. Il y a encore peu de temps, les spécialistes s’accordaient sur un taux de mortalité plus important (30 %), avec un pourcentage plus élevé de mortinatalité et au-delà des 2 premières semaines.

1762-4215/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcvet.2004.12.003

Pathologie néonatale du chiot Cette amélioration est sans nul doute liée à un meilleur professionnalisme des éleveurs, à leur prise de conscience de l’importance de l’hygiène, de la prophylaxie sanitaire et médicale. Elle est également liée à l’intérêt porté par les vétérinaires sur cette pathologie et aux progrès réalisés dans le diagnostic, le traitement, la prévention. Le développement de la cynophilie, la place des animaux de compagnie dans la société et par voie de conséquences la valeur économique des chiots de race pure ne sont pas étrangers à cette évolution. Problème important donc, mais aussi problème difficile et pour trois raisons essentielles : • difficulté des investigations cliniques en raison de la petite taille des animaux ; • symptomatologie fruste et souvent identique avec des causes très différentes ; • étiologie multifactorielle.

Facteurs intervenant dans la mortalité néonatale • • • •

Déroulement de la mise bas. ˆ ge et santé de la mère. A Potentiel génétique des parents. Alimentation de la chienne pendant la gestation. • Éventuels traitements médicaux qui ont pu être administrés à la chienne pendant cette période. • Hygiène du « nid » qui a accueilli la portée.

Enfin, et surtout, le chiot souffre à la naissance d’une immaturité physiologique et immunologique qui le rend sensible aux conditions de température, d’hygrométrie, de ventilation de son environnement immédiat et particulièrement réceptif aux agents infectieux et parasitaires. Nous étudierons donc successivement le risque obstétrical et du post-partum immédiat, l’urgence des premières minutes de vie : l’hypoxie, les malformations congénitales incompatibles avec la survie, les affections liées à l’immaturité physiologique du chiot nouveau-né, les affections directement transmises par la mère, la pathologie infectieuse rencontrée dans les collectivités. Nous verrons également que l’immaturité physiologique des jeunes carnivores impose des particularités thérapeutiques par rapport aux adultes dans la mise en place d’une fluidothérapie et/ou d’une antibiothérapie.

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Risque obstétrical et du post-partum Le déroulement de la mise bas et le post-partum immédiat ont une incidence importante sur la mortinatalité.

Durée de la mise bas Elle constitue un élément déterminant car une expulsion trop lente des fœtus est susceptible de provoquer la mort par anoxie d’un ou plusieurs chiots. Causes de retard à l’expulsion des fœtus et d’hypoxie • Dystocie obstructive fœtale (malposition, excès de volume, malformation congénitale comme l’hydrocéphalie ...) ou maternelle (cal de fracture ...). • Inertie utérine primaire ou secondaire ; • Taille de la portée : le risque d’inertie utérine est plus grand sur les portées nombreuses. • Rang du chiot dans la portée : le premier et le dernier sont les plus exposés. • Rang de la portée : primiparité et à l’inverse nombreuses portées sont facteurs de risques. • Présentation postérieure : bien que physiologique, elle favorise la « noyade » dans les eaux fœtales. • Injections d’ocytocine. • Césarienne. Les injections d’ocytocine peuvent induire une expulsion plus rapide, mais également une vasoconstriction des vaisseaux placentaires entraînant des décollements placentaires prématurés et la mort des chiots. Il faut en outre, préalablement à son emploi, être certain que la lenteur de la mise bas n’est pas liée à une dystocie obstructive, se limiter à des posologies faibles (de 1 à 5 UI par animal) et ne pas répéter les injections sans respecter un intervalle de 30 minutes au moins entre deux injections Une césarienne effectuée trop tôt (avant la rupture des enveloppes fœtales et/ou avant la chute de la progestéronémie au-dessous de 5 ng) ou une anesthésie mal conduite exposent également la portée à une hypoxie néonatale fatale. L’imagerie médicale est précieuse pour une bonne maîtrise de la mise bas : la radiographie met en évidence le nombre de chiots et les dystocies éventuelles (Fig. 1) ; l’échographie permet d’apprécier la vitalité des fœtus (Fig. 2) et la souffrance

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Figure 1 Radiographie et maîtrise de la mise bas. A. Radiographie permettant de compter le nombre de fœtus et mettant en évidence une dystocie obstructive. B. Fracture du bassin entraînant une dystocie. C, D. Appréciation du rapport entre le diamètre de la filière pelvienne et la tête du premier chiot.

fœtale lorsque le rythme cardiaque est inférieur à 130 battements par minute.

Réanimation des chiots Le chiot doit être délivré de ses enveloppes fœtales dès sa naissance. C’est la mère qui s’en charge si tout va bien mais une intervention extérieure est nécessaire si elle est défaillante (nervosité excessive ou à l’opposé épuisement). C’est également la mère qui, par léchage, réalise un massage thoracique du chiot et favorise la mise en place de la respiration (Fig. 3). Là encore, il faut parfois la remplacer avec des gestes simples : dégagement des voies respiratoires par aspiration des liquides qui encombrent le larynx ; frictions et massage thoracique ; oxygénation ...

Figure 2 Échographie en fin de gestation : viabilité des chiots.

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33 L’agalactie, essentiellement observée sur les primipares, est fort heureusement très rare car aucun traitement n’est satisfaisant. Il est classique de prescrire du métoclopramide pour tenter de stimuler la sécrétion de prolactine mais les résultats sont inconstants. Il s’agit fort heureusement le plus souvent d’un simple retard de mise en place de la lactation, ou d’un défaut d’éjection du lait qui cèdent à des injections d’ocytocine (2 UI par animal quatre fois par jour). Ce qu’il faut avant tout rechercher par une inspection et une palpation rigoureuses des mamelles, c’est la présence d’une éventuelle mammite aiguë ou subclinique qui serait fatale à la portée.

Figure 3 Réanimation du chiot par la mère (léchage intensif).

Traumatismes du post-partum Il est recommandé de surveiller la chienne à la fin de la mise bas pour prévenir certains accidents (Fig. 4). Accidents du postpartum liés à la mère • Écrasement d’un ou plusieurs chiots (chiennes de grandes races et/ou nerveuses), d’ou l’intérêt de barres « anti-écrasement » dans les caisses de mise bas pour permettre aux chiots de se soustraire au poids de leur mère ; • Cannibalisme, totalement imprévisible dont on ignore la cause, et dont on sait seulement qu’il est le fait de chiennes particulièrement nerveuses et généralement primipares ; • Éviscération par léchage exagéré par la mère et arrachement trop brutal du cordon ombilical.

Contrôle de la lactation Ce contrôle est indispensable pour deux raisons : • importance du colostrum qui, chez les carnivores, apporte la quasi-totalité des anticorps maternels et assure la protection immunologique des chiots ; • nécessité d’un apport hydrique, calorique et nutritionnel immédiat pour prévenir déshydratation, hypoglycémie et hypothermie néonatales.

Toute anomalie dans la mise en place de la lactation impose l’isolement des chiots et leur allaitement artificiel comme s’il s’agissait d’une portée de chiots orphelins. Il est impératif de contrôler l’état des mamelles, la présence et la qualité du lait après la mise bas.

Hypoxie La première heure de vie constitue la période la plus critique pour le chiot nouveau-né, l’adaptation la plus difficile et la plus importante étant incontestablement l’installation d’une bonne ventilation pulmonaire ; en cas d’échec total ou partiel, on observe anoxie ou hypoxie.

Étiologie La première inspiration détermine le volume des espaces alvéolaires atélectasiés à la naissance et, par conséquent, la capacité respiratoire. C’est l’augmentation de la pression de gaz carbonique dans les vaisseaux ombilicaux qui déclenche le réflexe inspiratoire. Cette augmentation est consécutive à leur compression au moment du passage du chiot dans la filière pelvienne ou à une déhiscence placentaire prématurée. Une mise bas trop lente par les voies naturelles ou par césarienne, ou l’insuffisance de surfactant alvéolaire consécutif à une hystérotomie réalisée trop tôt, sont à l’origine d’hypoxie.2

Symptômes On observe polypnée et cyanose, augmentation de la fréquence respiratoire jusqu’à 40 inspirations par minute (fréquence normale : 20), la respiration pouvant être entrecoupée d’apnées.

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Figure 4 Accidents du post-partum. A. Cannibalisme. B. Mise en évidence du squelette des chiots dans l’estomac de la mère. C, D. Dispositif antiécrasement.

Parallèlement, la fréquence cardiaque est diminuée : de 80 à 100 battements/min (normale : 200) et l’on note une vocalisation expiratoire caractéristique. Les chiots présentant de tels troubles sont mal maternés, voire rejetés du nid et de ce fait voués à une mort certaine.

Traitement Si l’on a la chance d’observer ces troubles assez tôt et si surtout on est attentif après une césarienne, il faut procéder à l’élimination des liquides qui peuvent encombrer les premières voies respiratoires en secouant les nouveau-nés la tête en bas, la gueule maintenue ouverte par un doigt, ou, mieux, par aspiration avec une poire en caoutchouc. Deux ou trois gouttes de chlohydrate de doxapram (Dopram®) facilitent l’établissement de la respiration et augmentent l’intensité de la première inspiration (Fig. 5). À ces gestes d’urgence, il est bon d’associer des frictions du thorax puis une oxygénation au masque

ou en couveuse, le chiot étant maintenu en décubitus sternoabdominal, la tête en bas.

Prévention C’est la maîtrise de la mise bas, de l’épisiotomie et de l’hystérotomie qui permet de minimiser le risque d’hypoxie. La préparation de la chienne à la césarienne peut aggraver le risque d’anoxie fœtale : il faut éviter à l’opérée un décubitus dorsal prolongé qui entraînerait une compression de la veine cave et de l’aorte postérieure par l’utérus gravide, provoquant ainsi hypoxie maternelle puis fœtale. La chienne est préparée en décubitus latéral (Fig. 6). Le choix de l’anesthésique est également très important. Chaque chirurgien a ses habitudes et son choix peut également être déterminé par l’équipement de son bloc opératoire. Le glycopyrolate est préférable à l’atropine en prémédication et le propofol est, de notre point de

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Figure 5 Réanimation du chiot. A, B. Secouer le chiot en le maintenant la tête en bas. C. Aspiration de l’encombrement laryngé avec une poire en caoutchouc. D. Instillation de doxapram (Dopram®). E. Apport d’oxygène.

Figure 6 Prévention du risque d’hypoxie lors de césarienne. A. Préparation en décubitus latéral. B. Chirurgie en décubitus dorsal trois quarts.

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vue, un anesthésique particulièrement adapté à cette chirurgie. Enfin, dès la naissance, il convient de s’employer à une réanimation énergique des chiots jusqu’à obtention des premiers cris.

Malformations congénitales Le pourcentage de chiots naissant avec une ou des malformations congénitales est classiquement estimé à 2 %. Certaines sont immédiatement décelables, d’autres ne sont révélées qu’après plusieurs jours ou plusieurs semaines.

Étiologie Un certain nombre de causes sont identifiées, mais toutes les malformations sont loin d’être expliquées. Origine alimentaire L’excès de vitamines A et D dans l’alimentation de la mère fait partie de ces causes identifiées. Alors que les besoins de la chienne gestante sont de 1 000 UI/kg, une teneur de la ration supérieure à 12 500 UI/kg entre 17 et 22 jours de gestation induit des momifications fœtales, des fentes palatines, des déformations de la queue. De même, l’excès de vitamine D provoque une ossification trop précoce des fontanelles, une hypoplasie de l’émail dentaire, des sténoses valvulaires cardiaques. Enfin, une alimentation hyperprotidique serait un des facteurs favorisants du syndrome du « chiot nageur ». Origine iatrogène De nombreux médicaments administrés à la chienne gestante provoquent, selon la posologie utilisée, le moment de la prescription, la durée du traitement, soit la mort fœtale, soit l’avortement, soit des malformations congénitales diverses. Parmi les produits les plus tératogènes (Fig. 7), il faut citer les antifongiques, les progestatifs, les corticoïdes, certains antibiotiques (dihydrostreptomycine, terramycine, tétracyclines, gentamicine), le carbamyl, le diazinan ... et il faut savoir que la période la plus embryotoxique est celle qui précède l’implantation de l’embryon dans la muqueuse utérine, c’est-à-dire les 20 premiers jours de gestation. Il est donc important sur une chienne reproductrice jeune d’interroger le maître sur une possible gravidité non décelable à l’examen clinique avant d’utiliser ou de prescrire ces différents produits.

Figure 7 Malformations congénitales d’origine iatrogène. A, B. Traitement de la mère par la tétracycline pendant la gestation. C. Griséofulvine.

Origine virale Le parvovirus CPV-1, encore nommé minute virus of canines (MVC), pourrait être un des facteurs de l’anasarque congénitale. L’herpès virus canin a également été incriminé comme susceptible d’être à l’origine de certaines malformations de l’appareil génital externe, mais il semble difficile d’établir un lien formel de cause à effet en dehors du fait que l’on observe assez souvent des anomalies de ce type dans les élevages très infectés.

Pathologie néonatale du chiot Tares héréditaires (gènes létaux) On note, à l’évidence, une fréquence particulière de certaines malformations dans une race plutôt que dans une autre. On associe facilement fente palatine et bulldog anglais, myopathie et golden retriever, hernie inguinale et West Highland white terrier, cairn terrier, basset hound, hémophilie et berger allemand ... On associe également volontiers l’hydrocéphalie (Fig. 8) aux chihuahuas, pékinois, cavaliers King Charles ... De très nombreuses listes ont été publiées sur ce sujet par les Clubs de races ou dans des revues et/ou des ouvrages spécialisés.12 On peut également observer l’apparition soudaine de malformations dans un élevage jusqu’alors sans problème. Une enquête génétique met généralement en évidence un changement d’étalon (apparition de gènes létaux) ou plus souvent une consanguinité excessive.

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Après avoir contrôlé une mise bas, effectué une césarienne ou lors d’une consultation pour mortinatalité, le vétérinaire doit systématiquement rechercher par un examen minutieux et/ou nécropsique la moindre malformation anatomique et tenter d’en déterminer l’origine. Cela signifie : enquêtes sur l’alimentation et les traitements médicaux de la chienne pendant la gestation ; étude des pedigrees des parents et des dossiers d’élevage ; virologie ; bactériologie. En tout état de cause, il ne faut plus accoupler les parents.

Manifestations cliniques Pendant la période néonatale, toutes les anomalies congénitales ne sont pas décelables, leurs manifestations cliniques apparaissant plus tard (diverticules œsophagiens, lésions cardiaques, tares oculaires, phimosis ...). Certaines sont évidentes dès la naissance car incompatibles avec la survie de l’animal (anasarque, imperforation de l’anus, absence de pénis, hydrocéphalie, etc.) (Fig. 9) ; d’autres enfin méritent d’être méthodiquement recherchées car elles peuvent selon la gravité imposer l’euthanasie ou être susceptibles d’une chirurgie réparatrice, mais dont il convient d’évaluer l’opportunité (hypospadias, fentes palatines, etc.). Il est toujours difficile de répondre à deux questions que l’éleveur pose systématiquement : Quelle en est la cause ? Que me conseillez-vous ?

Figure 8 Hydrocéphalie.

Figure 9 Absence d’appareil génital externe.

Nous nous limiterons à deux malformations parmi les plus fréquentes : l’anasarque congénitale et la fente palatine. Anasarque congénitale1,5 Souvent à l’origine d’une dystocie fœtale nécessitant une césarienne, elle est caractérisée par un œdème généralisé observé sur des chiots mort-nés ou moribonds à la naissance (Fig. 10).

Figure 10 Anasarque.

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On note un œdème sous-cutané sur toute la surface du corps, légèrement plus marqué au niveau de la tête et du cou, et accompagné de la présence de transsudat dans les grandes cavités. La masse des fœtus atteints est au moins le double de la masse normale et, dans certains cas, on observe un œdème associé de l’amnios et/ou de l’allantochorion. Un seul ou plusieurs chiots peuvent être touchés, mais jamais toute la portée. On s’accorde sur une prédisposition raciale chez le bulldog, bien que l’affection ait été décrite dans de très nombreuses races. Il n’y a pas de preuve d’héritabilité de cette affection, mais un facteur familial est évoqué. Elle a, en effet, été observée avec une fréquence plus élevée dans la progéniture d’animaux issus d’un même chenil, dans celle de chiennes qui étaient sœurs et sur d’autres n’ayant aucun lien de parenté mais ayant été saillies par le même mâle. Plus récemment, l’infection de la chienne en fin de gestation par le parvovirus CPV-1 a été invoquée comme étiologie possible et sur une chienne d’élevage cette virose doit être recherchée par sérologie après mise bas de tels chiots.10 Le plus souvent, il est impossible de déterminer la cause ou d’établir une relation avec les hypothèses que nous venons d’envisager. Il n’existe aucun traitement efficace pour les rares chiots qui naissent vivants avec cette malformation. Fente palatine6 Ce sont des communications entre les cavités orale et nasale qui sont localisées au palais primaire (bec de lièvre) ou au palais secondaire (palais dur et mou) (Fig. 11). Il y a une prédisposition raciale évidente chez les brachycéphales, mais toutes les races sont concernées.

Figure 11 Fente palatine.

Un traitement chirurgical basé sur l’obturation de la lésion par un volet muqueux est parfois possible si la lésion n’est pas trop importante. La chirurgie ne pouvant être envisagée au plus tôt avant la troisième semaine, il faut alimenter le chiot à la sonde jusqu’à l’intervention pour éviter la fausse déglutition et 8 à 10 jours après l’intervention pour permettre la cicatrisation de la plaie chirurgicale. Il s’agit donc d’un protocole lourd pour le maître. En outre, l’origine de l’anomalie peut être iatrogène dans certains cas, mais si l’anamnèse ne permet pas de l’affirmer de façon formelle, un déterminisme polygénique est à envisager et il faut éviter de faire reproduire à nouveau les couples qui ont donné naissance à des chiots atteints.

Pathologie consécutive à l’immaturité physiologique du chiot nouveau-né Le jeune carnivore pendant la période néonatale dépend totalement de sa mère pour sa protection, son soutien et sa nutrition. L’ouverture des yeux (10 jours), celle des oreilles (15 jours) sont tardives ; le contrôle des mictions et de la défécation ne se fait qu’à partir de 20 jours. Le chiot est incapable d’assurer sa régulation thermique, son homéostasie hydrique et glycémique : trois syndromes majeurs le guettent : refroidissement, déshydratation, hypoglycémie. Ce chiot, physiologiquement immature, est en outre susceptible de « dépérissement » brutal rapidement mortel et jusqu’à ce jour inexpliqué de façon formelle. Ce syndrome est classiquement qualifié de fading puppy syndrome (FPS).3

Refroidissement Étiologie La régulation thermique se met en place lentement chez le chiot dont la température rectale, qui est de 35,5 °C à la naissance, s’élève à 37 °C la première semaine et n’atteint 38,5 °C que vers la quatrième semaine. Il doit donc être considéré comme poïkilotherme pendant le premier mois. Cette hypothermie néonatale est aggravée par une absence totale de réflexe du frisson, donc de toute vasoconstriction cutanée jusqu’à 6 jours, et par la faible teneur en graisses du tissu hypodermique qui serait susceptible d’assurer une relative protection contre le froid. La sensibilité au refroidissement est atténuée lorsqu’il y a de nombreux chiots dans la portée, car ils se réchauffent mutuellement, et par la chaleur

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apportée par le lait maternel lors des tétées. En revanche, lorsqu’il n’y a que deux ou trois chiots dans la fratrie ou a fortiori avec des chiots « orphelins », le risque de refroidissement est toujours préoccupant. Bien évidemment, la température extérieure joue un rôle essentiel comme facteur de risque aggravant, les problèmes apparaissant presque systématiquement avec une température du « nid » inférieure à 20 °C. Symptômes Lorsque sa température rectale est égale ou inférieure à 35 °C, le chiot est incapable de téter par perte du réflexe de succion. On observe une augmentation de la fréquence respiratoire avec vocalisation aiguë expiratoire et une diminution de la fréquence cardiaque. Le chiot étant privé d’apports énergétiques, l’hypoxie tissulaire et l’acidose métabolique s’installent, qui font encore chuter la température et à 34 °C le chiot, qui manifeste des petits cris, est rejeté par la mère. Ces cris constituent le signe d’alerte : un chiot nouveau-né doit téter, dormir et rester silencieux. Si l’on n’intervient pas immédiatement, les cris diminuent, torpeur et coma s’installent et la mort survient rapidement. Traitement Lorsque l’on constate dans une portée le refroidissement d’un ou plusieurs sujets, il faut effectuer un réchauffement très progressif sur 1 à 3 heures, par exemple à l’aide d’une bouillotte ou mieux d’une couverture chauffante électrique dont on peut régler la température (Fig. 12).

Figure 12 Lutte contre le refroidissement (première semaine). A. Couverture électrique. B. Couveuse.

Il convient d’insister sur la nécessité d’un réchauffement progressif. Un réchauffement trop rapide entraînerait une vasodilatation périphérique qui augmenterait les besoins du sang en oxygène et provoquerait un surmenage cardiaque et pulmonaire que l’état de l’animal ne pourrait supporter. Des incubateurs peuvent être utilisés, mais à condition qu’une humidité de 53 à 65 % soit maintenue. Prophylaxie On peut généralement éviter ces accidents en étant vigilant sur la température ambiante des maternités d’élevage ou autour du « nid » s’il s’agit d’une portée isolée. Elle doit être de 31 à 32 °C pendant la première semaine. À partir de la deuxième semaine, il faut diminuer la puissance de la source de chaleur pour atteindre progressivement 22 °C à 15 jours et maintenir cette température jusqu’à 4 semaines (Fig. 13).

Figure 13 Régulation thermique du chiot et température extérieure.4

Déshydratation Chez le chiot nouveau-né, le poids du corps est constitué de 82 % d’eau (contre 55 % chez l’adulte). Il est donc particulièrement sensible à la déshydra-

40 tation dès que les apports hydriques sont insuffisants. Étiologie Deux éléments constituent une prédisposition naturelle à la déshydratation : un rapport relativement élevé entre surface cutanée et poids du corps, et une immaturité rénale. La peau représente 18 % du poids du chiot nouveau-né, avec une couche kératinisée qui n’est définitivement étanche qu’entre 20 et 30 jours, et qui, à la naissance, est quasi inexistante. Le risque de déshydratation est donc majeur. De plus, le rein du chiot nouveau-né est constitué d’une zone de tissu non différencié dans la corticale, qui n’est fonctionnelle qu’à partir de 2 à 3 semaines. De ce fait, la filtration glomérulaire ne représente que 20 à 50 % de celle du rein adulte. C’est très insuffisant pour une bonne régulation du métabolisme de l’eau, même si cela est partiellement compensé par des besoins protéiques de croissance de l’animal qui sont très élevés et laissent fort peu de déchets à excréter par les voies urinaires lors d’alimentation lactée. À ce dysfonctionnement glomérulaire s’ajoute une très mauvaise résorption tubulaire puisque la densité urinaire n’est que de 1,006 contre 1,05 chez l’adulte, ce qui favorise la déshydratation. À côté de ces facteurs favorisants intrinsèques, le rôle de l’humidité ambiante est très important. L’idéal est une hygrométrie se situant entre 55 et 65 %. Au-dessous de 35 %, le risque de déshydratation est très sérieux. Au-dessus de 95 %, on peut observer une gêne respiratoire mais, surtout, le microbisme ambiant est décuplé. Diagnostic Les besoins en eau sont de 1 à 2 ml/100 g. Un chiot déshydraté arrête de téter, pleure, perd toute vitalité, puis se refroidit et est rejeté par la mère. Les cris, tout comme lors de refroidissement, doivent alerter le propriétaire. La persistance du pli cutané confirme parfois le diagnostic, mais n’est pas toujours facile à mettre en évidence. Le signe pathognomonique est la perte de poids. Il est donc indispensable de contrôler la courbe de poids de chaque chiot d’une portée sachant q’un chiot retrouve son poids de naissance en 48 heures, le double à 10 jours et doit ensuite gagner quotidiennement entre 2 et 3 g par kilo de poids adulte (par exemple : 20 à 30 g/j pour un chiot cocker dont le poids adulte sera de 10 kg). Le poids de naissance est en outre un bon indicateur pronostique de survie : s’il accuse 25 % audessous du poids moyen de naissance dans sa race, le chiot présente le plus souvent une immaturité

C. Dumon Tableau 1 Poids de naissance selon la race.4 Race Épagneul papillon Spitz Beagle Cocker Épagneul Berger Greyhound Danois

Poids de naissance (g) 120 130 250 280 320 400 500 600

physiologique accrue. Le pronostic vital est alors réservé et une réanimation préventive peut être envisagée. Le Tableau 1 donne quelques poids de naissance dans certaines races et, à partir de ces chiffres, il est possible d’extrapoler aux autres races. Traitement La réhydratation doit être adaptée à l’importance de la perte d’eau traduite par la perte de poids. Si le chiot perd plus de 10 % de son poids de naissance dans les premières 24 heures, il doit impérativement être réhydraté avec un biberon d’eau sucrée. Si l’équilibre n’est pas retrouvé en une journée, il faut allaiter artificiellement, entreprendre une réanimation parentérale par fluidothérapie, et il ne faut pas oublier parallèlement de réchauffer les chiots déshydratés. Prophylaxie Outre la surveillance quotidienne du poids des chiots qui permet de déceler les premiers signes de déshydratation (Fig. 14), il faut maintenir l’humidité ambiante de la maternité dans les valeurs optimales que nous avons définies (Fig. 15). Pratiquement, on peut considérer que le local est trop humide si des gouttelettes d’eau apparaissent sur les vitres et trop sec si elles sont indemnes de buée.

Hypoglycémie Étiologie Le chien adulte utilise essentiellement ses graisses comme source d’énergie et peut, de ce fait, résister à un jeûne de 3 semaines sans manifester d’hypoglycémie. À l’inverse, le chiot nouveau-né, surtout lorsqu’il est âgé de moins de 5 jours et s’il est chétif ou prématuré, ne dispose pas de réserves hépatiques suffisantes et son potentiel enzymatique indispensable à la néoglycogenèse est pratiquement inexistant pendant les 10 premiers jours. Privé de l’apport ombilical, il doit immédiatement ajuster sa glycémie avec l’alimentation intermittente qu’il reçoit avec les tétées. C’est ainsi

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41 bilité de téter. On note des pleurs, permanents avant qu’ils n’épuisent les chiots et que n’apparaissent bradycardie, respiration irrégulière, déshydratation et troubles nerveux allant d’un discret trismus jusqu’à de véritables convulsions précédant coma et mort. Ce sont précisément ces manifestations neurologiques qui permettent de différencier cliniquement une simple déshydratation et une hypoglycémie associée. Traitement et prophylaxie Le traitement réside en une fluidothérapie appropriée (cf. infra) et doit être poursuivi jusqu’à l’arrêt des pleurs, la reprise des tétées (donc de la croissance pondérale) et une élévation de la température rectale au-dessus de 37 °C. Si l’apport maternel s’avère insuffisant (et dans ce cas agitation et gémissements persistent), une alimentation artificielle complémentaire est maintenue. La prévention consiste à limiter le nombre de chiots allaités par la mère, à contrôler la courbe de croissance et une fois encore à considérer des cris permanents comme des signes d’alerte.

Figure 14 Lutte contre la déshydratation (de 1 à 15 jours). A. Identification de chaque chiot (ruban de couleur différente). B. Pesée quotidienne de chaque chiot.

Refroidissement, déshydratation, hypoglycémie peuvent évoluer isolément ou conjointement. Les trois syndromes sont associés au syndrome de dépérissement (FPS) et compliquent toutes les affections néonatales, que les causes soient nutritionnelles, parasitaires ou infectieuses. Ainsi, en présence d’un chiot nouveau-né malade, le praticien doit toujours, avant même de s’interroger sur le diagnostic, réchauffer, réhydrater et apporter du glucose.

que la glycémie chute à 0,45 g/l, 4 à 6 heures après la naissance puis remonte autour de 0,70 g/l après 72 heures grâce au lait maternel. L’insuline à elle seule stimule la synthèse des protéines qui permettent la croissance, mais ne peut encore assurer la régulation du métabolisme des hydrates de carbone. Ainsi vont essentiellement apparaître des signes d’hypoglycémie lors de portées nombreuses, si la chienne a peu de lait, en cas de stress, chez les chiots orphelins, etc.8

« Fading puppy syndrome » (syndrome de dépérissement)

Symptômes On observe alors une chute de la température rectale, un affaiblissement qui entraîne une impossi-

Définition Il peut être défini comme l’apparition de mortalité sans cause apparente sur une portée âgée de 3 à

Figure 15 Importance de l’hygrométrie ambiante en élevage canin.4,11

42 5 jours avec des chiots nés sans difficulté, sans malformation cliniquement décelable, d’un poids de naissance conforme à la race et qui, jusqu’alors, suivaient une courbe de croissance normale. La mère n’a présenté aucun problème pathologique pendant la gestation ou au cours du post-partum immédiat, et produit un lait de bonne qualité. Symptômes Alors que tout semblait évoluer favorablement, un ou plusieurs chiots d’une portée accusent une brutale chute de poids qui, en quelques heures, au maximum en une journée, évolue vers le coma et la mort. À l’autopsie, on note un tube digestif totalement vide et un foie atrophié dont le poids par rapport au poids du chiot est de 1/20 (rapport normal : 1/10). L’examen histopathologique des principaux organes ne met en évidence aucune anomalie. Diagnostic Avant d’établir un diagnostic de FPS, il convient d’éliminer les différentes causes classiques et aujourd’hui bien connues susceptibles de provoquer une mortinatalité, à savoir : • traumatismes divers ; • malformations congénitales discrètes ; • refroidissement, déshydratation, hypoglycémie ; • pathologie infectieuse. Étiologie L’hypoplasie thymique a été évoquée comme étant à l’origine de cette affection. Elle serait congénitale, ou génétique, ou d’origine toxique ou infectieuse. À l’appui de cette hypothèse, on note que la thymectomie provoque un syndrome de dépérissement et que, dans quelques rares essais thérapeutiques, la fraction 5 de l’hormone thymique s’est montrée efficace sur des formes relativement lentes du syndrome. Il semble donc que le dysfonctionnement du thymus puisse être incriminé comme cause possible, favorisante ou aggravante. L’hormone thymique et/ou l’hormone de croissance pourraient à terme apporter des solutions thérapeutiques si des investigations plus nombreuses devaient corroborer ces premiers résultats. Une autre hypothèse semble prévaloir actuellement : celle d’une insuffisance de surfactant pulmonaire. Cette possible étiologie est envisagée par analogie avec la mort subite du nourrisson dont une étude a montré qu’elle était liée à une réduction significative de la phosphatidylcholine (lécithine), composant essentiel du surfactant lipoprotéique alvéolaire pulmonaire. Ce surfactant est indispensable à l’établissement et au maintien de la respi-

C. Dumon ration, et toute anomalie à ce niveau prédisposeraient à l’anoxie ou au moins à l’hypoxie, entraînant une incapacité de téter et par voie de conséquence épuisement et mort. Une origine génétique a aussi été avancée et il n’est pas interdit de mettre en cause une étiologie multifactorielle. Faut-il faire de ce syndrome une entité pathologique ou humblement reconnaître que nos connaissances ne nous permettent pas aujourd’hui d’apporter des explications satisfaisantes ? Il faut avouer que statistiquement de nombreux cas de mortinatalité (40 à 50 % selon certains auteurs) se présentent sous forme de FPS ou plus simplement restent inexpliqués après élimination des hypothèses précédemment envisagées.4,11 Traitement Tout traitement est, en pratique quotidienne, inopérant et il devrait en être ainsi tant que les causes n’auront pas été élucidées. Comme ces chiots entrent de toute façon dans le cycle fatal refroidissement, déshydratation, hypoglycémie, une fluidothérapie intensive est la seule solution à proposer. Certains auteur en préconisent la mise en place préventive sur les portées dont les mères ont déjà perdu précédemment des chiots de FPS. Les résultats sont le plus souvent décevants.

Pathologie néonatale liée à la mère Outre les malformations congénitales, la santé et la vitalité des chiots à la naissance et dans les premiers jours de la vie peuvent être compromises par le retentissement d’un mauvais état général de la mère, par des erreurs alimentaires ou par la transmission maternelle, par voie transplacentaire, par le lait ou par contact pendant les premiers jours, de germes divers entraînant des affections bactériennes localisées et/ou généralisées.

Incidence de l’état de santé de la mère L’âge de la femelle que l’on fait reproduire a une influence sur les performances de la portée comme en témoignent les courbes des Figures 16 et 17. L’incidence sur la prolificité et la santé des chiots est indubitable : c’est entre 2 et 4 ans que les meilleurs résultats sont obtenus. À partir de 7 ans, il n’est pas souhaitable de faire reproduire une lice et si l’on est tenté de le faire avec des sujets exceptionnels il faut en mesurer les risques.7 L’embonpoint de la mère est responsable de difficultés de mise bas et influe aussi sur la mortalité néonatale (qui augmente) et la prolificité (qui diminue).

Pathologie néonatale du chiot

43 d’entraîner une affection néonatale. Nous retiendrons l’insuffisance lipidique et la carence en vitamine K en raison de leur prévalence.

Figure 16 Mortalité néonatale en fonction de l’âge de la mère.4

Carence lipidique La teneur en glycogène hépatique du chiot à la naissance dépend de l’alimentation de la mère pendant la deuxième partie de la gestation et plus particulièrement de la supplémentation en lipides du régime alimentaire. Le rapport poids du foie/poids du cerveau, qui traduit la charge en glycogène hépatique, est souvent inférieur à 1,5 chez les chiots mort-nés ou qui meurent dans les 2 premiers jours de la vie, alors qu’il est de 2 sur les chiots en bonne santé. La teneur normale en glycogène hépatique du chiot favorise en outre l’installation de son homéothermie et prévient l’hypoglycémie néonatale. Une carence en lipides dans l’alimentation maternelle en fin de gestation entraîne donc des troubles liés à une insuffisance de charge hépatique en glycogène à la naissance. Cela justifie la pratique empirique de certains éleveurs qui, pendant les 15 derniers jours de gestation, donnent à leur chienne un peu de pâté ou de rillettes.

Carence en vitamine K et syndrome hémorragique II apparaît entre 1 et 4 jours après la naissance.

Figure 17 Nombre de chiots sevrés en fonction de l’âge de la mère.4

Les taux maternels d’hémoglobinémie et de protéinémie au moment du terme sont considérés comme de bons indicateurs des chances de survie des chiots. On peut presque affirmer que des troubles vont apparaître lors d’hématocrite inférieur à 37 %, d’hémoglobinémie inférieure à 10 g/100 ml et de protéinémie inférieure à 5 g/100 ml. Si une chienne paraît fatiguée en fin de gestation, il peut être utile de contrôler ces paramètres.

Alimentation de la femelle gestante et pathologie néonatale Indépendamment des malformations congénitales, des déséquilibres de la ration ou des carences vitaminiques pendant la gestation sont susceptibles

Étiologie II s’agit de la manifestation clinique d’une hypoprothrombinémie qui peut prendre en élevage une allure « enzootique » car elle est liée à une carence nutritionnelle en vitamine K des femelles gestantes. On rencontre cette carence lorsque la mère est nourrie avec des aliments industriels mal conservés : trop longue conservation, conservation à température trop élevée ou dans un endroit trop humide. Il se produit alors une destruction de la vitamine K responsable des symptômes. Symptômes Apparaissent tout d’abord léthargie et affaiblissement auxquels succèdent les signes caractéristiques : épistaxis, pétéchies sur les muqueuses notamment gingivale, ecchymoses sous-cutanées, hématurie. À l’autopsie, on note des hémorragies pulmonaires et des épanchements hémorragiques dans les grandes cavités. Traitement L’idéal serait de pouvoir réaliser une transfusion sanguine, mais la petite taille du chiot ne le permet qu’exceptionnellement. On administre donc de la

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C. Dumon

vitamine K, à raison de 0,01 à 0,1 mg/j par voie intramusculaire. Dans un élevage, il faut prendre en considération la nourriture distribuée et les conditions de stockage, insister sur le respect des dates de péremption. L’apport de nourriture fraîche à la mère permet souvent de régler le problème ; c’est également un excellent moyen de prévention qui peut être associé à l’administration de vitamine K pendant les 10 derniers jours de gestation (de 1 à 5 mg/j selon la race).

C’est le plus souvent un streptocoque ou un staphyloccoque qui sont à l’origine de l’infection dont l’évolution systématique, sans traitement, conduit à une péritonite. Un traitement précoce est efficace ; il consiste à débrider l’abcès, à désinfecter localement avec de la polyvidone iodée (Bétadine®) et à effectuer des injections intrapéritonéales d’amoxicilline (Clamoxyl®) à raison de 5 mg/kg matin et soir.

Affections bactériennes

Elle survient sur les chiots âgés de 5 à 10 jours et se présente sous deux formes : • un impétigo étendu à tout le corps (Fig. 19) ; • des croûtes et pustules localisées à la tête et au cou, provoquant souvent un volumineux œdème de la face et une adénopathie importante des ganglions sous-maxillaires ; on parle parfois d’anasarcoïde (Fig. 20).

Par simple contact, par le lait et/ou par léchage, la chienne peut transmettre à sa portée des germes microbiens qui, selon leur agressivité, vont générer des processus infectieux localisés ou septicémiques. C’est ainsi que l’on observe ces troubles en corrélation avec certaines affections maternelles telles que otite suppurée, pyodermite, pyorrhée alvéolodentaire, abcès des glandes anales, plaie infectée, vaginite, mammite, métrite post-partum etc.

Pyodermite néonatale

Affections localisées Omphalophlébite Elle apparaît dans les 5 premiers jours. L’abdomen est distendu, rouge ou violacé, la paroi est dure, l’ombilic est œdémateux et un abcès se développe rapidement au niveau de l’anneau ombilical (Fig. 18).

Figure 19 Pyodermites néonatales : impétigo.

Figure 18 Omphalophlébite.

Figure 20 Pyodermites néonatales : anasarcoïde.

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Facteurs favorisant la septicémie néonatale

Figure 21 Ophtalmie néonatale.

C’est le plus souvent un staphylocoque qui est isolé des lésions cutanées. Le traitement consiste en des shampoings à l’aide de polyvidone iodée (Bétadine®) et en une antibiothérapie parentérale à base de spiramycine ou d’érythromycine. Ophtalmie néonatale II s’agit en réalité d’une conjonctivite purulente aiguë précédant l’ouverture des paupières. Les globes oculaires sont saillants sous la pression des exsudats et du pus (Fig. 21). Il faut alors ouvrir la fente palpébrale et à administrer des collyres antibiotiques. Affections bactériennes généralisées Septicémie néonatale Symptômes. Cette affection suraiguë provoque une mortalité soudaine des chiots âgés de 5 jours à 4 semaines. Un premier cas apparaît dans une portée et les autres suivent avec 12 à 24 heures de décalage. Le chiot signale initialement son inconfort par des cris, rapidement suivis de polypnée puis de troubles nerveux précédant une mort rapide (12 à 24 heures). L’examen nécropsique met en évidence un état congestif généralisé, des pétéchies sur tous les organes et un météorisme des anses intestinales plus ou moins accentué. Étiologie. Un examen bactériologique effectué sur le sang prélevé dans le cœur d’un petit cadavre dans les 4 heures qui suivent le décès (ou passé ce délai à partir du cerveau) permet d’isoler différents germes. Par ordre de fréquence décroissante, on trouve : Escherichia coli, des streptocoques b hémolytiques et des staphylocoques. Des causes favorisantes ont été identifiées.

• Non-ingestion du colostrum qui, dans l’espèce canine, apporte 98 % des anticorps maternels (chiots orphelins, agalactie, portée très nombreuse ...). • Infection de la mère : mammite, métrite, affection dentaire ou buccogingivale, pyodermite. • Microbisme d’élevage, essentiellement s’il s’agit d’un établissement mal tenu avec hygiène des locaux défectueuse, ventilation insuffisante, hygrométrie trop élevée. Traitement. Souvent illusoire sur les premiers cas, il peut permettre de sauver le reste de la portée s’il est immédiatement instauré. Il consiste en la réanimation intensive avec maternage des chiots, apport de vitamine K et antibiothérapie adaptée. Parallèlement, la mère est traitée par antibiothérapie. Prophylaxie. Autant que faire se peut, il faut veiller à l’absorption du colostrum, redoubler de vigilance avec des chiots orphelins ou une portée nombreuse, et contrôler une éventuelle affection suppurative maternelle en fin de gestation ou au cours du post-partum. Parallèlement (et surtout en élevage), tous les moyens les plus efficaces de désinfection et d’assainissement des locaux doivent être mis en œuvre dès qu’une portée est atteinte ainsi que les protocoles classiques de prophylaxie sanitaire : isolement et cloisonnement du reste de l’élevage, et séparation des chiots et de leur mère. Syndrome du « lait toxique » Symptômes. Il s’agit d’une affection bactérienne qui se déclare entre 3 et 5 jours de vie. Les chiots présentent des signes d’inconfort avec cris, gémissements continus, ballonnement abdominal, épreintes, ténesme et, ce qui est le plus caractéristique, un anus œdémateux et violacé (Fig. 22). Étiologie. Une carence en zinc et/ou une insuffisance d’apports protéiques dans l’alimentation de la mère gestante ont été évoqués, mais le plus souvent un examen cytologique du lait met en évidence un nombre très important de polynucléaires témoignant d’une mammite subclinique (alors que le lait est macroscopiquement normal) dont on isole après mise en culture le plus souvent un staphylocoque et parfois un colibacille. Le syndrome du lait toxique fait souvent suite à une mise bas laborieuse et il convient de vérifier s’il n’en reste pas des séquelles telles que vaginite ou début de métrite.

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Principales affections rencontrées en pathologie d’élevage • Des germes non spécifiques qui peuvent être à l’origine de véritables endémies et développer un microbisme d’élevage souvent difficile à maîtriser sans remettre en cause l’organisation des locaux et les méthodes de désinfection pratiquées. • Des résurgences souvent atypiques des grandes viroses systémiques : maladie de Carré, maladie de Rubarth et parvovirose. • Des affections presque exclusivement rencontrées en élevage et touchant plus particulièrement la reproduction et la pédiatrie : brucellose, herpès virose, mycoplasmose et infection par le « virus-minute ».

Affections responsables de mortinatalité

Figure 22 Syndrome du lait toxique (anus en « cocarde »).

Traitement II convient de séparer immédiatement les chiots de la mère et d’entreprendre : sur les chiots, des soins intensifs (fluidothérapie et antibiothérapie, cf. infra) ; sur la mère, antibiothérapie (spiramycine et colimycine pendant 8 jours), vidange utérine (si nécessaire) avec des prostaglandines. Les chiots sont alimentés avec du lait en poudre pour carnivores jusqu’à réapparition d’un lait histologiquement donc bactériologiquement normal chez la mère. Si cette guérison est trop lente à se manifester, le risque de rétention lactée et de mammite aiguë chez la chienne impose de mettre un terme à la lactation et de maintenir définitivement l’allaitement artificiel de la portée jusqu’au sevrage.

Pathologie d’élevage Dans les collectivités canines et plus particulièrement lorsque la concentration des animaux est importante et les installations mal adaptées, un certain nombre d’affections peuvent entraîner une morbidité ou une mortalité néonatale importante au cours des 2 premières semaines, pouvant aller jusqu’à la faillite de l’établissement.

Maladie de Carré La prévalence de cette virose est très faible car la plupart des éleveurs sont attentifs aux programmes de vaccination et les respectent. On a pu cependant assister à de rares ruptures d’immunité et il est prudent de la rechercher parmi d’autres hypothèses lorsqu’une mortinatalité n’a pas d’explication évidente (immunofluorescence, inoculation au furet ou polymerase chain reaction [PCR]). La symptomatologie foudroyante, différente de celle que l’on observe sur des chiots sevrés, laisse à penser que l’importance de cette virose en pathologie néonatale risque d’être sous-estimée. Dans les conditions de contamination naturelle, les chiots meurent en quelques heures d’un syndrome convulsif qui n’a rien de pathognomonique. L’infection expérimentale de la femelle gestante peut aboutir à des avortements ou à la naissance de chiots infectés par une maladie de Carré congénitale. Adénovirose CAV1 Le virus de Rubarth est connu depuis 1951 comme agent responsable de mortalité néonatale. Il peut entraîner une mort subite dont seul le laboratoire est susceptible de préciser les causes (diagnostic par PCR). Une forme plus lente, caractérisée par dépérissement et coma, permet d’observer à l’autopsie une péritonite fibrineuse, un œdème de la vésicule biliaire, une nécrose hépatique focale et un œdème pulmonaire. L’atrophie du thymus est également considérée comme caractéristique mais peut être congénitale ou provoquée par d’autres agents.

Pathologie néonatale du chiot Parvovirose Apparue en 1979 sous forme épizootique, la parvovirose a décimé nombre d’élevages canins avant que la vaccination ne permette d’endiguer ses ravages. Elle frappe essentiellement les chiots âgés de 6 à 12 semaines sous forme de gastroentérite hémorragique avec diarrhée, vomissements, léthargie et déshydratation intense. Chez le nouveau-né, elle peut se traduire par une infection généralisée d’évolution foudroyante. Des lésions de myocardite ont également été observées. En élevage, il convient de savoir que le chiot est protégé par les anticorps maternels colostraux. Il est bien protégé lorsque la mère est correctement vaccinée et par conséquent cette virose est à envisager quand il y a eu négligence des vaccinations. Brucellose. Herpès virose. Mycoplasmose Ces affections sont développées par ailleurs (voir Mortalité en élevage canin liée à des maladies infectieuses). Elles constituent de véritables fléaux en élevage canin. La mortinatalité est une de leurs manifestations cliniques mais, en élevage, elle apparaît après que l’on ait observé dans l’établissement des avortements tardifs ou des cas d’infertilité. La brucellose à Brucella canis, qui sévissait il y a encore peu de temps exclusivement sur le continent américain et au Japon, a fait son apparition et semble progresser en Europe. La mycoplasmose est en général associée à de la « toux de chenil » et à des vaginites contagieuses, souvent rebelles à toute thérapeutique. L’herpès virose, qui peut également évoluer conjointement à des troubles respiratoires, touche de plus en plus d’élevages et alors que sa prévalence s’avère préoccupante, un vaccin (Eurikan®) apporte une solution satisfaisante dans les élevages infectés. Dès que l’on est en présence de mortalité néonatale dans une collectivité canine, ces trois maladies doivent être systématiquement recherchées et la PCR est la méthode de choix par sa fiabilité et sa rapidité. « Virus-minute » Exclusivement rencontré dans les collectivités canines et, à ce jour avec une prévalence faible mais croissante, l’infection par un parvovirus de type 1 (CPV1) est responsable d’avortements de caractère enzootique, de résorption fœtale et de mortinatalité entraînant des pertes économiques importantes. Il ne présente aucune parenté antigénique avec le parvovirus canin classique de type 2 (CPV2), et

47 par conséquent la vaccination parvovirose et les tests de diagnostic rapide ne sont d’aucune utilité. La mortalité foudroyante qu’il provoque sur une ou plusieurs portées lui a valu le qualificatif de « virus-minute » et il doit aujourd’hui faire partie des causes de mortinatalité à suspecter en élevage. Le diagnostic formel est établi par histologie (inclusions intranucléaires spécifiques) ou PCR. Il n’existe aucun traitement efficace, aucun vaccin. Seule une prophylaxie sanitaire rigoureuse permet de maîtriser l’affection.

Conduite à tenir face à une mortinatalité en élevage canin Lorsque l’hypothèse infectieuse est la plus probable, il faut : • isoler la (ou les) portée(s) malade(s) et entreprendre désinfection, réanimation par fluidothérapie et éventuellement antibiothérapie d’urgence ; • s’imposer la recherche d’un diagnostic précis par examens nécropsiques, PCR, bactériologie ; • mettre en place un plan d’éradication. Recherche diagnostique Le recours aux examens de laboratoire est indispensable et deux questions se posent : Quel prélèvement effectuer ? Comment le réaliser ? Virologie Peu utilisée lors de pathologie néonatale, elle est intéressante lorsque l’on suspecte une parvovirose, une adénovirose ou une coronavirose. Il faut prélever 4 à 5 g de matière fécale ou mieux une anse intestinale congestive liée aux deux extrémités ou, sur un nouveau-né, du sang cardiaque. Le prélèvement est mis dans un pot stérile en plastique avec fermeture à vis et sous emballage protecteur, et adressé par messagerie rapide à un laboratoire spécialisé en virologie vétérinaire. Si le transport doit durer plus de 24 heures, la congélation est nécessaire. Bactériologie Cet examen doit être systématique. En effet, si nous avons décrit des maladies virales, évoqué mycoplasmose et brucellose, le microbisme d’élevage est la première hypothèse à éliminer avec les germes classiques : staphylocoques, streptocoques, colibacilles, salmonelles ... Le prélèvement doit être réalisé au maximum une demi-heure après la mort sous une asepsie rigoureuse. Reins, poumon, foie, rate et/ou sang cardiaque sont prélevés, réfrigérés à + 4 °C. Pour

48 que les résultats soient utilisables, la mise en culture doit être effectuée moins de 36 heures après la mort de l’animal. Tous les laboratoires d’analyses médicales sont capables de traiter cet examen, qu’il y a toujours intérêt à associer à un antibiogramme. En revanche, mycoplasmose et brucellose sont recherchées par PCR. Sérologie Il peut être fait appel à la sérologie lors de suspicion d’herpès virose, de maladie de Carré, de coronavirose, d’adénovirose. Le sérum est prélevé sur tube sec à partir de 5 à 6 ml de sang et l’on fait toujours deux prélèvements à 15 jours d’intervalle. II est impératif de n’envoyer le sérum qu’après rétraction du caillot, car le sang total hémolysé peut rapidement fausser l’interprétation. Les prélèvements sont à adresser à des laboratoires spécialisés en biologie canine. À noter que l’on préfère aujourd’hui la technique PCR. Histologie À partir de biopsies sur foie, rein, poumon conservés dans une solution de formol à 10 %, un laboratoire d’histologie vétérinaire peut mettre en évidence des lésions pathognomoniques de la maladie de Carré, de l’herpès virose, du CPV1. Polymérisation en chaîne C’est incontestablement aujourd’hui la méthode de choix pour le diagnostic de toutes les viroses canines et de la brucellose. Le prélèvement est effectué avec le matériel fourni par le laboratoire spécialisé (par exemple, en France, laboratoire Scanelis, École nationale vétérinaire de Toulouse), soit à partir d’écouvillonages vaginal, préputial ou pharyngé à la cytobrosse, soit à partir de sang cardiaque.

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Règles de désinfection • Le désinfectant de base reste l’eau de Javel ; • Lors d’épizootie virale, les produits iodés sont incontournables, tout comme les phénols lors d’enzootie bactérienne. • Ne pas oublier qu’une désinfection n’est efficace que si l’on en respecte les trois étapes : nettoyage à la brosse et à l’eau sous pression ; application de détergents ; produit bactéricide ou virucide. • Respecter un intervalle de 10 minutes entre chaque étape et à la fin des opérations, et rincer à l’eau claire. • Lorsqu’il est possible de réaliser un vide sanitaire de quelques jours, une désinfection au formol est intéressante. Prophylaxie médicale Il est souvent nécessaire de revoir les programmes de vaccination et de s’assurer qu’ils ont été correctement effectués, avec de bons vaccins.

Particularités thérapeutiques en néonatalogie Réanimation par fluidothérapie et antibiothérapie font l’objet de particularités en néonatalogie canine en raison de l’immaturité physiologique des jeunes carnivores (cf. supra).

Thérapeutique liquidienne Elle s’impose dès l’apparition des symptômes, mais il convient d’apprécier la gravité de la situation pour ajuster la thérapeutique. Analyse des besoins

Prophylaxie sanitaire

Température rectale La température rectale est le premier indicateur de gravité à prendre en considération, sachant qu’en dessous de 35,5 °C la situation est désespérée. Il faut ensuite déterminer l’intensité de la déshydratation et l’éventualité d’une hypoglycémie.

En dehors des dispositions spécifiques à certaines affections (brucellose, herpès virose), il faut mettre en application des mesures générales de prophylaxie sanitaire : • isolement des portées malades, et parfois séparation de la mère et des chiots ; • réanimation des chiots malades et antibiothérapie ; • désinfection rigoureuse.

Importance de la déshydratation L’appréciation du « pli de peau » étant sans intérêt, l’estimation du degré de déshydratation s’appuie sur : • le temps de remplissage capillaire et le degré de sécheresse des muqueuses ; • la couleur de l’urine : normalement claire et limpide chez le jeune avant 6 semaines, elle apparaît très colorée sur l’animal déshydraté ;

Plan d’éradication

Pathologie néonatale du chiot • la perte de poids ; c’est le signe le plus intéressant et le plus fiable : 5 % = alerte ; 10 % = gravité ; 20 % = mort imminente. Si les chiots ont été pesés tous les jours (ce qu’il faut conseiller aux propriétaires), le diagnostic est facile. Dans le cas contraire, il peut être établi par comparaison avec les autres sujets de la fratrie s’ils ne sont pas malades, ou par la connaissance que l’éleveur et/ou le vétérinaire peuvent avoir de la courbe de croissance normale dans la race. Un chiot doit doubler son poids de naissance à 10 jours et gagner ensuite quotidiennement entre 2 et 3 g par kilo de poids adulte (cf. supra). Hypoglycémie Elle doit être suspectée, le plus souvent associée à la déshydratation, lors de bradycardie, de cris incessants et surtout de manifestations neurologiques allant d’un trismus à peine perceptible à des convulsions. La mesure de la glycémie sur une goutte de sang apporte la confirmation formelle.

49 toutefois délicat de maintenir une perfusion à ce niveau. Voie intrapéritonéale. Elle permet une rapide absorption de volumes importants. Seuls les solutés isotoniques peuvent être utilisés et elle est contreindiquée en raison d’un risque sérieux de péritonite sur des sujets immunodéficients. Voie intraosseuse. Extrêmement pratique, c’est la voie d’injection à utiliser en urgence, car elle permet un accès rapide à la voie sanguine par la vascularisation de la moelle osseuse. L’injection est réalisée avec une aiguille épicrânienne qui peut ensuite être fixée pour un traitement prolongé en perfusion lente. Les lieux d’élection sont les tubérosités tibiale, trochantérienne, humérale ou l’aile

Réalisation pratique Il convient de répondre à quatre questions : Quel fluide utiliser ? Par quelle voie d’administration ? À quelle posologie ? Quel suivi apporter à ce traitement ? Ces traitements étant toujours entrepris dans l’urgence et souvent dans l’élevage, il convient d’être pratique, d’envisager des protocoles simples et qui ont fait leurs preuves sur le terrain, et ne pas compter pouvoir s’appuyer sur des ionogrammes et autres examens de laboratoires qui apporteraient des informations précieuses mais trop tardivement. Choix des solutés Pour la réhydratation sont utilisés le sérum physiologique isotonique et le Ringer lactate. L’apport de glucose, selon la gravité, est assuré avec la solution Ringer et dextrose à 2,5 % AA (voie parentérale), ou bien avec du glucose à 5 % ou du miel (voie orale). Dans tous les cas, le réchauffement est associé à la fluidothérapie. Bouillottes, couverture chauffante, lampes, etc. doivent permettre de chauffer le « nid » à 37 °C. Cette température doit être atteinte progressivement pour éviter une vasodilatation périphérique excessive qui aggraverait le tableau clinique. Les chiots sont « retournés » toutes les heures. Voie d’administration et posologie Voie endoveineuse. Souvent difficile en raison de la « miniaturisation », elle peut être utilisée à partir d’une certaine taille à la jugulaire ; il est

Figure 23 Réhydratation par voie intraosseuse. A. Injection intraosseuse dans la crête tibiale. B, C. L’injection intraosseuse est possible aussi dans le trochanter (comme ici chez un chaton).

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de l’ilium (Fig. 23). Le risque potentiel d’ostéomyélite impose une asepsie rigoureuse. Il est indispensable de faire tiédir les solutés (37 °C) si l’on veut éviter des réactions de douleur ou d’irritation, se traduisant par des mouvements intempestifs néfastes à la stabilité de la perfusion. On préfèrera utiliser la gravité plutôt que l’injection à la seringue. Posologie par voie osseuse • Réhydratation lors de perte de poids supérieure à 10 %. Sérum physiologique isotonique : 20 ml/ 100 g, un quart en embole, puis à raison de 5 ml/h. La perfusion est renouvelée toutes les 24 heures jusqu’à disparition des symptômes. • Apport de glucose. En présence d’hypoglycémie, l’association suivante est utilisée : 75 % de sérum physiologique isotonique + 25 % du mélange AA Ringer-dextrose 2,5 %. Comme précédemment, il est administré 20 ml/100 g et par 24 heures, mais il faut intercaler toutes les 12 heures : 4 ml/100 g de l’association AA Ringer-dextrose. Dès le retour à l’homéostasie hydrique et glycémique, la thérapeutique liquidiene est poursuivie par voie sous-cutanée ou orale. Voie sous-cutanée. Elle est sûrement la plus utilisée mais non recommandée en urgence car la diffusion est lente et elle suppose des volumes excessifs. Elle est néanmoins intéressante lorsque l’hydratation est restaurée et quand les troubles sont d’origine digestive. En effet, lors de gastroentérite, il est contre-indiqué de poursuivre la réanimation par voie buccale. Par voie sous-cutanée, la posologie du sérum physiologique est de 25 % du poids du corps par 24 heures en deux fois. Voie orale. Choisie lors de déshydratation légère et en complément de la voie osseuse, sur des sujets n’ayant pas de problèmes digestifs, elle est inadéquate quand un rétablissement rapide de la volémie est nécessaire. Les solutés doivent être tiédis (37 °C). Ils peuvent être administrés rapidement et sans risque par sondage œsophagien (Fig. 24), préférable au biberon car plus rapide et mettant à l’abri d’une fausse déglutition. Pour le sérum physiologique, la posologie est identique à celle de la voie sous-cutanée. En cas d’hypoglycémie associée, on ajoute du glucose à 10 % (1 ml/100 g) ou bien du miel.

Figure 24 Sondage gastrique.

Surveillance du traitement Le chiot en soins intensifs doit être étroitement surveillé car la posologie moyenne préconisée doit parfois être réajustée en fonction de l’évolution du tableau clinique. Une posologie sous-estimée n’apporte aucune amélioration et l’on observe aucun gain de poids, l’urine reste chargée, les muqueuses sèches. Une posologie surestimée ou une administration trop rapide provoquent très facilement une hyperhydratation caractérisée par une tachycardie, une exophtalmie, des vomissements, de la diarrhée.

Pathologie néonatale du chiot Il faut également s’assurer très régulièrement de la stabilité de la perfusion et de l’aiguille épicrânienne. Enfin, l’asepsie doit être rigoureuse en raison de l’immunodéficience néonatale qui prédispose le chiot à la septicémie.

L’immaturité physiologique impose une fluidothérapie systématique, soit en soins exclusifs, soit en complément d’une thérapeutique anti-infectieuse. Les solutés sont choisis en fonction des signes cliniques entre sérum physiologique isotonique, Ringer lactate, dextrose à 2,5 %. Les voies d’administration sont : • en urgence : la voie intraosseuse ; • en complément : les voies sous-cutanée ou orale. Les risques majeurs d’hyperhydratation et de sepsis imposent une surveillance attentive de l’animal en traitement et une asepsie rigoureuse. De plus, il faut se souvenir de l’importance prophylactique de la pesée quotidienne et du contrôle de la température du « nid ».

Antibiothérapie Jusqu’au sevrage et plus particulièrement pendant les 3 premières semaines, l’antibiothérapie doit prendre en compte des différences importantes par rapport à l’adulte pour l’absorption, la distribution, le métabolisme enzymatique, l’élimination rénale, les liaisons aux protéines plasmatiques.

51 ment des concentrations élevées, mais d’une durée d’efficacité plus courte. Il faut en revanche augmenter d’environ 20 % la posologie des antibiotiques hydrosolubles mais diminuer le rythme d’administration. La déficience des enzymes hépatiques, qui n’apparaissent qu’entre 6 semaines et 5 mois, entraîne une diminution de clairance, une augmentation de la demi-vie efficace, impliquant une modification de la posologie des antibiotiques métabolisés par le foie (chloramphénicol, sulfamides, tétracyclines, macrolides, glycosamides ...). La filtration et l’excrétion rénale sont normales seulement à 2 mois, entraînant une concentration sanguine élevée des antibiotiques éliminés par voie rénale (aminoglucosides, pénicillines, céphalosporines, tétracyclines, sulfamides). Le passage d’antibiotiques dans le lait maternel peut avoir des effets toxiques sur la portée ou à l’inverse être mis à profit pour traiter les chiots en administrant des antibiotiques à la mère. Pour toutes ces causes, la posologie de l’adulte ne convient pas car elle présente trois sortes de risques : • rétention du produit pouvant augmenter son activité mais aussi le rendre toxique ; • dilution excessive dans le liquide extracellulaire pouvant entraîner une diminution d’efficacité ; • une antibiothérapie mal conduite peut augmenter la sensibilité au produit, sélectionner des bactéries résistantes, provoquer une surinfection. Applications pratiques

Particularités L’absorption cutanée des topiques est très augmentée et il faut se méfier des contaminations par l’environnement et du léchage par la mère.9 Le pH gastrique des chiots est plus bas dans les 24 premières heures, ce qui permet l’absorption des immunoglobulines colostrales mais également augmente l’absorption de certains médicaments. De plus, la flore digestive s’installant entre 4 et 5 semaines, il ne faut jamais utiliser d’antibiotiques per os avant 5 semaines. La barrière méningée est incomplète et, contrairement à l’adulte, perméable aux antibiotiques qui peuvent être actifs mais aussi toxiques. La présence de 82 % d’eau contre 55 % chez l’adulte et l’absence de graisse entraînent des modifications dans le métabolisme des antibiotiques. Les antibiotiques liposolubles atteignent rapide-

Voie d’administration C’est toujours la voie veineuse (rarement possible), la voie intraosseuse (celle qu’il faut utiliser le plus souvent), accessoirement la voie intramusculaire, jamais la voie buccale ou le moins souvent possible et au moins en deuxième intention la voie souscutanée. Choix de l’antibiotique Seuls certains antibiotiques sont prescrits sans hésitation ; d’autres sont utilisés avec précautions ; d’autres, enfin, sont « interdits ». Le premier choix doit aller vers les macrolides, l’association triméthoprime-sulfamides et surtout les b-lactamines. Les céphalosporines ont également leurs indications.

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C. Dumon

Principaux antibiotiques utilisés en néonatalogie13 • Macrolides (érythromycine, tylosine, spiramycine) ; la plus grande innocuité ; très actifs contre les mycoplasmes et les staphylocoques ; traitement de choix des affections staphylococciques et respiratoires ; exemple : érythromycine, 0,25 ml/kg tous les 2 jours pendant 6 jours ou spiramycine, 0,5 ml/kg tous les 2 jours pendant 6 jours. • Association triméthoprime-sulfamides ; activité bactéricide à large spectre ; faible toxicité ; contre-indications : anémie et leucopénie (parvovirose) ; Indications : affections digestives (parvovirose exceptée) et nerveuses ; exemple : Borgal®, 0,2 ml/kg tous les 2 jours pendant 6 jours. • b-Lactamides : pénicillines (ampicilline, pénicilline G, amoxicilline ...) ; Leur large spectre d’activité et leur innocuité incitent à les utiliser en première intention. S’agissant de substances hydrosolubles, il faut par rapport à la posologie adulte augmenter la dose et diminuer le rythme des injections. Exemple : Clamoxyl®, 15 mg/kg une fois par jour (adulte : 10 mg/kg/12 h). Indications : septicémie ; méningite bactérienne. Les nouvelles pénicillines dérivées de l’ampicilline (ticarcilline, carbenicilline ...) sont très actives sur les germes à Gram négatif mais c’est surtout l’association : amoxicilline-acide clavulanique que l’on utilise pour son efficacité contre les germes à Gram positif mais aussi contre Escherichia coli et Pasteurella à la posologie de 6 mg/kg toutes les 12 heures. • Céphalosporines. Les céphalosporines de première génération, dont la pharmacocinétique est identique à celle des pénicillines, n’apportaient pas d’avantages supplémentaires. En revanche, les produits de troisième génération de cette famille dont nous disposons maintenant sont actifs sur les germes à Gram négatif, tel Escherichia coli, et surtout sur les salmonelles et les anaérobies. Il est donc aujourd’hui possible de se passer en néonatalogie et en pédiatrie des carnivores des antibiotiques dangereux et jusqu’ici incontournables tels que le chloramphénicol et les aminoglucosides. Ces céphalosporines sont, a contrario, moins actives sur les germes à Gram positif et doivent être utilisés par voie intraveineuse ou intraosseuse à une posologie identique à celle préconisée chez l’adulte. Exemple : céfotaxine, 25 mg/kg toutes les 8 heures.

Antibiotiques « interdits » en néonatalogie • Aminoglucosides (dihydrostreptomycine, néomycine, kanamycine, gentamicine). Médicaments de choix pour les germes à Gram négatif. Leur néphrotoxicité les rend inutilisables avant 5 semaines et dangereux jusqu’à 2 mois. • Tétracyclines. Interdites chez le chiot en croissance : altérations dentaires et osseuses. • Chloramphénicol. Les nouveau-nés sont incapables de le métaboliser. Néphrotoxicité jusqu’à 4 semaines. Limiter son utilisation aux rickettsioses. • Quinolones. À ne pas employer sur le chiot en croissance en raison de leurs effets toxiques sur les cartilages articulaires et sur la possible formation de cristaux urinaires qu’ils peuvent provoquer. En pratique, en première intention, avant identification du germe responsable et résultat de l’antibiogramme, nous proposons l’association

amoxicilline-acide clavulanique et, si le laboratoire isole un germe à Gram négatif, nous prescrirons des céphalosporines de troisième génération.

Pathologie néonatale du chiot

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Conclusion

4.

La pathologie néonatale est encore mal maîtrisée et bien des recherches restent à faire pour éclaircir les nombreux points d’ombre que l’on englobe un peu trop facilement sous le nom de FPS. Si l’on se donne la peine d’établir des diagnostics précis avec l’aide de laboratoires spécialisés, d’assurer une réanimation sérieuse, de respecter les particularités de l’antibiothérapie, il est néanmoins possible d’obtenir des succès thérapeutiques à la fois satisfaisants, valorisants et répondant pour l’essentiel à l’attente des éleveurs.

5. 6. 7.

8.

9.

10.

Références 1.

2.

3.

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