Perfusion intraveineuse prolongée de morphine. Etude pharmacocinétique

Perfusion intraveineuse prolongée de morphine. Etude pharmacocinétique

© Masson, Paris. Ann. Fr. Anesth. reanim., 6 : 22-28, 1987 ARTICLE ORIGINAL Perfusion intraveineuse prolongee de morphine. Etude pharmacocinetique ...

598KB Sizes 0 Downloads 34 Views

© Masson, Paris. Ann. Fr. Anesth. reanim., 6 : 22-28, 1987

ARTICLE

ORIGINAL

Perfusion intraveineuse prolongee de morphine. Etude pharmacocinetique Pharmacokinetics of morphine after prolonged continuous infusion M. T A N G U Y *, Y. MALLEDANT *, R. LE VERGE **, D. GIBASSIER **, C. SAINT-MARC * • Departement d'Anesth~sie-FtOantmation, HOpital Pontchaillou, F 35033 Rennes COdex •* Laboratoire de Pharmacie GalOnique et Biopharmacie, UER du Medicament, Faculte de Modecme et de Pharmacie, F 35000 Rennes

RI~SUMt~ : L'administration de morphinomlm6tiques ~t VlS6e s6dative est souvent de mxse dans les services de r6animatlon, et ce de mani6re continue ou discontinue La n6eessit6 d'un ajustement posologique visant ~ optimiser efficacit6 et falble toxicit6 passe par une meilleure approche des pararn6tres pharmacocm6t~ques. Dans ce but, deux groupes de clnq patients ont re,u, pour le premier une rejection mtraveineuse en bolus de 0,22 +_0,04 nag - kg -1 (~+SD) de morphane et pour le second une perfusion prolong6e, sup6rieure ~t six deml-vies, de la m6me mol6cule ~t la dose de 2,83+0,34 m g • h -1 (~+SD). Les concentratxons plasmatiques de morphine ont 6t6 d6termln6es par chromatographle liqmde ~t haute performance et 61ectrochlrnie dans le but d'exelure les r6actlons crois6es avec les 3-0 et 6-0 glucoronides. La m6thode de r6gression non lin6alre d6montre une d6croissance trlexponent~elle des taux plasmatiques apr6s administration mtraveineuse en bolus et une d6cro~ssance biexponentielle apr6s perfusion prolong6e l'analyse comparative retrouve pour les clatrances plasmatlques des valeurs statistiquement dii'f6rentes (18,4 versus 36,8 ml - kg -l • mln -~) La slmditude des pentes d'61irnination termmale implique une diff6rence dans le volume de distribution corporel total (Vd: 3,67 versus 8,44 1 • kg-~). L'apphcatlon des donnfes pharmacocin6tiques peut permettre une approche des quantit6s de morphine ~t perfuser (0,046 mg - kg -1 • h-~), pr6c6d6es d'une injection intraveineuse en bolus de 0,17 nag • kg -~ pour une plus raplde obtennon de l'6tat d'6quflibre. Les grandes varmtions mterindlviduelles retrouv6es, souvent multifactorlelles, doivent fa~re enwsager avec prudence ces chfffres; le probl6me particuher de l'insuffisance r6nale demeure un sujet de discussion.

ABSTRACT :Cntically ill patients require optimal pain control without undesirable side-effects. Continuous intravenous morphine infusion is often chosen instead of the conventional intermittent administration. In the present study, the pharmacokinetac characteristics of morphine were studied in five subjects receiving a constant rate intravenous infusmn wtth the attainment of a steady state The plasma levels were compared with values derived from bolus intravenous administration in five other patients. The concentrations of unchanged morphine were determined in serum using high performance hquid chromatography with an electrochemical detector. The decay of plasma concentrations after a single dose fitted a triexponentxal function consistent with a three compartment pharmacokmetlc model. Postinfuslon plasma concentrations fitted a two compartment model. Derived values (mean_sEN) of total body clearance were significantly different between groups (p<0.05), while mean values of terminal elimination half-life (t ½ Kel) were similar It was concluded that values of total d~strlbut~on volume were significantly different. The extent of rnorphme distribution varied more than twofold between the two groups of patients. This was interpreted as a consequence of an important underestimation m the extent of distnbunon to t~ssues after administration of a single dose.

L ' u s a g e de la sddation dans les services de soins intensifs a l o n g t e m p s 6t6 discutd. Les avantages, sup6rieurs aux effets ddl6t6res, ont conduit ~ un accrolssement de l ' e m p l o i de n o m b r e u s e s drogues et en particulier de la m o r p h i n e [5, 13, 26]. L'intdrSt d ' u n ajustement p o s o l o g i q u e est r e c o n n u , mais si l ' i n j e c t i o n intraveineuse de m o r p h i n e a 6t6 l ' o b j e t de nombreuses 6tudes [2, 12, 20, 23], p a r a d o x a l e m e n t la perfusion de

longue durde, m o d e d ' a c c 6 s privil6gi6 aux principaux param6tres pharmacocindtiques, n ' a pas 6t6 6tudide. Dans le prdsent travail, le mod61e pharmacocin6tique de la m o r p h i n e est d6duit d ' u n e perfusion de longue durde et les valeurs des principaux param6tres sont compardes aux valeurs correspondantes d6duites d ' u n e injection intraveineuse unique.

Requ le 3 avnl 1986; accept6 apr6s r6VlSlOn le 16 octobre 1986.

Tiros a part • M

Tanguy.

PHARMACOCINI~TIQUE DE LA MORPHINE

23

MAT#RIEL ET METHODES Dix patients (9 hommes) d'g~ge moyen 56,6 ans (extremes . 29-68 ans), de poids moyen 60,3 kg (extr6mes . 51-84,6 kg) ont 6t6 6tudi6s (tableau I), neuf ont subi une intervention abdommale et/ou thoraclque et le dix~6me est porteur d'une dissection aortique r6cus6e chirurgicalement. Les ant6c6dents ou l'importance de l'mterventmn (dur6e, d61abrements ussulaires, transfusions massives) ont impos6 une ventilation contr616e postop6ratoire. A l'except~on d'une clairance de la cr6atmine 6gale ~ 20 ml - mm -1 chez le sujet II, les examens paraclimques explorant fonct~ons h6pauque et r6nale sont dans les limites de la normale. Le premier groupe de patients (n=5) est soumis ~ une injection intravemeuse en bolus de morphine, effectu6e dans le cath6ter vemeux central ta la dose de 0,22_+0,04 mg - kg -~ (~+SD). Dans le second groupe (n=5), l'analg6sle est assur6e par une perfusion d6b~t constant de 2,83_+0,34 mg • h -~ (~_+SD) et de dur6e moyenne de 26,2 h (extremes : 15-43 h). Un cath6ter art6nel radml permet de recueilhr sur anticoagulant les 6chantdlons sangums a 1, 5, 15, 30, 45, 60, 75, 90, 120, 180, 240, 300, 360 et 480 rain apr~s l'mject~on lntravemeuse directe ou l'arr& de ta peffu~ion, dont l'6tat d'6qudibre a 6t6 confirm6 par trois pr616vements. Une centrifugation ~mm6diate est smwe d'une cong61ation du plasma jusqu'au moment de l'analyse.

Tableau I. - - Caract6ristJques des dtx patients PaUents

Injection

Sexe

Age (arts)

Pathologie

H H H H H

29 68 48 60 65

Traumatisme h6pauque D~ssecUon aortlque (Esophagectomie Polytraumattsme (Esophagectomie

H F H H H

62 67 57 62 48

P6ritomte (Esophagectom]e (Esophagectomie N6phrectomie 61argie Colectomie totate

v en bolus I II III IV V

Perfuslon prolong6e A B C D E

Technique analyttque Les concentrations sangulnes de morphine sont d6termm6es par chromatographie hquide ~t hautc performance (HPLC) couplde ~t l'61ectrochlmle. Extraction et chromatographle. Une double extraction pr6c6de la chromatographie; dans la phase d'extractmn I, 1 ml de plasma

avec 100 gl de nalorphlne (6talon interne), 0,5 ml de tampon (borate de Na + 0,1 M. acide phosphorique q s. pH 9), 4,5 ml d'acdtate d'~thyle sont homogdnd~s6s par 2 minutes d'agxtation m6camque. L'extra]t organique est obtenu par centrifugation (4 000 tr • m]n -1 pendant 5 min) L'adjonctlon de 50 ~tl d'aclde sulfurique 0,1 N r6alise la phase d'extraction 1I. La solutmn est homog6n6isde par agitation pendant une minute; l'ac6tate d'6tyle est sdpar6 par centrifugaUon et, ~ la phase aqueuse acxde (50 ~xl), sont aloutds 50 ~tl de rdactff de neutrahsatlon : tampon TRIS 0,2 M e t mdlange ac6tomtrile/eau (rapport en volume 60/40). Apr~s agitation pendant 30 s (Vortex), 40 ~tl de la solution sont injectds dans une colonne de chromatograph]e Bondapack C 18 /t phase inverse (25 c m x 4,4 ram). La phase mobile, compos6e dans le rapport 28/72 d'ac6tonitrile Merck et du mdlange tampon TRIS 0,01 M-H2 SO4 1 N (q.s. pH 7,46), est d6hvrde ~t un d6bxt de 1 ml • rain -~ et sous une pression de 1 500 psi Ddtection (D6tecteur 61ectrochimique 656 Metrohm SA). A une tension de polansataon de 600 mV, la morphine sublt une oxydation du groupement hydroxylph6nolique, le courant produit ~t cette occasion, proportionnel h la concentration de morphine, est mesur6 gr~tce au d6tecteur VA 641, amphfi6 et enregistr6 en fonct]on du temps, d'o~ l'obtention d'un chromatogramme. Les concentrauons de morphine sont 6valu6es sur la base du rapport des hauteurs des pics du pnnc~pe actif et de l'6talon interne rapport6 aux gammes d'6talonnage, adapt6es aux donn6es exp6nmentales et r6p6t6es pour chaque s6rie de mesures. Une relation hn6aire est d6montr6e entre la hauteur des pics du chromatogramme et les quantit6s correspondantes de prodmt reject6 Le rendement d'extractLon de la morphine est de 66,34_+4,36 % (~_+SD), le coefficient de variation de la reproduct~bdit6 journah6re est mf6rieur ~t 5 % La hmite de d6tect]on de la morphine plasmatique est voisine de 0,5 ng • ml -~.

Methode d ~tude des parametres pharmacocinetlques Inje~tton intraveineuse en bolus. L'analyse des concentrations plasmaUques de morphine en fonction du temps par la technique de r6gresslon non hn6alre selon la m6thode des moindres carr6s, a d6montr6, comme chez d'autres auteurs [2, 12], un mellleur ajustement des donrr6es par une 6quation tnexponenUelle, d'o~ l'expression :

C~t~ = Ae-~t + Be-f~t + Ce-Vt oCa C "~ est la concentration en fonctxon du temps et A, B, C, c~, 13, y sont des valeurs d6finissant les trois exponent~elles obtenues apr6s d6compositlon de la courbe exp6ramentale par la m6thode des r6sidus [17, 35]. Les principaux param6tres ont 6t6 calcul6s h partlr des 6quataons caract6nstxques du mod61e ouvert h trois compartxments (fig. 1) : deml-vles de distribution (t ~ c~, t ~- [3) et d'61imination (t ~- y), volumes de distribution (V1, Vd[5, Vdss), clairance corporelle Dose

k12

k~3

k21

k3t

Fig. 1 - - Reprdsentatlon du module tricompartlmental.

I klo Elimination

24

M. T AN GU Y ET COLL

totale (CI), mlcroconstantes de transfert (K~2, K2~, Kl3, K3j, Ki0). L'aire sous la courbe a 6t6 utxlis6e dans le calcul du volume apparent de distribution.

RESULTATS

Les courbes individuelles de d6croissance de la morphine plasmatique en fonction du temps sont pr6sent6es sur les figures 2 et 3 selon la v o i e d'administration.

Perfuston Une peffusion (vitesse: Ko) de dur6e 6gale ou sup6neure ~t six demi-vtes d'61immation est r6alis6e, de fa~on obtemr entre secteurs vascula~re et extravascula~re un 6quthbre dont l'6valuatlon repose sur la stabilit6 de quelques concentrattons plasmatiques successives r6parttes sur 2 h e n fin de perfusion (Ceq). La clairance syst6mique est calcul6e dans ces condittons md6pendamment du module pharmacocm6tlque selon Ceq = Ko/C1. Aprbs arr~t de la perfusion, la d6crmssance des concentrations plasmat~ques de morphine est au m~eux d6crtte par une somme de deux exponentlelles Cela condmt ?a une analyse pharmacocln6tlque de la phase qui smt la perfuston selon un mod61e ouvert h deux compartiments. Les pnnctpaux param~tres sont calcul6s h partlr des formules d6crites par GmALD~ [16, 17] Le volume de distribution corporel total est d6duit des valeurs de claxrance et de deml-vie d'6hmmation terminale selon C1 =

Voie intraveineuse en bolus. Apr6s une d6croissance initiale e x t r 6 m e m e n t rapide des concentrations plasmatiques ( t + 0~ = 2 , 4 + 0 , 9 min), une phase de distribution plus lente de d e m i - v i e m o y e n n e 1 3 , 8 + 5 , 4 min est observ6e, suivie d ' u n e phase d'61imination de d e m l - v i e 1 4 4 + 5 7 , 6 min. Les valeurs des principaux parambtres ddfinissant le mod6le figurent dans le tableau II. Voie intraveineuse continue. La concentration plasmatique m o y e n n e obtenue en fin de perfusion est de 23,74 n g • m1-1. Une seule phase de distribution est lndividualis6e, suivie d ' u n e phase d ' d l i m i n a t i o n de d e m i - v i e s respectives 1 2 , 4 + 6 , 7 min et 1 5 5 + 3 0 min. Les valeurs des principaux param6tres du mod61e (tableau III) s'61oi-

V d x f~.

Le test t de Student est utihs6 dans l'6valuation staUstique, le seuil de sigmficatton 6tant fix6 a p <0,05.

1000 l

b

? i_ t00 ~ A

~___|J

==

_oE

• lot 0

I --~

0

Fig. 2 - - Vote intraveineuse en bolus " courbe de d6crolssance des concentrations plasmattques (Cp) en fonctton du temps.

• --II--~

D O

I

D 0

E

g g

&

O.

(3

I

O0

I

I

I

I

I

I

I

I

I

05

1,0

I5

2,0

2,5

3,0

3,5

40

4,5

50

Temps ( h )

100

~--

O

Zo ==

Fig. 3 - - Perfusion prolong6e : d6crolssance des concentrations plasmatiques de morphine (Cp) en fonctton du temps.

i $

[3

*

&

L D - 8 - - ,=----~---=* •

o"

E

g

L

8 I

I

-2

-1

1

I

I

I

I

I

I

I

I

1

2

3

4

S

6

7

6

Temps (h)

25

PHARMACOCINFtTIQUE DE LA MORPHINE Tableau II - - Parametres pharmacocinehques apres rejection de morphine tntraveineuse en bolus chez cmq pahents

t ~ o~ (rnm)

t @ [3

t @ ~'

(min)

(mm)

K13 (h-1)

K3~ (h -1)

K~2 (h -l)

K2] (h-])

Klo (h 1)

Vl C1 Vd[3 Vdss (1 " kg-l) (ml • kg-l(1 • kg -1) (1 • kg -1) rnin-l) •

I II III IV V

2,82 3,57 1,91 2,62 1,09

8.10 8,16 19,44 19,14 14,50

103,8 218 129,6 189 81

2,20 7,19 3,77 2,08 5,56

0,84 0,75 0,63 0,85 0,77

5,06 3,65 10,09 7.30 17,80

7,01 5,71 5,02 5,35 6,17

5,12 2.63 4,66 2,68 6,56

0,26 0,29 0,346 0,299 0,179

22,16 13,00 26,83 13,33 16,66

3.32 4,10 5,03 3,63 2.29

1,83 3,07 3,5 3,32 1,43

+so

2,40 +0,94

13,8 +5.59

144,2 +57,6

4,16 +2,20

0,76 +0,08

8,78 +5,59

5,84 +0,77

4,33 _+1,68

0,274 +0,06

18,39 _+5,98

3,67 _+1,01

2,63 _+0,95

Tableau III. - - Parametres pharmacocinehques apres perfuston de morphine de Iongue duree chez cmq pahents

K0 Ceq (mg • h -1 (ng- nil l) kg ])

t @ 0¢ (mm)

t ~- [3 (min)

K12 (h l)

K21 (h-l)

Klo (h 1)



Vl C1 Vd[3 Vdss (1 • kg -1) (ml - kg I(1 - kg -1)(1 - kg 1) mm-t) •

A B C D E

0,050 0.049 0,044 0,041 0,058

24,89 13,53 31,08 20,24 28,99

10.6 15,7 22,5 7,44 6,06

143,6 195,6 117, l 172,8 146,4

1,94 1,06 0,53 1,26 2,61

0,89 0,40 0.64 0,31 0,47

1,29 1,13 0,98 4,25 4,04

1,73 2,72 1,76 0,50 0,43

38,5 51,1 29,3 35,6 28,8

7,95 14,48 4,97 8,91 6.23

+SD

0,048 --+0,006

23,74 +_7,05

12,4 +6.7

155,1 +30,0

1,47 +0,80

0,54 _+0,23

2,35 +1,63

1,43 +0.96

36,8 +9,1

8,44 4,77 __-3.54 +3,09

gnent des valeurs correspondantes dEduites de la voie intraveineuse en bolus : volume moyen du compartiment central de 1,43 1 • kg 1 (p <0,05), clairance corporelle totale de 36,8 ml • kg -1 • min - I (p <0,01), volume de distribution de 8,44 1 ' kg -~ (p <0,01).

DISCUSSION

L'analgEsie dans la pdriode postopEratoire est ~t la fois destinEe ~t assurer le confort du patient et ~ prEvenir les effets nocifs somatiques de la douleur, en particulier respiratoires, cardiaques et mEtaboliques [4, 26]. La condition prEcaire du patient admis en reanimation rend plus impdrieux encore le contrEle efficace et permanent de la douleur. La morphine est doric largement utilisEe pour sa puissante action analgdsique mais aussi pour son effet sEdatif, voire euphorisant, et son action depressive sur les centres respiratoires chez le patient ventilE. La supEriorit6 de la perfusion continue sur l'admlnlStration ~ la demande ou systEmatique a 6tE dtablie par de nombreux auteurs, dont RUTTER et coll. [28] qul dEmontrent dans une Etude comportant un tirage au sort qu'un contr61e plus efficace de la douleur est obtenu avec des doses plus faibles si l'administration est continue [1, 10, 11, 36]. Des analgEsies insuffisantes ont cependant 6td rapportEes et interprdtdes comme des

5,50 9,89 3,22 2,51 2,77

Echecs de la mEthode [19], alors qu'il s'agit manifestement de sous-dosages [7, 24]. A l'oppos6, un surdosage peut exposer ~ des modifications cardiocirculatoires [27] et respiratoires [8], d'o~ l'intEr~t de la definition la plus precise possible d'une posologie optimale, partant des concentrations minimales efficaces 6tablies par les auteurs et dErlvEe du modEle pharmacocinEtique [12]. Mais deux difficultEs sont rencontrdes ~t ce mveau. Les donnEes pharmacocinEtiques de la littdrature sont ddduites d'une injection unique et ne peuvent donc 6tre extrapolEes aux conditions d'une administration continue et prolongEe [14]. Mais surtout les valeurs des princlpaux param6tres varient en fonction de la mdthode de dosage de la morphine plasmatique. Ainsi la radioimmunologie, trEs largement employee [6, 31], s'est rEvE1Ee jusqu'~t present inapte ~t distinguer la morphine libre de ses prmcipaux mEtabolites, les 3-0 et 6-0 glucuronides, trEs rapidement presents ~ une concentration mesurable dans le plasma [6, 18, 29]. La surestimation des taux de morphine libre peut attemdre dans ces conditions 25 % et ~tre majorEe darts l'msuffisance rEnale [12]. Ces difficultds font que les mEthodes chromatographlques restent, malgrE leur complexitE, les mEthodes de rEfErence: la chromatographie ~ gaz liquide avec capture d'dlectrons [22] et surtout la chromatographie liquide ~ haute performance couplEe h l'dlectrochimie,

26

M. TANGUY ET COLL.

Tableau IV. - - Parametres pharmacocinetiques (valeurs extremes) apres mlection intravemeuse unique de morphine. Donnees de la htterature

t ~- o¢ (min)

t ~- [~ (min)

t+ y (min)

V] (1 - kg-l)

C1 (ml • kg-1

Vd~ (1 • kg-l)

Vdss (1 • kg-l)

1,89-4,91

1,66-4,39

• rain-l)

Aitkenhead et coll. [2] (volontatres salns) Dahlstrom et coil [ 1 2 ] (panents chirurgmaux)

0,15-1,01 0,4-2,4

3,5-9,4

100,6-442,4 0,04-0,41

6,7-31

72-258

Moore et coll. [ 2 0 ] (panents chirurg~caux)

0,17-0,46

0,9-5,7

Srrie personnelle (panents chirurglcaux)

1,09-3,57

8,1-19,4

0,03-0,55

7,7-17,4 11-32

70,5-658 81-218

technique choisie dans ce travail [2, 20, 32, 33]• DSs la phase d'extraction, la morphine est srparde de ses principaux mrtabolites, les 3-0 et 6-0 glucuronides. Sa drtection repose sur le pouvoir srparateur de I'HPLC et sur la sprcificit6 d'une rracnon chimique intdressant le groupement hydroxylphrnohque. Les donnres pharmacocinrtiques drduites d'une injection intraveineuse unique de morphine chez cinq patients de notre srrie ont 6t6 comparres aux donnres rapportdes par le~ auteurs qui ont utilis6 cette technique analytique (tableau IV) [2, 12, 20]. Toute analyse comparative est difficile du fait de la dispersion interindividuelle des valeurs ~ l'intrrieur de chaque srrie, largement influenc6e par des conditions mEthodologiques diffrrentes: sites d'injection et de prrlrvement, doses administr6es, populations 6tudi6es. Cependant la constance de la briSvet6 des demi-vies de distribution t6moigne d'un passage tissulaire rapide, confirm6 par le rapport des microconstantes Ki2/K2~ et K13/K3i dont les valeurs respectives sont de 1,5 et de 5,5 dans notre 6tude. Cet important stockage tissulaire peut expliquer l'inad6quation constamment observre entre action pharmacodynamique et concentrations dans le secteur vasculaire, ce dernier ne devenant un site d'rvaluation fiable que lorsque la distribution est achev6e avec atteinte d'un 6quilibre intercompartimental [9, 141. Cette condition, qui suppose la rralisation de perfusions de trSs longue durre, a 6t6 remplie dans le cadre

1,7-6,1

4-9,2 0,17-0,35

13-26,8

3,35-5,54

1,43-3,5

de ce travail. Des perfusions de durre suprrieure ou 6gale h six demi-vies d'61imination (soit peu diffrrente de 15 h) ont permis d'obtenir un 6quilibre entre secteur vasculaire et compartiments tissulaires, comme le montre la stabilit6 de la Ceq pendant 2 h (fig. 3). A l'arrrt de la perfusion, deux phases de drcroissance sont observres, de demi-vies non statistiquement diffrrentes des demi-vies de distribution intermrdiaire et d'dlimination observres aprrs injection intraveineuse en bolus (12,4 v e r s u s 13,8 min; 155 v e r s u s 144 min). La phase de distribution rapide distingure aprrs injection intraveineuse en bolus a disparu car la perfusion prolongre conduit h un comportement homog6ne du secteur vasculaire et du compartiment tissulaire trrs accessible. Dans ces conditions, seul le phdnomrne de distribution le plus lent est observr, pour peu que les valeurs respectives des microconstantes soient telles que l'une d'elles puisse 8tre limitante. La clairance drduite de la valeur moyenne des concentrations au plateau en fin de perfusion a une valeur de 36,8 ml • min - I • kg -1. Une variation dans un rapport de 2 est observ6e entre clairances drduites d'une perfusion ou d'une injection intraveineuse unique. La similitude des pentes terminales d'61imination (0,28 v e r s u s 0,32 h - l ) implique aussi un rapport de 2 entre les volumes de distribution Vd[3 (tableau V). I1 apparait donc, ainsi que le d6montre N~AZI [21], que la valeur absolue du volume de distribution corporel total dans le cas d'une distribution pluricompartimentale est lide au

Tableau V - - Compara~son des parametres pharmacocinehques apres Inject~on intraveineuse en bolus ou awes perfusion de Iongue duree

Intraveineuse umque en bolus Perfusion de longue dur6e Kel : constante d'dlimmation.

Kel (h-l)

t -~- Kel (min)

Vl (1 • kg -l)

C1 (ml • kg - l • min 1)

(1 " kg -1)

Vd[3

0,32 0,28

144 155

0,27 1,43

18,8 36,8

3,67 8,44

Vdss (1

kg -1)

2,63 4,77

PHARMACOCINE~TIQUE DE LA MORPHINE

protocole d'dtude choisi. En fonction de la durre de perfusion, le volume 6volue jusqu'~t atteindre un plateau de valeur quand la totalit6 des compartiments de distribution prnphdriques et profonds est en 6quilibre avec le vecteur sanguin. Ainsi la voie intraveineuse en bolus, qui permet d'accrder sans biais ~ la valeur du volume du compartimerit central (V1), est impropre /~ l'6valuation fiable du volume de distribution corporel total (Vd[3). Darts cette 6tude, l'analyse du profil plasmatique aprrs la fin de la perfusion conduit / t u n volume de 8,44 1 • kg -1, trbs suprrieur au volume d6duit de l'injection lntraveineuse en bolus et proche darts la limite de la prdcision des concentrations mesur6es ~ l'6quilibre du volume de distribution vrai. L'61imination de la morphine est sous la ddpendance des processus de biotransformation hrpatique non saturabies [25, 34]. En throrie, elle drpend donc exclusivemerit des ddbits hrpatiques (modUle dit ~ perfusion limitante) [15]. Darts ces conditions, une assimilation entre clairance corporelle totale et flux h6patique est possible. Cette notion mdrite cependant d'6tre nuancde car la prrsence de shunts intra- et extrahdpatiques inhdrente ~t la maladie cirrhotique, bien que diminuant la clairance des drogues ~ perfusion strictement limitante comme le vert d'indocyanine, n'influence pas la clairance de la morphine [25]. La valeur de 2,2 1 • m i n i calculre darts ce travail pour la clairance corporelle totale est suprrieure au drbit sanguin hrpatique physlologique. Ceci peut s'expliquer par la situation chirurgicale des patients, qui les 61oigne des conditions de repos, mais aussi par l'existence prouvde et vrrifide chez l'animal d'une clairance mrtabolique partielle extrahrpatlque d'origine rdnale et intestinale [25]. La moddlisation de la perfusion de morphine permet d'envisager un ajustement thrrapeutique en intrgrant aux 6quations thdoriques les donnres calculres. DAHLSTROM et coll., darts une 6tude sur l'auto-administratlon de morphine, ont 6tabli pour les 24 premieres heures postoprratoires une concentration minimale efficace de 2 1 + 12 ng • m1-1 [12]. Le produit de cette concentration par la clairance plasmatique reprrsente, dans le modrle ouvert h deux compartiments, la dose horaire ~ administrer [12, 17]. Une dose intraveineuse d'attaque, 6gale au produit de la concentration ~ l'6quilibre par le volume de distribution corporel total, permettrait d'atteindre immrdiatement la concentration souhait6e, d'ofa les valeurs respectives de 0,046 et 0,17 mg • kg -1 applicables aux patients de notre 6tude. Cette application de la pharmacocinrtique ~ l'ajustement posologique doit cependant 6tre envisagre dans les limites des grandes variations interindividuelles souliAndes par tousles auteurs, et influencdes essentiellement par l'fige [23] ou les diffrrentes situations chirurgicales [22]. L'influence de la fonctlon rdnale est un sujet actuel de discussion; darts un travail rrcent, SEAR et coll.

27

6tablissent un strict paralldlisme entre clairance de la cr6atinine et clairance de la morphine, suggrrant la participation essentielle du rein dans l'61imination [30]. Mais la m6thode de dosage employ6e darts cette 6tude est la radio-immunologie. Darts les travaux qm reposent sur une technique plus sprcifique, c'est-~-dire excluant toute r6action avec les 3-0 et 6-0 glucuronides, la clairance de la morphine n'est pas influenc6e par la fonction rrnale [29]. I1 est cependant nrcessaire de tenir compte darts l'ajustement posologique d'une sensibilit6 particulirre de l'insuffisant rdnal h la morphine, rapport6e ~t l'activlt6 analg6sique du 6-0 glucuronide dont la concentration plasmatique s'accroit considrrablement dans l'insuffisance rdnale [3]. En conclusion une perfusion prolong6e de durre 6gale ou sup6rieure ~ six demi-vies d'61imination permet une approche plus exacte de la distribution tissulaire de la morphine. Les valeurs ainsi obtenues autorisent, aprrs intrgration darts les 6quations pharmacocin6tiques, une approche visant h u n ajustement posologique optimal. BIBLIOGRAPHIE

1. ADAMSJ D., D1EHL L F., WILSONJ.P. Ambulatory use of high-dose intravenous morphine for severe pain. Drug Intell Chn. Pharm. 18: 138-140, 1984. 2 AITKENHEAD A.R., VATER M., ACHOLA K., COOPER C.M.S., SMITH G Pharmacokinetics of single dose i.v morphine in normal volunteers and patients with end-stage renal failure. Br. J. Anaesth., 56. 813-819, 1984. 3 AHERNE G . W , LITTLETON P Morphine-6-glucuronide, an

important factor in lnterpretatmg morphine radloimmunoassays. Lancet, 2: 210-211, 1985. 4 ANGELLM. The quahty of mercy. N. Engl. J Med., 306 98-99, 1982. 5 BAHAR M., ROSEN M., WICKERS M.D. Self-administered

6 7. 8

9.

10. 11

nalbuphlne, morphine and pethldine. Comparison by intravenous route following cholecystectomy. Anesthesia, 40. 529-532, 1985. BALL M., MCQUAY H.J., MOORE R.A., ALLEN M.C., FISHERA , SEARJ. Renal failure and the use of morphine in intensive care. Lancet, 1" 784-786, 1985. BARROWM.E.H., INGLISJ.McM., JACKSONA.P.F Relief of pain by infusion of morphine after operation. Br Med J. 291 : 345-346, 1985 BIGLER D., ERIKSEN J., BROEN CHRISTENSEN C. Prolonged respiratory depression caused by slow release morphine. Lancet, 1: 1477, 1984. BOLANDER H , KOURTOPOULOSH , LUNDBERG S , PERSSON S A. Morphine concentration in serum, brain and cerebrospmal fluid m the rat after intravenous administration of a single dose. J. Pharm. Phamacol, 35. 656-659, 1983. BRAY R.J Postoperative analgesia provided by morphine infusion in children. Anaesthesia, 38 : 1075-1078, 1983. CXTRON M.L., JOHNSTON-EARLY A , FOSSIECK B.E, KRASNOW S.H., FRANKLIN R., SPAGNOLO S.V., COHEN M.H Safety and efficacy of continuous intravenous morphine for severe cancer pain. Am. J. Med., 77" 199-204, 1984.

12. DAHLSTROM B., TAMSEN A., PAALZOW L ,

HARTVIG P.

Patient-controlled analgesic therapy Part IV : Pharmacokinetics and analgesic plasma concentrations of morphine. Chn Pharm., 7. 266-279, 1982

28

13. DERBYSHIRE D.R., BELL A., PARRY P A , SMITH G. Morphine sulphate slow release. Comparison with 1.m. morphine for postoperative analgesia. Br. J. Anaesth., 57 : 858-865, 1985. 14 DUVALDESTINP., CARAMELLAJ.P., MARTY J. Pharmacocm6tique des m6dicaments utihs6s pour la s6datlon en r6animatlon (pp. 159-172). In: R6animatlon et M6decine d'Urgence. Expansion Scientifique Fran~aise, Paris, 1983 15. GEORGE C F Drug kinetics and hepatic blood flow (pp 97-113). In: Handbook of clinical pharmacokinettcs. M. Gibaldi and L Prescott eds. Adis Health Science Press, Australia, 1983. 16. GIBALD1M. Estimation on the pharmacoklnetic parameters of the two-compartment open model from post-infusion plasma concentration data. J. Pharm. Sci, 58 : 1133-1135, 1969. 17. G[BALDIM., PERRIER D. PharmacokineU_cs (pp. 48-63, 63-72 and 92-111) Dekker, New York, 1982 18. GRABINSKY P.Y., KA1KO R.F., WALSH T D., FOLEY K.M., HOUDE R.W, Morphine radioimmunoassay specificity before and after extraction of plasma and cerebrospinal fluid J. Pharm. Sct., 7 2 : 27-30, 1983. 19. MARSHALL H., PORTEOUS C., McMILLATI I., MCPHERSOM S.G., NIMMO W S. Rehef of pain by infusion of morphine after operation : does tolerance develop ? Br. Med. J., 291 : 19-21, 1985. 20. MOORE R.A., BALDWIN D., McQuAY H J , BULLINGHAM R E S. HPLC of morphine with electrochemical detection : analysis in human plasma. Ann Clin Blochtrn., 2 1 . 125-130, 1984. 21. N1AZI S. Volume of distribution as a function of time J Pharm. Set, 6 5 : 452-454, 1976 22. OWEN J.A , SITAR D.S Morphine analysis by high-performance liquid chromatoghraphy. J. Chromatogr., 276 : 202207, 1983 23. OWEN J.A., SITAR D.S , BERGER L., BROWNELL L., DUKE P.C., MITENKO P.A. Age-related morphine kinetics. Clm. Pharmaco! Ther., 34 364-368, 1983 24. PARK G.R., MENDEL L , SHELLY M P. Relief of pain by infusion of morphine after operation. Br. Med. J., 291 • 345, 1985. 25. PARWARDHANR.V., JOHNSON R . F , HOYUMPA A , SHEEHAN

M TANGUY ET COLL.

26. 27.

28.

29. 30.

31.

32.

33.

34

35.

36.

J.J., DESMOND P V., WILKINSON G.R., BRANCH R . A , SCHENKER S. Normal metabolism of morphine in cirrhosis. Gastroenterology, 81 1006-1011, 1981. PFLUG A.E., BONICA J.J. Physiopathology and control of postoperative pain. Arch. Surg., 112. 773-781, 1977. ROUBY J J., EURIN B , GLASER P., GUILLOSON J J , NAFZIGER J , GUESDE R., VIARS P. Hemodynamlc and metabolic effects of morphine in the critically ill. Clrculanon, 6 4 . 53-59, 1981. RUTTER P.C., MURPHY F., DUDLEY H A.F. Morphine: controlled trial of different methods of administration for postoperative pain rehef Br. Med. J., 280: 12-13, 1980 SAWE J., SVENSSON J . O , ODAR-CEDERLOF I. Kinetics of morphine in patients with renal failure. Lancet, 2 : 211, 1985 SEAR J., MOORE A., HUNNISET A , BALDWIN D., ALLEN M , HAND C., MCQUAY H., MORRIS P. Morphme kmencs and kidney transplantation. Anesth. Analg , 64 : 1065-1070, 1985 STANSK1 D . R , GREENBLATT D . J , LAPPAS D . G , KOCHWESER J., LOWENSTEIN E. Kinetics of high-dose intravenous morphine m cardiac surgery patients. Clin Pharm Ther., 19 752-756, 1976. TOOD R.D., MULDOON S.M., WATSON R L Determination of morphine in cerebrosplnal fired and plasma by highperformance liquid chromatography with electrochemical detechon J. Chromatogr, 232: 101-110, 1982 VANDENBERGHE H M , MAC LEOD S.M., CH1NYANGA H., SOLDIN S.J. Analysis of morphine in serum by high performance hquld chromatography with amperometric detection Ther. Drug Momt., 4 307-314, 1982 VANDERBERGHEH M., SOLDIN S J., MAC LEOD S.M Pharmacoklnetlcs of morphane" a review Appl Ther Drug Momt., 2" 321-325, 1984. WAGNER J G. Fundamentals of chnical pharmacokInetics (pp. 90-101 and 114-117). Drug Intelligence Pubhcations, Hamilton, 1975. WALDMANN C . S , EASON J.R., RAMBOHUL E., HANSON G C. Serum morphine levels - a comparison between continuous subcutaneous infusion and continuous intravenous infusion In postoperative patients Anaesthesm 39 . 768-771, 1984.