Périostine et maladies inflammatoires bronchiques

Périostine et maladies inflammatoires bronchiques

Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2016) 8, 223-225 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneu...

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Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2016) 8, 223-225 ISSN 1877-1203

Revue des

Maladies

Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française

Disponible en ligne sur

Actualités Mission ATS 2016 Congrès annuel de l’American Thoracic Society San Francisco, États-Unis, 13–18 mai 2016

www.sciencedirect.com

Numéro réalisé avec le soutien institutionnel du laboratoire

86067

Coordination de la mission ATS de la SPLF : J.-C. Meurice, A.T. Dinh-Xuan Coordination du numéro pour le Comité de Rédaction : D. Montani

www.splf.org

Septembre Vol. 8 2016



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MARQUEURS BIOLOGIQUES

Périostine et maladies inflammatoires bronchiques Periostin and bronchial inflammatory diseases

A. T. Dinh-Xuan Service de physiologie, explorations fonctionnelles, Hôpital Cochin, université Paris Descartes, 27 rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris, France

Introduction L’asthme est connu depuis l’antiquité. Ce terme était déjà utilisé en Occident par Homère dans l’Iliade alors qu’à peu près vers la même période, les premiers ouvrages de médecine traditionnelle chinoise en faisaient également une description clinique assez précise. Depuis, notre compréhension des mécanismes physiopathologiques de l’asthme a sans cesse progressé. Pourtant, les récents progrès de la médecine moderne ont de nouveau opéré un changement dans notre vision de cette maladie. Il semble aujourd’hui acquis que l’asthme ne soit qu’un terme générique regroupant diverses maladies touchant les voies respiratoires dont les caractéristiques communes sont l’inflammation chronique et l’obstruction (initialement) réversible des voies aériennes [1, 2], mais dont les mécanismes physiopathologiques sous-jacents peuvent fortement varier entre eux [3]. Parmi ses nombreuses variantes endo(-phéno)typiques, la forme d’asthme associé à l’inflammation de type 2 (anciennement Th2-dépendant) se distingue des autres par ses caractéristiques bio-cliniques, l’existence de traitements spécifiques et le rôle important des biomarqueur spécifiques [3-5]. Parmi ceux-ci, le dosage sérique de la périostine semble prometteur sur bien des points [6], comme l’attestent de nombreuses présentations à l’ATS cette année.

La périostine : biomarqueur de l’inflammation de type 2 dans l’asthme La périostine n’est pas seulement une des protéines majeures de la matrice extracellulaire impliquée dans le métabolisme osseux et constituant le périoste (d’où son nom) [7], elle est également impliquée dans la réponse inflammatoire et le remodelage tissulaire [8]. Aujourd’hui, elle est surtout considérée comme l’un des marqueurs biologiques spécifiques de l’inflammation de type 2 dans l’asthme [9]. Plus précisément, les lésions inflammatoires épithéliales provoquent une sécrétion accrue de périostine expliquant l’intérêt de cette molécule en tant que biomarqueur de l’inflammation. De plus la périostine participe aussi à la physiopathogénie de l’asthme en favorisant le remodelage bronchique [8].

Les travaux cliniques sur la périostine présentés à l’ATS 2016 Au Congrès de l’ATS de cette année, les chercheurs du monde entier ont présenté des travaux portant essentiellement sur 3 sujets relatifs au rôle de la périostine dans les maladies inflammatoires bronchiques. Ces sujets ont trait : 1) aux

Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (A. T. Dinh-Xuan). © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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modalités pratiques de la mesure de la périostine sérique, 2) à l’intérêt clinique de la périostine dans l’asthme (stable, décompensé, associé à la rhinite, etc.), et 3) à l’apport de la mesure de la périostine dans l’évaluation des nouvelles biothérapies proposées dans l’asthme.

Mesurer la périostine en pratique Deux questions ont été abordées concernant les modalités pratiques de la mesure de la périostine par l’équipe de Richard Beasley de l’Université d’Otago (Wellington, Nouvelle Zélande). La première concerne les valeurs de référence de la périostine [10]. Les auteurs ont mesuré la concentration sérique de périostine chez 480 sujets sains répartis de façon égale avec 120 sujets (60 femmes et 60 hommes) dans chacune des 4 catégories d’âge (18-30, 31-45, 46-60, 61-75 ans). L’intervalle de confiance à 90 % pour les valeurs normales de périostine sérique calculées dans cette étude était de 35,0 à 71,1  ng/mL [10, 11]. La question d’une variation circadienne de la périostinémie a été également posée. Une deuxième étude faite par la même équipe a montré que les valeurs matinales étaient légèrement plus élevées que celles obtenues avec des échantillons prélevés l’après-midi et/ou le soir. Cependant, la différence entre les mesures matinales et les autres n’était pas suffisamment importante pour justifier des recommandations strictes quant au moment de la journée où il faudrait prélever le sérum des patients pour y doser la périostinémie [12].

Périostine et asthme L’intérêt de la périostine en tant que biomarqueur dans l’asthme est double : une concentration élevée de la périostine dans le sérum des patients asthmatiques traduit à la fois une inflammation de type 2 et l’existence des phénomènes de remodelage tissulaire et d’une fibrogenèse active des voies aériennes [13]. Au Congrès de l’ATS de cette année, la stabilité de la concentration sérique de périostine au cours du temps chez des patients ayant un asthme bien contrôlé ou, à l’inverse, les variations de la périostinémie chez des patients ayant un risque de décompensation de leur asthme, ont été étudiées par les investigateurs Néozélandais de l’Université d’Otago (Nouvelle Zélande) et Japonais de l’Université de Saga (Japon). Une étude longitudinale portant sur une période de 6 mois avec des mesures itératives de la concentration sérique de périostine a été conduite chez 60 asthmatiques adultes. Au cours de cette période les concentrations de périostine sont restées stables (dans les limites de l’intervalle de confiance à 95 %) chez tous les patients sauf chez les 5 asthmatiques ayant eu une exacerbation traitée par corticothérapie orale entraînant une diminution de la périostinémie de 5,4 ng/ mL [14]. Ces résultats sont concordants avec ceux de Nagase et al. [15] montrant une relation entre l’importance de la périostinémie et le risque d’exacerbation chez des patients asthmatiques qui débutaient une décroissance posologique progressive d’un traitement associant un corticoïde inhalé (le budésonide) et un bêta-2 mimétique à longue durée d’action (formotérol). Les patients ayant une concentration

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sérique de périostine élevée au début de la décroissance posologique étaient ceux ayant le plus de risque de faire une exacerbation au cours des huit prochaines semaines [15]. Dans le même ordre d’idées, Tajiri et al. ont trouvé un lien statiquement significatif entre la concentration sérique de périostine mesurée à l’entrée de l’étude et l’efficacité d’un traitement par l’omalizumab chez 30 patients ayant un asthme sévère [16]. Plus la concentration de périostine à l’entrée de l’étude était haute, plus la réduction des concentrations d’IgE après 16 à 32 semaines de traitement avec l’omalizumab était importante [16]. L’importance de la réduction des IgE s’accompagnait d’une diminution du nombre d’exacerbations. Une analyse groupée de 3 essais cliniques de phase 2 portant sur l’effet du lebrikizumab a également montré une diminution des principaux marqueurs de l’inflammation de type 2, à savoir la concentration fractionnaire du NO expiré (FeNO), les taux d’IgE et la concentration sérique de périostine [17].

Conclusion Avec l’émergence de la notion d’endotypes [18, 19] nous permettant de mieux caractériser certaines formes d’asthme, notamment celles liées à une inflammation de type 2 [3-5], l’identification des biomarqueurs à la fois sensibles et spécifiques est devenue aujourd’hui une nécessité fondamentale. La mesure du NO expiré pourrait être l’un de ces marqueurs, à condition d’effectuer cette mesure dans des conditions bien précises, et chez des patients parfaitement caractérisés d’un point de vue clinique et biologique [20]. Le dosage sérique de la périostine pourrait venir utilement enrichir la panoplie des biomarqueurs de l’asthme. Il est probable que dans un futur proche, des recommandations portant non plus sur un seul mais l’association de plusieurs biomarqueurs puissent être élaborées au bénéfice d’une meilleure prise en charge thérapeutique de l’asthme.

Liens d’intérêts A. T. Dinh-Xuan déclare n’avoir aucun lien d’intérêt pour cet article.

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