Pharmacologie des psychostimulants

Pharmacologie des psychostimulants

Chapitre 14 Pharmacologie des psychostimulants Les psychostimulants sont des traitements ayant pour objectif de stimuler les fonctions psycho-comporte...

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Chapitre 14 Pharmacologie des psychostimulants Les psychostimulants sont des traitements ayant pour objectif de stimuler les fonctions psycho-comportementales et cognitives d’un sujet. Le chef de file de cette classe thérapeutique est représenté par le méthylphénidate, les autres médicaments appartenant à cette catégorie étant principalement le modafinil, le piracétam et la sulbutiamine. En dehors des traitements médicamenteux, d’autres substances psychoactives peuvent avoir des propriétés psychostimulantes, certaines licites (taurine, caféine, nicotine), d’autres illicites (cocaïne, amphétamines, cathinones) ou en développement (AMPAkines). L’indication médicale principale d’un traitement par méthylphénidate est le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Les psychostimulants, en fonction de la molécule concernée, peuvent également être indiqués dans d’autres pathologies telles que la narcolepsie, l’hypersomnie idiopathique, certains troubles de l’équilibre, des troubles du comportement et de la mémoire liés au vieillissement et le traitement d’appoint de la dyslexie. Au-delà des indications médicales de ces substances psychoactives, l’une des préoccupations de l’usage des psychostimulants est nourrie par leur utilisation détournée à visée récréative ou de dopage psychique ou cognitif. Cet usage détourné n’est pas nouveau. D’abord décrites pour les substances illicites, avec l’usage de feuilles de coca (d’où sera extraite la cocaïne) par le peuple amérindien depuis plus de 5 000 ans, les conduites de dopage cognitif se sont étendues aux traitements médicamenteux tels que le méthylphénidate et le modafinil. Ce mésusage de psychostimulants est sous-tendu par un fonctionnement sociétal qui alimente de nombreux fantasmes autour de la vision Neuropsychopharmacologie © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

d’une humanité augmentée et plus performante. À l’heure d’une connexion technologique incessante, les exigences de productivité intellectuelle exhortent à la pratique de plusieurs tâches de manière simultanée, pratique dont les limites sont pourtant connues. L’usage récréatif de substances psychostimulantes se développe quant à lui à travers le mésusage de nouveaux produits (médicamenteux ou illicites comme les nouveaux produits de synthèse) et/ou de nouvelles pratiques (chemsex). Une autre préoccupation majeure autour de l’usage/mésusage de psychostimulants concerne le profil de sécurité lié aux propriétés dopaminergiques et noradrénergiques de ces traitements. Le propos vise ici à reprendre les éléments physiopathologiques justifiant un usage médical des psychostimulants dans certaines indications, mais également la pharmacologie de ces différentes substances, licites ou illicites, pouvant amener à leur usage détourné. Bien que d’autres substances telles que les glucocorticoïdes ou les β-bloquants soient parfois utilisées à visée de dopage cognitif, seules les substances de la classe des psychotropes seront traitées ici. À retenir • Les psychostimulants sont une classe thérapeutique controversée par le détournement possible de leur usage, à visée récréative ou de dopage psychique et cognitif. • Les principales indications des psychostimulants médicamenteux sont le TDAH et les troubles du sommeil de type narcolepsie ou hypersomnie idiopathique. • En dehors des psychostimulants médicamenteux, d’autres substances psychoactives peuvent avoir des propriétés psychostimulantes, certaines licites (taurine, caféine, nicotine), d’autres illicites (cocaïne, amphétamines, cathinones) ou en développement (AMPAkines).

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De la physiopathologie aux cibles Il existe un double paradoxe concernant les psychostimulants : – leurs effets ont été décrits chez des sujets « normaux » les utilisant à visée récréatives et, du moins en apparence, indemnes de maladie psychiatrique, – la description des effets pharmacologiques s’est trouvée enrichie par l’utilisation de ces produits dans des circonstances physiopathologiques où les sujets, hyperactifs, semblaient avoir le moins besoin d’une psychostimulation. En effet, c’est le TDAH de l’enfant, indication la plus courante d’un traitement par méthylphénidate, qui sert de modèle physiopathologique au-delà de l’usage en conditions physiologiques, même si les troubles du sommeil, de type hypersomnie, ont également contribué à caractériser la pharmacologie des psychostimulants.

Bases neurales Le TDAH est un trouble neuro-développemental débutant classiquement pendant l’enfance et se caractérisant par trois types de symptômes, associant ainsi à des degrés divers • un déficit attentionnel, • une hyperactivité motrice • et une impulsivité. Le TDAH persiste dans environ deux tiers des cas à l’âge adulte et peut alors entraîner une altération conséquente du fonctionnement familial, social, scolaire et professionnel. La neuro-imagerie a permis d’apporter des éléments de compréhension quant à la physiopathologie du TDAH. Des études structurales ont ainsi montré des réductions volumétriques des noyaux gris centraux et de l’épaisseur corticale dans les régions frontales et pariéto-temporales d’enfants TDAH, avec une atténuation avec l’âge en faveur d’une maturation retardée. Les études de connectivité ont quant à elles montré une implication des circuits frontostriataux dorsaux et mésocorticolimbiques avec des symptômes associés en terme respectivement de fonctions exécutives et de déficits motivationnels.

Une hypoactivation des circuits fronto-striataux et fronto-pariétaux dans les tâches centrées sur le contrôle inhibiteur ainsi qu’une hypoactivation du striatum ventral ont ainsi été retrouvées chez les sujets TDAH par rapport aux contrôles. Les études de connectivité ont également souligné le rôle du réseau du mode par défaut (correspondant aux zones cérébrales actives lorsque le sujet est au repos) et celui du réseau de contrôle cognitif, une altération des interactions entre ces deux circuits pouvant sous-tendre les troubles attentionnels. Les autres indications des principaux traitements psychostimulants (méthylphénidate et modafinil) sont la narcolepsie et l’hypersomnie idiopathique. La narcolepsie, dont le nom signifie « qui saisit le sommeil  », encore appelée maladie de Gélineau, est une hypersomnie centrale d’origine multifactorielle. Elle est définie par une somnolence sévère avec des accès de sommeil diurnes multiples et courts, pouvant être associé à des épisodes de cataplexie (abolition brève ou brutale du tonus musculaire déclenchée par une émotion le plus souvent positive), des hallucinations nocturnes et des paralysies du sommeil. Deux types de narcolepsie sont actuellement décrits, dont le point commun est la somnolence diurne excessive. La narcolepsie de type  1 est causée par une perte importante de neurones qui produisent l’orexine A et se caractérise par des épisodes de cataplexie. Les orexines A et B (ou encore hypocrétines 1 et 2) sont des neuropeptides produits par des neurones situés dans l’hypothalamus latéral. Les neurones à orexine ont de larges projections au niveau cérébral, notamment au niveau des structures impliquées dans l’éveil (locus coeruleus, noyau du raphé dorsal, hypothalamus postérieur), ainsi que celles nécessaires au déclenchement et au maintien du sommeil paradoxal. La narcolepsie de type 2, dans laquelle on ne retrouve pas de cataplexie, serait quant à elle liée à des lésions moins importantes des neurones à orexine, mais les données physiopathologiques sont encore limitées.

Anomalies de neurotransmission Le traitement inefficace de l’information retrouvé dans le TDAH ou l’état d’éveil insuffisant retrouvé dans la narcolepsie et l’hypersomnie idiopathique



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sont en lien avec une altération de la neurotransmission dopaminergique et noradrénergique. En effet, ces symptômes ont été associés avec des décharges toniques basses de dopamine ou de noradrénaline au cours de la journée, même si ces données restent controversées pour certains auteurs. Sur le plan attentionnel, le ratio signal sur bruit pourrait plus spécifiquement être perturbé. On entend par ratio signal sur bruit le fait que l’information pertinente ne soit pas saillante dans un environnement chargé de distracteurs ou d’autres stimuli. La difficulté à traiter l’information sera ainsi liée à un signal faible, noyé dans un bruit de fond important. En termes de neurotransmission, la dopamine augmente le rapport signal sur bruit via l’activation des récepteurs D1 au niveau des neurones glutamatergiques du cortex préfrontal. La noradrénaline augmente quant à elle les réponses synaptiques du réseau préfrontal via les récepteurs post-synaptiques  α2 localisés sur les épines dendritiques des neurones glutamatergiques. La dopamine, par son action sur les récepteurs D1 permet une diminution du bruit, alors que la noradrénaline par son action sur les récepteurs α2 adrénergiques augmente la taille du signal. À retenir • Le TDAH est un trouble neuro-développemental impliquant les circuits fronto-pariétaux, fronto-striataux et mésocorticolimbiques. • Une altération des interactions entre le réseau du mode par défaut et le réseau de contrôle cognitif pourrait participer aux symptômes attentionnels. • Un traitement inefficace de l’information et/ou un état d’éveil insuffisant sont en lien avec des déséquilibres des circuits de neurotransmission dopaminergiques ou noradrénergiques. • Les difficultés attentionnelles seraient plus spécifiquement secondaires à une altération du ratio signal sur bruit. • La dopamine augmente le ratio signal sur bruit par une activation des récepteurs D1 et la noradrénaline par une activation des récepteurs α2 adrénergiques.

Des cibles aux substances psychoactives La plupart des substances psychostimulantes agissent sur un ou plusieurs systèmes de neurotransmission :

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noradrénaline, dopamine, sérotonine, glutamate, adénosine. Concernant le système dopaminergique, trois voies sont principalement impliquées : la voie mésolimbique, impliquée dans la motivation, le plaisir et les addictions ; la voie mésocorticale, impliquée dans les fonctions cognitives  ; la voie nigro-striée, facilitatrice de la motricité en lien avec l’augmentation de la motivation. Parmi les substances psychostimulantes, on peut distinguer celles en accès libre, celles disponibles sur ordonnance et enfin les psychostimulants illicites (figure 14.1 et tableau 14.1).

Produits en accès libre On peut citer tout d’abord la caféine, qui peut être consommée sous différentes formes. Alors que le café est fortement ancré dans la normalité du quotidien et revêt une fonction sociale, la consommation de caféine sous forme de tablettes caféinées ou de boissons énergisantes illustre plus objectivement un désir de psychostimulation. Plusieurs mécanismes d’action pharmacologique de la caféine ont été décrits : un antagonisme des récepteurs à l’adénosine (récepteurs A2A), une inhibition des phosphodiestérases et une promotion de la libération de calcium dans les compartiments intracellulaires. Les boissons énergisantes, en plus de la caféine qui représente le principal ingrédient actif, contiennent diverses autres substances telles que la taurine, le glucuronolactone, le ginseng, l’inositol et des vitamines. Les stratégies marketing autour de ces boissons sont assez développées. Elles ciblent un public jeune et valorisent le dépassement de soi chez des sujets avec un profil de personnalité à la recherche de sensations et d’un fonctionnement cérébral toujours plus rapide. La prise de nicotine a également montré des effets psychoactifs dans certains domaines cognitifs tels que la mémoire de travail et la mémoire épisodique. Elle se lie aux récepteurs nicotiniques présynaptiques à l’acétylcholine, facilitant ainsi la libération d’acétylcholine, de dopamine, de sérotonine, de glutamate et d’autres neurotransmetteurs connus pour être impliqués dans les processus cognitifs. En dehors de ces substances familières, certains traitements en vente libre peuvent être utilisés

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Figure 14.1. Cibles d’action monoaminergiques des principales substances psychostimulantes. VMAT2 : transporteur vésiculaire des monoamines 2 ; DAT : transporteur de la dopamine ; NET : transporteur de la noradrénaline.

Tableau 14.1. Pharmacodynamie et effets indésirables des principales substances psychostimulantes. Substances psychoactives

Pharmacodynamie

Principaux effets indésirables

Traitements disponibles sur ordonnance Boissons énergisantes et comprimés caféinés

Antagonisme des récepteurs à l’adénosine. Inhibition des phosphodiestérases et promotion de la libération de calcium dans les compartiments intracellulaires.

Liés à la caféine : céphalées, nervosité, irritabilité, tremblements, palpitations, bouffées de chaleur, polyurie, troubles gastro-intestinaux. Risque de dépendance physique et psychologique à la caféine. Accidents aigus décrits (cardiovasculaires, convulsions, psychiatrique) mais imputabilité insuffisante.

Sulbutiamine

Dérivé de la vitamine B1. Propriétés glutamatergiques et dopaminergiques.

Éruption cutanée, nausées, vomissements, agitation, céphalées, tremblements, malaise.

Méthylphénidate

Inhibition allostérique des transporteurs de la dopamine (DAT) et de la noradrénaline (NET). Agonisme 5-HT1A et 5HT2B.

Modafinil

Inhibition du transporteur de la dopamine, et +/de la noradrénaline.

Dexamphétamine

Agoniste des récepteurs noradrénergiques.

Traitements disponibles sur ordonnance Effets neuropsychiatriques. Effets cérébrovasculaires et cardiovasculaires. Retentissement staturo-pondéral (méthylphénidate). Mésusage. Effets neuropsychiatriques. Effets neurologiques, cérébrovasculaires et cardiovasculaires. Anorexie et retentissement staturo-pondéral. Mésusage et dépendance. Autres : arthralgies, effets gastro-intestinaux, érections fréquentes et prolongées.

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Substances psychoactives

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Pharmacodynamie

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Principaux effets indésirables

Traitements disponibles sur ordonnance Pitolisant

Agoniste inverse du récepteur H3.

Insomnie, fatigue, céphalées, vertiges, tremblements, anxiété, irritabilité, dépression, nausées et vomissements, dyspepsie. Effets indésirables rares mais graves : perte de poids importante et avortement spontané.

Piracétam

Modulation allostérique positive des récepteurs AMPAs (mécanisme encore peu connu).

Effets neuropsychiatriques. Troubles gastro-intestinaux.

Cocaïne, cathinones

Inhibition des systèmes de recapture de la dopamine (DAT) et de la noradrénaline.

Amphétamines, cathinones

Inhibition du transporteur vésiculaire VMAT2. Inversion du sens des systèmes de recapture de la dopamine (DAT) et de la noradrénaline (NET). Effets pro-glutamatergiques.

Substances illicites Idées délirantes +/- hallucinations. Effets cérébro-vasculaires et cardiovasculaires. Difficultés respiratoires. Hyperthermie. Crises convulsives. Coma, décès.

VMAT2 : transporteur vésiculaire des monamines 2 ; DAT : transporteur de la dopamine ; NET : transporteur de la noradrénaline.

à visée psychostimulante. La sulbutiamine, par exemple, est un dérivé de la vitamine B1 qui traverse la barrière hémato-encéphalique grâce à sa nature lipophile et a montré des propriétés glutamatergiques aussi bien que dopaminergiques.

Traitements sur ordonnance Le méthylphénidate Le méthylphénidate est un traitement inhibiteur mixte de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, qui possède une structure amphétaminique mais sans l’effet de libération massive de neuromédiateurs que peuvent avoir les amphétamines. Via l’inhibition des transporteurs de la dopamine (DAT), le méthylphénidate bloque la recapture présynaptique de la dopamine en agissant sur un site différent du ligand. À des doses thérapeutiques, il augmente de manière significative la dopamine extracellulaire dans le cerveau humain et notamment au niveau du striatum. En effet, des données expérimentales ont montré que le méthylphénidate avait des spécificités régionales dans l’inhibition de la recapture de la dopamine, particulièrement au niveau du cortex préfrontal, des régions limbiques et du striatum. Le méthylphénidate influence également le système noradrénergique via une inhibition allostérique des transporteurs présynaptiques de noradrénaline (NET). Contrairement aux amphé-

tamines, il n’inhibe pas le transporteur vésiculaire (vesicular monoamine transporter 2 ou VMAT2), n’entraînant donc pas d’augmentation délétère de la concentration cytoplasmique extravésiculaire de dopamine et de noradrénaline. Dans une moindre mesure, le méthylphénidate influence également le système sérotoninergique via un agonisme 5-HT1A et 5-HT2B. Le modafinil Le modafinil, quant à lui, semble améliorer l’éveil en réduisant la recapture de dopamine. En effet, des données expérimentales ont montré que le modafinil se liait au transporteur de la dopamine à des concentrations physiologiquement pertinentes, que l’administration systémique de modafinil augmentait la concentration extracellulaire de dopamine dans le striatum, et que l’inactivation génétique du transporteur de dopamine annulait son effet de stimulation de l’éveil. L’ensemble de ces éléments conduisent à penser que son effet éveillant est sous-tendu par l’inhibition du transporteur de la dopamine. Dans une moindre mesure, il se lierait au transporteur de la noradrénaline et inhiberait sa recapture. La dexamphétamine La dexamphétamine est une substance sympathomimétique agissant sur les récepteurs adrénergiques. Elle a un effet stimulant sur

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le système nerveux central (particulièrement sur le cortex cérébral et les centres respiratoires et vaso­moteurs) grâce à son activité alpha et bêtaadrénergique. Ce traitement fait l’objet d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative dans certaines formes de narcolepsie avec ou sans cataplexie ou d’hypersomnie diurne. Le pitolisant En dehors des systèmes dopaminergiques et noradrénergiques, d’autres systèmes de neurotransmission représentent des cibles théra peutiques. Le pitolisant, par exemple, est un traitement anti-H3, c’est-à-dire agissant comme un agoniste inverse/antagoniste du récepteur histaminergique H3. En améliorant la transmission histaminergique au niveau cérébral, ce traitement améliore la vigilance, l’apprentissage et la mémoire. Le pitolisant dispose d’une AMM dans la prise en charge de la narcolepsie, avec ou sans cataplexie. Le piracétam Le piracétam est un modulateur allostérique positif du récepteur de l’acide propionique α-amino-3hy-droxy-5-méthyl-5-méthyl-4-isoxazole-récepteurs (AMPA), pouvant augmenter l’excitabilité neuronale. D’autres effets ont été montrés au plan expérimental : • une modulation indirecte de plusieurs systèmes de neurotransmission, • une neuroprotection, • des effets anticonvulsivants et une influence positive sur la plasticité neuronale, • une amélioration du métabolisme du glucose et de l’oxygène dans le cerveau hypoxique. Alors que son effet thérapeutique, hormis quelques situations cliniques très particulières, est largement controversé, certains forums d’usagers de psychostimulants discutent sa prise conjointe avec de la métamphetamine, à la fois pour augmenter les effets psychoactifs, mais également pour limiter le risque d’effets indésirables. Cette consommation conjointe pourrait ne pas être une coïncidence et s’expliquer par des propriétés particulières intensifiant les effets psychostimulants des substances mésusées et augmentant ainsi le risque de dépendance à la métamphéta-

mine ou à la méthylène-dioxy-metamphétamine (MDMA).

Psychostimulants illicites D’autres substances psychoactives, cette fois illicites, ont une action sur le système dopaminergique et noradrénergique, telles que la cocaïne et les amphétamines. Les vertus psychostimulantes de ces substances ont été décrites tout au long de l’Histoire. En effet, comme cela a été mentionné dans l’introduction, l’usage de feuilles de coca par le peuple amérindien est décrit depuis plus de 5 000  ans. Par la suite, les vertus de l’alcaloïde cocaïne, extrait des feuilles de coca en 1855, ont été saluées par Freud vers 1885, qui vantait là un produit permettant de lutter contre la fatigue et la dépression. Ces mérites allégués ont égale­ ment été repris dans les romans de sir Arthur Conan Doyle, à travers le personnage de Sherlock Holmes : « Peut-être cette drogue a-t-elle un effet néfaste sur mon corps. Mais je la trouve si stimulante pour la clarification de mon esprit, que les effets secondaires me paraissent d’une importance négligeable. » L’histoire des amphétamines, quant à elle, est plus récente, avec une première synthèse de phényl-iso-propylamine réalisée en 1887. Cette molécule a ensuite été utilisée pendant la Première Guerre mondiale comme «  sérum de vérité  », et pendant la Seconde Guerre mondiale afin d’améliorer les performances et l’endurance des soldats. La méthamphétamine était utilisée par l’armée du Reich, sous le nom de pervitine, notamment au moment de la blitzkrieg. En France, les amphétamines ont progressivement été déclarées illégales, avec un usage actuel illicite. Il existe plusieurs molécules  : l’amphétamine, la méthamphétamine, la MDMA. Outre-Atlantique, des traitements dérivés des amphétamines, tels que la dextroamphétamine, sont utilisées dans le traitement du TDAH, de la narcolepsie ou de l’hypersomnie. Des dérivés amphétaminiques (fenfluramine, dexfenfluramine et benfluorex) ont été utilisés comme anorexigènes, au prix d’effets indésirables graves (hypertension artérielle



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pulmonaire, valvulopathie). D’autres produits (aminorex, pémoline, fenozone, etc.) ont été utilisés pour leurs propriétés psychostimulantes dans des cadres mal définis comme l’asthénie psychique, voire testés dans le TDAH, mais ont été retirés du marché en raison d’une balance bénéfice/risque défavorable. Les amphétamines sont des inhibiteurs compétitifs de la dopamine et de la noradrénaline sur le transporteur vésiculaire VMAT2. Après avoir déplacé la dopamine et la noradrénaline dans le compartiment cytosolique, les amphétamines activent la libération des monoamines nouvellement synthétisées en inversant le sens de fonctionnement du système de recapture. La cocaïne se lie quant à elle au système de recapture de la dopamine, qu’elle inhibe. Le méthylphénidate inhibe les systèmes de recapture des monoamines par une interaction au niveau de la surface externe du neurone, mais il ne représente pas un substrat pour le transport. Il se lie donc à un site distinct du site de fixation de la dopamine, contrairement à la cocaïne. Les différences dans les puissances et modalités d’interaction avec les systèmes de recapture conduisent à des niveaux de concentration synaptique de dopamine plus ou moins élevés, qui expliquent des effets pharmacodynamiques plus intenses avec les amphétamines ou la cocaïne qu’avec le méthylphénidate. Les cathinones, ou β-keto-amphétamines, sont des alcaloïdes sympathicomimétiques issus du khat, possédant des caractéristiques proches de celles des amphétamines. Au sein de cette classe, on peut citer, entre autres, la méphédrone, le méthylène-dioxypyrovalérone (MDPV), le méthylone, la 4-méthylethcathinone (4-MEC), l’αPVP. Les cathinones de synthèse sont apparus sur le marché des substances illicites au début des années 2000 et constituent aujourd’hui l’une des familles de stupéfiants les plus consommées en Europe et en Amérique du Nord. Leurs modalités de consommation évoluent également, notamment dans le cadre du chemsex. Entre 2007 et 2009 environ a émergé une nouvelle modalité d’usage de substances, le slam, qui consiste à

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injecter ces produits dans le cadre de relations sexuelles en vue d’en démultiplier les plaisirs et l’endurance. À retenir • Le méthylphénidate est un inhibiteur de recapture de la dopamine et de la noradrénaline possédant également des propriétés sérotoninergiques avec un agonisme 5-HT1A et 5-HT2B. • Le modafinil agit principalement par une inhibition de recapture de la dopamine et dans une moindre mesure de la noradrénaline. • La cocaïne, comme le méthylphénidate, est un inhibiteur de recapture de la dopamine et de la noradrénaline, mais à sa différence, elle se lie directement aux transporteurs monoaminergiques. • Les amphétamines inhibent le transporteur vésiculaire, augmentant la présence de monoamines dans le cytosol et favorisant leur libération massive dans la fente synaptique par inversion du sens de fonctionnement des systèmes de recapture.

Des médicaments à la pharmacodynamie clinique Effets psychostimulants Sur le plan clinique, des études conduites chez le volontaire sain ont montré que l’augmentation de la dopamine synaptique, visible en imagerie métabolique, provoque un état d’euphorie, une agitation psychomotrice, une désinhibition comportementale facilitant les interactions individuelles, voire des hallucinations. Les effets stimulants concernent également les fonctions cognitives. Le méthylphénidate stimule différentes fonctions cognitives telles que le contrôle inhibiteur, la mémoire épisodique, la mémoire de travail et l’attention soutenue. Une métaanalyse récente conduite à partir d’études évaluant le méthylphénidate et les amphétamines chez le volontaire sain concluait que ces stimulants avaient un effet d’amplitude faible sur le contrôle inhibiteur et la mémoire épisodique à court terme et un effet d’amplitude moyenne sur la mémoire épisodique retardée. Chez les sujets

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TDAH, le méthylphénidate a une action sur les fonctions cognitives majoritairement altérées dans cette pathologie comme le contrôle inhibiteur, l’attention et la mémoire de travail. Dans la narcolepsie, l’effet psychostimulant recherché est l’éveil, la plupart des sujets malades nécessitant un traitement médicamenteux. Pour une somnolence diurne légère à modérée, le modafinil est souvent préféré, puisqu’il possède une balance bénéfice/ risque plus favorable.

Prise alimentaire L’effet anorexigène des amphétamines et de leurs dérivés est bien connu et a conduit à des détournements d’utilisation, avec des conséquences importantes en termes de risque médicamenteux (hypertension artérielle pulmonaire, valvulopathies). Le méthylphénidate est un médicament qui joue également un rôle important dans la régulation de l’appétit et la perte de poids. Son effet anorexigène serait médié par son action sur l’insula, région impliquée dans le contrôle de l’appétit à travers la sensation de dégoût. Après plusieurs mois de prise, son effet sur la réduction du poids ne serait plus manifeste cliniquement. Plusieurs hypothèses ont été émises dans le but d’expliquer l’effet anorexigène du méthylphénidate sur le plan neuro-endocrinologique, mais son effet perturbateur des taux de ghréline, de leptine et d’adiponectine nécessite plus d’investigations. Par ailleurs, plusieurs cas cliniques ont montré un intérêt d’un traitement psychostimulant par méthylphénidate dans la prise en charge de troubles des conduites alimentaires de type boulimie ou binge eating chez des sujets TDAH. Cependant, ces résultats nécessitent d’être répliqués dans des études contrôlées randomisées avant que les psychostimulants puissent être validés dans cette indication.

Effets cardiaques et vasculaires La plupart des psychostimulants ont des propriétés sympathomimétiques à l’origine d’une augmentation de la fréquence cardiaque pouvant conduire à une arythmie. Ils augmentent la ­pression artérielle systémique, mais aussi de la circulation pulmonaire. Ces effets pharmacodynamiques

expliquent que les dérivés amphétaminiques aient été responsables de valvulopathies et d’hypertension artérielle pulmonaire. La prise de cocaïne peut également être à l’origine d’accidents vasculaires aigus, cardiaques ou cérébraux.

Relation pharmacocinétique/ pharmacodynamie Le profil pharmacocinétique des substances psychostimulantes influence celle des modifications de neurotransmission, changeant l’intensité de l’effet pharmacodynamique et influençant le mode de consommation. Plus rapidement la substance arrive au niveau cérébral, plus grand est le risque de mésusage, de détournement ou d’utilisation illicite. Par exemple, après inhalation ou injection intraveineuse de cocaïne, les concentrations plasmatiques augmentent encore plus rapidement qu’après une prise intranasale, expliquant les change­ ments dans les pratiques de consommation avec potentiel d’abus majoré. C’est sur cette relation que s’appuient les nouvelles substances illicites développées afin de provoquer un effet recherché de plus en plus intense, au prix d’un risque accru, notamment psychiatrique, neurotoxique et vasculaire. En ce qui concerne le méthylphénidate, les formes à libération prolongée permettent de limiter le mésusage observé avec les formes à libération immédiate en raison de leur effet pic. En effet le méthylphénidate est un traitement qui existe sous deux formes : libération immédiate et libération prolongée. Si la concentration maximale est obtenue aussi rapidement dans les deux formes, l’existence d’une deuxième phase d’absorption plus lente et une élimination plus progressive atténue l’effet « pic ». Le modafinil, quant à lui, n’existe que sous une seule forme, administrée de préférence en une prise le matin ou en deux prises matin et midi.

Variabilité des psychostimulants La réponse aux psychostimulants est variable en fonction des caractéristiques du sujet et du contexte pathologique. Les facteurs liés au sujet sont généralement l’âge (en particulier les âges



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extrêmes de la vie), le genre, les traits de personnalité, les facteurs ethniques et socio-culturels, les facteurs génétiques. Chez les enfants, un polymorphisme génétique du récepteur dopaminergique D4 et du transporteur de la dopamine DAT1 ont été mis en lien avec la variabilité de la réponse au traitement par méthylphénidate, mais cette dernière association reste débattue. Ces données ne sont pas exhaustives et plusieurs autres gènes ont été associés à la réponse au méthylphénidate chez les enfants. De même, une revue systématique de la littérature conduite dans une population pédiatrique traitée par méthylphénidate retrouvait une association entre polymorphisme génétique et certains effets indésirables médicamenteux (réduction de l’appétit, irritabilité, tics, etc.). Chez l’adulte, une association a été retrouvée entre le polymorphisme du gène DAT1 et la réponse au traitement par méthylphénidate. Cependant, peu d’études sont actuellement disponibles et ce champ de recherche nécessite de plus amples investigations. Concernant le modafinil, un polymorphisme nucléotidique du gène codant pour la catéchol-O-méthyltransférase (COMT), enzyme du métabolisme de la dopamine, et de la DAT ont été impliqués dans la réponse au traitement. Les effets du café semblent également être génétiquement médiés, avec un rôle du polymorphisme de la DAT et du récepteur adénosinergique 2a.

À retenir • Les effets pharmacodynamiques des psychostimulants sont psycho-comportementaux (euphorie, agitation, désinhibition) ou cognitifs (mémoire, attention). • La plupart des psychostimulants ont des propriétés anorexigènes et certains ont des effets cardiaques ou vasculaires délétères. • Le potentiel d’abus est lié à la vitesse d’augmentation et de diminution des concentrations synaptiques en dopamine. • Le profil pharmacocinétique des psychostimulants participe à leur potentiel addictogène et des formes de méthylphénidate à libération prolongée peuvent être préférées dans certaines indications. • La variabilité de réponse aux psychostimulants médicamenteux peut avoir une composante génétique.

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Indications des traitements médicamenteux TDAH En France, le méthylphénidate est indiqué dans le TDAH de l’enfant de plus de 6 ans lorsque les mesures correctives psychologiques, éducatives, sociales et familiales seules s’avèrent insuffisantes. Son initiation chez l’adulte est hors AMM.

Narcolepsie et hypersomnie Le modafinil est indiqué dans le traitement de la somnolence diurne excessive associée à une narcolepsie avec ou sans cataplexie. La forme à libération immédiate méthylphénidate 10 mg est également indiquée dans la narcolepsie avec ou sans cataplexie en cas d’inefficacité du modafinil chez l’adulte et l’enfant de plus de 6 ans. À retenir • Le méthylphénidate est le traitement médicamenteux de première intention dans le TDAH de l’enfant. • L’initiation de méthylphénidate dans le TDAH de l’adulte reste encore hors AMM en France. • Le modafinil est le traitement de première intention dans l’hypersomnie idiopathique.

Risque médicamenteux Les effets indésirables Les effets indésirables des traitements psychostimulants vont être sous-tendus par leurs propriétés dopaminergiques et noradrénergiques justifiant une surveillance particulière des effets potentiels neuropsychiatriques (agressivité, anxiété, labilité émotionnelle, dépression, idées suicidaires, survenue ou aggravation de troubles psychotiques, survenue d’un épisode mixte ou maniaque chez des patients avec un trouble bipolaire, anorexie, survenue ou aggravation de tics moteurs ou verbaux), cardiovasculaires (arythmie, palpitations, tachycardie,

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hypertension artérielle) et cérébro-vasculaires. Compte-tenu des propriétés de modulation dopaminergique de la plupart des psychostimulants, il existe également un risque de mésusage. En effet, la dopamine a un rôle dans la régulation du renforcement et de la récompense, par l’intermédiaire de la voie mésolimbique qui projette de l’aire tegmentale ventrale jusqu’au noyau accumbens. Le méthylphénidate et la dexamphétamine sont anorexigènes et peuvent avoir un retentissement sur le développement staturo-pondéral. De manière générale, les effets indésirables le plus fréquemment rencontrés avec le méthylphénidate (≥ 1/10) restent une nervosité, une insomnie et des céphalées, des vertiges, troubles gastro-intestinaux et réaction cutanée pouvant également être décrits. Concernant le modafinil, des cas graves d’éruption cutanée nécessitant une hospitalisation et l’interruption du traitement ont été rapportés. Dans ce cas, le traitement ne doit pas être réintroduit.

Les interactions médicamenteuses Le méthylphénidate Sur le plan cardiovasculaire, le méthylphénidate peut diminuer l’efficacité des traitements antihypertenseurs et doit être utilisé avec prudence lors de l’association avec un traitement pouvant augmenter la pression artérielle. Il est par ailleurs contre-indiqué chez les patients traités par des inhibiteurs irréversibles et non sélectifs de la MAO et en cas d’utilisation d’anesthésiques halogénés. Des cas de mort subite ont été rapportés lors de l’utilisation concomitante de clonidine. L’administration de méthylphénidate en association avec des médicaments dopaminergiques, y compris les antipsychotiques, demande une certaine prudence. En effet, comme le méthylphénidate agit principalement en augmentant les concentrations extracellulaires de dopamine, il peut provoquer des interactions pharmacodynamiques lorsqu’il est administré avec des agonistes directs ou indirects de la dopamine (y compris la L-Dopa et les antidépresseurs

tricycliques) ou avec des antagonistes de la dopamine (y compris les antipsychotiques). Le méthylphénidate n’est pas métabolisé par le cytochrome P450 de manière cliniquement significative. Des cas d’inhibition possible du métabolisme des anticoagulants coumariniques, des antiépileptiques (phénobarbital, phénytoïne, primidone, par exemple) et de certains antidépresseurs (antidépresseurs tricycliques et IRS) ont toutefois été rapportés. Le modafinil Le modafinil peut induire l’activité du CYP3A4/5 et inhiber celle du CYP2C19 à l’origine d’une modification de la réponse aux traitements empruntant ces voies métaboliques (phénitoine, contraceptifs stéroïdiens, diazépam, propranolol, oméprazole, ciclosporine, inhibiteurs de la protéase du VIH, buspirone, triazolam, midazolam, etc...). De plus, des études in vitro ont montré une induction des CYP1A2, CYP2B6 et CYP3A4/5 dans des hépatocytes humains qui, si elle se produit in vivo, pourrait diminuer les concentrations sanguines des médicaments métabolisés par ces enzymes. À retenir • Les principaux effets indésirables des psychostimulants, inhérents à leurs propriétés dopaminergiques et noradrénergiques, sont les risques neuropsychiatriques, cardiovasculaires, cérébro-vasculaires, de mésusage et un retard staturo-pondéral chez l’enfant. • L’usage du méthylphénidate avec d’autres traitements modulateurs du système dopaminergique doit être réalisé avec prudence. • Le modafinil peut avoir une action d’inhibition ou d’induction de certains cytochromes invitant à la prudence lors de l’association à des molécules dépendantes de ces mêmes cytochromes.

Bon usage des psychostimulants Compte-tenu du profil pharmacodynamique des médicaments psychostimulants, la prescription d’un tel traitement doit suivre des règles précises. Le



Chapitre 14. Pharmacologie des psychostimulants

bilan préthérapeutique et la surveillance comprennent les éléments suivants : 1. un dépistage des pathologies psychiatriques en cours ou passées et des antécédents familiaux et l’évaluation de l’apparition de nouveaux symptômes, 2. une évaluation de l’état cardiovasculaire (fréquence cardiaque, tension artérielle, électrocardiogramme) et des antécédents du patient à la recherche d’une cardiopathie, d’anomalies vasculaires ou de troubles cérébro-vasculaires, y compris des antécédents familiaux de mort subite cardiaque ou inexpliquée ou d’arythmie maligne, 3. la mesure du poids et de la taille du patient noté sur une courbe de croissance avant le début du traitement (pour le méthylphénidate chez l’enfant) 4. une évaluation du sommeil, heure de coucher, de lever, sommeil agité ou calme, réveils nocturnes, qualité du réveil… La prescription initiale et les renouvellements annuels du méthylphénidate sont réglementairement réservés aux spécialistes et/ou services hospitaliers spécialisés en neurologie, psychiatrie, pédiatrie ou aux médecins exerçant en centre du sommeil  ; ceux du modafinil sont quant à eux réservés aux spécialistes et/ou services hospitaliers spécialisés en neurologie et aux médecins exerçant en centre du sommeil. Les psychostimulants sont soumis à une réglementation particulière (stupéfiant pour le méthylphénidate et médicament d’exception pour le modafinil) et doivent être prescrits sur une ordonnance sécurisée pour une durée maximale de 28  jours non renouvelable. Une nouvelle prescription peut être rédigée tous les 28 jours par le médecin traitant (ou un autre médecin généraliste), mais la prescription doit être revue, et adaptée si besoin, au minimum une fois par an par le spécialiste. La réalisation d’une fenêtre thérapeutique peut être nécessaire chez l’enfant pour réévaluer la balance bénéfice/risque. En ce qui concerne le méthylphénidate, il est recommandé de débuter avec la dose la plus faible possible et d’adapter progressivement la posologie en fonction de chaque enfant. L’efficacité dans le TDAH a été démontrée dès 0,3  mg/kg. La posologie quotidienne maximale recommandée est de 60  mg/jour.

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Généralement, il est préférable d’éviter l’administration l’après-midi ou le soir en raison du risque d’insomnie. À retenir • La prescription des psychostimulants médicamenteux suit une réglementation sécurisée. • La surveillance des effets indésirables cérébro-vasculaires, cardiovasculaires, neuropsychiatriques, staturo-pondéraux et du risque de mésusage doit être constante tout au long du traitement. • Un arrêt régulier du traitement permet une réévaluation de la balance bénéfice/risque de sa poursuite.

Perspectives L’initiation d’un traitement par méthylphénidate dans le TDAH de l’adulte est encore hors AMM en France, malgré des données en faveur de son efficacité. L’obtention d’une AMM dans cette indication pourrait permettre de faciliter l’accès aux soins dans cette pathologie souvent méconnue chez l’adulte, insuffisamment diagnostiquée et traitée malgré un impact fonctionnel important. D’autres molécules disponibles en France comme le bupropion et le modafinil ont fait l’objet d’investigations pour le traitement du TDAH, mais offrent pour le moment des résultats contrastés. L’effet pro-attentionnel de la théanine et de la caféine est également en cours d’étude dans le TDAH de l’enfant et de l’adulte. Il est enfin à noter que d’autres traitements, non psychostimulants, sont utilisés dans le TDAH, tels que la guanfacine, la clonidine (tous deux agonistes des récepteurs alpha2 adrénergiques) et l’atomoxétine (inhibiteur sélectif de la recapture de la noradrénaline). L’intérêt du méthylphénidate comme traitement substitutif d’une dépendance à la cocaïne a été évalué en raison de la proximité des mécanismes pharmacodynamiques des deux substances. Bien que les études menées jusqu’à présent ne justifient pas l’utilisation du méthylphénidate dans cette indication, d’autres études devraient être menées, avec de plus grands échantillons, une durée plus longue et des doses plus élevées de traitement. L’usage du modafinil dans la dépendance à la

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cocaïne et dans le trouble d’usage d’alcool est également en cours d’évaluation. Un effet pro-cognitif du méthylphénidate et du modafinil est en outre en cours d’étude dans plusieurs pathologies telles que l’épilepsie, les démences, les cancers. Le méthylphénidate étant parfois utilisé hors AMM afin de lutter contre la fatigue de patients avec une sclérose en plaques, son intérêt est aussi en cours d’investigation dans l’amélioration de l’équilibre et de la marche dans cette pathologie. L’effet de la MDMA a également été évalué dans le trouble stress post-traumatique sur de petits échantillons. Si les premiers résultats semblent montrer un effet bénéfique, ces derniers demandent à être répliqués. Enfin, d’autres pistes de recherche s’ouvrent autour du développement de molécules capables d’antagoniser le système GABA, et par là-même de stimuler l’éveil. Des résultats préliminaires ont ainsi montré un bénéfice du flumazénil, l’antidote des benzodiazépines, et de la clarithromycine, un antibiotique modulant la transmission GABAergique, chez un petit échantillon de patients hypersomniaques.

En conclusion Les médicaments psychostimulants restent une classe pharmacologique sujette à controverse, à la fois de par leur proximité structurelle avec les

amphétamines et les effets indésirables qui leur sont propres, mais également compte tenu de leur efficacité parfois discutée. Il n’empêche qu’il s’agit de traitements pharmacologiques de premier recours dans des pathologies ayant des répercussions fonctionnelles importantes et insuffisamment prises en charge, telles que le TDAH ou la narcolepsie. Il convient alors pour chaque patient de faire une évaluation rigoureuse de la balance bénéfice/ risque afin d’assurer une prise en charge efficiente et sécurisée, tout en évitant l’écueil d’une surprescription dans un contexte de dopage cognitif ou d’usage récréatif. Pour en savoir plus Asherson P, Buitelaar J, Faraone SV, Rohde LA. «  Adult attention-deficit hyperactivity disorder: key conceptual issues  ». Lancet Psychiatry 2016;3:568–78. Carton L, Cabé N, Ménard O, Deheul S, Caous A-S, Devos D, et al. « Pharmaceutical cognitive doping in students: A chimeric way to get-a-head? ». Therapie 2018. Evangelista E, Lopez R, Dauvilliers Y. « Update on treatment for idiopathic hypersomnia ». Expert Opinion on Investigational Drugs 2018;27:187–92. Ilieva IP, Hook CJ, Farah MJ. « Prescription Stimulants’ Effects on Healthy Inhibitory Control, Working Memory, and Episodic Memory: A Meta-analysis  ». Journal of Cognitive Neuroscience 2015;27:1069– 89. Wisor JP. «  Dopamine and Wakefulness: Pharmacology, Genetics, and Circuitry ». Handbook of Experimental Pharmacology 2018.