Journal de Chirurgie (2009) 146S, S8—S11
APPENDICITE AIGUË
Place de l’imagerie dans le diagnostic d’appendicite aiguë Ultrasound and CT imaging in the diagnosis of acute appendicitis F. Bretagnol a,∗, M. Zappa b, Y. Panis a a
Service de chirurgie colorectale, pôle des maladies de l’appareil digestif (PMAD), hôpital Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy, France b Service de radiologie, pôle des maladies de l’appareil digestif (PMAD), hôpital Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy, France
MOTS CLÉS Appendicite aiguë ; Imagerie diagnostique ; Échographie abdominale ; TDM abdominal
KEYWORDS Acute Appendicitis; Diagnostic imaging; Abdominal ultrasound; Abdominal CT
Résumé L’appendicite aiguë reste un diagnostic clinique dans la majorité des cas. Dans les cas litigieux, l’échographie doit être réalisée en première intention car c’est un examen simple et performant. En cas de persistance du doute diagnostique ou de limite morphologique à l’échographie, la TDM abdominopelvienne est recommandée avec des résultats excellents en termes de sensibilité et spécificité. À côté de cette réponse factuelle, il faut rester pragmatique et surtout admettre que seul le radiologue est habilité à choisir entre échographie et TDM selon son expérience et ses habitudes. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary The diagnosis of acute appendicitis is still made on the basis of clinical findings in the majority of cases. When the clinical picture is unclear, ultrasound examination is a simple and effective tool to confirm the diagnosis. When ultrasound is unsatisfactory due to patient habitus or otherwise fails to clarify clinical uncertainty, abdominopelvic CT scan yields excellent results in terms of both sensitivity and specificity. While recognizing these evidencebased results, the surgeon must remain pragmatic and realize that the quality of each exam depends on the quality of the examination and the experience of the radiologist. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction L’appendicite reste l’urgence abdominale chirurgicale la plus fréquente en France. Pourtant, le diagnostic n’est confirmé que chez environ 50 % des patients qui se présentent aux urgences avec une telle suspicion [1]. Par ailleurs, un appendice sain est retrouvé dans
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Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (F. Bretagnol).
0021-7697/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jchir.2009.08.002
Place de l’imagerie dans le diagnostic d’appendicite aiguë
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25 % des appendicectomies réalisées pour appendicite aiguë. Or, la morbidité chirurgicale de ce geste existe, même si elle rare, à type de complications infectieuses (abcès de paroi [4 %], fistule digestive [1 %] et de risque d’occlusion intestinale sur bride à moyen et long terme [3%]) [2]. L’utilisation de scores cliniques et biologiques (voir article de Cécile Brigand), parmi lesquels le score de Flamant [3], prédictifs d’appendicite aiguë devant une douleur de la fosse iliaque droite sont, d’une part, peu utilisés en pratique clinique du fait de leur complexité et, d’autre part, exposent aussi à des faux négatifs (5 %). Ainsi, les limites de l’évaluation clinique préopératoire ont amené à développer l’imagerie dans le diagnostic de l’appendicite aiguë [4,5].
Quelle imagerie ? Abdomen sans préparation Il est de peu d’utilité avec une spécificité et une sensibilité quasi nulle. Il peut montrer dans 1 à 2 % des cas, un stercolithe appendiculaire. En pratique courante, la réalisation d’une radiographie normale (abdomen sans préparation [ASP]) n’est plus justifiée dans l’exploration d’une suspicion d’appendicite aiguë [6].
Échographie abdominale Technique et sémiologie L’échographie est un examen non invasif de réalisation simple et rapide. Il nécessite l’utilisation d’une sonde de haute fréquence (5—9 MHz) et peut être complété, chez la femme, par une échographie endovaginale. Pour un opérateur entraîné, l’appendice normal n’est visualisé que dans 50 à 75 % des cas et a les caractéristiques échographiques suivantes : • c’est une structure digestive avec une couche interne hypoéchogène (muqueuse) ; • une couche intermédiaire hyperéchogène (sousmuqueuse) ; • une couche externe hypoéchogène (musculeuse) ; • il naît du bas fond cæcal ; • c’est un segment borgne et sans péristaltisme. L’appendice pathologique est plus facilement identifiable avec des critères qui sont : • appendice non compressible, de plus de 6—8 mm de diamètre avec une épaisseur pariétale de plus de 3 mm ; • une douleur provoquée par les manœuvres de compression ; • il peut s’y associer un épanchement intraabdominal et un stercolithe appendiculaire (image hyperéchogène avec cône d’ombre postérieur) (Fig. 1). Pourtant, cet examen présente plusieurs limites qui sont : • la nécessité d’un opérateur entraîné ; • la morphologie du patient (obésité) ; • la distension aérique liée à l’iléus qui gêne la visualisation des structures digestives.
Résultats La littérature est très riche avec des résultats variables d’une étude à l’autre, un certain nombre de facteurs expliquant ces discordances : type de sonde utilisé, expérience de l’opérateur, critères échographiques. . . Cependant, dans la plupart des études, il est clairement démontré que l’échographie a permis d’augmenter la fiabilité diagnostique
Figure 1. Appendicite aiguë vue en échographie. L’appendice est vu en coupe longitudinale. La paroi est épaissie, mesurée à 4 mm. A. Stercolithe appendiculaire : structure arrondie hyperéchogène avec cône d’ombre.
des scores clinicobiologiques. Ainsi, lorsqu’il existait une forte probabilité d’appendicite aiguë, l’échographie a permis d’éviter une appendicectomie inutile chez 35 % des patients, 25 % d’entre eux étant des hommes jeunes [7]. Dans l’étude de Galindo-Gallego et al., l’échographie a permis d’augmenter la sensibilité et la spécificité du score clinicobiologique respectivement de 60—82 % et de 73—96 % [8]. De plus, dans une étude randomisée [7], la réalisation de l’échographie couplée au score d’Alvarado a permis de réduire significativement le délai avant l’intervention et de réduire le pourcentage d’appendicectomies inutiles [9]. Une métaanalyse récente incluant 31 études et 4341 patients rapportait, pour l’échographie, une sensibilité de 83 % et une spécificité de 93 % [10]. Mais la pratique quotidienne est moins séduisante puisqu’une étude canadienne montrait que près de 75 % des chirurgiens ne recouraient plus à cet examen [7]. Pourtant, l’échographie a montré son intérêt, chez la femme, dans la recherche des diagnostics différentiels gynécologiques.
Examen tomodensitométrique abdominopelvien (TDM) Technique et sémiologie La plupart des protocoles de TDM utilisent une acquisition hélicoïdale avec une épaisseur de coupe inférieure ou égale
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F. Bretagnol et al. maladie de Crohn, la diverticulite sigmoïdienne ou du côlon droit.
Résultats Dans une métaanalyse [10], les auteurs concluaient à une sensibilité et une spécificité de 94 %. De plus, une étude américaine a montré que la réalisation systématique d’une TDM devant toute suspicion d’appendicite permettait d’éviter une chirurgie dans 13 % des cas et une hospitalisation pour surveillance inutile dans 39 % des cas [11]. Pourtant, et à l’inverse, Flum et al. montraient que le taux d’appendices sains opérés demeurait stable (15 %) avant et après l’utilisation de la TDM [12]. Dans cette étude, le taux de faux positifs variait de 10 à 20 %. Les auteurs expliquaient ces discordances en opposant les études universitaires sophistiquées ciblées sur un mode d’exploration qui sélectionnent les patients à des hôpitaux généraux moins pourvus en imagerie mais qui traitent la majorité des appendicites.
Données factuelles : échographie ou TDM ? Ainsi, à la réponse échographie ou TDM, la comparaison chiffrée dans la littérature plaide en faveur de la TDM. En effet, la recherche bibliographique a permis de retrouver 13 études comparatives de 1995 à 2008 et trois métaanalyses [10,13,14] : dix études et les trois métaanalyses concluent à la supériorité de la TDM dans le diagnostic d’appendicite aiguë. Ainsi, dans une métaanalyse récente, les auteurs concluaient à la supériorité de la TDM en termes de sensibilité avec des résultats similaires en terme de spécificité [10]. Un essai randomisé a montré qu’à spécificité similaire, la TDM était significativement plus sensible que l’échographie (97 % vs 76 %, p = 0,018) [15]. Ainsi, la TDM permettait non seulement de réduire le taux d’appendicectomie inutile à 6 % mais aussi de diminuer significativement le nombre d’appendicectomies inutiles de 25 à 11 % (p = 0,03). Par ailleurs, cet examen était plus performant pour mettre en évidence d’autres lésions en cas d’appendice normal ou en cas de résultat contradictoire entre l’échographie et la TDM. Par ailleurs, plusieurs études récentes ont mis en garde contre l’utilisation systématique de la TDM en termes d’irradiation, notamment chez les femmes jeunes et les enfants [16]. Figure 2. Appendicite aiguë vue à l’examen tomodensitométrique abdominal (TDM) avec stercolithe appendiculaire (A), appendicite aiguë simple (B), abcès appendiculaire avec stercolithe (C).
à 5 mm afin d’améliorer la détection d’un appendice pathologique. L’injection intraveineuse de produit de contraste iodé n’est pas systématique et dépend des équipes ; certains utilisent également l’opacification orale ou rectale. Le diagnostic est fait sur un appendice mesurant 6 mm de diamètre avec un épaississement pariétal de 3 mm. Les signes d’inflammation périappendiculaire sont généralement plus faciles à identifier qu’en échographie, sous la forme d’une densification de la graisse, voire d’un abcès (Fig. 2). Le scanner est particulièrement performant pour les diagnostics différentiels tel que l’iléite terminale de la
En pratique À côté de cette réponse factuelle, il faut rester pragmatique et surtout admettre que seul le radiologue est habilité à choisir entre échographie et TDM pour le diagnostic d’appendicite aiguë, en fonction de son expérience et de ses habitudes. L’examen clinique suffit, le plus souvent, au diagnostic d’appendicite. Dans les cas difficiles, l’échographie devrait être réalisée en première intention du fait, d’une part, de son caractère non invasif et de l’absence d’irradiation et, d’autre part, de ses résultats en termes de performance. Mais en cas de doute diagnostique ou de limite morphologique à l’échographie (obésité, iléus réflexe), il ne faut pas hésiter à avoir recours à la TDM qui est très performante.
Place de l’imagerie dans le diagnostic d’appendicite aiguë
POINTS ESSENTIELS 1. L’appendicite aiguë est un diagnostic le plus souvent clinique. L’imagerie permet de confirmer ou d’infirmer le diagnostic dans les formes cliniques douteuses. 2. L’échographie est un examen non invasif, avec une spécificité de 90 % d’où son intérêt dans le diagnostic différentiel surtout avec une origine gynécologique. 3. Les limites de l’échographie sont morphologiques (obésité et iléus réflexe) et son caractère opérateur-dépendant. 4. Le scanner abdominopelvien est très performant avec une sensibilité et spécificité proches de 95 %. 5. Le scanner abdominopelvien n’est pas dénué de risques en termes d’irradiation, particulièrement chez le sujet jeune. 6. Les données de la littérature comparant l’échographie et le scanner concluent à la supériorité du scanner en termes de performance diagnostique. 7. En pratique, l’échographie doit être réalisée en première intention du fait, d’une part, de son caractère non invasif et, d’autre part, de ses résultats en termes de performance. Mais en cas de doute diagnostique ou de limite morphologique à l’échographie, le scanner doit être demandé.
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