Neurologie Gériatrie
Psychiatrie
Conduite thérapeutique
Place des agonistes dopaminergiques dans le traitement de la maladie de Parkinson Ph. Gérard Neurologue. CHG, 80100 Abbeville ; Service de Neurologie, CHU, 80000 Amiens. Correspondance : Ph. Gérard, adresse ci-dessus. E-mail :
[email protected]
Résumé
Summary
Seuls les agonistes dopaminergiques utilisés à forte posologie ont démontré qu’ils permettaient de retarder de façon prolongée l’apparition des dyskinésies. Leur mauvaise tolérance, particulièrement la somnolence, peut être gérée en recherchant la posologie maximum tolérée ou en réalisant un switch pour un autre agoniste dopaminergique. L’utilisation de molécules éveillantes comme l’amantadine est également très utile. Le risque de développer de tels effets secondaires ne peut prévaloir sur la certitude de développer plus tôt les complications motrices liées à la L-Dopa. Les agonistes dopaminergiques restent une alternative incontournable pour les patients parkinsoniens non déments de moins de 70 ans et ayant une espérance de vie correcte et n’ayant pas de signes axiaux non dopasensibles. Le choix d’un dérivé non ergoté évite l’écueil du risque de fibrose lors des traitements au long cours à forte posologie. Ils sont également utiles en terme de confort à faible posologie pour tous les patients non déments.
Role of dopaminergic agonists in the treatment of Parkinson’s disease Dopaminergic agonists used at high doses are the only drugs with proven efficacy for prolonged prevention of the onset of dyskinesia. Poor tolerance, particularly somnolence can be controlled by titrating to the highest tolerated dose or by switching between dopaminergic agonists. Use of drugs with a stimulating effect such as amantadine can also be helpful. The risk of developing such adverse effects must not override the certitude of subsequent motor complications related to the use of L-dopa. Dopaminergic agonists remain an indispensable alternative for non-demented Parkinson's disease patients aged under 70 with a significant life expectancy and free of dopa-insensitive axial signs. The use of a non-ergot derivative avoids the problem of potential fibrosis after longterm use of high doses. It is also useful for patient comfort when low doses are used for non-demented patients.
Mots-clés
Key words
Agoniste dopaminergique, signes axiaux non dopasensibles, maladie de Parkinson, somnolence, dyskinésie.
Dopaminergic agonist, dopa-insensitive axial sign, Parkinson's disease, somnolence, dyskinesia.
Gérard Ph. NPG 2007; 7 (37): 34-36.
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Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie / Année 7 / Février 2007. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Ph. Gerard
Traitement de la maladie de Parkinson : place des agonistes dopaminergiques
Les limites de la L-Dopa
rol (8). Les patients avaient 63 ± 9 ans à l’inclusion. Si les symptômes n’étaient pas contrôlés de façon adéquate par le traite-
Le traitement de la maladie de Parkinson reste la L-Dopa. Il est le
ment à l’étude, les patients pouvaient recevoir un complément
mieux toléré à bénéfice moteur égal, le plus puissant (1) et reste
par L-Dopa, administré en ouvert. Ces résultats ont été confir-
incontournable dans l’évolution de la maladie. Cependant, ce
més sur 10 ans dans la même étude (9) : 52,4 % (22/42) dans le
traitement a montré ses limites avec les complications motrices
groupe ropinirol versus 77,8 % (21/27) dans le groupe L-Dopa.
liées à la L-Dopa (2). Ces complications apparaissent avec une incidence d’environ 10 % par an (3). Il semble assez clair que la stimulation dopaminergique discontinue de la L-Dopa per os est délétère, favorisant l’apparition de complications motrices (4). La place de l’agoniste dopaminergique avec une stimulation dopaminergique continue prend alors tout son sens. Les seuls traitements qui ont démontré qu’ils permettaient de retarder de façon prolongée les complications motrices liées à la L-Dopa sont les agonistes dopaminergiques (4). En effet, ni l’amantadine, ni la sélégiline, ni l’entacapone, ni les anticholinergiques n’ont démontré leur supériorité à la L-Dopa dans la maladie de Parkinson sur le plan évolutif (5), ne permettant pas de retarder l’apparition des complications motrices liées à la L-Dopa. Leurs effets symptomatiques restent modérés (5) et rapidement la L-Dopa doit être introduite. De plus les anticholinergiques sont contre indiqués en cas de glaucome, d’hypertrophie prostatique (et autres pathologies prostatiques), pathologie fréquente chez le sujet âgé. Ils ont un grand potentiel hallucinogène et confusiogène après l’âge de 60 ans, ce qui rend leur utilisation difficile et quasi obsolète (2). Il est établi de façon consensuelle, chez le sujet jeune (moins de 60 ans), handicapé par les symptômes de la maladie de Parkinson, que l’agoniste dopaminergique doit occuper la part la plus
Les effets secondaires des agonistes dopaminergiques Pour ces patients qui vont recevoir un agoniste dopaminergique à la dose maximum tolérée, idéalement à forte posologie, se pose le problème des effets secondaires. En effet, pour les plus gênants, ils sont dose-dépendants et il est donc clair que plus la posologie s’approche du maximum, et d’autant plus que la réserve thérapeutique est grande, plus nous exposons les patients aux effets secondaires. Nous diminuons donc le confort des patients au stade initial de la maladie lorsqu’ils ont peu de problèmes liés à la maladie et à son traitement, mais pour les améliorer plus tard, au moment où ceux-ci seront présents (10). Les effets secondaires les plus gênants du fait de l’inconfort occasionné et de leur fréquence, sont les troubles du sommeil et de l’éveil (déstructuration du sommeil et somnolence, les attaques de sommeil restant rares). Il s’agit là d’un effet de classe des traitements dopaminergiques, et plus particulièrement des agonistes dopaminergiques (11, 12). En cas de somnolence, il faut soit utiliser la posologie maximum tolérée, soit envisager le switch pour un autre agoniste dopaminergique notamment si la posologie utilisée est trop faible.
importante possible de son traitement antiparkinsonien, idéa-
Nous pouvons également améliorer cette somnolence avec des
lement en monothérapie (6), à fortiori avec l’évolution de la
médicaments éveillants : l’amantadine (Mantadix® : 1 capsule le
maladie à forte dose.
matin, 1 capsule le matin et à midi, voire 2 capsules matin et midi),
Par extension, cette stratégie thérapeutique est probablement intéressante pour des sujets plus âgés (jusqu’à 70 ans ? 75 ans ?
voire la sélégiline (métabolites amphétaminiques). Il est possible de l’améliorer en favorisant un meilleur sommeil s’il est de mau-
âge physiologique !) ayant une espérance de vie correcte
vaise qualité (éveils fréquents, durée insuffisante) avec des som-
(comorbidité !) n’ayant pas de signes axiaux non dopasensibles
nifères ou des anxiolytiques induisant peu de somnolence diurne.
et non déments. Il ne faut pas intégrer à ce raisonnement les
Les œdèmes sont fréquents avec tous les agonistes dopaminer-
sujets de plus de 70, voire de 75 ans qui vont développer plus
giques et finalement posent peu de problèmes.
précocement ces signes axiaux non dopasensibles. En effet,
Les nausées sont en général bien gérées avec la dompéridone.
d’une part, ce sont ces signes axiaux non dopasensibles qui
Les complications du pergolide ont réactualisé les problèmes des
vont faire le pronostic moteur de la maladie, et d’autre part ces
fibroses (cardiaques, rétropéritonéales, pulmonaires) (13) consé-
signes sont corrélés à l’apparition d’une démence parkinso-
cutives à l’utilisation des dérivés de l’ergot de seigle. Cela semble
nienne (7) et donc avec un plus grand risque d’hallucinations.
lié à la dose cumulée et donc nous invite à être prudent quant à
Dans ce cas, il faut privilégier la L-Dopa qui apporte le meilleur
l’utilisation prolongée, à forte dose, de tels produits. Cela ne va
bénéfice moteur par rapport au risque hallucinatoire.
pas dans le sens de la stratégie thérapeutique consensuelle du
Rascol et al. ont montré dans une étude sur 5 ans, fiable sur le
sujet de moins de 70 ans ayant une espérance de vie correcte…
plan méthodologique que le taux de dyskinésie sous L-Dopa
Pour les patients fluctuants sous L-Dopa, la stratégie de traite-
était de 45 % (40/88) versus 20 % (36/177) dans le groupe ropini-
ment est la stimulation dopaminergique la plus continue
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Tableau I : des agonistes dopaminergiques. Molécule Nom commercial*
Posologie
Bromocriptine – Bromi-Kin* – Parlodel*
10 à 40 mg/jour en 3 prises
Lisuride – Dopergine*
0,8 à 2 mg/jour en 3 à 4 prises
Pergolide – Celance*
0,75 à 5 mg/jour en 3 prises
Piribedil – Trivastal*
80 à 250 mg/jour en 3 à 5 prises
Pramipexole – Sifrol*
0,264 à 3,15 mg/ jour en 3 prises
Ropinirole – Requip*
6 à 24 mg/jour en 3 prises
Effets secondaires Fibroses rétropéritonéales pulmonaires et cardiaques (uniquement pour les dérivés ergotés : les trois premiers du tableau)
– Nausées, épigastralgies – Somnolence et attaques de sommeil – Confusion, hallucinations
– Prudence en cas de démence (hallucinations, confusion) ou en cas d’antécédents psychiatriques : risque de décompensation – Contre-indiqué en cas de troubles cardiovasculaires sévères – Association aux neuroleptiques contreindiquée, sauf clozapine et dompéridone
possible : fractionnement de la L-Dopa et agoniste dopaminergique à forte dose. Enfin, chez le sujet âgé (supérieur à 70 ans, voire 75 ans) non dément, l’intérêt de l’agoniste dopaminergique repose sur une stimulation dopaminergique permanente sur le nycthémère. Cela permet à de faibles posologies, de diminuer les fluctuations (lorsque la maladie a déjà évolué) et particulièrement les effets de fin de dose nocturne et le syndrome des jambes sans repos secondaire à la maladie de Parkinson. Il en est de même pour les patients ayant de discrets signes axiaux non dopasensibles.
Conclusion Les agonistes dopaminergiques et particulièrement les non ergotés restent une alternative intéressante à la L-Dopa dans le traitement de la maladie de Parkinson, alternative incontournable pour la plupart des patients du fait du risque de complications motrices liées à la L-Dopa. Leurs effets secondaires, et particulièrement la somnolence, peuvent en limiter l’utilisation. Mais le risque de développer de tels effets secondaires ne peut prévaloir sur la certitude de développer plus tôt ces complications motrices. Seule la réalité de cet effet secondaire doit nous amener à rediscuter ce traitement, s’il n’a pas pu être obtenu de résultat suffisamment confortable malgré une bonne prise en charge de ces effets secondaires. ■
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Références 1. Damier P. Maladie de Parkinson. Revue du Praticien 2002 : 52 ; 1255-60. 2. Houeto JL. Maladie de Parkinson. Revue du Praticien 2005 : 55 ; 1129-34.
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– Hypertension artérielle
Contre-indications et précautions d’emploi
13. Corvol JC, Schupbach M, Bonnet AM; Centre d’Investigation Clinique et Fédération des Maladies du Système Nerveux, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. Valvulopathies sous pergolide. Revue critique de la littérature et conduite à tenir pratique. Rev Neurol 2005 ; 161 : 637-43.
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