Pathologie Biologie 60 (2012) 246–253
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www.sciencedirect.com
Cance´rologie : cibles et traitements cible´s
Place des traitements cible´s dans la prise en charge des cancers broncho-pulmonaires Targeted agents in the treatment of lung cancer L. Staudacher a,b, L. Teixeira c,d, E. Kempf a, G. Rousseau-Bussac a, S. Jouveshomme a, R. Cohen a, C. Beuzelin a, J.-L. Jagot a, S. Salmeron a, J. Tre´daniel a,*,b a
Service de pneumologie, hoˆpital Saint-Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75014 Paris, France Universite´ Paris-Descartes, 12, rue de l’E´cole-de-Me´decine, 75270 Paris cedex 06, France c Service d’oncologie me´dicale, hoˆpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75571 Paris cedex 12, France d Universite´ Pierre-et-Marie-Curie, 4, place Jussieu, 75005 Paris, France b
I N F O A R T I C L E
R E´ S U M E´
Historique de l’article : Rec¸u le 26 avril 2012 Accepte´ le 2 mai 2012
Le cancer bronchique est, en France, la principale cause de mortalite´ par cancer. Malgre´ les progre`s spectaculaires qui ont permis en quelques anne´es de passer, pour les cancers disse´mine´s, d’une me´diane de survie sans traitement spe´cifique de 4,5 mois a` maintenant quasi constamment plus de un an, la survie reste ne´anmoins de´cevante et de nouvelles ame´liorations sont ne´cessaires. Les progre`s accumule´s dans la connaissance du fonctionnement intime des cellules normales et tumorales ont ouvert la voie au de´veloppement des the´rapeutiques dites biologiques cible´es ou plus simplement the´rapies cible´es. Deux processus biologiques sont d’ores et de´ja` la cible de me´dicaments commercialise´s ; il s’agit de la voie du re´cepteur du facteur de croissance e´pidermique (epidermal growth factor receptor, [EGFR]) ainsi que de la voie de la ne´o-angiogene`se. Il est quasiment acquis que, dans un avenir tre`s proche, l’inhibition de EML4ALK sera e´galement l’objet de nouveaux me´dicaments. A` moyenne e´che´ance, il est possible d’imaginer que la dissection mole´culaire des tumeurs conduira ve´ritablement a` la prescription de traitements adapte´s aux mutations et autres anomalies qui dirigent la progression des cancers. ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Mots cle´s : Cancer bronchique The´rapie cible´e EGFR Angiogene`se Gefitinib Erlotinib Cetuximab Be´vacizumab
A B S T R A C T
Keywords: Lung cancer Targeted therapy EGFR Angiogenesis Gefitinib Erlotinib Cetuximab Bevacizumab
Lung cancer is in France, the leading cause of cancer death. Despite the dramatic advances that have allowed in a few years to go, for metastatic cancer, from a median survival without specific treatment of 4.5 months and now almost always more than one year, survival remains disappointing and further improvements are needed. Progress in the accumulated knowledge of the inner workings of normal and tumoral cells have paved the way for the development of targeted therapeutics called biological or simply targeted therapies. Two biological processes are already the target of marketed drugs, this is the way the receptor of epidermal growth factor (EGFR) and the path of neo-angiogenesis. It is almost assumed that, in the very near future, the inhibition of EML4-ALK will also be the subject of new drugs. In the medium term, it is conceivable that the molecular dissection of the tumors actually lead to the prescription of treatments tailored to mutations and other abnormalities that direct the growth of cancers. ß 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Le cancer bronchique est, en France, la principale cause de mortalite´ par cancer. Les projections e´tablies par l’institut national de veille sanitaire (www.invs.sante.fr) e´valuent a` 29 100 le nombre de de´ce`s par cancer bronchique qui surviendront en 2011 en
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J. Tre´daniel). 0369-8114/$ – see front matter ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.patbio.2012.05.011
France ; paralle`lement, le nombre attendu de nouveaux cas pour cette meˆme anne´e est de 39 500, ce qui fait du cancer bronchique le quatrie`me cancer en termes d’incidence en France. Plus de 80 % de ces tumeurs sont des cancers non a` petites cellules, dont la majorite´ est vue a` un stade de´ja` me´tastatique. Des recommandations ont e´te´ e´tablies, sous l’e´gide de l’institut national du cancer (www.e-cancer.fr), tant pour guider le diagnostic initial [1] que pour la prise en charge the´rapeutique [2]. Malgre´ les progre`s
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spectaculaires qui ont permis en quelques anne´es de passer, pour les cancers disse´mine´s, d’une me´diane de survie sans traitement spe´cifique de 4,5 mois [3] a` maintenant quasi constamment plus de un an [4], la survie reste ne´anmoins de´cevante et de nouvelles ame´liorations sont ne´cessaires. Les progre`s accumule´s dans la connaissance du fonctionnement intime des cellules normales et tumorales ont ouvert la voie au de´veloppement des the´rapeutiques dites biologiques cible´es ou plus simplement the´rapies cible´es. Deux processus biologiques sont d’ores et de´ja` la cible de me´dicaments commercialise´s ; il s’agit de la voie du re´cepteur du facteur de croissance e´pidermique (epidermal growth factor receptor, [EGFR]) ainsi que de la voie de la ne´o-angiogene`se. Il est quasiment acquis que, dans un avenir tre`s proche, l’inhibition de EML4-ALK sera e´galement l’objet de nouveaux me´dicaments. A` moyenne e´che´ance, il est possible d’imaginer que la dissection mole´culaire des tumeurs conduira ve´ritablement a` la prescription de traitements adapte´s aux mutations et autres anomalies qui dirigent la progression des cancers [5,6]. 1. Voie me´tabolique du re´cepteur du facteur de croissance e´pidermique Le re´cepteur du facteur de croissance e´pidermique fait partie de la grande famille des re´cepteurs membranaires a` activite´ tyrosine kinase qui agissent par une phosphorylation du substrat de la re´action enzymatique. Le re´cepteur comprend un domaine extramembranaire, un domaine transmembranaire et un domaine intracellulaire, sie`ge de l’activite´ tyrosine kinase ainsi que de la poche a` ATP qui fournit l’e´nergie ne´cessaire au de´roulement de la re´action enzymatique. Il appartient au groupe de la famille HER qui comprend quatre membres : EGFR, lui-meˆme, e´galement connu sous l’appellation HER-1 ; ErB-2 ou HER-2 dont l’inhibition par le trastuzumab a pris un roˆle fondamental dans le traitement des cancers du sein ; HER-3 et HER-4. Sous une forme monome´rique, le re´cepteur est inactif, mais apre`s homo- ou he´te´rodime´risation avec un autre membre de la famille HER il enclenche, par le biais de son activite´ enzymatique, plusieurs cascades me´taboliques qui finissent par aboutir au noyau cellulaire ou` elles transmettent des signaux de survie et de prolife´ration [7]. L’activite´ incontroˆle´e du re´cepteur se traduit par la croissance tumorale, tandis que des me´dicaments bloquant cette voie me´tabolique sont susceptibles d’inhiber la prolife´ration cellulaire. Deux sche´mas the´rapeutiques sont possibles : soit celui des inhibiteurs de l’activite´ tyrosine kinase de l’EGFR (TKI-EGFR, dont deux sont actuellement disponibles, le ge´fitinib et l’erlotinib) qui agissent au niveau intracellulaire en inhibant la fixation de l’ATP au niveau de sa poche, soit celui des anticorps monoclonaux (dont seul le ce´tuximab a e´te´ e´value´ dans le cancer bronchique) qui viennent par voie extracellulaire empeˆcher la fixation du ligand sur son re´cepteur. Des mutations somatiques de l’EGFR, pre´dominant au niveau des exons 19 et 21, ont e´te´ de´couvertes en 2004 dans un pourcentage limite´ des tumeurs bronchiques ; il s’agit le plus souvent d’une de´le´tion sur l’exon 19 (qui e´limine un motif leucine – arginine – glutamate – alanine) ou de la mutation L858R sur l’exon 21 qui aboutit au niveau de la position 858 sur l’exon 21 a` la substitution d’arginine pour une leucine [8–10]. Ces mutations provoquent l’activation spontane´e du re´cepteur qui dirige ainsi la croissance tumorale ; paralle`lement ce sont e´galement ces tumeurs mute´es qui sont e´lectivement sensibles aux TKI-EGFR. C’est en Asie qu’elles sont les plus fre´quentes. En Europe, le pourcentage est beaucoup plus faible, fluctuant selon les se´ries autour de 10 % [11]. Ainsi, une vaste e´tude espagnole a retrouve´ la pre´sence d’une mutation chez 16,6 % des cancers mais les auteurs admettent que ce pourcentage est probablement sure´value´
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puisque l’objectif de l’e´tude e´tait connu des investigateurs qui ont vraisemblablement favorise´ l’inclusion de malades ayant les crite`res cliniques pre´dictifs de la pre´sence d’une mutation [12] ; celles-ci e´taient en effet plus fre´quentes au niveau des tumeurs pre´leve´es chez les femmes (69,7 %), les patients n’ayant jamais fume´ (66,6 %) et ceux ayant un ade´nocarcinome (80,9 %), tous sujets sur repre´sente´s dans l’e´tude. Dans une revue analysant 2128 tumeurs au niveau desquelles 477 mutations sont de´tecte´es, celles-ci sont significativement plus fre´quentes chez les patients n’ayant jamais fume´ (45 %) que chez les fumeurs ou anciens fumeurs (7 % ; p < 0,001) [13]. L’absence de tabagisme apparaıˆt ainsi aujourd’hui comme le facteur pre´dictif le plus fort de la pre´sence d’une mutation de l’EGFR. Le ge´fitinib (250 et 500 mg/j) a fait l’objet des premiers essais the´rapeutiques dans le contexte d’e´tudes de phase II, les essais Iressa dose evaluation in advanced lung cancer (IDEAL) 1 et 2, propose´s a` des patients en progression apre`s au moins une premie`re ligne de chimiothe´rapie a` base de platine [14,15]. Paralle`lement, l’erlotinib (150 mg/j) e´tait e´galement e´value´ dans cette meˆme population [16]. Il est rapidement apparu que si le taux de re´ponses au traitement e´tait globalement modeste, infe´rieur a` 10 %, l’effet pouvait eˆtre spectaculaire chez certains malades ; il s’agissait effectivement des sujets non fumeurs, de sexe fe´minin, porteurs d’un ade´nocarcinome ainsi que des malades d’ascendance asiatique dont nous avons vu que c’est au sein de ces sous-groupes qu’ont ensuite e´te´ retrouve´es pre´fe´rentiellement les mutations de l’EGFR. Ces constatations ont conduit a` individualiser le cancer bronchique du non-fumeur en tant qu’entite´ distincte marque´e par des caracte´ristiques mole´culaires spe´cifiques justifiant d’une approche et d’un traitement adapte´ et diffe´rent de ceux propose´s au malade fumeur ou ancien fumeur [17]. Enfin, il a d’emble´e e´te´ note´ qu’il n’y avait pas diffe´rence dans la re´ponse au traitement entre les doses forte (500 mg/j) et faible (250 mg/j) de ge´fitinib. L’inte´reˆt des travaux s’est alors porte´ sur des malades naı¨fs de tout traitement. Quatre essais ont e´te´ conduits pour e´valuer l’association des TKI-EGFR a` une chimiothe´rapie conventionnelle, soit par l’association cisplatine et gemcitabine (essais INTACT 1 et TALENT), soit par l’association carboplatine et paclitaxel (essais INTACT 2 et TRIBUTE) (Tableau 1) [18–21]. Les patients recevaient six cures de chimiothe´rapie et e´taient re´partis au hasard entre l’administration du ge´fitinib, de l’erlotinib ou d’un placebo jusqu’a` progression. Aucun de ces essais n’a pu montrer de diffe´rence entre le me´dicament et le placebo, quel que soit le parame`tre d’efficacite´ choisi. La` encore, il n’y avait pas diffe´rence entre les doses forte (500 mg/j) et faible (250 mg/j) de ge´fitinib ; c’est donc la dose quotidienne de 250 mg qui a e´te´ ensuite retenue pour l’utilisation du ge´fitinib. Paralle`lement a` ces travaux, deux e´tudes (d’ailleurs effectue´es a` l’initiative des autorite´s de sante´) ont teste´ l’inte´reˆt de ces TKIEGFR par comparaison au meilleur traitement de support chez des patients pre´alablement traite´s. L’e´tude BR.21 a re´parti au hasard 731 malades, selon un rapport 2/1, entre l’administration de l’erlotinib (toujours a` la posologie de 150 mg/jour) ou d’un placebo [22]. Cette fois, les parame`tres objectifs d’e´valuation de la re´ponse (8,9 vs 1 %) et de la survie (6,7 vs 4,7 mois) e´taient significativement favorables a` l’erlotinib. Tel n’a pas e´te´ le cas pour l’e´tude Iressa Survival Evaluation in Lung Cancer (ISEL) qui a enroˆle´ un total de 1692 malades e´galement re´partis entre l’administration du ge´fitinib ou d’un placebo [23]. En de´pit d’une le´ge`re ame´lioration de la survie (5,6 vs 5,1 mois), la diffe´rence n’e´tait pas significative entre le placebo et le ge´fitinib. De nombreuses discussions ont eu lieu autour de cette diffe´rence paradoxale d’efficacite´ entre les deux produits sans qu’une explication claire ne se de´gage [24]. Quoi qu’il en soit, le ge´fitinib s’est alors vu retirer aux E´tats-Unis son autorisation d’utilisation tandis que celle-ci e´tait accorde´e a` l’erlotinib.
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Tableau 1 E´tudes de phase III e´valuant l’apport du gefitinib (250 mg ou 500 mg/j) ou de l’erlotinib (150 mg/j) a` une polychimiothe´rapie simutane´e. INTACT 1 [18]
INTACT 2 [19]
cDDP-Gemcitabine +
n patients Ade´nocarcinome (%) Sexe fe´minin (%) Taux de re´ponse (%) Temps jusqu’a` progression (mois) Survie globale (mois) Survie a` un an (%)
CBDCA–Paclitaxel + Placebo
Gefitinib 500 mg/j
250 mg/j
365 43 28 50 5,5 9,9 43
365 48 23 51 5,8 9,9 41
TALENT [21]
363 47 28 47 6 10,9 44
Gefitinib
Placebo
500 mg/j
250 mg/j
347 58 40 30 4,6 8,7 37
345 56 42 30 5,3 9,8 41
TRIBUTE [20]
cDDP-Gemcitabine +
CBDCA–Paclitaxel +
Erlotinib
Erlotinib
Placebo
150 mg/j 345 52 39 29 5 9,9 42
580 38 22 31,5 5,5 11 41
Placebo
150 mg/j 579 38 25 30 5,7 11 42
539 61 38 21,5 5,1 10,6 –
539 60 40 19 4,9 10,5 –
cDDP : cis-platine ; CBDCA : carboplatine.
Le ge´fitinib s’est e´galement compare´ au doce´taxel, en tant qu’il est avec le pe´me´trexed [25], l’un des deux me´dicaments de chimiothe´rapie autorise´s en seconde ligne the´rapeutique d’un cancer bronchique me´tastatique [26]. L’e´tude japonaise V-1532 prescrivait le doce´taxel a` la dose de 60 mg/m2 toutes les trois semaines. L’objectif principal, qui e´tait la non infe´riorite´ du ge´fitinib par rapport au doce´taxel (11,5 vs 14 mois), n’a pas e´te´ atteint mais il n’y avait pas de diffe´rence significative pour les parame`tres de survie entre les deux groupes [27]. Au contraire l’e´tude INTEREST, qui employait le doce´taxel a` la posologie conventionnelle en Europe de 75 mg/m2 toutes les trois semaines, a atteint son objectif de non infe´riorite´ sans qu’il y ait la` aussi de diffe´rence significative en survie entre les deux bras du protocole (7,6 vs 8 mois) [28]. Il est aise´ de concevoir que c’est parmi les patients porteurs d’une tumeur EGFR mute´e que doivent s’observer les meilleurs effets des TKI-EGFR et c’est en premie`re ligne the´rapeutique que la question vaut le plus d’eˆtre pose´e pour ces malades. Dans un premier essai effectue´ en Asie, l’e´tude Iressa Pan-Asia Study (IPASS), les patients ont e´te´ se´lectionne´s sur des crite`res cliniques susceptibles de regrouper des malades EGFR mute´s [29]. Mille deux cent dix-sept patients ont e´te´ re´partis au hasard entre le ge´fitinib (250 mg/j) et une chimiothe´rapie par carboplatine et paclitaxel. Il s’agissait pour 79 % de femmes, pour 96 % d’ade´nocarcinomes et pour 94 % d’entre eux de sujets n’ayant jamais fume´. Le taux de re´ponses objectives a e´te´ plus e´leve´ dans le bras ge´fitinib (43 % vs 32,2 % ; p < 0,001). La survie sans progression e´tait e´galement significativement ame´liore´e dans le groupe ˆ qu’a` la contribution des ge´fitinib (p < 0,001) mais cela n’e´tait du malades ayant une tumeur mute´e (p < 0,001) car, a` l’inverse – et il s’agit d’un des principaux enseignements de cet essai, le TKI-EGFR e´tait de´le´te`re (en tout cas pour ce qui est de la survie sans progression) lorsque la tumeur exprimait un re´cepteur de l’EGF non mute´, auquel cas c’est la chimiothe´rapie conventionnelle qu’il fallait utiliser. La se´lection sur des crite`res cliniques n’est donc pas capable de choisir les patients a` qui il faut donner un TKI-EGFR en premie`re intention. D’ailleurs, le taux de re´ponses objectives sous ge´fitinib e´tait de 71,21 % en cas de pre´sence d’une mutation mais de 1,1 % en cas d’EGFR « sauvage », non mute´. Ce gain en survie sans progression ne s’est pas traduit, a` l’analyse finale, en gain de survie globale [30]. Ces re´sultats remarquables releve´s dans une population enrichie en sujets porteurs de la mutation sont e´galement retrouve´s dans une seconde e´tude, core´enne, non encore publie´e, ou` le ge´fitinib e´tait compare´ au doublet cisplatine plus gemcitabine [31]. Dans ce contexte, l’ensemble des recommandations nationale et internationales affirment la ne´cessite´ de rechercher la pre´sence au niveau de la tumeur d’une mutation activatrice de l’EGFR de`s lors que le patient est potentiellement e´ligible a` un traitement par un TKI-EGFR [1,11,32–34].
Il e´tait de`s lors logique d’e´valuer en premie`re ligne la place des TKI-EGFR dans la population spe´cifique des malades dont la tumeur porte une mutation activatrice du re´cepteur. Cela a e´te´ l’objet de quatre e´tudes, dont trois ont e´te´ effectue´es en Asie (essai de Maemondo et al., e´tudes WJTOG3405 et OPTIMAL) [35–37] et une en Europe, l’essai EURTAC [38]. Toutes ces e´tudes ont eu pour crite`re principal de jugement la survie sans progression. Dans tous les cas, les patients recevant l’inhibiteur spe´cifique ont be´ne´ficie´ d’une augmentation significative de leur survie sans progression (de trois a` neuf mois). Toutefois il ne semble pas, lorsque les donne´es sont matures, que cela se traduise par un gain en survie globale. En effet, les patients ayant rec¸u la chimiothe´rapie premie`re semblent eˆtre « rattrape´s » par le TKI-EGFR lorsqu’ils progressent apre`s chimiothe´rapie [39,40]. Cela avait e´galement e´te´ note´ dans le registre espagnol ou` la survie des malades e´tait identique que le TKI-EGFR ait e´te´ donne´ avant ou apre`s une chimiothe´rapie conventionnelle [12]. Dans ce travail, la mutation L858R apparaissait, en analyse multivarie´e, comme de´le´te`re par comparaison avec la de´le´tion de l’exon 19 (p = 0,002), ce qui n’est pas retrouve´ dans les deux e´tudes japonaises [35,36]. Ce point reste en discussion. Il faut souligner ici la remarquable dure´e me´diane de survie (28 mois) observe´e dans la cohorte espagnole. En l’absence d’essai randomise´ disponible, le choix de la se´quence the´rapeutique a` proposer a` ces patients dont la tumeur exprime une mutation de l’EGFR reste donc ouvert avec la possibilite´ de commencer soit par le TKI-EGFR soit par la chimiothe´rapie avec l’ide´e d’une permutation des traitements au moment de la progression [41]. Cependant, les recommandations les plus re´centes tendent vers une prescription premie`re des TKIEGFR [2,11,33,34,42,43]. La me´ta-analyse effectue´e sur les donne´es des cinq essais effectue´s en Asie [29,31,35–37] confirme pleinement le be´ne´fice en survie sans progression obtenu par l’utilisation premie`re du TKI-EGFR chez les malades mute´s par comparaison a` la chimiothe´rapie : hazard ratio (HR) : 0,45 (intervalle de confiance a` 95 % -IC 95 % : 0,36–0,58 ; p < 0,0001) [44]. A` l’inverse, dans une population non se´lectionne´e, surtout si elle n’est pas d’origine asiatique, la prescription premie`re d’un TKI-EGFR avant une chimiothe´rapie cytotoxique a` la progression est de´le´te`re et ne doit pas eˆtre autorise´e [45]. Quoique posant encore beaucoup de questions, la strate´gie de maintenance apre`s un traitement d’induction en premie`re ligne s’est de´veloppe´e depuis ces dernie`res anne´es dans l’espoir d’ame´liorer le devenir des malades [46–48]. Les inhibiteurs de l’EGFR ont e´te´ e´value´s dans le contexte d’essais dits de switch maintenance qui consistent a` introduire, de`s la fin du traitement d’induction, un nouveau me´dicament non encore utilise´ chez le patient. L’espoir est ainsi de contourner l’e´mergence d’une re´sistance qui aurait e´te´ induite par la chimiothe´rapie de premie`re ligne. Quatre essais de phase III ont e´te´ de´die´s a` ce sujet : l’un, l’essai conduit par l’EORTC [49], a recherche´ l’apport potentiel du
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ge´fitinib et les trois autres, les essais SATURN [50], IFCT-GFPC [51] et ATLAS [52], celui de l’erlotinib ; dans le contexte de l’e´tude ATLAS, l’erlotinib e´tait donne´ en association avec le be´vacizumab qui e´tait lui-meˆme donne´ de`s l’induction du traitement et poursuivi ensuite dans les deux bras de l’essai. Tous ces travaux ont de´montre´ un be´ne´fice significatif en faveur de la maintenance pour ce qui est du crite`re de survie sans progression ; seul, l’essai SATURN a de´montre´ en be´ne´fice en survie globale [50]. Il est toutefois licite de s’interroger sur la re´alite´ clinique du gain enregistre´ tel que dans l’essai SATURN ou` la survie sans progression passe de 11,1 semaines sous placebo a` 12, 3 semaines sous erlotinib. Quand ce facteur est pris en compte, comme a` nouveau dans l’essai SATURN, il est clair que le be´ne´fice re´el est essentiellement observe´ chez les patients dont la tumeur exprime une mutation EGFR (HR : 0,10, IC95 % : 0,04–0,25) meˆme si, en raison du grand nombre de sujets inclus, le gain reste statistiquement significatif chez les patients ayant un cancer EGFR sauvage (HR = 0,78, IC95 % : 0,63–0,96) [53]. En outre, l’analyse de ces essais est souvent rendue difficile en raison de la multiplicite´ des sousgroupes pris en compte (et, souvent, a posteriori). Ainsi, toujours dans l’essai SATURN, ce sont uniquement les patients stables apre`s traitement d’induction, a` l’exclusion des malades re´pondeurs, qui semblent tirer be´ne´fice de l’erlotinib. Bien que cela n’ait pas e´te´ retrouve´ dans les deux autres e´tudes [51,52], l’autorisation de mise sur le marche´ (AMM) europe´enne de l’erlotinib a e´te´ restreinte de ce fait aux seuls patients stabilise´s par le traitement d’induction. En de´pit de ces re´serves, la me´ta-analyse re´cemment effectue´e sur ces essais tend a` confirmer l’inte´reˆt de cette strate´gie, en particulier lorsque seuls les trois essais avec l’erlotinib sont pris en compte, qu’il s’agisse alors de la survie sans progression (HR : 0,71, IC95 % : 0,64–0,79, p = 0,001) ou meˆme de la survie globale (HR : 0,85, IC95 % : 0,76-0,95, p = 0,003) [54]. L’attaque extracellulaire du re´cepteur par l’interme´diaire d’anticorps monoclonaux est un autre moyen de bloquer cette voie de l’EGFR [55]. Deux anticorps monoclonaux dirige´s contre l’EGFR sont aujourd’hui commercialise´s, le panitumumab (dont le de´veloppement n’a pas e´te´ poursuivi dans cette pathologie) et le ce´tuximab [56]. Ce dernier a fait l’objet, dans le contexte des cancers localement avance´s non irradiables ou me´tastatiques, d’au moins quatre essais the´rapeutiques randomise´s, dont deux sont des e´tudes de phase 2 (les e´tudes de Butts et al. et de Rosell et al.) [57,58] et deux sont des essais de phase 3 (les essais BMS099 et FLEX) [59,60] (Tableau 2). L’essai FLEX a re´parti au hasard 1125 patients qui ont tous rec¸u la meˆme chimiothe´rapie par cisplatine et vinorelbine, soit seule (n = 568), soit associe´e au ce´tuximab (n = 557) qui e´tait alors poursuivi jusqu’a` progression de la maladie ou toxicite´ inacceptable. Le taux de re´ponses e´tait ame´liore´ par le ce´tuximab (36 % vs 29 %, p = 0,01). Cet essai a provoque´ la controverse car si le crite`re principal de jugement, la survie globale, a e´te´ atteint avec une me´diane de survie significativement ame´liore´e par le ce´tuximab : 11,3 mois a` comparer a` 10,1 mois sans ce´tuximab (HR : 0,87, IC95 % : 0,762-0,996 ; p = 0,044), la signification clinique de ce be´ne´fice semble modeste ; le taux de survie a` un an e´tait en effet de 47 % sous ce´tuximab versus 42 % sans anticorps. En revanche, l’absence
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de be´ne´fice en survie sans progression (4,8 mois dans les deux groupes) pose le proble`me de la re´alite´ du gain ge´ne´re´ par le ce´tuximab et d’un biais (traitement rec¸u en seconde ligne, par exemple) qui expliquerait l’ame´lioration observe´e. En tout cas, malgre´ l’apport de me´ta-analyses [61,62] qui semblent aller dans le sens d’un be´ne´fice re´el a` l’adjonction du ce´tuximab a` la chimiothe´rapie, ces donne´es n’ont pas semble´ suffisamment fortes a` l’European Medicines Agency (EMA) pour donner au me´dicament une autorisation sans restriction de mise sur le marche´ dans cette indication du cancer bronchique avance´. De nombreux travaux ont e´te´ engage´s dans l’espoir d’individualiser les patients les plus susceptibles de tirer be´ne´fice du traitement par ce´tuximab. Une premie`re approche a relie´ toxicite´ cutane´e et efficacite´. La survenue d’une e´ruption de type acne´iforme est l’effet secondaire emble´matique de l’ensemble des me´dicaments qui bloquent la voie de l’EGF. Il a e´te´ rapidement subodore´ que la survenue pre´coce d’une e´ruption cutane´e repre´sente un facteur de re´ponse et d’efficacite´ du me´dicament [63]. Les donne´es issues de FLEX ont e´te´ reprises a` la recherche d’un lien entre survenue pre´coce d’un rash cutane´ et efficacite´ [64]. Parmi les 518 patients ayant rec¸u du ce´tuximab et vivant a` j21, 290 avaient pre´sente´ une e´ruption ; ils ont e´te´ compare´ aux 228 malades n’ayant pas pre´sente´ d’effet secondaire cutane´ ainsi qu’aux 540 patients du groupe chimiothe´rapie seule e´galement vivants a` j21. Cette analyse confirme que la survenue pre´coce d’un rash cutane´ s’accompagne d’une augmentation importante de la survie qui e´tait de 15 mois en cas de rash, 8,8 mois sans rash, tandis qu’elle e´tait de 10,3 mois pour les sujets n’ayant rec¸u que la chimiothe´rapie. Cet effet apparemment positif e´tait e´galement note´ pour l’analyse de la survie sans progression et du taux de re´ponses. Enfin, il s’observait quelle que soit l’histologie de la tumeur. Cependant, ce type d’analyse ne permet pas de de´finir a priori les malades qui vont be´ne´ficier du ce´tuximab. D’autres travaux ont recherche´ la valeur potentiellement pre´dictive de marqueurs biologiques dont KRAS (dont l’importance est admise pour la de´cision the´rapeutique dans le cadre du cancer colorectal) [65,66], le nombre de copies du ge`ne EGFR, le statut mutationnel de EGFR ou encore l’expression de PTEN mais aucun n’a permis de de´finir une population cible susceptible de be´ne´ficier pre´fe´rentiellement de la prescription du ce´tuximab [67]. Plus re´cemment, l’inte´reˆt s’est porte´ sur l’identification d’un score de marquage immunohistochimique de l’EGFR a` la surface cellulaire, combinant intensite´ du marquage et pourcentage de cellules marque´es. Il semble qu’un score e´leve´ puisse pre´dire la re´ponse au traitement, ce qui aurait enfin l’avantage de se´lectionner les patients a` qui proposer celui-ci [68,69]. Cela reste ne´anmoins a` valider. Les traitements cible´s dirige´s contre l’EGF ont e´galement e´te´ e´value´s dans le contexte d’une association a` la radiothe´rapie pour des patients porteurs de tumeurs localise´es au thorax mais inope´rables. Que ce soit avec l’erlotinib [70] ou le ge´fitinib [71], les re´sultats ont e´te´ de´cevants. Le cas de l’e´tude mene´e par le Southwest oncology group est encore plus troublant [72]. Dans cet essai de phase III, pre´vu pour enroˆler 672 patients, le ge´fitinib ou un placebo e´taient administre´s en traitement de maintenance apre`s une phase d’induction par cisplatine, e´toposide et radiothe´rapie
Tableau 2 E´tudes de phase II et III ayant teste´ l’inte´reˆt du ce´tuximab dans le traitement des cancers bronchiques me´tastatiques. Butts [57]
n patients Taux de re´ponses (%) Temps jusqu’a` progression (mois) Survie globale (mois) Cetux : ce´tuximab ; Cont : controˆle.
Rosell [58]
BMS099 [59]
FLEX [60]
Cetux
Cont
Cetux
Cont
Cetux
Cont
Cetux
Cont
65 28 5,1 12
66 19 4,2 9,3
43 35 5 8,3
43 28 4,6 7,3
338 26 4,4 9,7
338 17 4,2 8,4
557 36 4,8 11,3
568 29 4,8 10,1
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suivie d’une consolidation par doce´taxel. Une analyse interme´diaire ˆ re pre´mature´e de apre`s inclusion de 243 malades a amene´ a` la clotu l’essai devant une diminution significative de la survie me´diane des patients sous ge´fitinib, 23 mois, alors qu’elle e´tait de 35 mois pour ceux ayant rec¸u le placebo. C’est essentiellement avec le ce´tuximab que la plupart des e´tudes ont e´te´ conduites et que la recherche se poursuit. Le me´dicament a de´ja` une AMM pour le traitement des carcinomes e´pidermoı¨des de la teˆte et du cou en association avec la radiothe´rapie en cas de maladie localement avance´e [73]. Dans le contexte du cancer bronchique de stade III, le ce´tuximab a e´te´ e´value´ dans des essais de phase I ou II en association concomitante avec la radiothe´rapie, sans chimiothe´rapie associe´e [74–77]. De ces essais pre´liminaires, il ressort que l’association du ce´tuximab a` l’irradiation est faisable, sans toxicite´ inattendue ni accentue´e et des donne´es de survie qui semblent prometteuses (de l’ordre de deux ans) ; cela restera a` valider dans le contexte d’essais randomise´s. Sans doute plus inte´ressante est l’ajout du ce´tuximab a` la chimiothe´rapie cytotoxique dans le contexte d’une association chimioradiothe´rapie concomitante. Cette strate´gie fait l’objet de l’e´tude conduite par l’intergroupe francophone de cance´rologie thoracique (essai IFCT 0803) qui teste une association originale, a` la radiothe´rapie, de cisplatine, pe´me´trexed et ce´tuximab chez des patients porteurs d’une tumeur bronchique non a` petites cellules, mais non epidermoı¨de, de stade III, non re´se´quable [78]. Deux e´tudes de phase 2 sont, par ailleurs, de´ja` disponibles. Dans l’e´tude du Radiation therapy oncology group (RTOG 0324), les patients recevaient une dose initiale de 400 mg/m2 de ce´tuximab puis des doses hebdomadaires de 250 mg/m2 jusqu’a` la fin du traitement, c’est-a`-dire de la semaine 2 a` la semaine 17 (il n’y avait donc pas de maintenance par le me´dicament a` l’e´tude) [79]. Paralle`lement, l’irradiation de´butait a` la deuxie`me semaine, de´livrant 63 Grays (Gy) en 35 fractions, en association avec une perfusion hebdomadaire de carboplatine (AUC = 2) et de paclitaxel (45 mg/m2) ; une fois l’irradiation termine´e, les malades recevaient deux cycles supple´mentaires de carboplatine (AUC = 6) et paclitaxel (200 mg/ m2). Les parame`tres de survie releve´s avec cette association sont les plus e´leve´s jamais rapporte´s par le RTOG (survie globale : 22,7 mois), ce qui justifie la ve´rification de ces re´sultats tre`s prometteurs par un essai de phase 3, actuellement en cours (RTOG 0617). Le cancer and leukemia group B a e´galement conduit une e´tude de phase II qui incluait des patients dans deux bras de traitement, paralle`lement a` la re´alisation de la radiothe´rapie thoracique (70 Gy) : soit carboplatine et pe´me´trexed, soit la meˆme chimiothe´rapie associe´e a` du ce´tuximab [80]. L’essai CALGB 30407 n’avait pas la puissance ne´cessaire pour que les deux bras soient compare´s. Il n’y a d’ailleurs pas de diffe´rence entre eux pour ce qui est des parame`tres de survie. Il faut surtout noter la survenue d’effets secondaires avec une fre´quence similaire dans les deux bras, sans majoration des effets inde´sirables du fait du ce´tuximab.
2. Voie de l’antiangiogene`se Le roˆle essentiel de l’angiogene`se en cance´rologie a e´te´ de´fini de`s 1971 par Folkman [81]. Il est de´sormais e´tabli que l’angiogene`se est un processus indispensable a` la croissance de la plupart des tumeurs malignes et est, en outre, implique´e dans la disse´mination me´tastatique. Le be´vacizumab est, a` l’heure actuelle, le seul antiangioge´nique autorise´ dans le traitement des cancers du poumon. Il s’agit d’un anticorps monoclonal humanise´ recombinant de type IgG1 capable de neutraliser toutes les isoformes du VEGF. L’utilisation du be´vacizumab aurait bien pu s’interrompre apre`s le premier essai qui avait inclus 99 patients pour lesquels le be´vacizumab e´tait administre´, en association avec le carboplatine et le paclitaxel, soit a` la posologie de 7,5 mg/kg soit a` celle de 15 mg/kg tandis qu’un dernier groupe ne recevait que la chimiothe´rapie [82]. Les re´sultats globaux, en n’oubliant pas qu’il s’agissait d’une phase II n’autorisant pas de comparaison formelle entre les bras, laissaient ne´anmoins espe´rer, en premie`re analyse, un be´ne´fice apporte´ par le be´vacizumab a` la dose de 15 mg/kg (Tableau 3). Cependant, neuf patients sont de´ce´de´s en conse´quence d’un effet inde´sirable grave et non directement relie´ a` la progression de leur maladie : quatre dans chacun des deux bras avec be´vacizumab et un dans le groupe te´moin. En particulier, six malades sont de´ce´de´s des suites d’un saignement se´ve`re, he´moptysie ou he´mate´me`se. Cinq de ces cas avaient une tumeur excave´e, soit d’emble´e soit durant le traitement ; en outre, quatre de ces he´morragies se´ve`res sont survenues chez des patients dont la tumeur e´tait de type e´pidermoı¨de et cinq dans le bras 7,5 mg/kg. Cela a conduit a` exclure des essais ulte´rieurs de phase III les patients ayant un cancer e´pidermoide, des me´tastases ce´re´brales ou ayant saigne´. L’Eastern cooperative oncology group (ECOG) a conduit le premier essai de phase III, respectant ces crite`res de se´lection des malades. Huit cent soixante dix-huit patients ont e´te´ re´partis au hasard entre un groupe recevant une chimiothe´rapie par paclitaxel et carboplatine et un second groupe recevant un traitement identique mais associe´ au be´vacizumab administre´ a` la posologie de 15 mg/kg [4]. Dans ce travail, l’association du be´vacizumab a` la chimiothe´rapie ame´liorait de fac¸on significative tous les parame`tres de re´ponse et de survie ; il a e´te´ largement souligne´ que, pour la premie`re fois, e´tait observe´e une dure´e me´diane de survie de´passant 12 mois dans ce contexte de cancers bronchiques me´tastatiques (Tableau 3). Dix sept de´ce`s ont e´te´ attribue´s au traitement, parmi lesquels 15 sont survenus dans le groupe be´vacizumab (p = 0,001), dont sept e´taient lie´s a` un accident he´morragique. A` nouveau, c’est l’excavation tumorale qui semble eˆtre le facteur de risque majeur pour ces accidents he´morragiques [83]. Assez vite, il a e´te´ souligne´ que la pre´sence concomitante de me´tastases ce´re´brales, surtout lorsqu’elles sont traite´es, ne constitue pas un facteur de risque supple´mentaire a` la prescription du be´vacizumab [84,85]. Cela a permis a` l’EMA de
Tableau 3 E´tudes de phase III e´valuant l’apport du be´vacizumab a` la chimiothe´rapie cytotoxique dans les cancers bronchiques non a` petites cellules localement avance´s ou me´tastatiques. ECOG 4599 [4]
n patients Taux de re´ponses (%) Temps jusqu’a` progression (mois) Survie globale (mois) Taux de survie a` 1 an (%) Taux de survie a` 2 ans (%) CBDCA : carboplatine ; CDDP : cisplatine
AVAiL [86,87]
Paclitaxel – CBDCA
Paclitaxel – CBDCA – be´vacizumab 15 mg/kg
Gemcitabine – CDDP
Gemcitabine – CDDP – be´vacizumab 7,5 mg/kg
Gemcitabine – CDDP – be´vacizumab 15 mg/kg
433 15 4,5 10,3 44 15
417 35 6,2 12,3 51 23
327 20 6,1 13,1 – –
330 34 6,7 13,6 – –
329 30 6,5 13,4 – –
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lever la restriction d’autorisation du be´vacizumab initialement adresse´e aux malades atteints de localisations ce´re´brales ; un essai de phase II spe´cifiquement de´die´ a` cette question, l’essai BRAIN dont le recrutement est termine´, est en attente d’analyse. A` coˆte´ de cette e´tude ame´ricaine, une e´tude europe´enne a e´galement e´te´ mene´e qui faisait appel au doublet cisplatine et gemcitabine, la moitie´ des malades ne recevant que cette chimiothe´rapie et l’autre moitie´ se voyant rajouter du be´vacizumab soit a` la posologie de 7,5 mg/kg, soit a` celle de 15 mg/kg [86]. Il faut souligner que l’essai n’avait pas la puissance ne´cessaire pour pouvoir comparer directement les deux doses de be´vacizumab. Quoiqu’il en soit, le crite`re principal de jugement qui e´tait initialement la survie globale mais qui, apre`s amendement, est devenu la survie sans progression a e´te´ atteint puisque la progression a e´te´ observe´e apre`s 6,1 mois de traitement sans l’anticorps monoclonal, 6,7 mois lorsque celuici e´tait donne´ a` la dose faible et 6,5 mois lorsqu’il e´tait donne´ a` la dose forte. Ces diffe´rences e´taient certes significatives mais il est, la` encore, sans doute licite de s’interroger sur leur porte´e clinique. Cela d’autant plus que les re´sultats de survie globale ne montraient pas de diffe´rence entre les trois groupes [87]. Cet effet, meˆme discutable, e´tait e´galement pre´sent dans le sousgroupe des personnes aˆge´es [88]. Une grande e´tude de phase IV a apporte´ des donne´es importantes sur la tole´rance au be´vacizumab [89]. Dans ce travail, 2212 malades ont e´te´ traite´s de fac¸on conventionnelle par un doublet a` base de platine auquel e´tait adjoint du be´vacizumab, soit a` 7,5 soit a` 15 mg/kg. L’incidence des effets inde´sirables de grade 3 ou plus a e´te´ relativement faible : une maladie thromboembolique a e´te´ note´e chez 172 patients (8 %), un saignement chez 80 (4 %), une prote´inurie chez 67 malades (3 %) et une he´morragie pulmonaire chez seulement 15 patients (1 %). Cinquante-sept malades (3 %) sont de´ce´de´s du fait de ces complications iatroge`nes, notamment en raison des pathologies thromboemboliques (26 sujets) et des saignements (17 malades). A` titre indicatif puisqu’il ne s’agissait pas d’un essai the´rapeutique, on peut relever que le taux de re´ponses a e´te´ de 40 % tandis que la survie sans progression de cette cohorte de malades e´tait de 7,8 mois pour une survie globale de 14,6 mois. Evalue´ en seconde ligne, en association avec l’erlotinib, le be´vacizumab ne s’est pas montre´ capable d’ame´liorer le devenir des malades [90]. Le be´vacizumab est par ailleurs teste´ dans le traitement du cancer a` petites cellules [91–93], situation qui fait e´galement l’objet d’un essai en cours, conduit par l’IFCT. 3. Conclusion L’avance´e de nos connaissances nous conduit vers un changement rapide de nos pratiques en matie`re de traitement des cancers bronchiques. De nombreuses voies sont reconnues comme e´tant de´re´gle´es dans le fonctionnement des cellules tumorales. Les mutations d’EGFR, le de´re`glement de l’angiogene`se sont d’ores et de´ja` la cible de traitements entre´s dans la pratique courante. Dans un avenir proche, il est probable que le crizotinib sera admis pour le traitement des patients ayant une prote´ine de fusion EML4-ALK [94]. Mais ce sont aussi les voies RAS/RAF/MEK, PI3 K/AKT/mTOR, Met et bien d’autres encore qui font de´ja` l’objet de multiples travaux qui permettront certainement l’introduction de nouvelles the´rapies cible´es [95].
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