Pneumonies acquises sous ventilation mécanique : suivez les recommandations !

Pneumonies acquises sous ventilation mécanique : suivez les recommandations !

Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 26 (2007) 844–849 http://france.elsevier.com/direct/ANNFAR/ Article original Pneumonies acquises s...

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Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 26 (2007) 844–849 http://france.elsevier.com/direct/ANNFAR/

Article original

Pneumonies acquises sous ventilation mécanique : suivez les recommandations ! Ventilator-associated pneumonia: follow the guidelines! B. Junga, M. Sebbanea, G. Chanquesa, P. Couroublea, M. Cissea, P.-F. Perrigaulta, H. Jean-Pierreb, J.-J. Eledjama, S. Jabera,* a

Unité de réanimation et de transplantation, département d’anesthésie–réanimation B, CHU de Montpellier, hôpital Saint-Éloi, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier, France b Service de bactériologie, CHU de Montpellier, hôpital Arnaud-de-Villeneuve, 191, avenue du Doyen-Gaston-Giraud, 34295 Montpellier, France Reçu le 26 novembre 2006 ; accepté le 21 juin 2007 Disponible sur internet le 14 août 2007

Résumé Objectifs. – Comparer les bactéries responsables des pneumonies acquises sous ventilation mécanique (PAVM) précoces et tardives objectivées par un lavage bronchoalvéolaire (LBA) ainsi que le devenir des patients. Type d’étude. – Prospective, observationnelle, épidémiologique. Patients et méthodes. – Pendant une durée de sept ans, tous les premiers épisodes de PAVM ont été inclus. Le diagnostic était affirmé par un LBA avec un seuil de 104 ufc/ml. Le seuil de définition d’une PAVM tardive était une durée de ventilation mécanique supérieure ou égale à cinq jours. Résultats. – Cent treize PAVM ont été étudiées, 50 étaient précoces, 63 tardives. Au total, 34 % des PAVM précoces et 73 % des PAVM tardives étaient dues à des bactéries potentiellement résistantes aux antibiotiques. Pseudomonas aeruginosa était la bactérie la plus représentée, responsable de 16 % des PAVM précoces et de 39 % des PAVM tardives. Il n’y avait pas de différence significative de morbidité ou de mortalité (29 vs 29 %, ns) entre les patients atteints de PAVM précoce ou de PAVM tardive. Conclusion. – Dans notre série, les bactéries potentiellement multirésistantes aux antibiotiques et en particulier les bacilles à Gram négatif étaient les pathogènes les plus souvent responsables des PAVM qu’elles soient précoces ou tardives. Le choix de l’antibiothérapie probabiliste des PAVM précoces doit prendre en compte l’ensemble des facteurs de risque de bactéries potentiellement multirésistantes aux antibiotiques et pas seulement son délai d’apparition. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Objectives. – To compare the clinical outcomes and the causative pathogens of early-onset and late-onset ventilator-associated pneumonia (VAP) diagnosed by bronchoalveolar lavage (BAL). Study design. – Prospective, observational, epidemiological study. Patients and methods. – During a 7-years period, all first episodes of VAP were prospectively included. Diagnosis was confirmed by a BAL with a threshold of 104 cfu/ml. Late-onset pneumonia was defined if occurred after the seventh day after mechanical ventilation. Results. – One hundred and thirteen VAP were studied. Fifty were early-onsets and 63 late-onsets. Thirty-four per cent of early-onset VAP and 73% of late-onset VAP were due to potential multiresistants pathogens. Pseudomonas aeruginosa was the most commonly isolated bacteria both in early-onset and late-onset VAP (16 and 39% respectively). Morbidity and mortality (29 vs 29%, ns) were not statically different between the two groups (early-onset and late-onset VAP). Conclusion. – In our study, both early-onset and late-onset VAP were mainly caused by potentially multiresistants bacteria, most commonly Gram negative bacilli. Even for early VAP, clinicians should be aware about all risk factors for potentially multiresistants pathogens and not only the delay of onset of the VAP episode. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Jaber).

0750-7658/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annfar.2007.06.012

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Mots clés : Pneumonie acquise sous ventilation mécanique ; Infection nosocomiale ; Antibiothérapie ; Lavage bronchoalvéolaire ; Aspiration trachéale ; Pseudomonas aeruginosa Keywords: Ventilatory-associated Pseudomonas aeruginosa

pneumonia;

Nosocomial

infections;

Antibiotic

therapy;

Bronchoalveolar

lavage;

Endotracheal

aspiration;

1. Introduction

2. Matériel et méthodes

La pneumonie acquise sous ventilation mécanique (PAVM) est l’infection nosocomiale la plus fréquente en réanimation avec une prévalence comprise entre 9 et 27 % [1,2]. Elle est responsable d’une augmentation de la durée de séjour et d’un surcoût de 6000 à 8000 € par épisode [3–6]. Alors que la mortalité imputable à la PAVM reste controversée, le retard thérapeutique est à l’origine d’une aggravation du pronostic [2–4,7– 11]. C’est pourquoi les sociétés savantes internationales ont établi des recommandations de prise en charge diagnostique et thérapeutique fondées essentiellement sur le délai de survenue de la pneumonie [1,2]. Elles différencient ainsi les pneumonies précoces, survenant avant le cinquième jour de ventilation, des pneumonies tardives survenant après le cinquième jour. Le traitement probabiliste des épisodes précoces cible des bactéries sensibles aux antibiotiques usuels (Staphylococcus aureus sensible à la méticilline, Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae) et propose une monothérapie (céphalosporine de troisième génération inactive sur Pseudomonas aeruginosa, fluoroquinolone de troisième génération ou pénicilline A et inhibiteur de bêtalactamase) [1,2]. Les épisodes tardifs sont le plus souvent dus à des bactéries potentiellement multirésistantes (S. aureus résistant à la méticilline, P. aeruginosa, Acinetobacter baumanii…) et leur traitement probabiliste fait appel à une association d’antibiotiques incluant une bêtalactamine antipyocyanique associée à une fluoroquinolone ou un aminoside et éventuellement à un glycopeptide. Cependant, une étude récente a montré une prévalence équivalente de germes potentiellement multirésistants aux antibiotiques dans les PAVM précoces et tardives [12]. Cette étude utilisait des prélèvements non protégés (aspirations endotrachéales) comme outil diagnostique. Une autre étude a confirmé ces résultats [13]. Les auteurs ont montré, sur un collectif de 408 PAVM diagnostiquées par un lavage bronchoalvéolaire (LBA), une proportion équivalente de germes multirésistants aux antibiotiques entre les PAVM précoces et les PAVM tardives. Les auteurs retrouvaient près de 80 % de germes résistants dans les deux groupes (PAVM précoces et tardives). L’antibiothérapie initiale, guidée par les recommandations internationales, était modifiée secondairement dans plus d’une PAVM précoce sur deux et dans un tiers des PAVM tardives. Les auteurs concluaient que dans leur centre, l’antibiothérapie initiale, basée sur les recommandations internationales, était inadaptée dans 50 % des situations. Ils ont alors proposé un suivi précis de l’épidémiologie locale afin d’améliorer l’antibiothérapie probabiliste des PAVM. Les objectifs de notre étude étaient, dans un premier temps, de préciser la microbiologie respective des PAVM dans notre unité et, dans un second temps, de décrire le devenir respectif des patients atteints de PAVM précoce et de PAVM tardive.

Cette étude prospective a été réalisée dans le service de réanimation médicochirurgicale (12 lits) du département d’anesthésie–réanimation B entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2004 au sein du centre hospitalier universitaire de Montpellier (hôpital Saint-Éloi). Il s’agissait d’une étude observationnelle, épidémiologique, sans modification de la stratégie thérapeutique, ne nécessitant pas d’accord préalable du comité d’éthique local. 2.1. Critères d’inclusion Les patients âgés de plus de 18 ans, sous ventilation mécanique depuis plus de 48 heures, et atteints de PAVM confirmée par un lavage bronchoalvéolaire positif (≥ 104 ufc/ml) ont été systématiquement inclus. Nous n’avons inclus que le premier épisode de PAVM. 2.2. Diagnostic de PAVM Dans notre unité, nous réalisons une surveillance systématique hebdomadaire de la colonisation bronchique par une aspiration trachéale. Le diagnostic de PAVM était retenu devant l’association de signes cliniques et paracliniques évocateurs (température < 36 °C ou > 38 °C, aspirations trachéales purulentes, foyer auscultatoire, apparition d’un infiltrat radiographique, hyperleucocytose, altération des échanges gazeux) et la positivité du lavage bronchoalvéolaire [1]. Les critères cliniques évocateurs ont été regroupés dans le score CPIS (Clinical Pulmonary Infectious Score) détaillé en Annexe A [14]. Le LBA était réalisé sous contrôle fibroscopique direct sans interruption de la ventilation dans les 24 heures suivant la suspicion diagnostique. Trois échantillons de 50 ml chacun étaient réalisés, le premier était éliminé, les deux autres étaient mis en culture sur des milieux classiques. Le LBA était considéré positif lorsque le compte bactérien était supérieur ou égal à 104 ufc/ml) et que la (les) bactérie(s) retrouvée(s) étai(en)t considérée(s) comme pathogène(s). En cas d’antibiothérapie introduite depuis moins de 48 heures lors du lavage alvéolaire, nous avons diminué le seuil de positivité à 103 ufc/ml [15]. 2.3. Délai d’apparition de la pneumonie Lorsqu’une PAVM survenait avant le cinquième jour de ventilation mécanique, elle était définie comme précoce, et tardive lorsqu’elle survenait après le cinquième jour. 2.4. Statistiques Les résultats sont exprimés en valeur moyenne ± écart-type à la moyenne ou en pourcentage. L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du logiciel Statview® 5.0 (SAS Institute,

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États-Unis). Les comparaisons ont été réalisées sans appariement préalable. La distribution des variables a été étudiée à l’aide du test de Kolmogorov-Smirnov. Les variables continues ont été comparées à l’aide du test t de Student lorsque la distribution était normale et à l’aide du test de Mann-Withney lorsque la distribution n’était pas gaussienne. Le test du Chi2 ou le test de Fisher ont été utilisés pour l’analyse des variables qualitatives. Les différences observées étaient jugées significatives pour une valeur de p < 0,05.

Tableau 1 Caractéristiques démographiques des patients atteints de PAVM précoces et de PAVM tardives

3. Résultats 3.1. Démographie Durant la période de l’étude (huit ans), 2036 admissions ont été réalisées. Soixante-deux pour cent des patients ont été ventilés plus de 48 heures (1262 patients). Deux cent quatre-vingtquinze LBA ont été réalisés chez 255 patients pour suspicion de PAVM. Cent trente-sept LBA étaient positifs (46 %). Seuls les 113 premiers épisodes ont été inclus pour l’analyse. Les caractéristiques démographiques des patients atteints de PAVM précoces et tardives sont représentées dans le Tableau 1 (Annexe B). Cinquante PAVM survenaient précocement (avant le cinquième jour d’hospitalisation) et 63 tardivement (après le cinquième jour). Lors de la réalisation du LBA, le score CPIS était égal à 6,4 ± 2,1 pour les patients atteints de PAVM précoce sans différence significative, quel que soit le délai d’apparition de la pneumonie (Tableau 1). Il n’y avait pas de différence significative pour les caractéristiques démographiques, la provenance et les comorbidités en fonction du délai d’apparition de la pneumonie (Tableau 1). 3.2. Microbiologie L’antibiothérapie probabiliste initiale des PAVM est ciblée contre les bactéries de la colonisation et ensuite adaptée en fonction des résultats du LBA. Les bactéries responsables des PAVM précoces et tardives sont représentées dans le Tableau 2. Nous avons distingué les bactéries potentiellement résistantes aux antibiotiques représentées par P. aeruginosa, A. baumanii, Stenotrophomonas maltophilia, Enterobacter sp et S. aureus résistant à la méticilline et les bactéries considérées comme habituellement sensibles aux antibiotiques. Quarante pour cent des PAVM précoces (20 sur 50) étaient dues à une bactérie potentiellement résistante aux antibiotiques. P. aeruginosa était ainsi responsable d’un cinquième des PAVM précoces. Il était une fois sur deux résistant à la ticarcilline et à la ciprofloxacine. La sensibilité de P. aeruginosa aux aminosides était conservée dans huit PAVM précoces sur dix (80 %). Seules trois PAVM précoces étaient dues à un S. aureus résistant à la méticilline. Les PAVM tardives étaient dans 73 % des situations dues à des bactéries potentiellement multirésistantes aux antibiotiques. P. aeruginosa était la bactérie la plus fréquemment retrouvée (25 PAVM tardives sur 63, soit 40 %). Quel que soit le délai d’apparition de la PAVM, P. aeruginosa était un pathogène à considérer dans le traitement probabiliste. Le Tableau 3 détaille les stratégies anti-infectieuses instaurées avant et après résultat

Caractéristiques des patients à l'admission en réanimation Âge (ans) Sexe (homme/femme) Motif d'admission, n (%) Médical Postopératoire

PAVM précoces (n = 50) 60 ± 13 39/11

PAVM tardives (n = 63) 61 ± 16 46/17

p

> 0,99 > 0,99

29 (58) 21 (42)

26 (41) 37 (59)

0,11 0,11

Provenance, n (%) Domicile Médecine Chirurgie Autre réanimation

5 (10) 19 (38) 20 (40) 6 (12)

7 (11) 25 (39) 25 (40) 6 (9)

0,92 0,87 > 0,99 > 0,99

Comorbidités, n (%) (Annexe A) Insuffisance respiratoire chronique Insuffisance rénale chronique dialysée Cirrhose hépatique Child ≥ B Diabète Cancer Insuffisance cardiaque ≥ NYHA III

10 (18) 1 (2) 10 (18) 10 (18) 7 (14) 4 (7)

6 (10) 1 (2) 9 (16) 8 (14) 13 (20) 1 (2)

0,35 >0,99 > 0,99 0,70 0,54 0,33

Antibiothérapie lors du LBA, n (%) CPIS IGS II SOFA

46 (92) 6,4 ± 2,1 48 ± 14 6,7 ± 4,6

57 (90) 6,2 ± 1,9 49 ± 14 7,8 ± 4,0

> 0,99 > 0,99 > 0,99 0,10

Tableau 2 Pathogènes responsables des PAVM précoces et tardives confirmées par un lavage bronchoalvéolaire > 104 unités formant colonies/ml

Bactéries potentiellement résistantes aux antibiotiques (n, %) Pseudomonas aeruginosa Acinetobacter baumanii Stenotrophomonas maltophilia Enterobacter species Staphylococcus aureus résistant à la méticilline Autres bactéries (n, %) Haemophilus influenzæ Escherichia coli Autres entérobactéries Enteroccus species Streptococcus pneumoniae Staphylococcus aureus sensible à la méticilline

PAVM précoces (n = 50) 20 (34)

PAVM tardives (n = 63) 47 (73)*

p

< 0,01

10 (16) 0 (0) 3 (5) 5 (8) 3 (5)

25 (39) 2 (2) 7 (11) 11 (16) 3 (5)

0,05 > 0,99 0,25 0,32 > 0,99

41 (66) 9 (15) 7 (11) 5 (8) 1 (1) 5 (8) 15 (24)

17 (27)* 0 (0)* 4 (6) 8 (12) 2 (2) 0 (0) 5 (7)*

< 0,01 < 0,01 0,64 0,44 > 0,99 0,09 0,02

Nombre total de bactéries 61 (100) 64 (100) Les résultats sont exprimés en nombre de pathogènes identifiés. *p < 0,05.

du LBA. Il n’y avait pas de différence significative entre l’antibiothérapie probabiliste et l’antibiothérapie adaptée aux données du LBA. On note cependant une tendance à la diminution du nombre de traitements par céphalosporine de troisième génération ou pipéracilline dans les PAVM précoces après obtention des résultats microbiologiques. La plupart des traitements par glycopeptides ont été poursuivis malgré une faible représentation des staphylocoques résistants à la méthicilline.

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Tableau 3 Antibiotiques administrés lors des PAVM précoces et tardives Antibiothérapie

Monothérapie Association

PAVM précoces (n = 50) Avant Après LBA LBA 10 8 40 42

PAVM tardives (n = 63) Avant Après LBA LBA 13 12 49 51

Aminoglycosides 8 11 6 13 Pipéracilline 2 1 2 0 Pipéracilline + tazobactam 11 13 18 15 Ticarcilline + clavulanate 0 0 3 3 Céphalosporines 3e génération 3 0 1 1 Céfépime 4 3 1 4 Imipénème 9 6 14 20 Ceftazidime 3 2 4 5 Fluoroquinolones 14 12 10 16 Glycopeptide 20 20 29 41 La première colonne (« avant LBA ») représente le traitement probabiliste instauré, la deuxième colonne (« après LBA ») le traitement adapté aux données du LBA. Tableau 4 Devenir des patients en fonction de l’adéquation de l’antibiothérapie initiale

Durée de ventilation (jours + DS) Durée de séjour (jours ± DS) Décès, n (%)

Antibiothérapie initiale Adéquate Inadéquate (n = 80) (n = 33) 27 ± 24 23 ± 18 35 ± 30 31 ± 20 23 (29) 10 (30)

Fig. 2. Comparaison des durées de ventilation des patients médicaux et chirurgicaux atteints de PAVM précoces et tardives. Il n’y avait pas de différence de durée de ventilation entre patients médicaux et chirurgicaux. La durée de ventilation mécanique était significativement plus longue dans le groupe des PAVM tardives (p < 0,01).

p

0,99 0,5 0,91

3.3. Devenir des patients Quatre-vingts pneumonies ont bénéficié d’un traitement probabiliste initial adapté alors que 33 épisodes ont nécessité une adaptation thérapeutique après les résultats du LBA. L’adéquation de l’antibiothérapie initiale n’était pas responsable d’un allongement de la durée de ventilation, de séjour ou d’une surmortalité dans notre série (Tableau 4). La mortalité en réanimation des patients médicaux et chirurgicaux n’était pas différente, quel que soit le délai de survenue de la PAVM (Fig. 1). Il n’y avait pas de différences de durée de ventilation,

Fig. 3. Comparaison des durées de séjour des patients médicaux et chirurgicaux atteints de PAVM précoces et tardives. Il n’y avait pas de différence de durée de séjour en réanimation entre patients médicaux et chirurgicaux. La durée de séjour en réanimation était significativement plus longue dans le groupe des PAVM tardives (p < 0,01).

de durée de séjour ou de mortalité entre patients médicaux et chirurgicaux (Figs. 2,3). Alors que P. aeruginosa était le pathogène le plus représenté dans notre série il ne s’accompagnait pas d’une aggravation du pronostic, comparé à l’ensemble des pathogènes. Il n’y avait ni surmortalité ni augmentation des infections nosocomiales extrapulmonaires des patients atteints de PAVM à P. aeruginosa. 4. Discussion

Fig. 1. Mortalité des patients. Il n’y avait pas de différence de mortalité entre patients médicaux et chirurgicaux, quel que soit le délai d’apparition de la PAVM.

Le résultat principal de notre étude est la forte incidence de bactéries potentiellement multirésistantes aux antibiotiques, quel que soit le délai d’apparition de la PAVM. En effet, les bactéries potentiellement résistantes aux antibiotiques représentaient 34 % des PAVM précoces et 73 % des PAVM tardives. P. aeruginosa était la bactérie potentiellement résistante aux

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antibiotiques la plus fréquemment responsable de PAVM. Cependant, nous n’avons pas mis en évidence d’aggravation pronostique liée à la surreprésentation de bactéries multirésistantes aux antibiotiques. Plusieurs études ont montré que les pathogènes responsables des pneumonies précoces et tardives étaient différents [1,16– 18]. Ainsi, les sociétés savantes recommandent d’orienter le traitement probabiliste des PAVM essentiellement en fonction de leur délai d’apparition et de la présence de facteurs de risque de bactéries résistantes aux antibiotiques [1,2]. Les facteurs de risque reconnus sont l’exposition à une antibiothérapie dans les 90 jours précédant la PAVM, une durée d’hospitalisation supérieure à cinq jours, une forte prévalence de germes résistants dans l’écologie du service, l’hospitalisation récente dans les 90 jours, un mode de vie à risque (perfusions à domicile, dialyse chronique, vie en maison de retraite…) [1]. La meilleure approche pour réduire la mortalité semble être le recours initial à une antibiothérapie probabiliste à large spectre, suivie d’une désescalade thérapeutique après obtention des résultats microbiologiques [19]. Si la notion de délai d’apparition de la PAVM est importante pour guider le traitement probabiliste, la prise en compte des facteurs de risque l’est également [1]. En effet, une étude a rapporté une incidence élevée de P. aeruginosa que ce soit dans les pneumonies précoces ou tardives (22 vs 36 % respectivement) [12]. Quatre-vingts pour cent des patients étaient traités par antibiotiques lors du diagnostic qui faisait appel à une stratégie non invasive (clinique, radiographique et aspirations trachéales) [12]. Dans notre série, la confirmation diagnostique de PAVM nécessitait un LBA et 92 % des patients étaient traités par antibiotiques lors de la réalisation du LBA. Nos résultats sont en accord avec ceux rapportés récemment portant sur 408 patients atteints de PAVM confirmées par un LBA [13]. Les germes responsables étaient dans 75 % des situations multirésistants aux antibiotiques, et ce, quel que soit le délai d’apparition de la PAVM. Ainsi, P. aeruginosa et S. aureus résistants à la méticilline étaient les deux bactéries les plus fréquemment retrouvées (45 et 30 % respectivement, sans différence entre PAVM précoce et PAVM tardive) [13]. Du fait de l’incidence importante de bactéries multirésistantes dans le groupe des pneumonies précoces, 111 (58 %) antibiothérapies probabilistes étaient inadéquates. La mortalité hospitalière des patients atteints de PAVM à P. aeruginosa et à S. aureus résistant à la méticilline était plus importante que celle des patients atteints de PAVM à d’autres pathogènes [13]. Si le pronostic des pneumonies à P. aeruginosa et à S. aureus résistantes à la méticilline est reconnu comme défavorable par rapport aux autres pathogènes, le retard thérapeutique dans cette étude est probablement un facteur aggravant [13,20,21]. L’adéquation de l’antibiothérapie probabiliste initiale vis-à-vis du ou des germes responsables et la précocité du traitement ont démontré un impact favorable sur le pronostic des patients atteints de pneumonie [10,22–24]. En effet, une étude a montré une surmortalité lorsque les patients étaient traités pour une PAVM avec un retard supérieur à 24 heures (70 vs 28 %, p < 0,001) [23]. Dans notre série, l’inadéquation initiale du traitement probabiliste n’était pas associée à une aggravation du pronostic.

Nos résultats confirment les données de la littérature en montrant une incidence de 34 % de bactéries résistantes aux antibiotiques dans le groupe PAVM précoces [12,13]. Dans notre unité, 92 % des patients étaient traités par antibiothérapie pour une infection extrapulmonaire ou une pneumonie en cours lors de la réalisation du LBA. De plus, 90 % de nos patients étaient adressés par un service hospitalier. Peu de patients étaient donc considérés comme à faible risque de pathogènes résistants aux antibiotiques. Dans l’étude de Giantsou et al. [13], la provenance des patients n’était pas précisée mais une antibiothérapie préalable ou une corticothérapie au long cours (50 % des patients) étaient des facteurs de risque de sélection de bactéries potentiellement résistantes aux antibiotiques. La distinction entre pneumonie précoce et tardive est définie par la date de début de la ventilation mécanique [1]. Cette date ne prend pas en considération une hospitalisation préalable, même si les recommandations internationales prennent en compte ce facteur de risque de bactéries potentiellement résistantes aux antibiotiques pour l’antibiothérapie initiale [1]. La date de début de la PAVM ne semble donc pas être le facteur décisif permettant le choix de l’antibiothérapie initiale. Dans notre série, la durée moyenne d’hospitalisation avant l’admission en réanimation est de 11 ± 24 jours (valeurs extrêmes : 0–134), 10 % des patients provenaient de leur domicile. Au cours de cette hospitalisation préalable, 83 % des patients avaient été traités par antibiotiques. C’est donc bien l’association du délai d’apparition de la pneumonie et de la présence de facteurs de risque de résistance aux antibiotiques qui doit déterminer la stratégie initiale. Notre étude présente certaines limites. Il s’agit d’une étude monocentrique qui décrit l’écologie locale. Nous ne pouvons donc pas extrapoler nos résultats en dehors de notre centre. L’importance des traitements par glycopeptides a été décrite dans le Tableau 2, mais nous avons constaté une faible proportion de désescalade malgré une faible représentation des staphylocoques résistants à la méthicilline dans notre série. Cette discordance apparente peut être expliquée par le nombre de patients admis dans un contexte de sepsis postopératoire digestif nosocomial, mais aussi, malheureusement, par une adhérence imparfaite des praticiens aux recommandations. Depuis cette étude, notre équipe s’attache à optimiser le nombre de désescalade antibiotique dès que cela est réalisable. 5. Conclusion Cette étude montre que l’incidence des bactéries potentiellement multirésistantes aux antibiotiques est élevée à la fois dans les PAVM précoces et tardives pouvant aggraver le pronostic des patients lorsque le traitement antibiotique initial n’est pas efficace. La prise en considération de la durée d’hospitalisation avant l’admission en réanimation, de l’existence d’une antibiothérapie préalable ou de facteurs de risque de germes multirésistants devraient aider le clinicien à mieux cibler le traitement probabiliste initial. La présente étude souligne la nécessité de connaître l’écologie locale de son unité afin de pouvoir au mieux adapter les recommandations sur l’antibiothérapie.

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Annexe A. Score CPIS [14] Clinical Pulmonary Infectious Score [14]. Le nombre de points CPIS est la somme des points attribués à chaque case du tableau. Points CPIS Température (°C) Leucocytes (/ml) PaO2/FiO2 (mmHg) Infiltrat radiographique Sécrétions trachéales

0 ≥ 36,5 ou ≤ 38,4 ≥ 4 000 et ≤ 11 000 > 240 Aucun Rares

1 ≥ 38,5 ou ≤ 38,9 < 4 000 ou > 11 000 Diffus Abondantes

2 ≥ 39 ou ≤ 36 < 4 000 ou > 11 000 et présence de formes immatures ≤ 240 ou SDRA Localisé Abondantes et purulentes

Annexe B. Définition des comorbidités ● Insuffisance respiratoire chronique : dyspnée au moindre effort due à une pathologie respiratoire, obstructive ou restrictive. Le patient est incapable de marcher, grimper des escaliers ou réaliser des tâches ménagères. Hypoxémie chronique, hypercapnie, polyglobulie, hypertension artérielle pulmonaire sévère (pression artérielle pulmonaire moyenne > 40 mmHg) ou nécessité d'une assistance respiratoire à domicile (exemple : oxygénothérapie à domicile) ● Insuffisance cardiaque chronique : fatigue, dyspnée ou angine de poitrine pour un effort minimal. Le patient ne peut se tenir debout, marcher doucement ou s'habiller sans symptômes (stade NYHA IV) ● Cirrhose : affirmée par une biopsie avant l'admission en réanimation ou l'association de signes cliniques comme une hypertension portale ou la présence de varices œsophagienne ou gastrique (documentées par la chirurgie, une imagerie ou une endoscopie) ou la démonstration d'un flux splénique rétrograde à l'échodoppler ou des antécédents d'hématémèse par rupture de varices ou des épisodes d'insuffisance hépatocellulaire aiguë, encéphalopathie ou coma ● Diabète : nécessitant une insulinothérapie

Références [1]

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