Pour l’éducation thérapeutique de la maladie dépressive en soins primaires

Pour l’éducation thérapeutique de la maladie dépressive en soins primaires

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Éditorial

Presse Med. 2014; 43: 883–885 ß 2014 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.

Pour l’éducation thérapeutique de la maladie dépressive en soins primaires Xavier Yves Zendjidjian1, Laurent Boyer1, David Magalon2, Katja Magalon-Bingenheimer2, Ygal Griguer3, Christophe Lancon2

1. Assistance publique des hôpitaux de Marseille, hôpital de la Conception, pôle psychiatrie centre, 13005 Marseille, France 2. Assistance publique des hôpitaux de Marseille, hôpital Sainte Marguerite, pavillon Solaris, 13009 Marseille, France 3. 6, rue du Docteur-Bertrand, 13008 Marseille, France

Correspondance : Disponible sur internet le : 13 juin 2014

Xavier Yves Zendjidjian, Assistance publique des hôpitaux de Marseille, pôle psychiatrie centre, hôpital de la Conception, 147 Boulevard Baille, 13005 Marseille, France. [email protected]

Therapeutic patient education of depressive disorder in primary care

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tome 43 > n89 > septembre 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.04.012

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vec un coût total estimé en Europe à plus de 110 milliards d’euro annuels, les troubles de l’humeur représentent aujourd’hui un enjeu à la fois humain et économique. En France, le trouble dépressif est le trouble psychiatrique le plus fréquent avec une prévalence sur la vie estimée à 14 % en population générale, occasionnant près de 12 millions de consultations annuelles [1]. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le trouble dépressif est l’une des trois principales causes d’années perdues par incapacité, avec un risque accru de suicides et d’affections comorbides (maladies cardiovasculaires, diabète, troubles addictifs. . .), ainsi qu’une altération de l’insertion sociale et de la qualité de vie. Par rapport à la population générale, les patients déprimés ont un risque de chômage multiplié par trois, un risque de divorce ou séparation multiplié par quatre à six et un risque suicidaire multiplié par trente [2]. Le « coût » du trouble dépressif semble être plus lié à des insuffisances dans la prise en charge qu’au coût direct du traitement. Il a été effectivement démontré que la dépression est à la fois sous diagnostiquée et traitée de façon non optimale, alors que le traitement médicamenteux de la dépression a fait la preuve de son efficacité [3]. On estime que seuls 30 à 35 % des patients souffrant de dépression en France ou dans les autres pays développés reçoivent des soins appropriés (au moins des consultations de psychothérapie et/ou un traitement adéquat). Il faut ajouter à ces insuffisances diagnostiques et thérapeutiques que le trouble dépressif reste souvent négligé ou minimisé par les personnes déprimées, allant de l’absence de consultation en présence de symptômes aux

XY Zendjidjian, L Boyer, D Magalon, K Magalon-Bingenheimer, Y Griguer, C Lancon

difficultés d’observance chez les personnes traitées du fait de la méconnaissance des effets des traitements et de leur relative longueur. L’amélioration de la prise en charge est donc un objectif affiché dans de nombreux pays européens, y compris en France où cette problématique a été mise à l’agenda politique, notamment dans le Plan psychiatrie et santé mentale 2011–2015. L’amélioration de la prise en charge nécessite de définir des leviers d’action possibles. Les soins primaires pourraient constituer un secteur cible privilégié d’interventions efficaces. En effet, quand les personnes déprimées consultent, c’est dans 60 % des cas leur médecin généraliste qu’elles sollicitent. Les troubles dépressifs représentent d’ailleurs plus de 10 % des consultations de soins primaires. L’examen de la littérature internationale retrouve de nombreuses initiatives étrangères visant l’amélioration de la prise en charge de la pathologie dépressive en soins primaires [4]. Ces initiatives s’articulent principalement autour de changements intervenant dans l’organisation des soins primaires, en proposant notamment la mise en place de réseaux de « soins collaboratif » [5]. Les soins collaboratifs dans les pays anglo-saxons sont structurés autour de coordonnateurs de parcours de soins (case managers), le plus souvent des infirmiers ou des psychologues formés à la gestion des troubles dépressifs et aux principes de leur prise en charge. Ils interviennent en soutien du praticien de premier recours et sur son indication. Ils contribuent à la diffusion des recommandations de bonne pratique auprès des professionnels de santé impliqués dans la prise en charge. Ils assurent l’éducation du patient à la maladie, le suivi de l’évolution clinique et le monitorage des effets des traitements en surveillant particulièrement la survenue d’effets secondaires et l’adhésion au traitement. Ils peuvent proposer des ajustements des thérapeutiques au plus près et sont à même de pouvoir orienter les patients vers des structures de recours ou des psychiatres en cas de besoin. Par l’intermédiaire des case managers, les soins collaboratifs permettent de rompre l’isolement des médecins généralistes et favorisent la collaboration entre les différents acteurs du soin autour du patient. Dans ce cadre, l’investissement du patient dans ses soins se trouve favorisé par une éducation adaptée et personnalisée [6]. Les soins collaboratifs permettent l’intégration des patients dans des groupes d’éducation thérapeutique, animés par ces case managers ou d’autres intervenants plus spécifiquement formés à certains aspects de la maladie (gestion du stress, gestion des traitements. . .), ce qui diminue de manière importante la symptomatologie, et améliore notablement le niveau de

compréhension et d’acceptation des troubles, l’adhésion au traitement prescrit ainsi que le niveau de satisfaction des soins [7]. Une méta-analyse réalisée en 2012 répertorie 70 essais cliniques randomisés et met en évidence l’efficience de ces programmes à court et à long terme [8]. Il était notamment retrouvé une diminution plus importante des symptômes dépressifs, une augmentation des taux de réponse au traitement et de rémission, et une réduction des taux de rechute par rapport aux traitements usuels. De même, plusieurs études montraient que les soins collaboratifs étaient associés à une réduction des coûts de prise en charge. Ces résultats sont particulièrement encourageants, mais leur reproductibilité en France doit encore être étudiée. En effet, par rapport aux pays européens et nord-américains, le système de santé français présente certaines spécificités, dont l’organisation des soins primaires qui est distincte sur bien des points. Il n’existe à ce jour que très peu de travaux sur ce sujet en France. Ainsi, apparaît-il souhaitable de tester la faisabilité et l’acceptabilité (par les patients et les professionnels) de telles organisations dans le cadre d’une prise en charge des troubles dépressifs en médecine de premier recours. L’intervention des « case managers » et l’animation de groupes d’éducation pourraient compléter l’offre de soins du praticien. L’éducation thérapeutique pour les pathologies chroniques introduite dans la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (HPST) [9] est proche des organisations de soins collaboratifs. Ce cadre légal permet d’envisager le développement de programmes éducatifs innovants autour des médecins généralistes et favorise une approche globale et pluridisciplinaire du trouble par l’intervention de psychologues ou infirmiers coordonnateurs du parcours de soins. Ils rapprocheraient le patient et son médecin traitant d’un psychologue et/ou d’un psychiatre en recours et favoriseraient l’éducation et l’implication du patient dans la prise en charge. Ces programmes aideraient les patients à mieux comprendre leurs troubles et les enjeux des traitements, à progresser dans l’acceptation de la maladie et l’observance thérapeutique. Encadrées sur le plan légal, réglementaire, et soutenues par des arguments scientifiques, ces approches éducatives de la dépression doivent ainsi participer à la diminution de l’impact social du trouble ainsi qu’à l’amélioration du pronostic et de la qualité de vie des patients. Déclaration d’intérêts : le Pr Lançon Christophe a des conflits d’intérêts avec les laboratoires Lilly, Otsuka, BMS, Astra-Zeneca, Jansen, Lundbeck, ScheringPlough, Genopharm, Merck.

Références [1]

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