Pour optimiser le soin, il faut donner du sens au travail

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PTO – vol 16 – n°4 – Numéro Spécial : Hôpital, soins,management

Pour optimiser le soin, il faut donner du sens au travail To optimize care, we must give meaning to work Georges Masclet Professeur Emérite des Universités [email protected]

Résumé Une des conditions de l’optimisation d’un soin, réside dans la qualité du climat organisationnel dans lequel il s’effectue. Or, l’hôpital français est aujourd’hui dans une entropie maximale que portent ses agents. Un stress de nature paroxystique agite ces derniers qui s’épuisent, deviennent violents, ou encore présentent des conduites addictives de toutes natures. Cette entropie a pour motif dix ans de réformes pour introduire le « Nouveau Management Public » afin d’adapter nos hôpitaux au contexte économique mondial. Le but est d’optimiser les moyens dont disposent ceux-ci. Le motif est recevable, ce sont les conditions de la réorganisation qui ne le sont pas. La prescription s’est faite sans aucune autre démarche que l’information par circulaires comme c’est le cas dans la fonction publique traditionnelle. Aucunes formations pour construire de nouvelles compétences nécessaires à la nouvelle donne, n’ont été systématiquement programmées à cet effet. Résultats, les plus hardis du personnel s’adaptent et les autres s’effondrent. Rendre du sens au travail hospitalier, devient alors un leitmotiv nécessaire à l’organisation sous peine de voir tous les efforts de modernisation tourner court et justifier les résistances du personnel à celle-ci. Abstract A condition of the optimization of care lies in the quality of organizational climate in which it occurs. However, the French hospital today is in a maximum entropy that supports its agents. A paroxysmal stress waves that they are exhausted or become violent, even present addictive behaviors of all kinds. This entropy has for origin ten years of reforms to introduce the "New Public Management" to adapt our hospitals to global economic conditions. The goal is to optimize the resources available to them. The pattern is admissible, but the terms of the reorganization are not. The prescription was made without further action except information by notes, as is the case in the traditional public service. No training to build new skills necessary for this new deal, have been systematically programmed for this purpose. Results, the boldest of staff adapt and others fail. Giving back sense to the hospital work, becomes a leitmotiv for the organization lest all the efforts to modernize run short and justify the resistance of staff to it.

Mots clefs : réforme hospitalière, entropie, stress, sens au travail. Keywords: hospital reform, entropy, stress, meaning to work. 391

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1. Introduction Aucun soin, ne peut s'avérer efficace s'il est pratiqué dans une organisation où règne une entropie importante. Le terme d'entropie est une notion abstraite empruntée au courant systémique (Lemoine, Masclet 2007). Il désigne le degré d'incertitude ou de désordre dans l'arrangement des éléments du système que constitue une organisation. Cette incertitude était appréhendée classiquement, il y a encore une quinzaine d'années, au travers d'indicateurs concrets tels que : le taux d'absentéisme, le nombre d'accidents de travail, le taux de rebuts, les conflits, l'insatisfaction du personnel, le turn-over, le manque de communication… (Masclet 2001). Cette approche est désormais insuffisante, au regard de la nouvelle symptomatologie des organisations. On constate aujourd'hui, en effet, que l'expression psychosomatique a remplacé le conflit social dans bien des cas. Le mal-être ne s'exprime plus désormais dans les entreprises de façon collective et conflictuelle, il est intériorisé par les opérateurs. La conséquence c’est la violence, les conduites addictives, le burn-out…(Lemoine, Masclet 2007) Il est donc important de voir en quoi consistent ces nouvelles entropies pour essayer d'en comprendre les origines. Car si la nouvelle entropie, à première vue, ne menace plus la production, elle concerne néanmoins toutes les organisations, tant elle est devenue par son ampleur l’un des plus graves problèmes de notre temps, pour les individus. Elle menace de façon dramatique leur santé physique et mentale, au point qu'elle constitue un danger capable de mettre à terme en péril la bonne marche des organisations. L’hôpital en 2010 en est un bon exemple. 2. Les Formes de la nouvelle entropie des organisations Le stress est devenu une donnée ambiante de notre temps. Ainsi, en 2008, un rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail de Philippe Nasse, magistrat honoraire et Patrick Légeron, médecin psychiatre remis à M.Xavier Bertrand, alors Ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité (Légeron & Nasse 2008) signalait que le stress allait continuer à poser un ensemble de problèmes divers, complexes et importants du fait du poids de leurs conséquences. Un des motifs majeur évoqué, réside dans le fait que, les risques liés au stress, se développent à la frontière entre la sphère privée (le psychisme individuel) et la sphère sociale (les collectifs d’individus au travail), ils sont au cœur de beaucoup de conflits Des études épidémiologiques menées antérieurement montraient déjà que les pathologies liées à l'excès de stress qui se développaient dans les pays industrialisés allaient induire un coût économique de 2 à 3 % du PNB de l'Union Européenne (Bressan, cité par Légeron 2001). Dans ces mêmes pays on 392

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évaluait à 60% l'ensemble des journées de travail perdues à cause du stress (Légeron, 2001). Chouanière et al (2003) évaluaient à 41 millions le nombre de salariés européens concernés par des problèmes de santé dus au stress au travail. Et, ce coût atteindrait annuellement 20 milliards d'euros. Le coût du stress au travail a donc pris une ampleur considérable et ne semble pas se résorber, mais là ne sont pas ses seuls aspects négatifs. En effet, outre le fait qu'il soit à l'origine de troubles somatiques importants (anxiété, fatigue, ulcères gastriques, angine de poitrine, eczéma…) il est à l'origine de copings inadaptés, que les individus développent pour faire face aux tensions auxquelles ils sont confrontés. Ainsi, des violences, des conduites addictives de différentes natures, du burn-out, se développent-ils de façon dramatique dans les organisations de tous ordres. 2.1 La violence au travail La violence au travail est un phénomène préoccupant partout dans le monde et en forte progression. Ses répercussions sur la santé inquiètent à la fois les médecins du travail et les psychiatres. Elle s'origine le plus souvent, dans l'organisation inadaptée du travail. Ainsi, la violence institutionnelle exercée par une personne ou un groupe de personnes rassemble aussi bien le mobbing que le harcèlement moral et sexuel. Ce sont des agressions répétées et durables, auxquelles on ne peut attribuer un mobile. Le harcèlement moral est une technique de destruction consciente ou inconsciente de la personne visée. C'est une violence psychologique qui peut comporter une variété d'expressions. Injures, propos humiliants, isolation forcée en sont les manifestations les plus courantes. Parmi les principales formes de violences psychologiques nous retiendrons pour étude ici, le bullying, le mobbing. Le bullying est une forme de harcèlement, qui s'exprime dans le milieu du travail, par un ensemble de pressions. Elles consistent en « des comportements offensants, toujours imprévisibles, irrationnels et injustes par lesquels une ou plusieurs personnes, souvent des gestionnaires, visent à rabaisser de façon persistante un ou plusieurs salariés par des moyens malveillants et humiliants » (Chappell et Di Martino, 2000). Le mobbing selon Leymann (1996) est un processus de harcèlement d'une victime, par un ou plusieurs persécuteurs à la suite d'un conflit banal. Il s'agit d'un processus auto-entretenu et répété sur une longue période qui se manifeste notamment par des paroles, des gestes, des écrits unilatéraux, de nature à porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l'intégrité physique ou psychique de l'autre. Mais, l'institution elle même peut être génératrice de violence. Ainsi, le harcèlement institutionnel participe d'une stratégie de gestion de l'ensemble du 393

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personnel. Dans ce cas précis la violence ne relève pas d'un problème épisodique ou individuel mais bien d'une réalité structurelle et stratégique (Dejours 2000). Le harcèlement professionnel, est parfois organisé à l'encontre d'un ou plusieurs salariés précisément désignés. Cette stratégie managériale est destinée à contourner les procédures légales de licenciement (Dejours 1998). 2.2 Les addictions en milieu professionnel Mais, un des symptômes les plus spectaculaire dans l'expression des nouvelles entropies s'exprime, dans les diverses formes d'addictions classiques et moins classiques des opérateurs. Ainsi, plusieurs facteurs favorisent la prise de psychotropes sur le lieu de travail. D'une part, le monde de l'entreprise valorise une certaine attitude, celle de l'homme sociable, sûr de lui, boute-en-train. D'autre part, les notions de performance et de compétition poussent certains salariés à utiliser des produits psychoactifs pour faire face aux contraintes de leurs tâches, gérer la pression... pour tenir le coup. Aussi, le milieu professionnel expose-t-il les personnes à des pressions psychologiques qui peuvent inciter à fumer, consommer de l'alcool ou se droguer. Ces comportements à risques constituent pour elles un système de défense face au stress, aux tâches répétitives et peu motivantes, aux changements dans l'organisation du travail, aux horaires perturbés, à l'absence de reconnaissance, à l'insatisfaction au travail, aux harcèlements, à la peur de perdre son emploi, aux objectifs non atteignables, à la dégradation des relations au travail, aux problèmes de communication, à l'isolement... Les conséquences de ces comportements à risques sont dramatiques. Ainsi, rien que la prise d'alcool (Garnier 2006) sur le lieu de travail serait à l'origine de 15 à 20% des accidents du travail et d'un taux similaire d'absentéisme, de conflits au travail et de licenciements. Les conséquences économiques ne sont pas moindres et se traduisent par des pertes de productivité, des baisses de la qualité, des risques d'incidents, des erreurs, des risques pour les outils de production, des retards, des dégradations de l'image de l'entreprise, des risques pénaux et civils pour l'employeur… Toutefois, il est à noter que si la consommation d'alcool diminue ou se stabilise, l'usage de cannabis et de produits psychoactifs est en forte hausse. Désormais, dans le monde du travail, comme dans le milieu sportif, la recherche de performance entraîne l'utilisation de produits qui y participent. On peut remarquer de manière générale, une augmentation des pressions et du stress ressenti par les travailleurs. En effet, depuis 5 à 10 ans, les médecins du travail voient arriver des salariés qui consomment des substances psychoactives à des fins de dopage. Selon Michel Hautefeuille (2005) médecin du travail, « les personnes qui viennent nous voir ne sont pas toxicomanes, elles sont tout simplement 394

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piégées à l'intérieur d'un système de dopage… ». En effet, les salariés qui présentent des conduites addictives partagent avec les non-usagers, une image très négative de la toxicomanie. L'intégration économique et le maintien d'un statut social restent chez eux une préoccupation majeure. Cette manière nouvelle, depuis une trentaine d'années, de considérer l'activité comme une dimension centrale de sa vie, a entraîné des formes de dépendances contradictoires : le workaholisme ou l'addiction au travail. Celle-ci se définit comme une relation pathologique d'un sujet à son travail. Elle est caractérisée par une compulsion à lui consacrer toujours plus de temps et d'énergie. Le sujet se dévoue entièrement à son travail en excluant toute autre activité ou investissement (familial par exemple). Il s'identifie à son rôle professionnel et sa carrière prend une importance exorbitante. Le phénomène de dépendance est durable. Il persiste en dépit des conséquences négatives sur la santé physique et psychologique et sur la vie sociale. Ce trouble est plus souvent le lot des classes sociales moyennes ou supérieures. Fassel (1992) dit de l'addiction au travail, que c'est la plus « clean » de toutes les addictions. Mais, c'est aussi une des plus difficiles à combattre du fait de l'importance de la pression sociale qui la renforce. Elle est encouragée par la société parce qu'elle semble être socialement productive. En effet, le travail et l'auto esclavagisme du workaholique n'ont jamais suscité d'objections de la part des dirigeants ni même de la société. Pour comprendre cette dépendance, il faut la comparer au travail des artisans et des commerçants, qui de tous temps, ont travaillé beaucoup, sans pour autant être workaholiques. Comprenons que pour ces derniers, l'outil de travail et sa pérennisation imposaient le débord. Mais pour le workaholique, le travail n'est pas motivé par des causes ou des conséquences matérielles ou économiques, ni par la réalisation d'une œuvre quelconque. C'est l'exécution elle-même et ses propres procédures qui constituent l'objet de la dépendance. On peut ainsi établir un parallèle entre le workaholisme et d'autres conduites addictives, tels que les jeux d'argent, les troubles alimentaires, le sport ou l'hypersexualité. Il est évident que dans bien des cas, cette pathologie, surtout au début, ne dérange pas les dirigeants des entreprises qui voient là du dévouement, de la conscience professionnelle et bien d'autres alibis organisationnels. Il faut quand même avoir à l'idée, que l'intoxiqué du travail finit par être source de conflits et de discriminations. Le workaholique finit par irriter tout le monde et générer des conflits de tous ordres. Il est continuellement occupé, constamment accaparé par son travail. Il évite ses collègues tant sur le registre relationnel institutionnel que sur le plan humain. Il effectue régulièrement des heures supplémentaires sans rémunération. Il rechigne souvent à prendre ses jours de congés. Sa vie personnelle n'est pas non moins affectée. Il néglige puis fuit ses relations personnelles. Sa vie hors travail n'existe plus et ne constitue plus un coping face au stress généré par le travail. Les retentissements somatiques ne se font souvent pas attendre. Ce sont d'abord des céphalées chroniques, puis des 395

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lombalgies. A l'extrême, des troubles dépressifs apparaissent puis des ulcères, de l'hypertension voire des infarctus et souvent le bum-out (Fassel 1992). 2.3 Le burn-out et l'organisation Le burn-out selon Shirom (2003) peut se définir comme « une réaction affective au stress permanent et dont le noyau central est la diminution graduelle, avec le temps, des ressources énergétiques individuelles, qui comprennent l'expression de l'épuisement émotionnel, de la fatigue physique et de la lassitude cognitive. » Selon Truchot (2004), le burn-out contribue à augmenter l'insatisfaction au travail et à diminuer l'engagement et l'implication des opérateurs. Dans leur travail ces derniers commettent des erreurs qu'on ne peut attribuer ni à leur manque de connaissance ni à leur carence d'expérience. Enfin le burn-out est aussi souvent à l'origine de la détérioration des relations entre collègues, mais aussi dans celle des rapports avec les clients, les patients, les élèves… 3. L'Hôpital et son entropie L'entropie de l'hôpital est mis en évidence par le projet PRESST qui signifie : PRomouvoir en Europe Santé et Satisfaction des Soignants au Travail. Il fait partie de cette importante étude scientifique européenne NEXT (Nurses Early Exit Study), dont l'objectif est d'analyser pourquoi et comment, les professionnels paramédicaux quittent prématurément leur profession. Cette étude propose des pistes de réflexion, pour prévenir ce phénomène et mieux aborder l'avenir (Behar 2008). L'enquête a été menée, en Europe à partir de 2004, auprès de 69 902 soignants de toute qualification. Le taux de réponses global est de 53,2 % soit 37 161 répondants. Concernant les problèmes de santé mentale, le questionnaire proposait une rubrique : «Trouble de la santé mentale (ex : dépression, « burn out », anxiété, insomnie)». Concernant ce point, près du quart des soignants ont déclaré des troubles de la santé mentale en Pologne, France et Allemagne. Ce n'est le cas que de 15 % ou moins aux Pays-Bas, en Finlande et en Norvège. C'est en France que les soignants sont les plus nombreux à déclarer être suivis médicalement pour troubles de la santé mentale (9,8 %) ensuite on trouve l'Allemagne, la GrandeBretagne et la Belgique (7,8 %, 7,6 % et 6,7 %). Moins de 5 % des soignants des autres pays déclarent être suivis médicalement. Pour ce qui est de la santé au travail, la question était libellée ainsi : « Dans la liste suivante, inscrivez les maladies et blessures dont vous souffrez 396

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actuellement. Indiquez aussi si un médecin a fait le diagnostic ou traité ces problèmes de santé ». (Il s'agissait de cocher selon une liste détaillée que nous reprendrons plus loin). Les soignants de l'échantillon européen ont déclaré avoir eu les affections suivantes : - un accident 13 % (9,7 % traité), - des troubles musculo-squelettiques 52,8 % (28,7 % traités), - une maladie cardio-vasculaire 11,6 % (9,1 % traitée), - une maladie respiratoire 13,8 % (9,2 % traitée), - des troubles de la santé mentale 18,9 % (5,4 % traités), - des troubles neurologiques ou sensoriels 19,4 % (10,5 % traités), - des troubles digestifs 22,3 % (11,3 % traités), - des problèmes cutanés 27,7 % (15,6 % traités), - une maladie métabolique ou endocrine 8,4 % - une maladie sanguine 5,7 % - une tumeur 2 % - une pathologie congénitale 1,6 % Une autre question concernait les troubles musculo-squelettiques et le questionnaire, dans sa liste, s'intéressait aux : « Pathologies ostéo-articulaire ou musculaire du dos, des membres ou de toute partie du corps ex. : douleur répétée articulaire, des articulations, des muscles, sciatique, arthrite, arthrose) ». Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont déclarés par près de 60 % des soignants allemands slovaques, italiens et français. Ils concernent près de 40 % de ceux travaillant aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et en Norvège. L'étude plus spécifique des AS et ASH montre des résultats voisins sauf en Belgique où ils sont plus concernés par les TMS que l'ensemble des soignants de tous grades. Si l'on s'intéresse aux TMS traités médicalement, alors ils sont plus de 40 % dans ce cas en Belgique et en Allemagne alors que sur l'ensemble de l'échantillon aucun pays ne dépasse la proportion de 40 % de soignants suivis médicalement pour TMS. Il est clair, que pour le psychologue du travail, c'est bien de la « nouvelle entropie » dont il s'agit, même si ici, ce sont surtout les symptômes médicaux qui sont mis en avant. Les motifs objectivés par les professionnels du soin Parmi les motifs du malaise objectivés par les soignants dans l’enquête PRESST-NEXT, sont d'abord mis en avant par ces derniers des relations pas toujours aisées entre les collègues et les supérieurs. Puis vient le temps disponible pour les transmissions, la charge de travail, la crainte de faire des erreurs, de mal informer le malade, etc… Tout cela entraîne le développement 397

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d’une insatisfaction diffuse, qui va parfois jusqu'au désir de quitter la profession. Mais des « arrêts-maladie », des pathologies physiques, notamment dorsolombaires, des problèmes de santé mentale traités médicalement, qui constituent des signes objectifs de mal-être dans ce monde sont aussi évoqués. Ainsi, 61,9 % des soignants en Allemagne sont insatisfaits des possibilités de donner aux patients la qualité des soins dont ils ont besoin. Ce pourcentage s'élève à 58,21 % en Pologne, 49,5 % en France, 40,2 % en Grande Bretagne, 39,6 % en Italie et 38 % en Slovaquie. Il ne représente que 33,1 % en Finlande, ainsi que 33 % aux Pays-Bas, et 31,2 % en Belgique dont seulement moins de 5 % se disent très insatisfaits. Seuls 18,3 % des soignants norvégiens sont insatisfaits dont 2,1 % de très insatisfaits. La crainte des erreurs est une préoccupation majeure aussi pour les soignants. Plus des deux tiers travaillent avec ce souci. Les infirmiers et infirmiers spécialisés français craignent davantage de faire des erreurs que la moyenne des IDE (Infirmiers Diplômés d’État) européens (85,7 % dans l'enquête PRESST, contre 68,7 % dans l'ensemble de l'échantillon européen). Les aides soignants et ASH craignent aussi de faire des erreurs. Des erreurs d’ordre techniques, qu'ils lient aux modifications rapides des prescriptions, du fait de la réduction des durées moyennes de séjour. En France, 38,8 % des soignants disent avoir fréquemment ou très fréquemment des informations trop tard, 31,5 % des ordres contradictoires, 27,3 % des informations insuffisantes. On constate, par ailleurs, que dans les pays, où le temps relationnel est très développé, sont aussi, ceux où l'incertitude sur ce qui peut être dit au malade ou à sa famille est la plus faible. Ces résultats montrent l'importance des stratégies d’adaptation, développées collectivement et individuellement au cours du temps, par les soignants dans les services « qui marchent bien ». Kobasa, Maddi et Khan (1982), Pronost &Tap (1996) parlent de Hardiesse. Ce coping suppose une certaine marge de manœuvre sur les effectifs et les moyens, une organisation du travail qui prend en considération les difficultés et les nécessités du travail soignant, une certaine stabilité et entente dans l’équipe. Le management, à la fois des individus et des équipes, semble bien en cause, même s'il est largement déterminé par le contexte sociétal global (Masclet 2004).

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4. La position du problème Comme on le constate aujourd'hui, les nouvelles entropies concernent toutes les organisations et l'Hôpital n'échappe pas à la règle. Elles concernent toutefois comme on le constate, moins le collectif des entreprises que les individus eux-mêmes. Par ailleurs, le phénomène questionne par son effet massif au point que l'intervention s'avère nécessaire. Un tel phénomène ne peut donc laisser insensible. Les dirigeants d'entreprises et des hôpitaux notamment y sont très réceptifs tant pour des raisons humaines qu'économiques. Le coût du remplacement d'un opérateur amène en effet l'entrepreneur à plus de considérations pour celui-ci, qui plus est dans l'hôpital où le soignant devient difficile à remplacer. Par ailleurs il faut constater que le portefeuille de compétences d'une entreprise est devenu au moins aussi important que son capital. Les organisations qui n'en sont pas convaincues risquent un jour d'en payer, dans tous les sens du terme, le tribut. Intervenir s'impose donc, mais comment ? Trouver les raisons de ces entropies constitue sans doute un préalable. Divers motifs dispositionnels et organisationnels peuvent être avancés. Leur examen nous éclairera sans doute, mais, au préalable, examinons les motifs de l’entropie hospitalière. 4.1 L’Entropie Hospitalière De toutes les institutions et organisations, l’Hôpital en France est sans doute celle qui a essuyé, notamment ces dix dernières années, le plus de transformations fondamentales et radicales. La consommation de soins et de biens médicaux en France est légèrement inférieure à 10 % du PIB (9 % en 2007). Elle tend à augmenter, sous les effets conjugués du ralentissement de la croissance depuis le milieu des années 1970, du vieillissement de la population, enfin des innovations médicales, qui permettent de soigner mieux mais pour un coût plus élevé. Les budgets hospitaliers en représentent près de la moitié (44 % en 2007). Ils sont financés essentiellement par la Sécurité sociale (à 83 % en 2005), qui l'est à son tour principalement par des cotisations sociales reposant sur les salaires et sur d'autres revenus. Face à ce qu'ils ressentent de plus en plus comme un coût à minimiser, les gouvernements successifs ont pris différentes mesures pour « maîtriser » ces dépenses. Ainsi, si les hôpitaux français ont fait l'objet de nombreuses réformes au cours du XXe siècle, la période récente est marquée par une intensification de leur rythme et par une forte prégnance de cet objectif : loi hospitalière de 1991, ordonnances «Juppé» de 1996, plans « Hôpital 2007 » (2002) puis « Hôpital 2012 » (2007), enfin loi « Bachelot » ou « Hôpital, Patients, Santé et Territoires » (HPST, 2009).

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Fin 2002, Jean François Mattei, Le Ministre de la Santé du Gouvernement Raffarin, lance un plan, dit« Hôpital 2007 ». Il se situe dans la lignée des réformes hospitalières entreprises depuis les années 1990, qui visent notamment à mieux « maîtriser » les dépenses de santé. Il comporte nombre d'outils empruntés à la panoplie du « Nouveau Management Public (Le NMP), comme la mise en place progressive d'une « tarification à l'activité » (T2A), recourt à des partenariats public/privé, le regroupement de services hospitaliers en « pôles » financièrement responsables, voire « autonomes », ou encore la « modernisation » des statuts de la fonction publique hospitalière dans un sens rapprochant son fonctionnement de celui du secteur privé. A certains endroits et dans certains services ce plan se traduit notamment, via l'administration hospitalière, par une pression sur les effectifs. Le nouveau management public est un paradigme d'action publique, c'est-à-dire un ensemble d'idées et de pratiques que les pouvoirs publics tentent de mettre en œuvre dans les administrations et les services publics. Forgé aux États-Unis et au Royaume-Uni au cours des années 1980 et 1990, sous les administrations Reagan et Thatcher puis Clinton et Blair, il a essaimé dans de nombreux pays. Le cas français permet de préciser la nature de ses outils. Les pouvoirs publics de notre pays y ont en effet aujourd'hui largement recours. En premier lieu, nous trouvons « Le Downsizing : ou down-say-zing ». Ce management Masclet (Lemoine-Masclet 2007) le définit littéralement comme le plan social d'une entreprise. Sa pratique s'accompagne généralement d'une diminution des effectifs et de la réduction de la taille de l'entreprise. Le but escompté de l'opération est d'améliorer l'efficacité du fonctionnement de l'organisation afin de dégager des gains de productivité et d'accroître sa compétitivité. L’objectif : « débureaucratiser» l’organisation en la rendant « Lean and mean » (maigre et méchante) et par là même plus compétitive. Ces types de pratiques ont fini par toucher les cadres intermédiaires et souvenons-nous qu’un ministre célèbre souhaitait même l’appliquer à l’Éducation Nationale. Son vœu est aujourd’hui largement exhaussé. L’équivalent français est le « dégraissage ». « Les Trente cinq heures » à l’hôpital sans embauche en contrepartie ont été un réel downsizing. Nous trouvons ensuite l’utilisation du benchmarking ou « indicateurs de « performance ». « Qui veut s’améliorer doit se mesurer, qui veut être le meilleur doit se comparer » (Camp 1995). Le benchmarking est une méthode managériale qui consiste à rechercher en permanence les meilleures pratiques afin d’adopter ou d’adapter leurs aspects positifs et de les mettre en œuvre pour progresser et devenir « le meilleur des meilleurs » (Camp 1995). L’objectif du benchmarking est de faire évoluer une situation actuelle, susceptible d’être améliorée vers une situation plus compétitive, en ayant pour originalité de comparer des sociétés, des administrations, des services ou bureaux évoluant dans d’autres domaines d’activités. Comment ? En comprenant les autres et en examinant comment ils arrivent à faire des choses 400

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que d’autres ne sont pas capable de faire, ce qui implique, bien entendu, de commencer par se connaître soi-même, chercher ce qui se fait de mieux, reconnaître les différences et en tirer profit pour atteindre le but recherché. Concrètement, cette recherche des « bonnes pratiques » prend du temps et plusieurs voies sont possibles : sources internes (bibliothèque, revues, publications, services internes) et externes. Mais aussi, les remontées du terrain (du bas vers le haut : bottom-up) : retour d’information clientèle, citoyen, enquêtes téléphoniques, visites sur site ou investigations plus spécialisées (Lemoine-Masclet 2007). L’empowerment ou «responsabilisation» est aussi préconisée. La responsabilisation – ou Délégation – (empowerment) : Rosabeth Moss Kanter (1992) cité par Masclet (2004) était la principale instigatrice de ce mouvement, très à la mode dans le monde du management au début des années 90. Le principe de responsabilisation, ou de délégation, qui a pour but de libérer les facultés d’innovation et de changement des individus à l’intérieur d’une entreprise, implique généralement une participation accrue des employés dans l’organisation en stimulant notamment leur esprit d’initiative et d’entreprise. Et puis pêle-mêle, selon les cas on va trouver des incitations financières au rendement, des recours à des consultants privés et à des agences spécialisées, des dédifférenciations globales entre les secteurs public et privé… (Berlogey 2010). Toutes ces dispositions managériales sont justifiées par une recherche d'efficacité et par le souci d'économiser les deniers publics. Il s'agirait en fait de mieux rentabiliser la dépense publique, autrement dit de réduire les coûts à prestations égales ou d'accroître les prestations à budget égal. Ce phénomène culmine dans une réforme des finances publiques amorcée par la loi organique sur les lois de finances (LOLF. 2001) et poursuivie par la révision générale des politiques publiques (RGPP, 2007). Ce phénomène se décline à présent dans un nombre croissant de secteurs : santé, politiques sociales, éducation, recherche, justice, police, défense, immigration. (Berlogey 2010). Toutes ces avancées managériales se sont traduites par un nombre impressionnant de réformes : les « Trente cinq heures », le nouveau management public (NMP), la LOLF, la Nouvelle Gouvernance des Hôpitaux, la tarification à l’activité (la T2A), la Haute Autorité de Santé (HAS), l’Hospitalisation à Domicile (HAD), les services de soins à domicile (SSAD), la réforme des services sociaux à l’hôpital, la réformes du statut des cadre de santé, la réforme de la formation des infirmiers, la loi « Hôpital, Patient, Santé Territoire »… Toutes ces nouvelles conceptions de l’hôpital ont eu moins de dix ans pour se mettre en place. Il n’est pas étonnant aujourd’hui, que cette institution soit en difficulté organisationnelle et ce d’autant, que les personnels ont dû quasiment s’adapter sans préparation autres que les circulaires administratives et les réunions d’informations. Chacun a donc dû faire face au mieux de ses 401

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dispositions et de son environnement organisationnel. Essayons de comprendre comment ces facteurs ont pu être des facilitateurs ou des obstacles. 4.2 Des facteurs dispositionnels Nous désignons ici sous le vocable de facteurs dispositionnels l'ensemble des modes de faire face que l'individu a monté au long de sa vie pour s'adapter aux situations qu'il a traversées. Les anglo-saxons les désignent sous le terme de coping. La tradition psychanalytique réfère quant à elle au terme de mécanismes de défenses. L'examen de théories de la personnalité ayant tentées de rendre compte du problème posé par l’adaptation aux incertitudes organisationnelles, que la notion de coping nous est apparue comme des plus pertinentes. C'est à Heider (1944) cité par Dubois (1987) que nous devons les théories sur l'attribution causale forme de théorie de la personnalité. Croyance qui distingue les individus ayant des contrôles interne de ceux qui ont plutôt des attributions externes. Notre société valoriserait largement la notion d'internalité parce que l'individu adapté aujourd'hui doit de se monter responsable de ses actes. Dubois (1987) montre que les individus dits internes semblent mieux s'adapter aux situations auxquelles ils sont confrontés que les externes. Il parait donc intéressant de se pencher sur les réactions de ces internes face aux événements jugés stressants. Anderson (cité par Dubois, 1987) a réalisé une série d'études portant sur les réactions de dirigeants de petites entreprises confrontés à une inondation de leurs locaux. La recherche montre que les internes et les externes ne perçoivent pas de la même façon une situation pourtant objectivement identique. Les externes sont plus sensibles au stress que les internes et réagissent moins bien dans la mesure où ils présentent un nombre important de réactions émotionnelles et peu de comportements réellement adaptés. Cette manière de considérer les facteurs dispositionnels pour le problème qui nous concerne, nous semble peu heuristique pour envisager quelques remédiations possibles. Apprendre à un individu à se comporter en « interne » ne résoudra vraisemblablement pas ses problèmes de stress et d’adaptation au travail. Deux cardiologues américains, Friedman et Rosenman (1974) suite à l'étude de patients, présentant des troubles coronariens, distinguent deux formes d'adaptation chez les individus. Ils constatent en effet que ces malades ne présentent pas les mêmes symptômes. Leur théorie va consister à scinder la population en deux groupes A et B, cette typologie renvoyant à deux manières différentes de réagir face a une situation stressante. Dans leur vie quotidienne, les individus de type A se caractérisent par : - un esprit de compétition marqué - un désir de réussite sociale ou professionnelle - une hyperactivité 402

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- de l'impatience - un sentiment d'urgence - une certaine tension qui peut être interprétée comme de l'hostilité à l'égard d'autrui. Les individus de type B peuvent être, quant à eux, décrits comme l'opposé des individus de type A. Ceux-ci n'éprouvent pas de sentiment d'urgence et sont capables de se relaxer sans se culpabiliser... Des études tendent à montrer que le fait de présenter un comportement de type A, double le risque d'accidents cardio-vasculaires indépendamment des facteurs traditionnels de ce risque. Cependant, cette typologie a été largement contestée dans la mesure où un trait de personnalité conduirait une personne à réagir de manière stéréotypée face aux situations pourtant différentes. Rivolier (1989) précise qu'un individu de type B peut quand c'est nécessaire, se comporter de la même façon qu'un individu de type A. Ces théories sont peu opérationnelles pour établir une théorie du changement et la seule chose qu’on peut en déduire, c'est qu'il y aurait des types de personnalités plus adaptatives que d'autres. C'est l'idée que retient Masclet (2010), en disant que les personnes adaptatives vont utilisées pour faire face aux situations de la vie des copings (stratégies de faire face aux stress interne et externe) adaptés: comme l'anticipation, la capacité d'avoir recours à autrui ce qu'on appelle la faculté d'affiliation, l'altruisme, l'humour, l'affirmation de soi ou l'assertivité, l'auto-observation, la sublimation(sport pour canaliser la colère ou l'art pour canaliser les conflits et la mise à l'écart. Certains auteurs : travaillant avec cette idée, ont isolé le concept de hardiesse comme coping permettant de faire face au stress des soignants, (Kobasa, Maddi et Khan 1982), (Pronost & Tap 1996). Dans ce courant, les chercheurs pensent que le processus de faire face au stress (coping) est en lien avec les caractéristiques personnelles et les ressources de l’environnement. Ainsi, se référant à Lazarus & Folkman (1984), et l’idée que les ressources personnelles comprennent les croyances, l’anxiété-trait et la hardiesse, Kobasa (1982) introduit le contrôle perçu (appréciation subjective de l’individu sur le degré d’influence qu’il a sur l’environnement) comme la composante essentielle d’un type de personnalité qu’il qualifie d’ « hardi ». La hardiesse se présenterait alors comme la résultante de trois caractéristiques de la personne, à savoir l’engagement, la maîtrise et le défi (Kobasa, 1982). L’engagement renvoie à un sens général de volonté, de détermination, de valorisation des activités courantes et des relations interpersonnelles. Il est défini comme une implication totale à l’interaction personne et environnement. L’engagement se base sur un sens social Kobasa (1982). Selon les auteurs, l’engagement s’oppose à la dépendance sociale, à l’abandon et à la perte d’autonomie. C’est l’expression du développement des potentiels. 403

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Le contrôle se caractérise par la maîtrise de soi. Il s’agit d’une habileté à décider, à réaliser le choix de ses actions, à développer des capacités d’interventions personnelles sur les événements. Le contrôle s’oppose à l’impuissance et à la manipulation (Kobasa, 1982). Le défi se traduit par un enthousiasme devant les événements porteurs de changements, de développement personnel. Le défi suppose la curiosité et la souplesse adaptative, par l’anticipation de réalisation pleine d’intérêts, le défi s’oppose à la méfiance, mais aussi à la sécurité et à la stabilité (Kobasa, 1982). Plusieurs études menées par le même auteur démontrent une faible prévalence de la maladie et les caractéristiques de la personne hardie. Les sujets en bonne santé sont capables d’engagement, de contrôle et de défi. Les personnes « hardies » ont conscience qu’elles ont la possibilité d’avoir une influence sur les problèmes et une maîtrise des situations. Elles sont engagées dans l’action et vivent les événements comme autant d’opportunités de développement personnel. Elles utilisent en priorité des stratégies d’adaptation actives et cherchent les soutiens de personnes favorisant la résolution des problèmes. Les personnes « non hardies » vivent un fort sentiment d’impuissance et se laissent déborder par la situation source de stress. Ces dernières supportent moins bien les stress psychosociaux que les plus « hardies » (Steptoe, 1991). Ces personnes développent plutôt des stratégies de faire face au stress défensives telles le retrait et le refus, s’épuisent émotionnellement et à terme s’installent progressivement dans l’épuisement professionnel ou burnout. De nombreuses recherches ont démontré les liens significatifs entre la hardiesse et l’épuisement professionnel tel que défini par Maslach cité par Pronost &Tap (1997). Le manque de hardiesse des infirmières et l’épuisement professionnel sont significativement corrélés (Millet-Smith, 1984 ; Keane et al. 1985 ; Topf, 1989). Certains de ces auteurs démontrent que l’engagement dimension de la hardiesse est la variable la plus prédictive. Les infirmières qui ont une capacité d’engagement particulière dans le travail sont les moins menacées d’épuisement professionnel (D’Ambrosia, 1987 ; Topf, 1989 ; Keane et al. 1985 ; Duquette et al. 1990). Morisette en 1992 montre que les infirmières situées en soins intensifs ont un bon niveau de hardiesse et que plus elles font preuve d’engagement et de contrôle, moins elles manifestent de l’épuisement professionnel. Les personnes en difficultés vont au contraire, elles, pour faire face aux stress, utiliser des copings inadaptés telles que des conduites addictives, du burnout et ou des conduites violentes. L'intérêt de présenter les personnalités en difficulté à partir de ces types de copings inadaptés, c'est pouvoir ensuite avoir le choix de mettre en placedes prises en charges préventives à la fois sur les registres individuels mais aussi sociaux et collectifs. 404

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Ainsi, si l'on se réfère à Pédinielli et al. (1997), citant Jeammet (1995) c'est dans les assises narcissiques de l'individu qu'il faut rechercher l'origine des conduites addictives. Les addictés seraient en effet en difficulté quand il s'agit de rencontrer l'alter. La prévention pourrait alors consister à leur réapprendre l'émotion et notamment l'émotion positive. Quant aux personnes en situation de burnout selon Masclet (2007) leur état de santé serait la conséquence de la quête d’un idéal de vie déçu. Ne peut-on en déduire que pour elles, la prévention consisterait à admettre et réapprendre que « l’Organisation » n’est jamais « Idéale » mais surtout le résultat de compromis démocratiques optimaux. Enfin, à propos de violence (Duroy, 2010), n’est-il pas loisible de penser que les personnes qui y recourent en fin de compte, devraient réapprendre à marquer le pas et exprimer leur conflit intra et extra psychique autrement que par l'agir c'est-à-dire autrement que par le passage à l'acte ou le retrait apathique et l'agression passive. Ceci nous amène alors à reconsidérer la question des managements dans une perspective plus humaniste qu’ils ne le sont aujourd’hui, pour favoriser la hardiesse au travail. 4.3 Des facteurs organisationnels Le Nouveau Management Public que sous-tend, le néo-libéralisme, est en fait un retour à la chrématistique (conception du marché) que dénonçait Aristote. Masclet (2004) pense que cette forme d'économie met l’individu au centre du dispositif comme le souhaite la position humaniste, mais les motifs ne sont toutefois pas ici les mêmes. Il ne s’agit plus ici cette fois de mobiliser chez l’homme des dimensions psychologiques qui lui permettraient de s’épanouir, mais plutôt de solliciter celles qui le rendront plus performant à la tâche. Pour cela, les techniques sont variées et peu étudiées par les psychologues en France. Ces derniers ont, en effet, deux attitudes humanistes vis-à-vis de celles-ci. Soit, ils les rejettent au nom de la déontologie, soit ils en étudient les effets pour mieux les dénoncer, par exemple dans les études sur le burn-out ou sur le stress. Aubert et al. (1991) nous donnent une idée des moyens utilisés pour mobiliser les opérateurs par devers eux (Masclet, 2004). Les méthodes sont variées et consistent par exemple à mettre l’individu en tension sur le plan narcissique : par une forte sélectivité au niveau de l’embauche, par une politique active de gratifications, par une image de toute puissance, par une ambiance élitiste… Une autre technique consiste à faire en sorte que l’individu mobilise ses mécanismes de défenses contre l’angoisse, pour renforcer son investissement au travail : par la mobilité et la flexibilité des structures, par des calendriers très chargés, par la résolution des problèmes dans l’urgence, par la survalorisation 405

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de l’action…Un troisième procédé tend à canaliser l’énergie libidinale sur des objectifs productifs : par l’exigence du toujours plus, par la domination des exigences commerciales. Ces techniques managériales reposent sur un ensemble de représentations (des images, des valeurs, une culture d’entreprise, une éthique, une philosophie basée sur un idéal commun) et un modèle de personnalité (fondé sur le désir de réussite, d’aimer la compétition et le challenge, la réalisation de soi dans le travail, l’accomplissement personnel, le goût de la communication). Elles s'appuient sur l’idée que la mobilisation des ressources humaines et l’implication des hommes, avec eux ou malgré eux, constituent le facteur essentiel de l’efficacité des entreprises. Dès lors, les dimensions psychologiques du management prennent une importance considérable. Il se noue, en effet, une relation interactive entre la structure psychique et la structure organisationnelle qui suppose une adéquation entre le profil structurel et fonctionnel de l’organisation et la personnalité des salariés. Ce système « socio- mental » du management moderne se paie d’un fort coût humain. Les bénéfices psychologiques : accomplissement personnel, narcissisme, plaisir, créativité…sont contrebalancés par des brûlures psychiques comme le stress, la dépression et la désillusion. Ainsi, dans les organisations qui ont pris le pas de cette pseudomodernité on ne parle plus d'obéissance, de discipline, de conformité à la morale, mais de flexibilité, de changement, de rapidité de réaction, etc… Maîtrise de soi, souplesse psychique et affective, capacités d’actions font que chacun doit endurer la charge de s’adapter en permanence. Gagneurs, aventuriers et autres battants ont envahi le paysage imaginaire de l'entreprise. Chacun doit partir à la conquête de son identité personnelle, et viser la réussite sociale par l’initiative individuelle et personnelle. Remédier, pour prévenir du stress, va donc consister à promouvoir des managements, comme ceux, que prônaient Likert ou Argyris cités par Masclet (2004). C'est-à-dire manager en donnant du sens au travail. 5. En conclusion donner du sens au travail, c’est manager humainement et efficacement Le sens du travail c'est d'abord du sens pour soi. Il y a une hiérarchie du sens ou plusieurs sens que l'individu donne à son travail. Manager c’est considérer ces sens. Le sens peut être donné par la satisfaction que l'individu tire de son travail ou de son activité. Pour Herzberg et al. (1959), la satisfaction au travail dépend beaucoup plus de facteurs intrinsèques tels que la nature de la tâche, le niveau de

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responsabilité, ou encore la possibilité de développer ses compétences... que de facteurs extrinsèques comme le salaire ou encore les relations entre collègues. Une autre idée développée par Maslow (1946), évoque une hiérarchie de besoins qui pourraient donner du sens au travail. Pour cela, il distingue cinq types de besoins qu'il hiérarchise sous forme de pyramide. Ce sont d’abord les besoins physiologiques, le salaire de l'individu lui permet ainsi de manger, boire, s'abriter. Viennent ensuite, les besoins de sécurité, l'entreprise assure la sécurité telle que la sécurité de l'emploi, la protection sociale, la protection de la santé. Ce sont aussi les besoins d'appartenance, ou besoins liés aux relations sociales, qui concernent le besoin pour l'individu d'entretenir des relations interpersonnelles satisfaisantes sur le lieu de son travail. Puis viennent les besoins d'estime de soi et d'estime de la part d'autrui (collègues de travail et supérieur hiérarchique). Ce sont enfin, les besoins d'accomplissement ou d'actualisation de ses compétences tels que le développement des capacités et l'épanouissement dans la réalisation de l'activité. Mais selon Masclet (2010), le sens de l'activité est plus profond. Le : « Travailler plus pour gagner plus » n'a pas rallié les foules. Il constate qu’aujourd’hui les individus souhaitent de plus en plus de temps pour euxmêmes. Temps qu'ils désirent utiliser à des fins personnelles et qui donne du sens à leur vie. Temps pour profiter des enfants qui grandissent, temps à consacrer à la famille, aux amis, aux loisirs. Beaucoup se posent la question d’une nouvelle spiritualité, qui, sans toujours devoir leur donner une réponse au sens de la vie, au moins, n'en néglige pas une spéculation que de toute façon le « tout travail » occulterait. Nous vivons, dans cette postmodernité, une époque de remise en cause complète de la signification du travail. Nous ne pouvons plus souscrire aujourd’hui, à la religion du travail comme les hommes de l'après seconde guerre mondiale. Ces hommes à l'esprit puritain qui voyaient dans le travail une exaltation du « dieu du Progrès », une dévotion à la religion du sacrifice dans le travail. Nous vivons un temps dans lequel les vielles valeurs du travail et de la famille sont devenues désuètes. Pourquoi ? Parce que la consommation de masse a pris une ampleur démesurée. Les mentalités se sont modifiées dans le sens d'une idéologie de la consommation. La postmodernité vise globalement la promotion du plaisir et ne prône plus l'effort et le sacrifice. Pour Lipovetsky (1992) : « L'avènement de la société de consommation de masse et ses normes de bonheur individualiste ont joué un rôle essentiel : l'évangile du travail a été détrôné par la valorisation du bien-être, des loisirs et du temps libre ». Ce sont les valeurs hédonistes qui mesurent toutes les autres valeurs, si donc le travail doit conserver un attrait, il faut qu'il puisse participer de la « fun morality de notre époque ». Mais la contradiction n'est pas mince en l'affaire : c'est la même société qui au début du 20ème siècle professait la morale du travail, en même temps qu’elle entreprenait de le déshumaniser pour transformer l'ouvrier en automate 407

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sans pensée (Lemoine-Masclet 2007). Du coup, dans la postmodernité, une opinion s'est définitivement installée dans nos mentalités : la vie commence après le travail. La vie, c'est mener la « vraie vie », celle qui commence après le labeur quotidien quand on peut s'amuser. Cela veut dire que l'homme postmoderne vit dans la représentation de la dualité travail/loisir. Dans l'usine moderne, l'ouvrier travaille seulement pour de l'argent et il commence à vivre quand il sort du boulot, quand il prend des vacances. Huit heures par jour il s'ennuie. Onze mois sur douze il s'ennuie. La vraie vie est ailleurs, après le travail, elle est dans le loisir, les plaisirs quotidiens, elle est dans la consommation, elle commence affalée sur le canapé devant la télévision. Et comme elle n'est pas dans le travail, il faut donc multiplier les ponts, ménager des horaires flexibles, le temps du travail, pour sans cesse gagner de la vie en temps libre. L’hédonisme postmoderne prétend d’ailleurs qu’on ne peut profiter de la vie qu’en dehors du temps de travail. Le travail procure l’argent, qui à son tour permet d’acheter le bonheur sur les étalages, les vacances, les choses dont on rêve, c’est-à-dire une manière de profiter de la vie. La publicité est là pour inciter sans cesse le consommateur à fuir en rêvant. Tant que la conception du travail sera sous tendue par le profit, celui-ci restera un moyen qui permet l’euphorie de la consommation. L’existence ne pourra avoir d’autre sens que de gagner davantage, pour avoir plus. Nous serons incapables de voir dans le travail autre chose qu'un moyen de profiter, de capitaliser. Mais cela vaut-il vraiment la peine de perdre sa vie, tout en cherchant à la gagner ? Ne sommes-nous pas piégés par la représentation postmoderne de la vie ? Que cherchons-nous exactement dans le travail ? La plupart d’entre nous répondraient : « un moyen de gagner de l’argent ». Mais, inconsciemment, la nécessité qui nous pousse à chercher du travail et à vouloir travailler n’estelle vraiment qu’économique ? En fait, n'est ce pas la jouissance entière de la « Vie » que nous cherchons ? Et celle-ci n'est pas seulement qu’en dehors du travail. Elle est aussi dedans. Au fond de nous, chacun aspire à un travail qui soit l’accomplissement de soi car travailler c'est aussi se réaliser. Nous cherchons dans le travail un vrai plaisir, une satisfaction, une reconnaissance sociale. Nous cherchons dans le travail une justification, du sens à donner à notre vie. Nous avons besoin de nous sentir utile pour les autres et de nous sentir existé à nos propres yeux. Il y a donc beaucoup d’hypocrisie à ne vouloir justifier le travail, que dans des motifs purement économiques. Les vraies raisons sont bien plus profondes. Chacun travaille pour l’estime de soi. Comme le dit Kant (1784), chacun travaille pour soi. Fondamentalement, et même si cette conscience n’est pas très claire, nous ne travaillons pas pour avoir, mais surtout pour être et nous sentir être davantage. C’est la raison pour laquelle le travail peut nous procurer de la joie. Il ne s’agit donc pas seulement de chercher à gagner sa vie tout en la perdant, ce que font hélas la plupart des gens, en ne voyant de justification du travail que du point de vue économique. Il s’agit 408

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plutôt de gagner sa vie, tout en gagnant la Vie. La nécessité qui pousse l’homme à travailler, c’est la nécessité de s’accomplir en tant qu’être humain. Le travail, comme toute autre activité, est une forme d’expansion de la conscience, une jouissance et conquête de soi. Mais attention, cela dépend d'une condition, renouveler entièrement notre compréhension du travail, en explorant en profondeur la dimension de la conscience dans le travail, en regardant le travail sous son angle phénoménologique. La conscience qui travaille est une conscience qui se plonge dans une action qui contribue à une œuvre. L’expansion de soi dans une œuvre qui en est la clé, c’est manifestement le sens originel du travail, c’est à dire l’essence de la pensée humaniste. En fin de compte un management pour l’homme épanoui et non contraint. Où mieux qu’à l’hôpital, un tel projet doit-il être actualisé ? Références Argyris, C. (1970). Participation et organisation (trad.fr.), Paris, Dunod. Aubert, N. Gruere, J-P., Jabes, J., Laroche, H.,Michel, S. (1991). Management. Paris, P.U.F. Belorgey, N. (2010). L’hôpital sous pression. Paris, La Découverte. Behar. M-E. (2008). Santé des soignants en France et en Europe. Paris, presses de L’EHESP. Camp. R-C. (1995). Benchmarking,The search for Industrie Best Practices that lead to Superior Performances. Portland,Ascq-Quality Press. Chappell, D. & Di-Martino,V. (2000). La violence au travail. Genève, Bureau International du Travail. Chouanière, D., François, M., Guillemey, M., Langevin, V., Pentecôte, A., Van DeWeerdt, C., Weibel, L., Dornier., G. (2003). Le stress au travail. Le point des connaissances sur..., Travail et Sécurité. Juillet 2003. D'Ambrosia, S.J. (1987). A study to examine if there is a relationship between burnout and hardiness of nurses working with oncology patients. Unpublished Doctoral Dissertation. Temple University. Dejours, C. (1998). La souffrance en France : la banalisation de l’injustice sociale, Paris, Seuil. Dejours, C. (2000). Travail, usure mentale. Essai de psychopathologie du travail, Paris, Bayard Centurion. Dubois. N. (1987). La psychologie du contrôle. Les croyances internes et externes. Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble. Duquette, A., Kérouac, S.S., Beaudet, L. (1990). Facteurs reliés à l'épuisement professionnel du personnel infirmier : un examen critique d'études empiriques. Montréal, Université de Montréal. Duroy,Y. (2010). Orange stressé. Paris, la Découverte.

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