Journal Européen des Urgences et de Réanimation (2016) 28, 139—140
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ÉDITORIAL
Pourquoi l’urgentiste doit-il faire court ?夽 Less is more
MOTS CLÉS Antibiotiques ; Résistance bactériennes ; Durée de traitement
KEYWORDS Antibiotic treatment; Bacterial resistance; Treatment duration
À première vue, le médecin urgentiste peut ne pas se sentir concerné par les durées de traitement antibiotique. En effet, même s’il prend en charge de nombreuses pathologies infectieuses, une proportion importante de patients sera hospitalisée et la durée de traitement antibiotique sera décidée par les autres équipes médicales. Pourtant, après avoir consulté aux urgences, une partie des patients sortent avec un traitement antibiotique [1]. Ces prescriptions viennent alors s’ajouter aux prescriptions ambulatoires qui représentent 90 % des prescriptions antibiotiques en France [2]. L’émergence dramatique et fulgurante des résistances bactériennes, sévissant actuellement partout dans le monde, met en danger l’efficacité future des antibiotiques plusieurs années après leur découverte, qui a révolutionné la médecine [3]. Actuellement, la résistance bactérienne a un impact majeur sur les stratégies thérapeutiques et les durées d’hospitalisation. En Europe, on estime qu’elle est responsable de 25 000 décès et représente un coût annuel d’environ 1,5 billions d’euros [4]. En France, on lui attribue 158 000 infections et environ 12 500 morts par an [5]. Dans ce contexte, diminuer l’exposition aux antibiotiques en réduisant la durée de traitement est une option de lutte majeure. Cette stratégie permettrait de diminuer la pression de sélection sur les flores endogènes, qui sont à l’origine de la sélection de mutants résistants et de leur dissémination [6,7]. En outre, réduire les durées de traitement permettrait d’améliorer la compliance, diminuer les effets indésirables des antibiotiques, et probablement réduire les durées d’hospitalisation et les coûts. Les durées de traitements antibiotiques habituellement préconisées reposent sur peu de preuves. Il est donc urgent d’arriver à définir la durée de traitement suffisante et nécessaire la plus courte possible pour chaque pathologie et chaque patient. Nous présentons ici les données disponibles sur ce thème majeur ainsi que les perspectives envisageables.
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jeurea.2016.09.008. Voir l’article de Dinh A, Bouchand F, Salomon J, Bernard L : Durée courte d’antibiothérapie, paru initialement dans la Revue de Médecine Interne — Vol 37 (7) 2016: 466—472, republié dans ce numéro avec l’aimable autorisation de l’éditeur, de la rédaction et des auteurs. 夽
http://dx.doi.org/10.1016/j.jeurea.2016.10.004 2211-4238/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
140 Nous pensons qu’elles seront utiles à tous les médecins prescripteurs, ainsi qu’aux urgentistes, prescripteurs fréquents d’antibiotiques, afin de promouvoir une durée de traitement dorénavant courte, ce qui participerait à préserver le futur.
Déclaration de liens d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
Références [1] Grenet J, Davido B, Bouchand F, Sivadon-Tardy V, Beauchet A, Tritz T, et al. Evaluating antibiotic therapies prescribed to adult patients in the emergency department. Med Mal Infect 2016;46:207—14. [2] ANSM. Évolution des consommations d’antibiotiques en France entre 2000 et 2013 : nouveau rapport d’analyse de l’ANSM; 2014 [http://ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Pointsd-information/Evolution-des-consommations-d-antibiotiquesen-France-entre-2000-et-2013-nouveau-rapport-d-analysede-l-ANSM-Point-d-Information (accessed July 11, 2016)].
Éditorial [3] Carlet J, Le Coz P. Tous ensemble, sauvons les antibiotiques — propositions du groupe de travail spécial pour la préservation des antibiotiques; 2015. [4] WHO. Antimicrobial resistance: global report on surveillance 2014; 2014 [http://www.who.int/drugresistance/ documents/AMR report Web slide set.pdf?ua=1 (accessed July 11, 2016)]. [5] Institut National de Veille Sanitaire. Morbidité et mortalité des infections à bactéries multi-résistantes aux antibiotiques en France en 2012 — étude Burden BMR, juin 2015; 2015. [6] Guillemot D, Carbon C, Balkau B, Geslin P, Lecoeur H, VauzelleKervroëdan F, et al. Low dosage and long treatment duration of beta-lactam: risk factors for carriage of penicillin-resistant Streptococcus pneumoniae. JAMA 1998;279:365—70. [7] Ball P, Baquero F, Cars O, File T, Garau J, Klugman K, et al. Antibiotic therapy of community respiratory tract infections: strategies for optimal outcomes and minimized resistance emergence. J Antimicrob Chemother 2002;49:31—40.
A. Dinh Unité des maladies infectieuses, hôpital Raymond-Poincaré, université Versailles Saint-Quentin, HU PIFO, AP—HP, 104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches, France Adresse e-mail :
[email protected] Disponible sur Internet le 27 octobre 2016