Préoxygénation : les atouts de la réussite

Préoxygénation : les atouts de la réussite

Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 29 (2010) 187–188 E´ditorial Pre´oxyge´nation : les atouts de la re´ussite Preoxygenation: Cond...

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Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 29 (2010) 187–188

E´ditorial

Pre´oxyge´nation : les atouts de la re´ussite Preoxygenation: Conditions of success

I N F O A R T I C L E

Mots cle´s : Pre´oxyge´nation Aide inspiratoire Obe´site´ Intubation trache´ale Ventilation non invasive Keywords: Preoxygenation Pressure support ventilation Obesity Tracheal intubation Non invasive ventilation

Nul ne conteste l’inte´reˆt de la pre´oxyge´nation avant les manœuvres d’intubation quel que soit le contexte : anesthe´sie, urgence en particulier pre´hospitalie`re ou re´animation [1]. L’augmentation des stocks en oxyge`ne permet d’accroıˆtre la dure´e d’apne´e lors de l’induction en attendant le pic d’action des agents anesthe´siques sur le relaˆchement musculaire et la re´alisation des manœuvres d’intubation sans pre´cipitation. Ces stocks sont en majorite´ contenus dans la capacite´ re´siduelle fonctionnelle (CRF) et sont proportionnels au produit de ce volume et de la fraction alve´olaire en oxyge`ne (FAO2). Toute diminution d’un de ces deux parame`tres engendrera une diminution de ces stocks et une moindre efficacite´ que ce soit en anesthe´sie ou en re´animation. 1. En anesthe´sie La premie`re contrainte est d’obtenir une FAO2 proche de 0,90 puisqu’il existe une relation line´aire entre re´serve d’O2 et FAO2. La rigueur technique est indispensable pour appliquer le masque sur le visage de fac¸on e´tanche [2]. Les limites tiennent a` l’aˆge avance´, a` la coope´ration du patient et au de´bit de gaz frais. Ce dernier doit pouvoir de´passer 20 l/min, de´bits fre´quemment rencontre´s au cours des inspirations force´es. L’utilisation de simples de´bitme`tres ne le permet pas au contraire du circuit filtre en anesthe´sie [3] et/ou d’un respirateur avec aide inspiratoire en anesthe´sie [4] ou en re´animation [5]. La baisse de la CRF est un marqueur de certaines pathologies (obe´site´, œde`me pulmonaire. . .) ou de certains e´tats physiologiques (grossesse, position couche´e). Elle est plus ou moins 0750-7658/$ – see front matter ß 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.annfar.2009.12.027

re´versible par la position assise, particulie`rement chez l’obe`se [6]. Cette technique ne´cessite de disposer de tables ou de lits adapte´s et de pre´parer la mise en position couche´e rapide apre`s l’induction pour limiter la baisse du de´bit cardiaque et faciliter l’intubation [7]. La pression positive expiratoire (PEP) n’augmente pas la dure´e d’apne´e si elle n’est applique´e que pendant la pre´oxyge´nation [8]. Elle a montre´ son efficacite´ chez l’obe`se a` condition d’eˆtre maintenue pendant la ventilation au masque [9]. De tels be´ne´fices n’ont pas e´te´ montre´s chez la parturiente ou` la position assise n’ame´liore pas la qualite´ de la pre´oxyge´nation alors qu’elle est efficace chez la femme en dehors de la grossesse [10] ; l’application de la PEP n’a pas encore e´te´ e´tudie´e chez ces femmes. Le dernier point critique est la dure´e de la pre´oxyge´nation qui agit sur deux facteurs [11] : l’e´limination de l’azote des alve´oles en ventilation spontane´e ou en respiration force´e et la charge en O2 de l’he´moglobine et surtout des tissus. Cela est particulie`rement vrai chez le patient porteur d’une bronchite chronique obstructive se´ve`re dont la pre´oxyge´nation doit eˆtre prolonge´e souvent au-dela` de cinq minutes pour obtenir une fraction expire´e en O2 (FetO2) supe´rieure a` 80 % [12]. L’utilisation du mode ventilatoire « aide inspiratoire » (AI) de´livre´e a` travers un masque facial seul ou associe´e a` une PEP de´finit la ventilation non invasive (VNI) en pression positive, car cette « assistance ventilatoire » n’utilise pas de sonde d’intubation comme interface patient–machine. Lorsqu’elle est utilise´e comme technique de « pre´oxyge´nation », elle est souvent appele´e a` tort ou a` raison « AI en anesthe´sie » et « VNI en re´animation ». Ces proble`mes de terminologie, en partie entretenus par les fabricants, apportent une confusion certaine. Le mode aide inspiratoire est disponible sur la plupart des respirateurs d’anesthe´sie de dernie`re ge´ne´ration qui dispose d’une qualite´ de l’aide inspiratoire comparable a` celle des respirateurs de re´animation [13]. Dans le cadre de la pre´oxyge´nation du patient obe`se morbide au bloc ope´ratoire, l’inte´reˆt de l’AI a re´cemment e´te´ e´tudie´ : compare´ a` cinq minutes de ventilation spontane´e en FiO21, l’AI (utilisant un niveau de 5 a` 10 cmH2O associe´e a` une PEP de 6 cmH2O) augmente la FetO2 (96,9 %  1,3 % vs 94,1 %  2,0 %) et acce´le`re l’e´limination de l’azote (185,3  46,1 vs 221,9  41,5 s) [4]. Malheureusement, ce gain ne se traduit pas par l’augmentation de la dure´e d’apne´e de´finie comme le temps pour atteindre en apne´e une SpO2 de 95 %. Ce fait tient au faible gain potentiel de re´serve en O2 pour une CRF de 2000 ml (2000*2,8 % = 58 ml) lie´ au seuil de reventilation de SpO2 = 95 % et a` l’importante diminution de la CRF pendant la manœuvre d’apne´e.

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Dans ce nume´ro des « Afar », les re´sultats rapporte´s initialement chez le sujet obe`se [4] et confirme´s chez l’adulte volontaire sain non obe`se [14] sugge`rent qu’un faible niveau d’aide inspiratoire (4 a` 6 cmH2O) associe´ a` une PEP de 4 cmH2O apporte un gain sur les re´serves en O2 sans risque d’insufflation œsophagienne. Devant une situation ou` la dure´e d’apne´e avant de´saturation risque d’eˆtre courte, il y a lieu d’acce´le´rer la proce´dure d’intubation avant que la SpO2 ne chute en dessous de 92 %. En effet, apre`s re´tablissement de la ventilation, la SpO2 continue de diminuer pendant plusieurs dizaines de secondes, atteignant des niveaux dangereux [6]. Cela suppose l’obtention rapide d’un relaˆchement musculaire, avec curare le cas e´che´ant. Une large e´tude sur plus de 50 000 anesthe´sies a de´montre´ que la pratique de la curarisation n’e´tait pas facteur de risque particulier dans une situation ou` la ventilation au masque e´tait impossible [15]. 2. En re´animation La pratique de la pre´oxyge´nation en re´animation est recommande´e meˆme si son efficacite´ est moindre qu’au bloc ope´ratoire [1]. C’est d’autant plus important que la principale indication d’intubation est l’insuffisance respiratoire aigue¨ hypoxe´mique, malgre´ cette pratique, le risque de complications lie´es a` l’hypoxe´mie en cours d’intubation est e´leve´ [16]. La PaO2 apre`s pre´oxyge´nation passe de 64  3 mmHg a` 87  10 mmHg chez des patients pour lesquels l’indication de l’intubation avait e´te´ pose´e pour des causes respiratoires ou cardiovasculaires [17]. Prolonger la dure´e de ventilation jusque six a` huit minutes n’a pas de re´elle efficacite´ et peut meˆme aggraver le trouble d’oxyge´nation chez certains patients [18]. Le mate´riel de pre´oxyge´nation en ventilation spontane´e ne donne pas des de´bits suffisants lorsqu’il comporte des de´bitme`tres standards [19]. Dans ce contexte, la VNI apporte des be´ne´fices indiscutables par rapport a` la ventilation spontane´e en termes de PaO2 : 226  155 mmHg versus 119  76 mmHg et de nombre de patients ayant de´sature´ en dessous de 80 % : deux sur 27 avec VNI versus 12 sur 26 en ventilation spontane´e [5]. Dans cette e´tude, la FiO2 e´tait re´gle´e a` un, la PEP a` 5 cmH2O et le niveau d’aide a` 12  2 cmH2O. La VNI ame´liore la pre´oxyge´nation par la pression positive qui e´vite les phe´nome`nes de de´recrutment alve´olaire (=ate´lectasies) et par les de´bits inspiratoires e´leve´s pouvant atteindre 120 l/min qui permettent l’inspiration de fortes concentrations d’O2. En anesthe´sie comme en re´animation, une technique seule ne peut re´gler le proble`me de l’oxyge´nation pendant l’intubation et il y a lieu de de´velopper une re´elle strate´gie autour d’une proce´dure codifie´e incluant : la pre´oxyge´nation avec VNI, la pre´sence de deux ope´rateurs, une induction rapide avec pression cricoı¨de, la capnographie, le remplissage vasculaire plus ou moins associe´ aux vasopresseurs. En re´animation, la comparaison de deux groupes historiques a permis de montrer que cette strate´gie multimodale re´duit les complications vitales de 34 a` 21 % et les autres complications de 21 a` 9 % [20]. ˆt Conflit d’inte´re Les auteurs n’ont pas transmis de conflit d’inte´reˆt. Re´fe´rences [1] Bourgain JL, Chastre J, Combes X, Orliaguet G. De´saturation arte´rielle en oxyge`ne et maintien de l’oxyge´nation pendant l’intubation : question 2. Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation. Ann Fr Anesth Reanim 2008;27:15–25.

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J.-L. Bourgain* Service d’anesthe´sie, institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif, France S. Jaber Service d’anesthe´sie-re´animation B, hoˆpital Saint-E´loi, CHU de Montpellier, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex, France *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-L. Bourgain). Disponible sur Internet le 27 janvier 2010