Revue d’E´pide´miologie et de Sante´ Publique 57 (2009) 17–23
Article original
Pre´valence de l’hypertension arte´rielle en population ge´ne´rale a` la Martinique§ Arterial-hypertension prevalence in the general population of Martinique S. Merle a,*, K. Pierre-Louis a, J. Rosine b, T. Cardoso b, J. Inamo c, J. Deloumeaux d a
Observatoire de la sante´ de la Martinique, centre d’affaires Agora, avenue de l’E´tang-Zabricot, 97200 Fort-de-France, France b Cellule interre´gionale d’e´pide´miologie Antilles-Guyane, 97200 Fort-de-France, France c Service de cardiologie, CHU de Fort-de-France, 97261 Fort-de-France, France d Poˆle sante´ publique-recherche clinique, CHU de Pointe-a`-Pitre, 97159 Pointe-a`-Pitre, France Rec¸u le 29 avril 2008 ; accepte´ le 22 octobre 2008 Disponible sur Internet le 17 janvier 2009
Abstract Background.– Since 1996, arterial hypertension has been recognized as one of the main health priorities in Martinique. However, its prevalence in the general population has never been measured. Furthermore, obesity is increasing in many countries and studies have shown that hypertension is more frequent in obese people than in people with normal body mass index. The objective of this survey is to measure hypertension prevalence in the general population and to study the link between hypertension, weight status and socioeconomic level. Methods.– Cross-sectional study of randomly selected homes in randomly selected geographical islets. All household members in these homes constituted the eligible population. Arterial hypertension was defined as systolic pressure greater than 140 mmHg and/or diastolic pressure greater than 90 mmHg and/or antihypertensive treatment. Weight status was estimated using the body mass index. Results.– Study concerned 1504 persons aged 16 years or older with a sex-ratio of 0.7 and an average age of 48.3 years for men and 48.5 years for women, p = 0.88. The prevalence rate of hypertension is 29% [IC95%: 25.9–31.8] in the sample and declines to 22.5% [IC95%: 20.1–25.1] using weighted data. The prevalence rate is 33.1% [IC95%: 30.2–36.6] for overweight and 20.1% [IC95%: 17.8–22.6] for obesity. Being overweight is more frequent among persons with hypertension than among ones with normal blood pressure, 73.0 versus 47.4%; p < 0.001. In those with hypertension, overweight does not differ significantly between men and women, but the prevalence of obesity is greater among women than among men (35.7 versus 20.6 %, p < 0.05). Conclusion.– The high prevalence of both hypertension and obesity in the general Martinican population has been confirmed by this study. Prevention actions are required to decrease the cardiovascular risk in this population. # 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Re´sume´ Position du proble`me.– Depuis 1996, l’hypertension arte´rielle (HTA) a e´te´ identifie´e comme l’une des priorite´s de sante´ en Martinique, mais sa pre´valence en population ge´ne´rale n’avait jamais e´te´ mesure´e. Par ailleurs, l’obe´site´ est en progression dans de nombreux pays et il est reconnu que les personnes obe`ses sont plus volontiers hypertendues que les personnes ayant un indice de masse corporelle (IMC) normal. L’objectif de cette e´tude est de mesurer la pre´valence de l’HTA dans la population ge´ne´rale martiniquaise et d’e´tudier la relation entre l’HTA, le statut ponde´ral et le niveau socioe´conomique. Me´thodes.– Il s’agit d’une enqueˆte en population ge´ne´rale par tirage ale´atoire d’ıˆlots ge´ographiques, puis de foyers par ˆılot, dont tous les membres constituent la population e´ligible. L’HTA est de´finie par une pression systolique supe´rieure a` 140 mmHg et/ou une pression diastolique supe´rieure a` 90 mmHg et/ou la prise d’un traitement antihypertenseur. Le statut ponde´ral est estime´ par l’IMC.
§
Financement de l’e´tude : Direction de la sante´ et du de´veloppement social de Martinique, ministe`re de l’Outre-mer, Conseil ge´ne´ral de Martinique. * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (S. Merle).
0398-7620/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.respe.2008.10.008
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Re´sultats.– L’e´tude a porte´ sur 1504 personnes aˆge´es de 16 ans et plus avec un sex-ratio de 0,7 et une moyenne d’aˆge de 48,3 ans chez les hommes et de 48,5 ans chez les femmes ; p = 0,88. La pre´valence de l’HTA dans l’e´chantillon de 29 % [IC95 % : 25,9–31,8] passe a` 22,5 % [IC95 % : 20,1–25,1] en donne´es redresse´es. La pre´valence du surpoids est de 33,1 % [IC95 % : 30,2–36,6] et celle de l’obe´site´ de 20,1 % [IC95 % : 17,8–22,6]. La surcharge ponde´rale est plus fre´quente chez les hypertendus que chez les normotendus, 73,0 % versus 47,4 % ; p < 0,001. Chez les hypertendus, la surcharge ponde´rale ne diffe`re pas significativement entre les hommes et les femmes, mais une pre´valence plus e´leve´e de sujets obe`ses est retrouve´e chez les femmes (35,7 % contre 20,6 % ; p < 0,05). Conclusion.– Cette enqueˆte confirme la forte pre´valence de l’HTA et de l’obe´site´ dans la population martiniquaise. Des actions de pre´vention sont ne´cessaires pour re´duire le risque cardiovasculaire dans cette population. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Keywords: Arterial hypertension; Obesity; Socioeconomic inequality; General population; Martinique Mots cle´s : Hypertension arte´rielle ; Obe´site´ ; Pre´carite´ ; Population ge´ne´rale ; Martinique
1. Introduction Depuis 1996, l’hypertension arte´rielle (HTA) a e´te´ identifie´e comme l’une des priorite´s de sante´ en Martinique, mais sa pre´valence en population ge´ne´rale n’avait jamais e´te´ mesure´e. En dehors de l’enqueˆte mene´e de 2001 a` 2002 aupre`s de personnes salarie´es (INHAPAG) [1,2], les connaissances reposaient sur des enqueˆtes re´alise´es en Guadeloupe ou dans la Caraı¨be [3,4]. Par ailleurs, l’obe´site´ est en progression dans de nombreux pays [5] et il est reconnu que les personnes obe`ses sont plus volontiers hypertendues que les personnes ayant un indice de masse corporelle (IMC) normal. Il e´tait donc indispensable de disposer de donne´es re´centes sur la pre´valence de l’HTA en population ge´ne´rale et d’e´tudier les relations entre HTA et les autres facteurs de risque cardiovasculaires. De plus, l’incidence des accidents vasculaires ce´re´braux est particulie`rement e´leve´e en Martinique [6] et la majorite´ des personnes atteintes sont hypertendues. L’objectif de cette e´tude est de mesurer la pre´valence de l’HTA et d’e´tudier la relation entre l’HTA, le statut ponde´ral et le niveau socioe´conomique dans la population ge´ne´rale martiniquaise. 2. Me´thodes L’e´chantillon a e´te´ constitue´ par tirage ale´atoire de 165 zones ge´ographiques, a` partir de la base de sondage « ˆılots 15 » de l’Insee qui comprend pre`s de 4000 ˆılots, puis de cinq foyers par ˆılot, ce nombre ayant e´te´ fixe´ empiriquement sur les crite`res suivants : correspondre au nombre de foyers susceptibles d’eˆtre enqueˆte´s en une journe´e et ne pas eˆtre trop proche du nombre moyen de logements par ˆılot e´gal a` 32. Dans chaque foyer tire´ au sort, tous les membres re´sidant depuis plus de 12 mois en Martinique et aˆge´s d’au moins trois ans ont constitue´ la population e´ligible. L’enqueˆte s’est de´roule´e en deux phases, du 17 novembre au 5 de´cembre 2003 et du 26 janvier au 13 fe´vrier 2004, afin de mesurer la pression arte´rielle a` deux moments distincts, avec un intervalle de six a` huit semaines entre chaque passage au domicile des enqueˆte´s. La pression arte´rielle des personnes aˆge´es de 16 ans et plus a e´te´ mesure´e avec un tensiome`tre e´lectronique OMRON M5-I (HEM 757-E) muni de deux brassards : un standard (22– 32 cm) et un large (32–42 cm). La mesure a e´te´ effectue´e sur un
sujet de´tendu, en position assise, ayant le bras droit relaˆche´, pose´ sur un support confortable (table) avec la paume de la main tourne´e vers le haut. La premie`re se´rie de deux mesures a e´te´ effectue´e cinq minutes apre`s le de´but de la passation du questionnaire. Apre`s une premie`re mesure et une fois le brassard parfaitement de´gonfle´, l’enqueˆteur e´levait le bras du sujet cinq secondes, attendait deux a` trois minutes, puis renouvelait la mesure de la pression arte´rielle. La seconde se´rie de mesures e´tait faite en fin de passation du questionnaire. Cela ayant e´te´ re´pe´te´ a` la seconde phase de l’enqueˆte, ce sont donc au total huit mesures de la pression arte´rielle qui ont e´te´ effectue´es. L’appareil permettait e´galement de mesurer la fre´quence cardiaque. Toute personne ayant de´clare´ a` la premie`re phase de l’enqueˆte suivre un traitement contre l’HTA a e´te´ conside´re´e comme hypertendue ainsi que celles pre´sentant une pression systolique supe´rieure a` 140 mmHg et/ou une pression diastolique supe´rieure a` 90 mmHg lors des deux phases de l’enqueˆte. Les personnes, non traite´es, ayant eu une seule se´rie de mesures et dont les chiffres tensionnels e´taient supe´rieurs aux valeurs pre´cite´es n’ont pas e´te´ classe´es comme hypertendues. Chaque sujet a e´te´ pese´ (pe`se–personne SECA) et mesure´ (toise e´lectronique) a` la premie`re phase de l’enqueˆte. Le statut ponde´ral a e´te´ estime´ par l’IMC e´gal au poids, en kilogrammes, divise´ par la taille, en me`tre, au carre´. Le surpoids correspond a` un IMC compris entre 25 et 29,9 et l’obe´site´ a` un IMC supe´rieur ou e´gal a` 30. Le tour de taille et le tour de hanches ont e´te´ mesure´s avec un me`tre-ruban pour e´valuer l’obe´site´ abdominale de´finie par un tour de taille supe´rieur a` 88 cm chez les femmes et a` 102 cm chez les hommes. La pre´sence d’un diabe`te a e´te´ de´finie par la de´claration d’un diagnostic pose´ par un professionnel de sante´ ou d’un traitement par re´gime die´te´tique ou me´dicaments. L’interrogatoire a e´galement permis de ve´rifier l’existence d’un traitement hypocholeste´role´miant. Un indicateur socioe´conomique a e´te´ cre´e´ a` partir des variables socioe´conomiques du questionnaire en utilisant l’analyse des correspondances multiples (ACM) avec le logiciel SPAD1. Les variables prises en compte sont les e´quipements du foyer, la situation financie`re du foyer et la cate´gorie socioprofessionnelle de la personne enqueˆte´e. Cet indicateur comporte quatre modalite´s : niveau socioe´cono-
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mique tre`s e´leve´ (niveau 1), moyennement e´leve´ (niveau 2), bas (niveau 3) et tre`s bas (niveau 4). Les variables qualitatives sont exprime´es en pourcentage [intervalle de confiance a` 95 %] et les variables quantitatives en moyenne (e´cart-type). Le test du Chi2 de Pearson a e´te´ utilise´ pour la comparaison des variables qualitatives. Un mode`le de re´gression logistique de l’HTA a e´te´ utilise´ pour les analyses multivarie´es en ajustant sur les variables inde´pendantes. Le tour de taille e´tant tre`s fortement corre´le´ avec le rapport tour de taille/tour de hanches, n’a e´te´ utilise´ dans le mode`le que ce dernier qui e´tait plus fortement lie´ au risque d’hypertension. Aucune interaction significative n’ayant e´te´ retrouve´e entre les variables inde´pendantes, le mode`le final est donc sans interaction. Le degre´ de significativite´ des tests a e´te´ fixe´ au seuil de 5 %. L’analyse des donne´es a e´te´ re´alise´e sous STATA 7.0 (Stata Corporation, College Station, TX, E´tats-Unis).
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Tableau 1 Pressions arte´rielles systolique et diastolique moyennes (en mmHg) selon l’aˆge et le sexe. Systolique moyenne
Diastolique moyenne
Phase 1
Phase 2
Phase 1
Phase 2
Pression moyenne (ET)
126 (21)
124 (20)
76 (12)
76 (12)
Selon le sexe Hommes Femmes
130 (20) 123 (22)
129 (19) 121 (20)
76 (12) 76 (12)
76 (12) 75 (11)
Selon l’aˆge 16–44 ans 45–54 ans 55–64 ans 65 ans et +
117 126 133 140
116 124 132 137
72 80 81 79
72 79 80 77
(15) (20) (21) (24)
(14) (20) (21) (22)
(11) (13) (12) (13)
(10) (12) (12) (12)
3.1. Pre´valence de l’HTA et caracte´ristiques des sujets hypertendus
3. Re´sultats Au total, 1504 personnes aˆge´es de 16 ans et plus ont participe´ a` l’enqueˆte ESCAL. Le sex-ratio est de 0,7 (59 % de femmes) et la moyenne d’aˆge de 48,2 ans (e´cart-type [ET] : 18,4) sans diffe´rence significative selon le sexe. La re´partition de l’e´chantillon par tranches d’aˆge est la suivante : 45,0 % des personnes interroge´es sont aˆge´es de 16 a` 44 ans, 17,5 % de 45 a` 54 ans, 13,6 % de 55 a` 64 ans et 23,9 % de 65 ans et plus. Parmi les personnes interroge´es, 83,5 % [81,3–85,8] de´clarent avoir de´ja` be´ne´ficie´ d’une mesure de la pression arte´rielle au cours des 12 derniers mois avec des diffe´rences significatives selon le sexe et l’aˆge. En effet, 88 % des femmes contre 78 % des hommes ont be´ne´ficie´ d’une mesure de la pression arte´rielle au cours de l’anne´e e´coule´e ( p = 10 5). Cette proportion varie e´galement selon l’aˆge, de 76 % pour la tranche d’aˆge 16 a` 44 ans a` 86 % pour la tranche d’aˆge 45 a` 54 ans et 92 % pour les tranches d’aˆge 55–64 ans et 65 ans et plus ( p = 10 5). Par ailleurs, 28 % [25,9–31,1] des enqueˆte´s rapportaient avoir de´ja` e´te´ informe´s par un me´decin que leur pression arte´rielle e´tait trop e´leve´e. La mesure de la pression arte´rielle a pu eˆtre re´alise´e chez 98 % des personnes aˆge´es de 16 ans et plus a` la premie`re phase et chez 90 % a` la seconde phase. La re´partition par sexe et aˆge des 8 % n’ayant pu be´ne´ficier de la seconde se´rie de mesures ne diffe`re pas significativement de celle du reste de l’e´chantillon. Parmi elles, 29 % de´ja` traite´es ont e´te´ classe´es parmi les personnes hypertendues. Les autres ont e´te´ conside´re´es comme normotendues. ` la premie`re phase de mesures, la pression systolique A moyenne est de 126 mmHg (ET : 21) et la pression diastolique ` la seconde phase de moyenne de 76 mmHg (ET : 12). A mesures, la pression systolique moyenne est de 124 mmHg (ET : 20) et la pression diastolique moyenne de 76 mmHg (ET : 12). La fre´quence cardiaque moyenne est de 74 (ET : 11) battements par minute a` la premie`re phase de mesures et de 73 (ET : 12) battements par minute a` la seconde phase de mesures (Tableau 1).
Au moment de l’enqueˆte, pre`s de 22 % [19,2–24,3] des personnes enqueˆte´es avaient un traitement antihypertenseur. Cette proportion est significativement plus e´leve´e chez les femmes, 25,7 % [22,7–29,1] que chez les hommes, 15,8 % [12,6–19,7] ( p < 10 5) et se retrouve dans chaque tranche d’aˆge. Les hypertendus traite´s se re´partissent de manie`re e´quivalente selon les trois types de the´rapie : 36,7 % rec¸oivent une monothe´rapie ; 30,3 % une bithe´rapie ; 30,0 % une trithe´rapie. La classe me´dicamenteuse d’antihypertenseurs la plus utilise´e est celle des diure´tiques qui est prescrite chez 52,6 % des patients hypertendus. Les inhibiteurs calciques viennent en deuxie`me position (44,7 % des prescriptions), suivis des antagonistes des re´cepteurs a` l’angiotensine II (32,3 %), des beˆtabloquants (31,6 %) et des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (18,1 %). La prescription des antihypertenseurs vasodilatateurs et des antihypertenseurs centraux reste marginale. Une pression arte´rielle supe´rieure aux normes pre´conise´es est retrouve´e chez 7,0 % [5,6–8,9] des personnes ne prenant pas de traitement antihypertenseur (Tableau 2). Au total, la pre´valence de l’HTA est donc de 29 % [25, 9–31,8], sans diffe´rence significative selon le sexe (26 % chez les hommes et 30 % chez les femmes). Cette pre´valence diffe`re significativement selon l’aˆge et augmente jusqu’a` atteindre 65 % chez les enqueˆte´s aˆge´s de 65 ans et plus (Fig. 1). Le test de tendance montre que le risque d’eˆtre hypertendu est 11 fois plus e´leve´ dans la classe d’aˆge 55 a` 64 ans et 25 fois plus e´leve´ dans la classe d’aˆge 65 ans et plus que chez les personnes aˆge´es de 16 a` 44 ans ( p < 10 6). On observe e´galement une variation de la pre´valence de l’HTA en fonction du niveau socioe´conomique (Fig. 2). Plus le niveau socioe´conomique est bas, plus la pre´valence de l’HTA augmente. Le test de tendance montre que le risque d’eˆtre
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Tableau 2 Re´partition des enqueˆte´s selon le sexe et le statut tensionnel.
Normotendus Hypertendus non traite´s Hypertendus traite´s
Hommes
Femmes
Ensemble
73,8% [69,1–78,0] 10,4% [7,6–14,0] 15,8% [12,6–19,7]
69,5% [65,9–72,9] 4,8% [3,4–6,6] 25,7% [22,7–29,1]
71,3% [68,2–74,2] 7,0% [5,6–8,9] 21,7% [19,2–24,3]
3.3. Pre´valence du surpoids et de l’obe´site´
Fig. 1. Proportion d’hypertendus selon la tranche d’aˆge et le traitement.
Sur l’ensemble de l’e´chantillon, plus d’une personne sur deux est en surcharge ponde´rale (surpoids plus obe´site´). Cette surcharge ponde´rale est plus fre´quente chez les hypertendus que chez les normotendus (73 % versus 49 %, p < 0,001) et plus fre´quente chez les femmes hypertendues (77,7 %) que chez les hommes hypertendus (66,5 %), mais de fac¸on non significative. La pre´valence du surpoids est de 34,7 % [30,2–36,6] dans l’e´chantillon. Elle est de 43 % chez les sujets hypertendus et de 31 % chez les normotendus ; p = 10 4. La pre´valence de l’obe´site´ est de 21,4 % [19,1–24,0] dans l’e´chantillon. Elle est de 30 % chez les hypertendus contre 18 % chez les normotendus ; p = 10 5. Chez les hypertendus, l’obe´site´ est significativement plus fre´quente chez les femmes que chez les hommes (36,5 % contre 19,0 % ; p = 10 4). Les sujets hypertendus se caracte´risent, par ailleurs, par une plus grande fre´quence d’obe´site´ abdominale, de diabe`te de´clare´ et de prise d’hypocholeste´role´miant. Ces personnes pratiquent moins souvent une activite´ physique que les normotendus (26 % contre 40 %). Le tabagisme est moins fre´quent dans cette population a` haut risque cardiovasculaire (Tableau 4). 3.4. Analyse multivarie´e
Fig. 2. Proportion d’hypertendus selon le niveau socioe´conomique.
hypertendu est pre`s de trois fois plus e´leve´ chez les personnes ayant le niveau le plus bas comparativement a` celles ayant le niveau le plus e´leve´ ; p < 10 6. 3.2. Extrapolation des re´sultats a` la population de la Martinique La comparaison de l’e´chantillon des re´pondants avec la population ge´ne´rale de Martinique montre qu’il existe une surrepre´sentation des femmes et une sous-repre´sentation de la tranche d’aˆge 20 a` 39 ans. En effet, les hommes et les personnes les plus jeunes acceptent moins souvent de participer a` ce type d’enqueˆte, ce qui ne´cessite d’effectuer un redressement des donne´es selon le sexe et l’aˆge. Les donne´es redresse´es (Tableau 3) montrent que, dans la population ge´ne´rale martiniquaise, la pre´valence globale de l’HTA chez les personnes aˆge´es de 16 ans et plus est de 22,5 % (20 % chez les hommes et 25 % chez les femmes). La pre´valence de l’HTA traite´e est de 16 % (11 % chez les hommes et 21 % chez les femmes).
L’analyse a porte´ sur 1359 sujets ayant des donne´es comple`tes, soit 90 % des personnes aˆge´es de 16 ans et plus. Les 145 individus exclus ne diffe´raient pas des sujets concerne´s par l’analyse. L’aˆge, l’IMC, le rapport tour de taille/tour de hanches, le niveau socioe´conomique, le fait de de´clarer eˆtre diabe´tique et la non-pratique d’une activite´ sportive re´gulie`re e´taient significativement associe´s a` l’HTA (Tableau 4). Dans l’analyse multivarie´e, l’aˆge, l’IMC, le rapport tour de taille/tour de hanches et le diabe`te de´clare´ restent inde´pendamment associe´s a` un risque plus e´leve´ d’HTA (Tableau 5).
Tableau 3 Pre´valence de l’hypertension arte´rielle (HTA) dans la population martiniquaise selon le sexe et l’existence d’un traitement (donne´es redresse´es). Hommes (%)
Femmes (%)
Ensemble (%)
Hypertendus traite´s Hypertendus non traite´s
11 9
21 4
16 7
Total hypertendus
20
25
23
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Tableau 4 Caracte´ristiques des hypertendus et des normotendus. Variables
Hypertendus
Normotendus
Statut ponde´ral Poids normal (IMC < 25) Surpoids (IMC : 25–29,9) Obe´site´ (IMC 30)
27% [22,7–31,4] 43% [38,1–48,9] 30% [25,1–34,9]
51% [47,5–54,9] 31% [27,3–34] 18% [15,6–21,2]
Tour de taille < 88 cm femmes, 102 cm hommes Obe´site´ abdominale
48% [43,2–53,2] 52% [46,8–56,7]
73% [69,2–76,2] 27% [23,8–30,8]
Rapport tour taille/tour hanche < Seuil (0,85 femmes ; 0,95 hommes) Seuil
47 % [41,4–52,5] 53% [47,5–58,6]
77 % [72,9–80,4] 23% [19,6–27,1]
Diabe`te de´clare´ Oui Non Ne sait pas
17% [13,7–21,8] 81% [76,7–84,8] 2% [0,7–3,4]
5% [3,6–6,4] 94% [91,9–95,3] 1% [0,7–2,8]
Consommation de tabac Fumeurs (re´guliers et occasionnels) Non-fumeurs
6% [3,8–9,6] 94% [90,4–96,2]
13% [10,7–15,8] 87% [84,2–89,3]
p < 10
5
p < 10
5
p < 10
5
p < 10
5
p = 0,001
Me´dicament contre le choleste´rol Oui Non
17% [13–21] 83% [79–87]
4% [2,4–5,1] 96% [94,9–97,6]
Activite´ physique Oui Non
26% [20,7–31,3] 74% [68,7–79,3]
40% [36,5–43,3] 60% [56,7–63,5]
Tableau 5 Facteurs associe´s a` l’hypertension arte´rielle (HTA) (analyse multivarie´e). OR ajuste´s IC95 Tranche d’aˆge Moins de 45 ans De 45 a` 64 ans 65 ans et plus
1,0 5,6 17,6
IMC Normal Surpoids Obe´site´
1,0 2,3 2,8
%
p <0,001
Rapport tour de taille/tour de hanches < Seuil (0,85 femmes ; 0,95 hommes) 1,0 Seuil 1,7 Diabe`te de´clare´ Non Oui
Significativite´
[3,8–8,1] [11,6–26,6] <10
3
<10
3
[1,6–3,2] [1,9–4,1]
[1,3–2,4] 0,006
1,0 2,0
[1,2–3,2]
4. Discussion Dans cette enqueˆte, la pre´valence de l’HTA a e´te´ calcule´e en conside´rant comme hypertendues les personnes traite´es ainsi que celles pre´sentant une pression systolique supe´rieure a` 140 mmHg et/ou une pression diastolique supe´rieure a` 90 mmHg lors des deux phases de l’enqueˆte. Le fait de ne pas avoir pu re´aliser la seconde phase de mesures chez 8 % des sujets a tendance a` sous-estimer la pre´valence de l’HTA. Afin de corriger ce biais, nous avons estime´ le nombre de personnes classe´es a` tort comme normotendues parmi celles n’ayant eu qu’une seule phase de mesures. Sachant que parmi les
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86 personnes n’ayant be´ne´ficie´ que d’une seule se´rie de mesures, 29 % sont traite´es, l’analyse porte donc sur 61 personnes. La proportion de sujets finalement classe´s comme hypertendus chez les personnes non traite´es, ayant be´ne´ficie´ des deux se´ries de mesures et qui avaient des valeurs e´leve´es de pression arte´rielle a` la premie`re phase est de 9,8 %. En appliquant cette proportion aux 61 personnes e´tudie´es, on peut donc estimer que six d’entre elles auraient duˆ eˆtre conside´re´es comme hypertendues. Cette correction entraıˆne une majoration de la pre´valence de l’HTA de 0,5 %. L’enqueˆte ESCAL met en e´vidence une pre´valence e´leve´e de l’HTA dans la population ge´ne´rale martiniquaise (22,5 % en donne´es redresse´es) comparable a` celle mesure´e dans la population ge´ne´rale adulte en Guadeloupe (23 %) [3,4]. Cependant, dans ces e´tudes, la mesure de la pression arte´rielle n’a e´te´ re´alise´e qu’a` une seule occasion. Par comparaison, les e´tudes comme ESCAL qui reposent sur deux se´ries de mesures, ont tendance a` minorer la pre´valence de l’HTA. Ce re´sultat confirme l’importance donne´e a` cette pathologie en termes de sante´ publique depuis la premie`re confe´rence Re´gionale de sante´ de 1996. En Martinique, l’HTA est identifie´e comme un des axes prioritaires sur lesquels des actions de pre´vention doivent eˆtre mene´es. Si la situation en Martinique est tre`s proche de celle de la Guadeloupe ou d’autres ˆıles de la Caraı¨be, on constate qu’il est difficile de comparer avec la France me´tropolitaine ou` il n’y a pas eu d’e´tude e´quivalente en population ge´ne´rale ayant permis d’e´valuer la pre´valence de l’HTA a` partir d’une me´thode de mesure standardise´e. Les donne´es disponibles proviennent principalement d’e´tudes re´alise´es a` partir de la cliente`le des
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me´decins ge´ne´ralistes [7], de population de travailleurs [8] ou portent uniquement sur la prise d’un traitement antihypertenseur [9]. Selon ces diffe´rentes sources, la pre´valence de l’HTA varie. Par exemple, en 1994, 41 % des adultes de la cliente`le des me´decins ge´ne´ralistes e´taient hypertendus et 59 % d’entre eux recevaient un traitement [7]. En 1997, a` partir des donne´es des trois registres franc¸ais du re´seau Monica, la pre´valence de l’HTA e´tait de 48 % chez les hommes et de 37,4 % chez les femmes de 35 a` 64 ans [10]. En 2001, la pre´valence de l’HTA dans une population de travailleurs e´tait de 13 % [8]. La plupart de ces e´tudes n’ont e´te´ re´alise´es qu’a` partir d’une seule phase de mesures a` l’exception de celle de Lang et al. [8]. Si on ne prend en compte que les personnes recevant un traitement, on estime, en 2004, que 24 % de la population franc¸aise de 35 ans et plus est traite´e pour HTA [9]. La meˆme proportion est retrouve´e dans ESCAL pour cette tranche d’aˆge, puisque 24,2 % des personnes aˆge´es de 35 ans et plus prennent un traitement antihypertenseur (donne´es redresse´es). En comparant les e´tudes re´alise´es selon la meˆme me´thode en Martinique et en France me´tropolitaine aupre`s d’un e´chantillon de travailleurs, on constate des diffe´rences. En effet, l’e´tude INHAPAG [1] montre des pre´valences de l’HTA plus e´leve´es que l’e´tude IHPAF [8] : 19,5 % en Martinique contre 16,2 % en France me´tropolitaine chez les hommes et 18,9 % contre 9,4 % chez les femmes. Cette diffe´rence s’explique en partie par l’influence des facteurs ge´ne´tiques dans cette pathologie, puisque de nombreuses e´tudes rapportent une pre´valence de l’HTA plus e´leve´e dans les populations noires ame´ricaines et caribe´ennes [11–13]. En 1999 et 2000, aux E´tats-Unis, la pre´valence de l’HTA est de 33,5 % dans la population noire de 18 ans et plus contre 28,9 % dans la population blanche [11]. Cette e´tude, re´alise´e a` partir d’une seule phase de mesures, montre aussi que l’augmentation de l’aˆge, un IMC e´leve´ et le fait d’eˆtre de race noire sont inde´pendamment associe´s au risque d’eˆtre hypertendu. En Angleterre, ou` vivent de nombreuses personnes originaires de la Caraı¨be anglophone, une e´tude a e´galement confirme´ que les Afrocaribe´ens sont plus souvent hypertendus que les Caucasiens [13]. Apre`s ajustement sur l’aˆge, l’IMC, le tabagisme et la quantite´ d’alcool bue par semaine, le risque d’eˆtre hypertendu est multiplie´ par 1,56 [1,14–2,13] chez les hommes et par 2,4 [1,51–3,81] chez les femmes d’origine afrocaribe´enne comparativement a` la population de race blanche. Il faut noter que les e´tudes mene´es en France retrouvent en ge´ne´ral une pre´valence plus e´leve´e de l’HTA chez les hommes que chez les femmes. Dans ESCAL, le contraire est observe´ et il semble que cette constatation soit a` mettre sur le compte de l’obe´site´ particulie`rement fre´quente chez les femmes martiniquaises. Dans l’e´tude ame´ricaine de Hajjar e´galement, les femmes sont plus souvent hypertendues que les hommes (30,1 % contre 27,1 %), cette diffe´rence persistant selon l’origine raciale, puisque la pre´valence de l’HTA est de 30,9 % chez les hommes noirs de 18 ans et plus contre 27,7 % chez les blancs et de 35,8 % chez les femmes noires contre 30,2 % chez les femmes de race blanche [11]. Contrairement a` l’IMC, le sexe ne reste pas associe´ a` l’HTA en analyse multivarie´e, ce qui confirme le roˆle important du
mode de vie (alimentation, activite´ physique) dans le fait d’eˆtre hypertendu ou non. Les facteurs de risque classiquement associe´s a` l’HTA ont e´te´ retrouve´s dans l’enqueˆte ESCAL : aˆge, exce`s de poids, tour de taille e´leve´, diabe`te. Une e´tude cas-te´moins re´alise´e en Guadeloupe confirme e´galement un risque plus e´leve´ d’HTA chez les sujets obe`ses (OR ajuste´ = 2,41 ; p < 0,001) et ayant une glyce´mie e´leve´e (OR ajuste´ = 1,67 ; p < 0,002) [14]. Par ailleurs, l’inte´reˆt de mesurer le tour de taille des patients est de´sormais bien de´montre´ et cet indicateur, qui refle`te le degre´ d’obe´site´ abdominale, est un marqueur simple des facteurs de risque cardiovasculaires [15]. L’association entre l’absence de pratique d’une activite´ physique et l’existence d’une HTA, observe´e en analyse univarie´e, n’est pas retrouve´e en analyse multivarie´e, probablement parceque cette variable est aussi lie´e au degre´ d’obe´site´. De meˆme, le lien entre niveau socioe´conomique bas et pre´valence de l’HTA disparaıˆt en analyse multivarie´e, car il traduit en fait une plus grande pre´valence de l’obe´site´ et du surpoids chez les personnes de bas niveau socioe´conomique. Le meˆme constat est fait dans l’e´tude PHAPPG [16], mene´e aupre`s d’une population pre´caire guadeloupe´enne aˆge´e de 18 a` 69 ans, qui a retrouve´ 25 % d’hypertendus chez les hommes et 22 % chez les femmes. Elle met l’accent sur le surpoids et l’obe´site´ comme facteur de risque associe´ a` l’HTA et conclut que la forte pre´valence de l’HTA chez la femme antillaise est surtout lie´e a` une fre´quence e´leve´e de l’obe´site´ et du surpoids. 5. Conclusion ESCAL, premie`re enqueˆte en population ge´ne´rale sur la ´ prevalence de l’HTA en Martinique, confirme que l’HTA est bien une maladie a` forte pre´valence dans ce territoire et que la de´cision de la prendre en compte dans les priorite´s de sante´ e´tait justifie´e. Cependant, il s’agit d’une e´tude transversale qui ne permet pas d’e´tablir un lien de causalite´ entre l’HTA et les facteurs de risque identifie´s. Malgre´ ses limites, cette enqueˆte a fourni de nombreuses donne´es non disponibles jusque-la` et sert donc de re´fe´rence pour la politique de sante´ publique en Martinique. La particularite´ de l’HTA en Martinique comme en Guadeloupe, est une pre´valence plus e´leve´e chez les femmes antillaises que chez celles de France me´tropolitaine, en rapport avec une obe´site´ plus fre´quente. Cependant, les femmes semblent be´ne´ficier d’une meilleure prise en charge. Ces diffe´rences lie´es au sexe, pre´sentes e´galement dans l’e´tude INHAPAG, sugge`rent que les hommes martiniquais, probablement moins conscients de leur statut hypertensif, se traitent moins que les femmes. Ces constatations soulignent l’importance d’inciter la population masculine a` consulter plus souvent un me´decin et ainsi d’ame´liorer le diagnostic et la prise en charge de l’hypertension chez les hommes. Enfin, compte tenu de la forte incidence des accidents vasculaires ce´re´braux en Martinique [6] et de la fre´quence de l’HTA chez ces patients, il est ne´cessaire de de´pister et traiter efficacement leur HTA, afin de pre´venir la survenue d’un accident vasculaire ce´re´bral et ses complications se´quellaires.
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