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ScienceDirect www.sciencedirect.com Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) 269–275
Revue générale
Prise en charge de la nutrition parentérale à domicile par une structure d’hospitalisation à domicile en région Rhône-Alpes Support of home parenteral nutrition by hospital home care services’ center in Rhône-Alpes region Marc Magnet ∗ , Vanessa Delmas Soins et Santé hospitalisation à domicile, 325 bis, rue Maryse-Bastié, 69141 Rillieux-la-Pape cedex, France Rec¸u le 27 aoˆut 2013 ; rec¸u sous la forme révisée le 8 septembre 2013 ; accepté le 9 septembre 2013 Disponible sur Internet le 11 octobre 2013
Résumé L’hospitalisation à domicile couvre l’intégralité du territoire. Si quelques différences d’accès et de fonctionnements existent, elle est une structure hospitalière à part entière et en assume toutes les obligations. Certifiée par la Haute Autorité de santé, elle organise la formation des intervenants et la coordination de leur action avec un service de spécialité. Le suivi en hospitalisation à domicile d’une nutrition parentérale se justifie du fait d’un projet thérapeutique complexe associé au risque de survenue de complications spécifiques. En l’absence d’une telle organisation pluridisciplinaire assurant la continuité des soins 24 h/24, coordonnant les acteurs du domicile, de l’hôpital, et de la permanence des soins, le patient serait hospitalisé. Les traitements sont dispensés en respectant le contrat de bon usage du médicament. L’élaboration de référentiels, de protocoles standardisés utilisés par les soignants en tous lieux contribuent à l’amélioration des pratiques. Le rapport bénéfice/risque de la nutrition parentérale doit être discuté, évalué et tracé régulièrement. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Communication interdisciplinaire ; Continuité des soins ; Organisation et administration
Abstract Hospital home care services are developed throughout the entire country. Despite minor variations in accesses and runnings, it shares the properties and duties of a classical structure of hospitalization. It has to be certified by the French Health Authority (« Haute Autorité de santé »), and has to organize the training of the stakeholders as well as the coordination of the activities shared with hospital departments. Due to the complexity of treatment programs and the high risk of specific adverse events, hospital home care services are required for the follow-up of patients receiving parenteral nutrition. Such a multidisciplinary approach (including the guaranty of 24 hours a day availability, the coordination of the stakeholders from both outside and inside the hospital, as well as the continuity of the caring process) is a useful alternative towards hospital admission. Medical treatments are delivered according to the good clinical practice rules. Medical practices are optimized thanks to the use of recommendations and standardized protocols shared by all the health professionals involved. The risk/benefit ratio of parenteral nutrition should be regularly discussed, recorded and evaluated. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Continuity of patient care; Interdisciplinary communication; Organization and administration
1. Introduction Toute personne, dont la situation clinique le justifie et dont les conditions de domicile le permettent, est susceptible de se voir proposer une hospitalisation à domicile (HAD). Celle-ci apporte
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Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Magnet).
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à domicile des méthodes hospitalières adaptées aux cas les plus complexes [1]. L’HAD est par vocation généraliste. Sa légitimité et la qualité de son intervention pour l’ensemble de son champ de compétence s’appuient sur la nécessaire production de référentiels et de protocoles de soins [1] en relation avec les services de spécialités et les sociétés savantes. La notion d’HAD implique de préciser la notion même de domicile. Celle-ci est effectivement très large puisqu’elle recouvre le domicile personnel mais également les établissements d’hébergement collectifs
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pour toute population (enfants, adolescents, adultes). L’HAD intervient ainsi au domicile « traditionnel », au sein des EHPAD, des établissements médicaux sociaux où elle doit mettre en place les conditions d’une bonne coopération avec l’équipe de la structure d’accueil. 2. L’hospitalisation à domicile en France 2.1. Une continuité de soins coordonnée ville–hôpital, des acteurs multidisciplinaires Ainsi, l’HAD coordonne des acteurs spécifiques dans un environnement particulier (domicile, établissement pour personnes âgées dépendantes, maisons d’accueil spécialisées pour personnes handicapées) [2–4]. Elle concerne les patients atteints de pathologie grave, aiguë ou chronique, évolutive ou instable, et qui, en l’absence d’un tel service seraient maintenus dans un service hospitalier [5,6]. Elle est le point de rencontre entre la médecine hospitalière et la médecine de ville [7]. Elle a obligation d’organiser la continuité des soins de fac¸on pluridisciplinaire et coordonnée, en relation avec le médecin traitant, les services de spécialités et les services en charge de la permanence des soins (PDS). 2.2. Une couverture nationale réglementée, un développement ciblé L’implantation de chaque structure se fait sur un bassin de population déterminé avec autorisation de l’agence régionale de santé. En 2013, bien que la quasi-totalité du territoire national soit couverte par une telle offre de soin, des écarts régionaux peuvent persister. En effet, comme en atteste l’analyse de l’indicateur nombre de journées pour 100 000 habitants [1], les zones rurales sont souvent moins bien desservies que les zones urbaines au sein desquelles peuvent également exister des disparités. Fort de ce constat, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) propose dans son rapport de promouvoir des développements ciblés pour conforter la place de l’HAD dans les parcours de soins [1]. 2.3. Des statuts différents, une structure hospitalière à part entière, une obligation commune de certification Les structures d’HAD rattachées ou non à un établissement hospitalier ont des statuts variés : publics, établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC) ou privés. Autonomes, elles ont souvent un statut associatif ou mutualiste. Depuis 2009, tous ces établissements sont considérés comme des établissements hospitaliers à part entière et en assument toutes les obligations dont celle d’être certifié [7,8]. La certification a lieu tous les quatre ans sous la responsabilité de la Haute Autorité de santé et donne lieu à un rapport de certification publié. Certaines de ses conclusions s’appuient sur les résultats du recueil des indicateurs pour l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins (IPAQSS) ; recueil auquel l’HAD doit satisfaire et dont la partie des items sont consacrés au suivi nutritionnel des malades. Concernant la nutrition
parentérale (NP), le manuel de certification de l’HAD oppose à chaque structure d’identifier, dès l’admission, les patients nécessitant une prise en charge nutritionnelle spécifique. Elle se doit d’organiser la coordination des différents professionnels autour de cette prise en charge, en lien avec le comité de liaison en alimentation et nutrition (CLAN) ou son équivalent (dans notre expérience, avec une unité de nutrition clinique [UNC]), de mettre en œuvre des actions d’éducation à la santé dans le domaine nutritionnel auprès du patient et de son entourage, de tracer dans son dossier les éléments permettant le dépistage et le suivi des troubles nutritionnels, d’évaluer la qualité de ce dispositif de prise en charge et de mettre en place les mesures correctrices nécessaires [8]. 2.4. Un mode de financement appelé à évoluer Le financement de ces structures est pris en charge par les organismes d’assurance maladie, les mutuelles, dans les mêmes conditions qu’une hospitalisation conventionnelle. Le forfait hospitalier n’est bien sûr pas pris en compte dans la mesure où la personne est soignée à son domicile. L’HAD facture ses prestations à l’assurance maladie dans le cadre de la tarification à l’activité (T2A) qui leur est appliquée depuis 2005. Au vu des données qui lui ont été fournies dans le cadre de l’étude nationale des coûts lancée en 2009, l’IGAS constate que « les tarifs sont largement déconnectés de la qualité, de la lourdeur et des coûts de prise en charge » [1]. Ainsi, ce mode tarifaire est appelé à évoluer, s’appuyant sur l’enrichissement de la base PMSI HAD ainsi que sur l’analyse continue de l’échelle nationale des coûts menée au sein des établissements d’HAD. 2.5. Une activité en croissance, une description et un recueil en cours d’évolution En 2012, tous statuts confondus, on dénombrait un peu plus de 300 structures autorisées et actives réparties sur l’ensemble du territoire. L’activité au plan national (base PMSI HAD) comptabilisait 4 207 000 journées d’hospitalisation, 150 000 séjours et un peu plus de 100 000 personnes soignées. Concernant la NP, on comptait 11 903 séjours d’une durée moyenne de séjour de 30 jours. La NP était administrée pendant 79 % des journées du séjour, soit 264 997 journées de NP. Quatre-vingt-un pour cent de ces séjours (soit 9629 séjours) concernaient un patient avec pathologie oncologique. On ne pouvait pas identifier la pathologie principale pour 423 séjours en raison d’usage d’un code CIM10 inadéquat ou bien d’une description restreinte à la présence de métastases. D’autre part, la place de la NP en soins palliatifs (SP), sa pertinence et sa durée d’utilisation sont mal renseignées et doivent, à notre sens, faire l’objet de l’établissement de référentiels quel que soit le lieu où elle est administrée (les SP représentaient 23 % de l’ensemble des séjours). Enfin, l’identification et le dénombrement précis au plan national des pathologies non cancéreuses relevant d’une NP ainsi que des complications bien décrites dans la littérature se heurtent aux limites actuelles d’une qualité descriptive faible du recueil du PMSI HAD. Nous présenterons dans un chapitre dédié au fonctionnement de notre structure, troisième
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HAD en France, les données d’activités cancérologiques, non cancérologiques ainsi que les « évènements cathéter » répertoriés. Ce travail est rendu possible par un renseignement exigeant de notre base PMSI établie par notre médecin DIM ainsi que par une possibilité de chaînage des séjours patients. 2.6. Des patients, des modalités de prise en charge, des partenariats experts
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la demande d’admission après analyse de faisabilité menée de fac¸on conjointe avec le médecin traitant et le département médico-social de la structure d’HAD. 2.8. Des prescripteurs, la qualité et sécurité du circuit du médicament, le contrat de bon usage
Les patients suivis en HAD le sont en fonction de modes de prise en charge (MPEC) définis réglementairement, au nombre de 23 actuellement [5,6]. Ces MPEC peuvent être communs pour des pathologies évolutives très différentes mais relevant d’une même typologie de soins. Dans certaines conditions, un seul MPEC peut être suffisant pour accepter le patient : SP, douleur, antibiothérapie. Pour d’autres, et en particulier pour la NP, l’association à un autre MPEC (nursing lourd, antibiothérapie, psychologie, social, etc.) est obligatoire. Les MPEC psychologique ou social peuvent être associés à la NP à condition qu’ils soient utilisés dans un contexte spécifique et pour une durée adaptée, sous réserve d’une trac¸abilité des motifs et du suivi dans le dossier du patient. Pour exemple, un patient pour qui vient d’être posé le diagnostic d’un cancer colique, venant de subir une chirurgie avec mise en place d’une stomie définitive, pourra se voir proposer une prise en charge spécifique par la psychologue de la structure. L’association de ces deux MPEC (NP et psychologique) permettra ainsi le suivi en HAD de ce malade. Concernant la NP, ce MPEC fait référence à l’administration au patient de solution binaire ou ternaire [5,6]. Il comporte le suivi médical, biologique de la nutrition et la mise en place de soins infirmiers pour la surveillance de la voie d’abord, l’éducation du patient et de son entourage. Ce dernier point, pour être reconnu comme champ de compétence propre à la structure d’HAD, doit faire l’objet d’une autorisation par l’agence régionale de santé validant un programme d’éducation thérapeutique en ce domaine, déposé par la structure. Les HAD contractualisent ainsi le plus souvent avec des centres ayant cette expertise, ne pouvant déployer en interne toutes les compétences requises en éducation thérapeutique. Enfin, la structure d’HAD a obligation de s’assurer de la compétence des personnels, de la trac¸abilité des produits dispensés, de la matériovigilance concernant les pompes, de la continuité et de la trac¸abilité des soins dispensés à ses patients. L’HAD doit coordonner son action protocolisée et standardisée en collaboration étroite avec une structure de spécialité, un CLAN [8].
Le contrat de bon usage du médicament (CBUM) a deux objectifs. Le premier est celui d’engager les établissements de santé dans une démarche qui favorise le bon usage des médicaments, des produits et prestations dans la perspective d’une amélioration continue, tant de la qualité que de la sécurité des soins qui y sont prodigués. Le second objectif est de garantir le bien-fondé des prescriptions des spécialités pharmaceutiques, des produits et prestations facturables en sus des prestations d’hospitalisation. Le CBUM a été instauré par le décret du 24 août 2005 [9,10] et la circulaire de mise en œuvre du 19 janvier 2006 [9,10]. Ces textes sont applicables à l’ensemble des établissements de santé soumis à la T2A et par conséquent, aux structures d’HAD auxquelles le CBUM doit s’adapter [1] pour satisfaire à ses obligations tout en prenant en compte les réalités complexes du domicile (grand nombre de prescripteurs intervenant sur des lieux différents, support de prescription différents, difficultés de dématérialisation et de transmission des ordonnances, intervention de pharmacie d’officine ou de pharmacie à usage intérieur [PUI]). Le malade doit pouvoir ainsi, sans perte de chance, dès l’admission et pendant le suivi, recevoir l’ensemble des traitements et dispositifs dont il relève et dans les meilleurs délais. Quel que soit le fonctionnement choisi par la structure concernant sa pharmacie (PUI propre à l’établissement, PUI de l’établissement dont dépend l’HAD ou contrat avec une officine), les conditions du CBUM devront être respectées. Ainsi, le rapport IGAS [1] préconise que tout doit être mis en œuvre pour améliorer la gestion du médicament en veillant à l’application de la loi HPST [7] et à l’adaptation du CBUM. Enfin, en vue de simplifier et améliorer l’organisation des soins ainsi que la qualité du service rendu au patient dans l’établissement d’HAD, une circulaire de juillet 2011 [11] met à disposition un modèle de convention entre l’établissement HAD disposant d’une PUI et un pharmacien d’officine. Cette convention précise les obligations incombant au titulaire d’officine, au pharmacien gérant de la PUI et à l’établissement HAD, « en vue de garantir la qualité et la sécurité de la dispensation lorsque la pharmacie à usage intérieur de l’HAD a recours, pour des médicaments et produits pharmaceutiques, à une officine ».
2.7. Conditions d’admission, prescription, accord du patient
2.9. Mode de fonctionnement salarié ou mixte avec les professionnels libéraux
La demande d’HAD peut être faite par le médecin hospitalier ou le médecin traitant. Le consentement du patient, l’accord signé de la famille et l’accord du médecin traitant sont nécessaires à la réalisation de ce suivi. L’identification de la personne de confiance ainsi que la recherche de directives anticipées accompagnent la transmission d’un projet médical faisant état de la stratégie thérapeutique, des traitements, de la charge en soins et des MPEC [5,6]. Le médecin coordonnateur valide
Le fonctionnement de ces structures peut s’exercer soit sous forme d’une collaboration étroite avec l’ensemble des professionnels libéraux exerc¸ant à domicile ; son personnel n’exerc¸ant alors qu’une activité de coordination de soins et assurant leur continuité, soit sous forme d’une activité de soin réalisée exclusivement par les salariés de la structure. Dans tous les cas, le médecin traitant est celui choisi par le patient. Certaines structures (celle présentée dans cet article par exemple) ont développé
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une activité clinique importante réalisée par leur département médical en collaboration avec le médecin traitant et les soignants du domicile. Cette activité, appuyée également dans notre expérience par l’intervention d’une équipe mobile de soins de support et SP développée en interne, apporte un champ d’expertise précieux au patient, aux soignants et au médecin traitant. Différents types de fonctionnement de ces structures d’HAD sont ainsi observables. Une présentation du fonctionnement d’une structure collaborant de fac¸on étroite avec une unité de nutrition clinique (UNC) est faite ci-dessous. Ce choix s’appuie entre autre sur la taille de cette structure et sa représentativité au plan national (troisième avec 300 malades-jours). 3. L’HAD soins et santé : fonctionnement et collaboration avec une unité de nutrition clinique 3.1. Données générales Soins et Santé est une structure associative, ESPIC, créée en 1971, fonctionnant sur un partenariat avec les libéraux et répondant aux attentes de l’ensemble des services hospitaliers publics et privés de sa zone géographique de compétence (le Rhône, l’Ain limitrophe, et le Nord Isère). Par ailleurs, la structure développe des partenariats contractualisés avec des structures dites d’aval permettant d’assurer la continuité des soins pour les patients ne relevant plus d’HAD. Son département médicoinfirmier et sa PUI assurent la continuité coordonnée des soins 24 h/24 en collaboration contractualisée avec les acteurs de la permanence des soins (PDS). De vocation généraliste comme la plupart des HAD en France, son fonctionnement appuie son expertise sur une collaboration étroite entre les services de spécialité des hôpitaux publics et privés et l’équipe pluridisciplinaire de Soins et Santé. Dans le contexte de la NP, cette expertise nous est apportée par l’UNC des hospices civils de Lyon (HCL). Ce partenariat s’inscrit dans un contrat de collaboration plus global que nous développons avec les HCL dans le cadre de leur projet d’établissement. La structure a été certifié V2010 en mars 2012. Elle dispose d’un comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN), d’un comité de lutte contre la douleur (CLUD), d’une commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (CRUQ). 3.2. Descriptif de l’activité, aspect quantitatif L’HAD n’est autorisée à suivre que des patients recevant une NP associée à un autre mode de suivi (antibiothérapie, rééducation, pansements complexes etc.) [5,6]. Pour l’année 2012, sur 97 000 journées d’HAD, 10 000 étaient consacrées à la NP. Moins de 10 % d’entre elles nous étaient adressées par l’UNC. Le suivi en oncologie tous stades confondus représentait 40 % des patients et 75 % d’entre eux recevaient une NP. Il était également observé que 25 % de nos séjours étaient consacrés aux SP. D’autres patients sans affection cancérologique recevaient une NP : les malabsorptions post-chirurgicales type grêle court (54 %), troubles de déglutition (14 %) par exemple dans les maladies neurologiques évolutives, syndromes occlusifs (5 %), dénutrition hors étiologies précédentes (8 %) et divers
comprenant la maladie de Crohn, fistules, etc. (19 %). Enfin, sur 312 séjours avec NP, 29 infections cathéter et quatre thromboses cathéter ont été répertoriées sans certitude d’exhaustivité compte tenu d’un système d’information en cours d’évolution et ne permettant pas avec précision de tracer « les évènements cathéter ». 3.3. L’activité au quotidien 3.3.1. Admission, indication et bénéfice/risque de la nutrition parentérale Le médecin coordonnateur valide l’admission du patient, en accord avec le médecin traitant, avec le consentement du patient prenant en compte l’ensemble des données médicales et sociales nécessaires. Il s’assure tout particulièrement chez les patients porteurs de voies veineuses centrales des conditions d’hygiène présentes au domicile et de l’absence de perte de chance a priori. Dans le cadre de cette validation, est accordée une place importante à l’indication de la NP, à son rapport bénéfice/risque, au risque de survenue de complications. L’objectif d’une nutrition artificielle, quelle que soit la pathologie suivie et son stade évolutif, doit être parfaitement défini, régulièrement évalué et contribuer à améliorer la qualité de vie du patient. La NP en phase palliative terminale, bien que faisant l’objet de nombreuses communications concernant les limites de son indication, est encore fréquemment prescrite dans notre expérience sans que le patient ne puisse en ressentir un quelconque bénéfice. Le coût en qualité de vie pour lui et pour la société est souvent élevé (infections, thromboses, nausées, hospitalisation pour ablation de cathéters). Fort de ce constat et dans le cadre de l’évaluation de nos pratiques professionnelles (EPP), nous mettons en place dans les jours suivant l’admission un échange avec le patient et sa famille concernant le rapport bénéfice/risque, les attentes et représentations qu’il a, l’évaluation qu’il fait d’un tel traitement. Ces échanges restent difficiles à mener tant la valeur symbolique de l’arrêt de l’alimentation est source de questionnement et de souffrance. L’aide du département de psychologie est ici très précieuse. Ce constat confirme la nécessité qu’il y a de développer une véritable culture concernant les soins de support et palliatifs dans chaque établissement hospitalier [12]. Dans ce contexte spécifique, le travail de notre diététicienne menée sur la qualité des repas, la notion de plaisir peut contraster ou accompagner l’aspect « calorique » et quantitatif souvent mis en avant. Enfin, est abordé le risque de survenue des complications majoré en soi par le changement de lieu de soin qui rappelle l’importance de la formation des professionnels, de la protocolisation et de la définition des indicateurs de suivi. Cette démarche de validation aboutit à une synthèse du projet de soins et est transcrite sur le dossier informatique du patient. 3.3.2. Mobilisation des ressources nécessaires, tra¸cabilité Dès son admission, le patient fait l’objet d’une évaluation clinique par le cadre de santé et l’infirmier libéral. L’ensemble des modalités des MPEC dont relève le malade ainsi que leurs indicateurs de suivi sont réévalués et font l’objet de l’établissement du plan de soins. À cet instant peut être décidé de mobiliser notre département social dont l’intervention peut avoir lieu en
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pré-admission ou au cours du séjour pour apporter des aides ciblées facilitant le maintien à domicile. Le département de psychologie peut également être sollicité pour le patient et son entourage lorsque la maladie grave met à mal ses ressources psychiques, ses représentations, son identité [13,14]. Le suivi sera conduit par la suite de fac¸on biquotidienne par les soignants libéraux. Le médecin traitant intervient en collaboration avec notre département médical. Des visites à domicile et des points d’évaluation téléphonique réalisés par notre infirmier coordonnateur complètent ce suivi. Ce suivi peut à tout instant être renforcé par l’intervention coordonnée d’un médecin (médecin traitant, coordonnateur ou urgentiste), d’une infirmière de nuit, et la réalisation d’un bilan si la situation clinique le nécessite. Dès lors qu’une biologie est demandée, l’analyse des résultats répond à une procédure de double lecture infirmière et médicale, confrontée aux données cliniques. Le médecin traitant en est informé par appel à son cabinet. Les adaptations thérapeutiques sont conduites par ce dernier ou le médecin coordonnateur et les traitements prescrits sont livrés par notre PUI, de jour comme de nuit. La trac¸abilité de l’information est réalisée de fac¸on quotidienne sur le dossier chevet ainsi que sur le dossier informatique du patient, accessible du domicile à partir d’une tablette informatique. 3.3.3. La mise à disposition de la nutrition parentérale La mise à disposition de la NP au domicile du patient est assurée par la PUI. Un livret thérapeutique est mis en place et validé avec l’UNC. Il comporte une sélection limitée de poches binaires ou ternaires avec ou sans électrolytes, de poches de lipides isolés, de solutions d’électrolytes hypertoniques. Ce livret permet, outre une optimisation des coûts et des stocks, une meilleure connaissance des produits (conservation, manipulation, reconstitution, stabilité, etc.). Les conditions de substitution y sont définies et validées sur un tableau d’équivalence. Dans de rares cas, des prescriptions de « NP à la carte » sont faites par l’UNC et mises à disposition par la PUI. Elle a la responsabilité de la matériovigilance, de la trac¸abilité des produits dispensés (dispensation de chaque poche avec numéro de lot, facilitant la pharmacovigilance ascendante et descendante) ainsi que de la gestion des déchets. La mise à disposition d’un modèle unique de pompe dédiée à la NP permet l’élaboration d’une procédure unique et une utilisation maîtrisée par l’ensemble des personnels infirmiers. Enfin, la livraison de la NP est hebdomadaire, permettant un suivi au plus près des besoins du patient et une meilleure gestion médico-économique. L’ensemble des thérapeutiques et matériels nécessaires dont relève le malade est livré par notre PUI 24 h/24 [15]. 3.3.4. Intervention et formation de l’équipe infirmière, protocolisation, suivi et transmission Le risque de survenue des complications, notamment septiques, est majoré lors du changement de protocoles de soins [16]. L’arrivée en HAD est ainsi un risque théorique en soi. Ce constat insiste sur la nécessité d’une formation continue des personnels infirmiers et médecins, d’une diffusion coordonnée des
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protocoles, de leur validation et appropriation sur les différents lieux de soins. Nous avons mesuré la difficulté que représente l’atteinte de cet objectif tant nos prescripteurs sont nombreux avec des champs de compétences variés. Les procédures de ces services, lorsqu’elles nous sont transmises, sont souvent peu semblables. Ces différences de pratique entraînent fréquemment un questionnement immédiat du patient, une crainte, un sentiment de perte de chance, une perte de confiance et le cas échéant, une altération de sa qualité de vie quand une complication survient. Nous avons ainsi mené avec l’UNC, notre CLIN et notre département médico-infirmier un travail de standardisation des protocoles entre nos deux services. Il complète les recommandations strictes d’ordre général en hygiène disponibles dans le classeur chevet du patient. Les infirmiers libéraux et nos équipes sont formés à ces protocoles communs sous la responsabilité du département de soins et de l’infirmière hygiéniste. De plus, l’élaboration avec l’UNC d’une fiche de surveillance clinique est en cours. Elle sera remise au patient, à son médecin et à l’infirmière, à l’admission, lors de chaque hospitalisation. Elle a pour objectif de transmettre le protocole en cours concernant le traitement de NP, ses conditions de réalisation et suivi ainsi que d’aider à établir un diagnostic précoce de complications en décrivant la variété des symptômes, leur aspect parfois frustre (asthénie isolée, leucopénie, hypertriglycéridémie, etc.) [17]. Cette fiche, sur laquelle pourraient être notés les indicateurs de suivi IPAQSS et les évènements biologiques récents, serait un support de transmission standardisé entre notre service et les services qui nous adressent et rec¸oivent les patients. Cette première étape, nous l’espérons, améliorera le ressenti du malade, sa qualité de vie et impactera de fac¸on positive sur l’incidence « des évènements cathéter ». Concernant ce dernier point, une évolution de notre système d’information permettra un recueil exhaustif et une analyse plus pertinente qui, associée à une EPP continue et à la réalisation de deux enquêtes annuelles de satisfaction des patients (transmises à notre CRUQ), contribuera à l’amélioration de la qualité de prise en charge de nos patients. Enfin, la formation et l’éducation des patients et familles par notre diététicienne et infirmière hygiéniste accompagnent cette démarche. L’écoute du savoir profane du malade [14], de ses représentations, de ses questionnements, contribue à mieux adapter nos soins à ses attentes et ainsi, faciliter son adhésion au projet thérapeutique, faisant de lui un acteur à part entière. Toutefois, et prenant en compte les limites que nous avons rencontrées dans la réalisation de ce travail, nous pensons que les recommandations de la Société francophone de nutrition clinique et métabolisme (SFNEP), attendues pour la fin de l’année 2013 et élaborées dans le cadre de la mise à jour du « guide de bonnes pratiques de nutrition artificielle à domicile », seront une aide précieuse à son évolution et à la standardisation des pratiques au sein des différents services hospitaliers. 3.3.5. Suivi multidiciplinaire, coordonné, continu, protocolisé La NP est un traitement dont les effets secondaires et complications encourus (mécaniques, infectieux, métaboliques,
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etc.) sont nombreux, parfois de risque évolutif grave. De plus, les patients suivis sont souvent polymédiqués, fragilisés par des facteurs de comorbidité et MPEC associés, justifiant la nécessité d’un suivi médical continu et coordonné. Le patient peut joindre le standard 24 h/24. La réponse apportée par notre dispositif d’astreinte est considérée comme un point très positif dans les « enquêtes satisfaction patient » menées par notre département qualité. Les limites de disponibilité et de compétences du médecin traitant sont des éléments constitutifs du contrat qui nous lie à lui, positionnant notre intervention de fac¸on complémentaire et coordonnée à la sienne. Cette intervention à domicile peut mobiliser à tout instant une évaluation médicale et infirmière. Elle fait suite à un premier niveau de régulation téléphonique médical assuré par notre médecin coordonnateur qui précise l’urgence de l’intervention et les compétences à mobiliser. L’évaluation clinique et la décision thérapeutique sont fondées sur les éléments actualisés au quotidien du projet thérapeutique. Le diagnostic porté, la décision concernant la conduite à tenir et son lieu de réalisation (domicile versus hôpital) sont discutés lors de la coordination téléphonique tenue par l’équipe médico-infirmière présente à domicile et le médecin coordonnateur d’astreinte de Soins et Santé. Si l’état clinique du patient permet d’envisager son maintien à domicile, que les conditions de réalisation du traitement sont réunies et que le patient le souhaite, le suivi est réalisé à domicile en s’appuyant sur des procédures de diagnostic et traitement validées (protocoles et fiches techniques du CLIN, conditions d’arrêt de la NP, hémocultures, antibiothérapie, etc.). Le bilan biologique est alors transmis au laboratoire qui nous fait parvenir les premiers résultats utiles à la prise en charge immédiate. Le médecin coordonnateur adapte la stratégie thérapeutique et décide d’une hospitalisation si les résultats font discuter un risque de complication. Si l’hospitalisation est décidée, soit initialement, soit dans un deuxième temps, les conditions de sa réalisation font l’objet d’une procédure interne. La médicalisation possible de ce transfert doit mobiliser toute notre attention compte tenu des risques attachés à l’évolution d’une éventuelle septicémie. La décision sera prise par nos confrères du SAMU lors de l’échange téléphonique avec le médecin coordonnateur, interlocuteur permanent de l’équipe dépêchée sur place en charge de la PDS. Notre médecin coordonnateur reste également disponible pour l’équipe hospitalière qui rec¸oit le patient à qui il transmet tous les documents utiles à la continuité du projet de soins. 4. Conclusions L’HAD, quel que soit son statut, son mode de fonctionnement, est une structure hospitalière à part entière, certifiée par la Haute Autorité de santé. À ces titres et dans le contexte ici traité de la NP, elle en assume toute les obligations dont celle d’organiser la continuité des soins ainsi que celle d’organiser la coordination de l’action des professionnels du domicile, de sa structure avec un CLAN ou un service de spécialité (UNC). Le suivi de ces patients relevant d’une prise charge en HAD est complexe, nécessairement coordonné, justifiant, du fait de comorbidités associées, un suivi médical protocolisé continu 24 h/24. Dans ce contexte, persistent toutefois des difficultés
en relation avec une absence de standardisations des pratiques entre les différents lieux de soins. Dans ce cadre, nous espérons que le travail en cours au sein de la SFNEP apportera des pistes de réflexion et possibilités de standardisation entre ces différents lieux. Le souci permanent de l’évaluation de nos pratiques, de la satisfaction des patients ainsi que celui de faire évoluer nos outils de recueil et d’analyse de l’information médicale contribueront à l’amélioration de la prise en charge en HAD des patients recevant une NP. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Durand N, Lannelongue C, Legrand P, Marsala V. IGAS, Rapport no RM2010-109P. Inspection générale des affaires sociales; 2010, accessible sur : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapportspublics/104000664/0000.pdf. [2] Décret no 2007-241 du 22 février 2007 relatif à l’intervention des structures d’hospitalisation à domicile dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires) et le code de la sécurité sociale (deuxième partie: Décrets en Conseil d’État).2007, accessible sur : http://www.legifrance. gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000795683&dateTexte= &categorieLien=id [3] Décret no 2012-1030 du 6 septembre 2012 relatif à l’intervention des établissements d’hospitalisation à domicile dans les établissements sociaux et médico-sociaux avec hébergement. 2000, accessible sur : http://legifrance. gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000026354691 &categorieLien=id [4] Décret no 2012-1031 du 6 septembre 2012 relatif aux conditions techniques de fonctionnement des établissements d’hospitalisation à domicile intervenant dans les établissements sociaux et médico-sociaux avec hébergement. 2012, accessible sur : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte. do?cidTexte=JORFTEXT000026354711&dateTexte=&categorieLien=id [5] Circulaire DH/EO2/2000-295 du 30/05/2000 relative à l’hospitalisation à domicile. 2000, accessible sur : http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/ circulaire 295 300500.pdf [6] Complément à la circulaire DH/EO 2 no 2000-295 du 30 mai 2000 relative à l’hospitalisation à domicile. 2000, accessible sur : http://www.sante. gouv.fr/IMG/pdf/compl circ 295 300500.pdf [7] Loi no 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. 2009, accessible sur : http://www. legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020879475 &categorieLien=id [8] Haute Autorité de Santé. Manuel de certification des établissements de santé V2010 2009, accessible sur : http://www.has-sante.fr/portail/upload/ docs/application/pdf/2008-12/20081217 manuel v2010 nouvelle maquette.pdf [9] Décret no 2005-1023 du 24 août 2005 relatif au contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations mentionné à l’article L. 16222-7 du code de la sécurité sociale (troisième partie : Décrets). 2005, accessible sur : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte= JORFTEXT000000631121&dateTexte=&categorieLien=id [10] Circulaire du 19 janvier 2006 relative au respect des articles 34 et 37 de la Constitution. n.d, accessible sur : http://www.legifrance.gouv.fr/ affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000265787&dateTexte= &categorieLien=id [11] Circulaire no DGOS/PF2//2011/290 du 15 juillet 2011 relative à la convention entre un établissement d’hospitalisation à domicile disposant d’une pharmacie à usage intérieur et le(s) titulaire(s) d’une pharmacie d’officine dans le cadre de l’article R. 5126-44-1 du code de la santé publique. 2011,
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[12]
[13] [14] [15]
accessible sur : http://www.sante.gouv.fr/circulaire-nodgos-pf2-2011-290du-15-juillet-2011.html Circulaire no DHOS/O2/2008/99 du 25 mars 2008 relative à l’organisation des soins palliatifs. n.d, accessible sur : http://www.sfap.org/pdf/III-B6bpdf.pdf Reich M. Cancer et image du corps : identité, représentation et symbolique. Inf Psychiatr 2009;85:247–54. Grimaldi A. L’éducation thérapeutique : une partie qui se joue à quatre. Cah Nutr Diététique 2009;44:62–6. Décret no 2000-1316 du 26 décembre 2000 relatif aux pharmacies à usage intérieur et modifiant le code de la santé publique (deuxième
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partie : Décrets en Conseil d’Etat). 2000, accessible sur : http://www. legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000220429 [16] Toure A, Lauverjat M, Gelas P, Peraldi C, Boncompain-Gérard M, Chambrier C. P080 – Intérêt d’un suivi régulier de la densité d’incidence des infections liées au cathéter chez les patients en nutrition parentérale à domicile. Nutr Clin Metab 2009;23:71. [17] Lauverjat M, Peraldi C, Gelas P, Boncompain-gérard M, Chambrier C. P177 – Manifestations des infections liées au cathéter chez les patients en nutrition parentérale à domicile : importance des formes atypiques. Nutr Clin Metab 2010;24:133.