Épidémiologie, coûts et organisation des soins
Prise en charge du diabète de type 2 en pratique médicale courante en Afrique sub-saharienne : résultats de l’étude AMAR-AFO au Sénégal et en Côte-d’Ivoire Management of type 2 diabetes in clinical practices in sub-Saharan Africa: Results of the AMAR-AFO study in Senegal and Ivory Cost S.-N. Diop1, A. Wade2, A. Lokrou3, D. Diédhiou1, V.-K. Adoueni4 1
Centre du diabète Marc Sankalé, Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal. 2 Sanofi-aventis, Dakar, Sénégal. 3 Service d’endocrinologie-diabétologie, CHU de Yopougon, Abidjan, Côte-d’Ivoire. 4 Centre anti-diabète d’Abidjan, Côte-d’Ivoire.
Résumé Introduction : En Afrique sub-saharienne, l’insuffisance de spécialistes du diabète impose la formation des médecins généralistes (MG). L’objectif de ce travail est d’évaluer leur place dans la prise en charge de cette pathologie. Matériel et méthodes : Il s’agit d’une étude prospective, multicentrique, menée au Sénégal et en Côte-d’Ivoire, entre août 2008 et août 2009, portant sur des patients diabétiques de type 2 (DT2) traités par antidiabétiques oraux (ADO), et suivis pendant 3 mois par des MG formés. Les données étaient recueillies dans des carnets standardisés, et analysées avec le logiciel Epi Info® version 6. Résultats : Chez les 1 052 patients DT2 recrutés par 81 MG, l’âge moyen était de 53,2 ± 9,6 ans, le sex-ratio (hommes/femmes) de 0,78 ; l’ancienneté du diabète était inférieure à 6 mois pour 75 % d’entre eux. Une hypertension artérielle (HTA) et un surpoids ou une obésité étaient associés au DT2 dans 47 % et 48 % des cas, respectivement. La glycémie capillaire à jeun moyenne était de 2,47 g/l et l’hémoglobine glyquée (HbA1c) de 8,9 %. Le bilan des complications a été insuffisant (chez seulement 20 % des patients). Les ADO ont été prescrits en monothérapie dans 82,5 % des cas, et en bithérapie – incluant toujours la metformine – dans 17,5 % des cas. L’HTA n’a été traitée que dans un tiers des cas. Durant le suivi de 3 mois, le nombre médian de visites a été de 3 ; la glycémie à jeun s’est normalisée (≤ 1,26 g/l) dans 47,9 % des cas, avec une baisse moyenne de 1,01 ± 0,82 g/l, corrélée au sexe masculin (p = 0,012) et à la valeur de la glycémie lors de l’inclusion (p = 0,0001). Conclusion : En Afrique sub-saharienne, la prise en charge du DT2 par les MG doit être incluse dans les stratégies de gestion des maladies chroniques non transmissibles. Mais elle doit reposer sur des recommandations thérapeutiques claires et adaptées, prenant en compte les facteurs de risque cardiovasculaire associés. Mots-clés : Diabète de type 2 – prise en charge – médecins généralistes – pays en développement – Afrique sub-saharienne.
Correspondance : Saïd Norou Diop Clinique médicale II Centre hospitalier Abass Ndao Avenue Cheikh Anta Diop BP 5487 Dakar-Fann Dakar - Sénégal
[email protected] © 2013 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.
Summary Introduction: Lack of specialists is one of the major problems in the management of diabetes mellitus in sub-Saharan Africa. Our objective was to evaluate the practice of trained general practitioners (GPs) on diabetes. Material and methods: A multicenter study was conducted in Senegal and Côted’Ivoire from August 2008 to August 2009. Untreated type 2 diabetics (T2D) were enrolled when the GP decide to initiate an oral antidiabetic therapy (OAD). All aspects
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of the follow up were recorded in a standardized notebook during 3 months. Data were analyzed using Epi Info® version 6. Results: 1052 T2D patients were included by 81 GPs, mean age was 53.2 ± 9.6 years, sex ratio (M/F) 0.78; hypertension and overweight or obesity were associated to T2D in 47% and 48% respectively; mean capillary blood glucose was 2.47 g/L and mean HbA1c 8.9%; screening of complications was performed in 20% of the patients only. OAD treatment was a monotherapy in 82.5% and a combination therapy (including metformin in all cases) in 17.5%. Hypertension was treated in 33.8%. Number of visits during the study was 3 in average; fasting blood glucose normalized (≤ 1.26 g/L) in 47.9% T2D with a mean lowering of 1.01 ± 0.82 g/L: this result was associated with male gender (p=0.012) and the value of blood glucose at baseline (p=0.0001). Conclusion: In sub-Saharan Africa, T2D management by GPs has to be included in the strategies against non communicable diseases. This must be based on adapted therapeutic recommendations taking into account the associated cardiovascular risk factors. Key-words: Type 2 diabetes – management – general practitioners – developing countries – sub-Saharan Africa.
Introduction Même si elle est encore confrontée aux maladies transmissibles, telles que la tuberculose, le paludisme et le Sida/VIH, l’Afrique Noire doit faire face au fardeau de l’« épidémie » mondiale de diabète sucré. Celui-ci y touche, en particulier, la frange active de la population, avec une progression rapide et un risque de complications majeures dues à l’insuffisance des ressources humaines, matérielles et financières, mais également en raison des problèmes d’organisation [1]. Ceci rend urgent la mise en place de stratégies spécifiques, reposant sur des programmes nationaux adaptés de lutte contre le diabète [2]. C’est ainsi, qu’au Sénégal et en Côte-d’Ivoire, deux pays subsahariens où la prévalence du diabète est élevée, soit 5,07 % [3] et 10,4 % [4], respectivement, plusieurs initiatives de décentralisation de la prise en charge et d’amélioration des soins sont en cours. Notamment, plusieurs médecins généralistes (MG) y ont été formés et assurent la prise en charge du diabète. Le but de l’étude AMAR-AFO était de décrire, dans les conditions de pratique courante, le profil et la prise en charge du patient diabétique de type 2 (DT2) par le MG au Sénégal et en Côte-d’Ivoire.
Matériel et méthodes Il s’agit d’une étude observationnelle, multicentrique, réalisée au Sénégal et
en Côte-d’Ivoire, entre août 2008 et août 2009, analysant les modalités d’initiation et de suivi d’un traitement antidiabétique oral (ADO) chez des patients DT2, par des MG. Ces MG ont été sélectionnés par tirage au sort, à partir de la liste des MG ayant bénéficié du programme de formation mis en place par Sanofi-aventis pour la prise en charge du diabète au Sénégal (PRODIABETIQ) et en Côte-d’Ivoire (PRODIABCI) et exerçant dans des structures publiques ou privées. En cas de désistement de l’un d’entre eux avant le début de l’étude, un autre MG était tiré au sort. Chaque MG devait inclure 10 patients DT2 au minimum. Les critères d’inclusion étaient le DT2 non équilibré par les seules mesures hygiéno-diététiques, et chez qui le MG avait décidé de prescrire pour la première fois un ADO, depuis moins de 30 jours. N’étaient pas inclus dans l’étude les cas d’acidocétose ou requérant une insulinothérapie, les femmes enceintes ou allaitantes. Le patient diabétique donnait par écrit son consentement éclairé avant d’être enrôlé. Chaque patient inclus devait être suivi pendant 3 mois. Les modalités d’initiation du traitement et de suivi étaient à la discrétion des MG participants. Un lecteur de glycémie capillaire était mis à leur disposition. Un carnet de visite standardisé était ouvert pour chaque patient, et toutes les données de la maladie, du traitement et du suivi devaient y être consignées :
– histoire du diabète ; – antécédents médicaux ; – facteurs de risque cardiovasculaire (FRCV) associés ; – données de l’examen physique ; – nombre de visites ; – résultats des glycémies capillaires ; – autres examens paracliniques demandés par le MG ; – médicaments prescrits. La glycémie la plus proche du 3e mois (fin du suivi) a servi de référence pour l’évaluation de l’équilibre glycémique. Lorsqu’une glycémie n’était pas disponible au 3e mois, la glycémie mesurée entre le 30e et le 105e jour de l’étude était retenue. L’hémoglobine glyquée (HbA1c) a été prise en compte, lorsqu’elle était disponible. Dans chaque pays, un investigateur principal devait coordonner l’étude. Les données recueillies ont été contrôlées par des moniteurs d’études cliniques indépendants de l’investigateur principal, doublement saisies et analysées avec le logiciel Epi info® version 6. Les variables qualitatives ont été décrites par leur fréquence et celles quantitatives en utilisant la moyenne et l’écart type.
Résultats Caractéristiques de la population étudiée Mille cinquante-deux patients DT2 ont été inclus par 81 MG : – 436 (41,4 %) patients DT2 au Sénégal ; – 616 (58,6 %) patients DT2 en Côte-d’Ivoire. L’âge des patients était de 53,2 ± 9,6 ans, en moyenne. Plus d’un tiers (36 %) étaient âgés de moins de 50 ans, 35 % étaient âgés de 50 à 60 ans, et 29 % étaient âgés de plus de 60 ans. Au Sénégal, la prédominance féminine (66 %) était nette, alors qu’en Côte-d’Ivoire, le sexratio était de 1,05 (tableau I). Pour 75 % des patients, le diabète était connu depuis moins de 6 mois. Un antécédent familial de diabète était retrouvé chez 43 % et un tabagisme chez 7,5 % d’entre eux. La pression artérielle était élevée chez 494 patients, soit 47 % de la cohorte. Un surpoids ou une obésité était noté chez 48 % des patients. Les complications déjà présentes étaient :
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Prise en charge du diabète de type 2 en pratique médicale courante en Afrique sub-saharienne : résultats de l’étude AMAR-AFO au Sénégal et en Côte-d’Ivoire
Tableau I. Caractéristiques de l’échantillon de patients diabétiques de type 2 étudié pour les deux pays. Côte-d’Ivoire
Sénégal
Total
Médecins investigateurs (n)
36
45
81
Patients inclus (n)
616
436
1 052
51,3 ± 9,1
56,5 ± 9,5
53,2 ± 9,6
1,05
0,50
0,78
2,49 ± 0,82
2,43 ± 0,74
2,47 ± 0,79
Âge* (ans) Sex-ratio (hommes/femmes) Glycémie à jeun à l’inclusion** (g/l) * moyenne ± écart type ** m ± 26 esm
– un accident vasculaire cérébral (2,4 %) ; – une néphropathie (1,1 %) ; – un infarctus du myocarde (0,8 %). Sur le plan biologique, la glycémie capillaire à jeun à l’inclusion était, en moyenne, de 2,47 ± 0,79 g/l (tableau I) ; celle-ci était supérieure à 3,0 g/l chez 23,2 % des patients. L’HbA1c, dosée chez 164 (15,6 %) patients, était de 8,9 %, en moyenne, et supérieure à 10 % dans 25 % des cas. La créatininémie moyenne était de 10,6 mg/l. La protéinurie n’a été dosée que dans 54 % des cas ; la microalbuminurie n’a pas été recherchée. L’électrocardiogramme (ECG) et le fond d’œil n’ont été réalisés que chez environ 20 % des patients. Le bilan lipidique n’a été pratiqué que dans 19,2 % des cas.
Traitement médicamenteux et suivi Traitement médicamenteux Un ADO était prescrit en monothérapie chez 82,5 % des patients DT2, et une bithérapie, incluant toujours la
metformine, chez les autres (17,5 %) patients. En monothérapie, les molécules les plus fréquemment prescrites étaient le glimépiride (54,5 %), le gliclazide (13,3 %) et la metformine (11,7 %) (tableau II). La titration des ADO a été faite lors des visites, en fonction de la glycémie capillaire. Un traitement autre que celui du diabète, associé aux ADO, était retrouvé chez 733 (69,1 %) patients, en particulier des antihypertenseurs (33,8 %) et des hypolipémiants (9,6 %).
Suivi par les MG Pour ce qui concer ne le suivi, 209 dossiers n’ont pas été analysés, correspondant à : – 74 patients perdus de vue après l’inclusion ; – 116 patients dont les seules valeurs glycémiques disponibles ont été mesurées avant le 30e jour ou après le 105e jour de l’étude, donc en nonconformité avec le protocole ;
Tableau II. Principaux antidiabétiques oraux (ADO) prescrits aux patients diabétiques de type 2 par les médecins généralistes participant à l’étude. Fréquence (n patients)
%
589
55,6
Gliclazide (Diamicron )
141
13,3
Metformine (Glucophage®)
86
8,1
Glibenclamide/metformine (Glibomet®)
85
8,0
Glibenclamide (Daonil®)
32
3,0
Metformine (génériques)
31
2,9
Traitement par ADO Glimépiride (Amarel®) ®
®
Glimépiride (Amarel ) + metformine
30
2,8
Metformine/glibenclamide (Glucovance®)
18
1,7
Glipizide/metformine (Dibizide®)
16
1,5
Rosiglitazone (Rosicon®)
12
1,1
Glibenclamide (Glidiabet®)
9
0,8
Glimépiride (Glimulin®)
7
0,7
7
0,7
®
Metformine (Stagid )
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– 19 patients dont la 2e visite est intervenue au-delà des 120 jours prévus pour le suivi. Pour les 843 autres patients, le nombre médian de visites durant le suivi de 3 mois est de 3. Le délai moyen entre la mise sous traitement et la visite suivante est de 33 jours (tableau III). La glycémie à jeun a été systématiquement contrôlée chez tous les patients DT2 ayant poursuivi l’étude jusqu’au 3e mois : une corrélation positive a été retrouvée entre le nombre de visites effectuées par le patient et la valeur de la 1re glycémie de contrôle (p = 0,01) : plus cette glycémie était élevée, plus le nombre de visites était important.
Contrôle glycémique Parmi les 843 patients analysés pour le suivi, 404 (47,9 %) ont eu une glycémie à jeun de contrôle ≤ 1,26 g/l. La baisse moyenne de la glycémie était de 1,01 ± 0,82 g/l. La proportion de patients contrôlés (glycémie à jeun ≤ 1,26 g/l) était plus importante chez les hommes que chez les femmes (p = 0,012), alors que la glycémie à jeun à l’inclusion était comparable dans ces deux groupes. Par ailleurs, la valeur moyenne de la glycémie à jeun à l’inclusion était statistiquement plus élevée chez les patients n’ayant pas atteint l’équilibre glycémique à l’évaluation finale (p = 0,0001). En revanche, l’atteinte de l’équilibre glycémique après 3 mois n’était statistiquement associée ni à l’âge (p = 0,85), ni à l’indice de masse corporelle (IMC) à l’inclusion (p = 0,92), ni à l’existence d’une hypertension artérielle (HTA) (p = 0,113) ou à celle d’autres co-morbidités cardiovasculaires (p = 0,161) (tableau IV).
Discussion • L’étude AMAR-AFO a porté sur 1 052 patients DT2 inclus par 81 MG, au Sénégal et en Côte-d’Ivoire. La seule différence, notée d’emblée, quant au profil des patients entre les deux pays était le sex-ratio, proche de 1 en Côted’Ivoire, alors qu’au Sénégal, il y avait 2 fois plus de femmes que d’hommes. Cette observation rejoint celle de DiabCare Sénégal, qui avait retrouvé 75 % de femmes [5]. L’âge moyen de
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Tableau III. Distribution et délai des visites de suivi au cours de l’étude. Rang de la visite après l’inclusion Inclusion (1re visite)
Nombre de patients ayant fait la visite
Délai moyen depuis l’inclusion (jours)
Intervalle interquartile (jours)
1 052
-
-
2e visite
974
33
14-40
3e visite
735
66
37-88
394
84
49-102
e
4 visite, et plus
Tableau IV. Déterminants de l’équilibre glycémique des patients diabétiques de type 2 (n = 843 analysés).
Âge (moyenne) Sexe : – hommes – femmes Glycémie à jeun à l’inclusion (moyenne) IMC (moyenne) Co-morbidité HTA : – oui – non Co-morbidités CV* : – oui – non
Équilibrés
Non équilibrés
p
52,9 ans
53,1 ans
0,85
53,1 % 44,2 %
46,9 % 55,8 %
0,012
2,30 g/l
2,61 g/l
0,0001
25,2 kg/m2
25,9 kg/m2
0,92
44,0 % 49,6 %
56,0 % 50,4 %
0,112
45,5 % 50,4 %
54,5 % 49,6 %
0,161
IMC : indice de masse corporelle ; HTA : hypertension artérielle. Co-morbidités CV* : regroupement HTA, hyperlipidémie, tabagisme, obésité, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral.
notre cohorte est comparable à celui de DiabCare Sénégal [5], et corrobore les résultats d’autres études africaines, qui rapportent une sur-morbidité du diabète chez les patients âgés de 30 à 59 ans [6, 7]. Les co-morbidités sont dominées par l’HTA, le surpoids et l’obésité, présents chez près d’un patient sur deux. • Cette combinaison de facteurs de risque vasculaire pose le problème de l’approche globale du patient diabétique, avec, notamment, la nécessité d’une évaluation des complications macro- et microvasculaires. Il est en effet clairement démontré que l’HTA est un facteur de risque cardiovasculaire additionnel chez le patient DT2, élevant significativement la mortalité en l’absence d’un traitement adéquat [8]. L’United Kingdom prospective diabetes study (UKPDS) a montré une relation linéaire entre le contrôle de la pression artérielle systolique et la diminution des complications micro- et macrovasculaires [9, 10]. L’étude Action in Diabetes and Vascular Disease: preterax and diamicron MR Controlled Evaluation (ADVANCE) a confirmé ces
données [11]. L’étude African Interheart a montré que le diabète était 3 fois plus fréquent chez les patients africains présentant un infarctus du myocarde (IDM) comparés à ceux indemnes d’IDM [12]. De même, une revue portant sur l’évolution du diabète en Afrique sub-saharienne entre 1980 et 2011 montre 7 à 63 % de rétinopathie, 27 à 66 % de neuropathie et 10 à 83 % de microalbuminurie [13]. • Dans notre étude, l’évaluation de l’équilibre glycémique est basé sur la glycémie à jeun, l’hémoglobine glyquée
(HbA 1c) n’ayant été dosée que chez 15 % des patients, du fait de sa disponibilité insuffisante et de son coût élevé. Néanmoins, son importance pour le suivi et l’évaluation du diabète [14] doit amener à la rendre plus disponible dans les structures décentralisées. À l’instar des recommandations canadiennes [15], sa détermination tous les 3 mois en période d’adaptation du traitement, et tant que l’objectif glycémique n’est pas atteint, serait l’idéal. Dans notre étude, le suivi du patient DT2 dans les 3 mois après la mise sous traitement est satisfaisant, avec une visite mensuelle en moyenne, et a permis, après l’initiation des ADO, d’adapter leur posologie. Plus d’un patient sur six (17,5 %) a reçu une bithérapie en traitement initial, et la metformine n’est pas l’ADO le plus prescrit. Même si cette attitude thérapeutique ne concorde pas avec les recommandations conjointes de l’American Diabetes Association (ADA) et de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD) [14], elle est en phase avec les recommandations canadiennes [15] qui autorisent la bithérapie (ou l’insulinothérapie) d’emblée si le taux d’HbA1c est supérieur à 9 %, soit une glycémie moyenne > 2,10 g/l, environ [16]. La prescription d’emblée d’un traitement insulinosécréteur pourrait être expliquée par les glycémies à jeun très élevées à l’inclusion (2,47 ± 0,79 g/l, en moyenne, mais supérieure à 3,0 g/l chez 23,2 % des patients), ou bien par une intolérance d’emblée à la metformine. Ces constatations soulignent, surtout, l’intérêt d’adapter les recommandations au profil de nos patients et à notre contexte socio-économique. Toujours est-il qu’en tenant
Conclusion L’étude AMAR-AFO montre que la prise en charge du DT2 par un MG est possible en Afrique sub-saharienne ; elle ouvre ainsi des perspectives dans les stratégies de santé en direction des maladies chroniques non transmissibles. L’évaluation initiale du patient doit toutefois être améliorée, notamment par la recherche systématique des autres facteurs de risque cardiovasculaire. Le suivi doit reposer sur des recommandations claires et applicables, adaptées au contexte local. Pour cela, des efforts soutenus doivent être consentis afin d’améliorer l’accès aux outils de dépistage et de surveillance du diabète, notamment le dosage de l’HbA1c. La collaboration entre tous les acteurs de soins permettra alors d’optimiser la prise en charge des patients atteints de diabète à travers l’ensemble des pays concernés.
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compte uniquement de la glycémie à jeun, la prescription d’ADO par le MG dans cette étude semble efficace (glycémie à jeun ≤ 1,26 g/l) chez près de la moitié des patients DT2, et ainsi que l’indique la baisse moyenne de la glycémie à jeun de -1,01 ± 0,82 g/l au 3e mois du suivi. Néanmoins, il serait très important de vérifier si ce résultat se maintient à plus long terme, notamment dans le cadre d’une étude ultérieure, incluant la détermination régulière du taux d’HbA 1c parmi les éléments de surveillance. Déclaration d’intérêt L’étude AMAR-AFO a été financée par Sanofi Sénégal. Tous les investigateurs ont reçu des indemnités de participation à l’étude, de la part de Sanofi Sénégal. Avant le début de l’étude, le protocole a été soumis aux comités d’éthique du Sénégal et de la Côte-d’Ivoire, et accepté par ces comités.
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