Prise en charge initiale de l’otite externe nécrosante : les erreurs à éviter

Prise en charge initiale de l’otite externe nécrosante : les erreurs à éviter

Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (2013) 130, 121—127 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ARTI...

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Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (2013) 130, 121—127

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ARTICLE ORIGINAL

Prise en charge initiale de l’otite externe nécrosante : les erreurs à éviter夽 N. Guevara a,∗, P. Mahdyoun a,c, C. Pulcini b,c, C. Raffaelli d, I. Gahide a, L. Castillo a,c a

Groupement de coopération sanitaire, centre Antoine-Lacassagne, institut universitaire de la face et du cou, centre hospitalier universitaire de Nice, 31, avenue de Valombrose, 06107 Nice cedex 2, France b Service d’infectiologie, hôpital L’Archet, CHU de Nice, 151, route Saint-Antoine-Ginestière, 06202 Nice cedex 3, France c Faculté de médecine de Nice, université Nice Sophia-Antipolis, 28, avenue Valombrose, 06107 Nice cedex 2, France d Service de radiologie, hôpital Pasteur, CHU de Nice, 30, avenue de la Voie-Romaine, 06000 Nice, France

MOTS CLÉS Otite externe nécrosante ; Otite externe maligne ; Pseudomonas aeruginosa ; Diagnostic ; Antibiotique

Résumé Objectifs. — Des recommandations diagnostiques et thérapeutiques concernant les formes classiques bénignes d’otite externe sont disponibles. En revanche, ces recommandations excluent les formes particulières de la maladie, notamment sa forme « invasive ». Il n’existe pas dans la littérature d’algorithme diagnostique consensuel, ce qui entraîne fréquemment un retard diagnostique associé à une prise en charge initiale inadaptée. Le but de notre travail était d’analyser les pratiques médicales de la prise en charge initiale de l’otite externe nécrosante (OEN) en secteur extrahospitalier. Patients et méthodes. — Étude rétrospective de 22 cas d’OEN pris en charge dans notre centre de soins tertiaire sur une période de six ans (2004—2010). Résultats. — Tous les patients sauf un présentaient un facteur favorisant systémique ou local. Le délai moyen entre l’apparition des premiers symptômes et le recours à notre centre de référence était de 13 semaines (extrêmes : 1—12 mois). Soixante-dix-sept pour cent des patients ont été adressés par un oto-rhino-laryngologiste libéral ; quatorze pour cent par un service d’accueil des urgences et 9 % par un service hospitalier. Dans 17 cas (81 %), une ou plusieurs antibiothérapies inadaptées avaient été administrées par voie générale durant cette période (par voie orale dans 15 cas, par voie parentérale dans deux cas, traitements multiples dans 13 cas). La durée moyenne de chaque cure d’antibiotique était de 12 jours (de sept à 21 jours maximum). En parallèle les patients ont rec ¸u dans tous les cas un traitement local par gouttes auriculaires, incluant toujours des antibiotiques (aminosides ou fluoroquinolones).

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2012.04.011. Ne pas utiliser pour citation la référence franc ¸aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Guevara). 夽

1879-7261/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2012.11.011

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N. Guevara et al. Conclusion. — L’analyse des pratiques révèle constamment un retard de prise en charge de l’OEN et souvent des prescriptions antibiotiques inadaptées du fait de cette errance diagnostique. Une diffusion de recommandations de prise en charge aux acteurs du système de soins primaires et secondaires semble indispensable. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction L’otite externe nécrosante (OEN), également dénommée otite externe maligne est une véritable ostéite basicrânienne, typiquement à Pseudomonas aeruginosa, dont le point de départ est le conduit auditif externe (CAE). Son extension aux tissus mous profonds de la face et au système nerveux central en fait toute sa gravité. Les premiers cas décrits par Chandler en 1968 [1] étaient classiquement, des hommes âgés et diabétiques présentant une otite externe hyperalgique, associée à une paralysie faciale. Bien que ce tableau clinique soit bien connu et amène à une prise en charge adaptée et immédiate, des difficultés diagnostiques peuvent survenir, notamment dans les stades précoces, amenant à des traitements initiaux inadaptés, retardant et compliquant la prise en charge ultérieure [2]. En effet, au début de l’évolution de cette infection nécrotique, la symptomatologie est identique à celle d’une otite externe classique. La présence de facteurs généraux favorisants, la sémiologie otoscopique et surtout le caractère résistant au traitement local doivent amener à évoquer le diagnostic d’OEN, même chez le sujet plus jeune et non diabétique. Un diagnostic clinique précoce confirmé par l’imagerie et la microbiologie permet la mise en place d’une antibiothérapie adaptée limitant très probablement l’extension de la nécrose et la survenue de complications nerveuses [3]. À partir de cas hospitalisés dans notre centre de soins de recours, nous avons réalisé une étude rétrospective en analysant plus particulièrement la prise en charge préalable en milieu extrahospitalier. Le but de cette étude a donc été d’évaluer les pièges et erreurs associés au diagnostic et à la prise en charge initiale de l’OEN, dans un but d’amélioration des pratiques.

Patients et méthodes Nous avons inclus tous les patients pris en charge de manière consécutive dans le service d’oto-rhino-laryngologie (ORL) et de chirurgie cervico-faciale du CHU de Nice avec un diagnostic d’OEN, entre le 1er juillet 2004 et le 31 août 2010. Le diagnostic d’OEN, dans notre unité, a été défini par la présence de signes cliniques d’inflammation du CAE confirmée par une atteinte osseuse radiologique (tomodensitométrie (TDM) et/ou imagerie par résonance magnétique [IRM] et/ou scintigraphie). Les carcinomes du CAE ont été exclus de l’étude. Pour chacun des patients inclus, les données suivantes ont été recueillies de manière rétrospective à partir des dossiers médicaux des services d’ORL et d’infectiologie : • les données épidémiologiques : ◦ analyse du terrain et facteurs favorisants systémiques, ◦ climat et facteurs favorisants locaux ;

• les données cliniques initiales : ◦ présentation clinique (au moment de l’hospitalisation), ◦ prise en charge préalable ; • l’analyse biologique, microbiologique et histopathologique (au moment de l’hospitalisation). Les données ont été enregistrées dans un logiciel tableur (Microsoft Office Excel® 2008 — Microsoft Corporation© — Redmond, États-Unis).

Résultats Selon les critères d’inclusion, 22 cas ont été retenus pour notre étude rétrospective, représentant 21 individus différents.

Terrain et facteurs favorisants systémiques Les caractéristiques épidémiologiques de ces 22 cas sont résumées sur la Fig. 1. Un patient a été pris en charge deux fois : pour une atteinte du côté droit en 2004 (cas no 1, Fig. 1), puis une atteinte du côté gauche en 2010 (cas no 19, Fig. 1). Leur âge moyen était de 73 ± 11 ans. Soixante-dix-sept pour cent d’entre eux étaient des hommes (sex-ratio de 3,4/1). Douze d’entre eux étaient diabétiques (soit 55 %), dont huit étaient considérés comme déséquilibrés (HbA1c > 8 %). L’OEN a été révélatrice du diabète dans un cas (cas no 21, Fig. 1). Parmi 14 patients ayant bénéficié d’une électrophorèse des protéines sériques, quatre présentaient une hypogammaglobulinémie (29 %), dont un présentait également un diabète. Une sérologie VIH a été demandée dans dix cas : aucune n’était positive. Au total, nous avons trouvé dans 15 cas sur 22 (68 %) au moins un facteur favorisant systémique.

Climat et facteurs favorisants locaux Dans tous les cas, la symptomatologie a commencé entre avril et septembre. Les patients se sont présentés à notre consultation entre mai et décembre dans 20 cas, soit 95 % des cas. De plus, nous avons identifié formellement dans huit cas (38 %) une exposition importante à l’eau (cure thermale dans cinq cas, baignades ou plongée sous-marine dans trois cas) (Fig. 1). Parmi ces huit cas, dans deux cas (même patient), le patient procédait lui-même à des manœuvres traumatiques (« nettoyage » des CAE au couteau !).

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Figure 1

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Caractéristiques épidémiologiques des patients de notre série.

Deux autres patients avaient subi des manœuvres potentiellement traumatiques (ablation de bouchon de cérumen) dans les jours précédant l’infection. Une maladie de Wegener localisée aux CAE et à la parotide, a été révélée par l’OEN. Enfin, un patient avait bénéficié d’une radio-chimiothérapie externe 25 ans auparavant pour un lymphome cervical (les champs précis d’irradiation n’étaient pas connus). Au total, nous avons donc identifié dans 12 cas (55 %) un potentiel facteur favorisant local. Seul un patient sur 22 ne présentait, ni facteur favorisant systémique, ni facteur favorisant local (Cas no 13, Fig. 1).

Prise en charge préalable Entre l’apparition des premiers symptômes et le recours à notre centre de référence, il s’est passé entre 1 mois (minimum) et 12 mois (maximum). Le délai moyen était de 13,4 ± 6 semaines, soit environ trois mois. La médiane étant de dix semaines. Soixante-dix-sept pour cent des cas ont été adressés par un oto-rhino-laryngologiste libéral. Quatorze pour cent ont été admis par l’intermédiaire d’un service d’accueil des urgences et 9 % par le biais d’un service hospitalier traditionnel. Dans 17 cas (81 %), une ou plusieurs antibiothérapies avaient été administrées par voie générale durant cette période (par voie orale dans 15 cas, par voie parentérale dans deux cas, traitements multiples dans 13 cas). Les différents types d’antibiothérapie prescrits sont résumés sur la Fig. 2. Dans neuf cas sur 17, une fluoroquinolone avait été prescrite, dont la ciprofloxacine active sur le P. aeruginosa

dans huit cas, toujours en monothérapie et à posologie standard. La durée moyenne de chaque cure d’antibiotique était de 11,6 ± jours (de sept à 21 jours maximum). En parallèle les patients recevaient toujours un traitement local par gouttes auriculaires, incluant des antibiotiques (aminosides ou fluoroquinolones).

Présentation clinique La Fig. 3 résume la présentation clinique de nos 22 patients. La symptomatologie était unilatérale dans tous les cas. L’otalgie était le symptôme le plus fréquemment noté, présent dans 100 % des cas. Tous les patients étaient, ou avaient été, sous antalgiques de palier I ou II au moment du diagnostic. L’otorrhée était présente dans 16 cas, soit 73 %. L’examen otoscopique montrait des lésions du CAE dans tous les cas : dans 77 % des cas une lésion de type polype ou granulome ; dans deux cas un abcès fluctuant du plancher du CAE, et dans les deux cas restants une sténose globale du CAE par le processus inflammatoire. Sept patients, soit 32 % des cas présentaient une atteinte de nerfs crâniens dès la première consultation : les sept cas présentaient une paralysie faciale, associée dans 1 cas à une paralysie du nerf X homolatéral (manifestée par une dysphonie). La médiane de délai de prise en charge de ces patients était identique à celle des patients indemnes d’atteinte nerveuse. Une tuméfaction parotidienne était présente dans deux cas (cas no 11 et 16, Fig. 3).

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N. Guevara et al.

Figure 2

Antibiothérapie préalable à notre prise en charge.

Des signes de dysfonctionnement de l’articulation temporo-mandibulaire étaient présents dans trois cas. Seuls quatre patients étaient fébriles (18 %).

Imagerie Pour le diagnostic initial : 100 % des 22 cas ont bénéficié d’une TDM ; 59 % (13 cas) d’une imagerie par résonance magnétique (IRM) ; deux cas d’une scintigraphie au Technétium 99 (Tc99 ). La TDM ne montrait pas de lyse osseuse dans 23 % des cas (cinq sur 22). La scintigraphie au Tc99 a permis le diagnostic dans deux cas (fixation osseuse nette) et l’IRM dans trois cas (infiltration de la graisse rétrocondylienne).

Figure 3

Biologie et microbiologie Des prélèvements à visée bactériologique ont été réalisés dans tous les cas. L’agent pathogène a été mis en évidence dans 20 (95 %) des cas : dans 15 cas dans notre unité, dans cinq cas avant le recours à notre centre de référence (Fig. 4). Les cultures étaient positives à P. aeruginosa dans 17 cas (77 %). Dans trois cas sur 17, le bacille pyocyanique était associé à un autre germe, considéré comme un contaminant dans deux cas (entérobactérie et staphylocoque coagulase négatif dans un cas, Candida parapsilosis dans un cas), et comme potentiellement pathogène dans un cas (C. albicans). Les autres bactéries isolées ont été :

Présentation clinique des patients de notre série.

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Figure 4

Résultats bactériologiques dans notre série.

• Achromobacter xylosoxydans, dans un cas ; • Actinomyces meyeri, associé à un Corynebacterium d’origine animale, dans un cas ; • Escherichia coli, dans un cas ; • une association de bactéries de la flore digestive : E. coli, E. faecalis, K. oxytoca. Un antibiogramme a été réalisé dans tous les cas. Le bacille pyocyanique était sensible dans 100 % des cas à la ciprofloxacine et au ceftazidime. Les concentrations minimales inhibitrices (CMI) ont été demandées à chaque fois pour la ciprofloxacine et le ceftazidime. Un P. aeruginosa avait une CMI élevée (0,64). Un syndrome inflammatoire biologique a été recherché dans 21 cas. Il était présent dans 15 (71 %) cas : élévation de la protéine C-réactive (CRP) supérieure à 10 mg/L dans 13 cas (de 16 à 101, moyenne : 51). La vitesse de sédimentation a été dosée dans 1 cas : elle était élevée (81 mm H1).

Histopathologie Dans 13 cas où un doute diagnostique existait, une analyse histologique a éliminé un processus tumoral malin.

Discussion Notre étude nous a permis de dresser un constat sans appel sur la prise en charge initiale des otites externes nécrosantes : un retard diagnostique majeur, associé en conséquence, à de multiples traitements inadaptés. Des recommandations fondées sur des données validées de la science médicale concernant les formes classiques bénignes d’otite externe sont disponibles [4]. En revanche, ces recommandations excluent les formes particulières de la maladie, notamment sa forme « invasive » : dans certains cas, cette affection bénigne peut devenir agressive en réalisant un processus nécrotique à partir du CAE osseux, pouvant d’une part s’étendre en une ostéomyélite de la base du crâne, et d’autre part atteindre les tissus mous profonds de la face, voire le système nerveux central, en causant des atteintes de nerfs crâniens et mettant en jeu le pronostic vital.

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Bien que certains auteurs aient proposé des critères diagnostiques [3,5—20] (Fig. 5), on ne trouve pas dans la littérature d’algorithme diagnostique consensuel. Cela est d’autant plus important qu’un diagnostic précoce permettant une prise en charge rapide pourrait être un facteur pronostique majeur [3]. Plus que le tableau clinique classique (tissu de granulation du CAE dans le cadre d’une symptomatologie d’otite externe sur un terrain immunodéprimé), c’est son caractère réfractaire aux traitements classiques qui est caractéristique. Dans notre étude, sept cas sur 22 ne présentaient pas de facteurs favorisants systémiques. Tous, par contre, présentaient des signes d’otite externe depuis plus de quatre semaines. Ils avaient tous bénéficié de plusieurs traitements locaux, associés dans tous les cas à une ou plusieurs antibiothérapies systémiques, souvent par plusieurs praticiens. Pour 70,6 % des auteurs [3,5—20] (Fig. 5), la mauvaise réponse au traitement classique (dont ne fait pas partie l’antibiothérapie systémique) est un critère diagnostique obligatoire. À ce jour, les recommandations concernant l’otite externe bénigne soutiennent ce dogme : d’après le guide des bonnes pratiques cliniques de la Cochrane Database [4], une otite externe banale doit répondre en 48 ou 72 heures à un traitement local bien mené après aspiration du CAE. Au-delà de 15 jours, le diagnostic doit être reconsidéré. Or l’analyse des pratiques révèle constamment un retard de prise en charge, et souvent une prise en charge initiale inadaptée. Dans la littérature, on retrouve également des délais de prise en charge pouvant atteindre plus de trois mois après l’apparition des symptômes [2]. Dans notre étude, ce délai était de 13 semaines. Du fait de l’errance diagnostique, on constate ainsi la prescription de nombreuses antibiothérapies probabilistes dont le spectre ne correspond pas à l’épidémiologie bactérienne des otites externes nécrosantes (par exemple amoxicilline—acide clavulanique et pristinamycine, auxquels le pyocyanique est résistant naturellement). Ces antibiothérapies sont donc le plus souvent inutiles dans l’hypothèse d’une otite externe bénigne, et inappropriées et de durée insuffisante dans l’hypothèse d’une OEN. En effet, l’antibiothérapie d’une OEN est un traitement long, difficile et prolongé d’ostéite. De plus, de multiples traitements antibiotiques locaux sont dans le même temps utilisés, ce qui favorise le développement de bactéries résistantes (notamment à la ciprofloxacine [14,21], mais également et plus récemment à la ceftazidime [22]) et le risque de prélèvements bactériologiques négatifs [23]. Or, une documentation microbiologique est nécessaire pour adapter l’antibiothérapie de l’OEN. Du fait de la faible fréquence de tels prélèvements en soins extrahospitalier (seuls cinq patients sur 22 dans notre série), l’identification du germe est très souvent réalisée dans notre unité, les prélèvements étant renouvelés après 48 heures d’arrêt de toute antibiothérapie locale et/ou générale, si nécessaire. Dans notre série, nous n’avons pas retrouvé de P. aeruginosa résistant, néanmoins un patient était porteur d’un pyocyanique avec une CMI élevé, ce qui a nécessité six semaines de bithérapie. Dans une étude menée à Athènes, Eleftheriadou et al. [24] concluent, sans que cela soit statistiquement significatif, que les patients adressés par les régions rurales à distance de la capitale avaient un moins bon pronostic que

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N. Guevara et al.

Figure 5

Critères diagnostiques (obligatoires et facultatifs) dans la littérature [3,5—20].

les patients pris en charge d’emblée à Athènes. Ils insistaient sur le rôle des médecins de soins primaires dans l’orientation des patients à risque vers les centres spécialisés afin d’accélérer la prise en charge. Rubin Grandis et al. [25] ont décrit l’archétype de l’errance diagnostique : un patient ayant rec ¸u 12 cures d’antibiotiques, souvent des molécules efficaces, mais pour une durée toujours inférieure à 15 jours. Il n’a été adressé à un centre de référence qu’après 18 mois d’évolution péjorative ! Pour Johnson et Ramphal [9], la diffusion croissante de l’information aux médecins est en grande partie responsable de l’amélioration du pronostic de la maladie au fil du temps.

Conclusion Notre étude a montré que la prise en charge initiale des patients développant une OEN souffrait de difficultés diagnostiques notamment au stade précoce de la maladie, ce qui retardait la mise en route du traitement adapté. Avec des délais de diagnostic allant de quatre semaines à un an, et des utilisations inappropriées d’antibiotiques, la diffusion de recommandations semble nécessaire : • tout d’abord, il faut y penser. Toute otite externe résistante à un traitement local bien conduit doit faire évoquer le diagnostic d’OEN, même chez le sujet non diabétique, non immunodéprimé et non de sexe masculin ; • ensuite, le diagnostic sera confirmé par la réalisation de prélèvements bactériologiques (après 48 heures d’arrêt des gouttes auriculaires, et bien sûr arrêt d’une éventuelle antibiothérapie générale) et par une imagerie adaptée (TDM du rocher complétée en cas de négativité par une scintigraphie osseuse au Tc99 m ou une imagerie par résonance magnétique). Selon la présentation

clinique, les diagnostics différentiels et notamment les pathologies malignes du CAE devront être éliminées ; • enfin, une antibiothérapie documentée, débutée quand le prélèvement bactériologique est positif, à posologie maximale, à bonne diffusion osseuse, en bithérapie initiale pour diminuer les risques d’échec et de développement de résistance, doit être entreprise en collaboration avec un infectiologue. Ainsi les délais d’instauration de l’antibiothérapie adaptée pourraient être réduits à 15 jours, dans l’espoir de limiter l’apparition d’atteinte nerveuse, ce qui reste encore à démontrer.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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