Progrès dans les maladies osseuses et le métabolisme phospho-calcique

Progrès dans les maladies osseuses et le métabolisme phospho-calcique

Revue du Rhumatisme 74 (2007) 65-71 65 Progrès dans les maladies osseuses et le métabolisme phospho-calcique C. Alexandrea, b, c,*, T. Thomasa, b, c...

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Progrès dans les maladies osseuses et le métabolisme phospho-calcique C. Alexandrea, b, c,*, T. Thomasa, b, c, MH Lafage-Prousta, b, L. Vicoa, b INSERM, U890, Saint-Etienne, 42023, France Université de Saint-Etienne, IFR 143, 42023 Saint-Etienne, France c CHU St-Etienne, Service de Rhumatologie, 42023 Saint-Etienne, France a

b

Contrairement à ce qui se passe dans de nombreux pays, les rhumatologues français sont concernés, à côté de la pathologie inflammatoire et dégénérative, par les maladies osseuses et le métabolisme phosphocalcique. En fait, cette distinction est de plus en plus artificielle tant les rapports de l’os et de l’articulation apparaissent étroits, les cellules osseuses ostéoblastiques et articulaires chondrocytaires ne dérivent-elles pas de la même cellule souche stromale ? Les progrès majeurs ont touché à notre point de vue, les domaines de la biologie osseuse et du métabolisme phosphocalcique d’une part et les domaines du diagnostic paraclinique et du traitement des ostéopathies métaboliques d’autre part : il nous a semblé nécessaire d’insister en fin de chaque chapitre, sur les pistes de recherche que ces progrès vont ouvrir dans le futur.

Les progrès dans le métabolisme phosphocalcique et en biologie osseuse Jusqu’à une période récente, l’os était considéré comme un tissu de soutien amorphe protecteur de tissus nobles et comme un réservoir de calcium, sous la dépendance des hormones calciotropes (PTH et Vitamine D) et d’autres systèmes hormonaux (hormones sexuelles en particulier). La mise en évidence de l’expression par le tissu osseux de facteurs de croissance, comme le TGF beta, et de cytokines ou d’interleukines, produits de sécrétion cellulaires circulants ou agissant de façon auto ou paracrine [1] et pouvant être impliqués dans d’autres fonctions biologiques, ont permis de comprendre que le tissu osseux participe très étroitement à l’homéostasie générale.

Les cellules de la lignée ostéoblastique sont au centre du contrôle du remodelage Les cellules ostéoblastiques qui fabriquent la matrice osseuse, dérivent d’une cellule souche commune aux chondrocytes et aux adipocytes (Fig. 1). La découverte de cbfa-1 appelé runx-2 maintenant, gène indispensable à l’apparition des ostéoblastes dans le squelette a permis de mieux comprendre les étapes précoces de la différenciation ostéoblastique [2]. Les ostéoblastes matures qui fabriquent et minéralisent le tissu osseux, produisent la plupart des facteurs locaux qui contrôlent le remodelage [3] et qui expriment les facteurs clés de la genèse des ostéoclastes. Quant aux cellules bordantes qui sont des ostéoblastes devenus aplatis pour former une couche cellulaire attachée et alignée le long des surfaces osseuses inactives, divers rôles leur sont attribués [4] : source de cellules ostéoblastiques de réserve sous l’action de certains stimuli comme la PTH ou source de certaines protéines chimiotactiques reconnues par les précurseurs ostéoclastiques. Le système RANK-L/OPG contrôle l’activité des ostéoclastes

Les cellules de la lignée ostéoblastique synthétisent le RANK-L (Receptor Activating NF Kappa B – Ligand) qui est une cytokine transmembranaire de la famille des TNFs, identique à TRANCE connue pour jouer un rôle dans la croissance des lymphocytes T et l’activité des cellules dendritiques [5]. RANK-L active le récepteur RANK exprimé par les cellules de la lignée ostéoclastique. Il stimule la différenciation ostéoclastique et l’activité des ostéoclastes matures et inhibe leur apoptose. Les

Mots clés : Ostéoblaste ; Rank ; Ostéocyte ; Marqueurs ; Biphosphonate ; Facteurs de risque *Correspondance. Adresse e-mail : [email protected]

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Le système Wnt contrôle l’activité des Adipocyte ostéoblastes (Fig. 2) MRFs, MEFs s, C’est la découverte P B C/E γ, d’une ostéoporose géR A Fibroblaste PP nétique particulière, Cellule souche stromale le syndrome « pseudoSox gliome-ostéoporose », Ostéochondro, 5, 6,9 progéniteur liées à des mutations de Lrp5, qui a permis de runx2 Chondrocyte montrer que le système Wnt dont on connaît Runx2 l’implication dans le Ostéoprogéniteur Osx développement général, Runx2, Osx Ostéoblaste Dlx-5, Msx2, Twist, Coll Type I joue un rôle important BSP, ATF4 ostéocalcine Pré-ostéoblaste dans la régulation de la Coll Type I BSP formation ostéoblastique. Wnt est un facteur soluble qui se lie à son récepteur ostéoblastique Fig. 1 : Séquence de différenciation musculaire, adipocytaire, fibroblastique, chondrocytaire et ostéoblastique à partir (Frizzled) [6]. LRP5 est de la même cellule souche stromale en présence de facteurs de différenciation spécifiques. le co-récepteur de Frizzfacteurs stimulant la résorption osseuse agissent habiled, les mutations inactivatrices de Lrp5 entraînent tuellement par une stimulation de la transcription de une ostéoporose alors que les mutations activatrices RANK-L. En outre, le facteur de transcription runx2, induisent une masse osseuse élevée par augmentation régule directement l’expression du gène de RANK-L de la formation osseuse, liée, entre autres, à un allonconstituant un lien moléculaire entre formation et régement de la durée de vie des ostéoblastes. L’activation sorption osseuses. Enfin, RANK-L peut être exprimé de Frizzled / Lrp5 par Wnt entraîne une accumulation par d’autres cellules, notamment les lymphocytes T cytoplasmique de béta-caténine qui peut alors migrer activés et les synoviocytes au cours de la PR induisant dans le noyau, favorisant la transcription de gènes ciainsi les phénomènes de résorption osseuse sous-chonbles pro-ostéoformateurs. Ce système est contrôlé par drale. L’ostéoprotégérine (OPG) est une glycoproFrizzled soluble Wnt téine produite également Wnt par les ostéoblastes. Elle DKK agit comme un récepteur piège de RANK-L dans le milieu extra-cellulaire, Frizzled dont elle inhibe l’action. LRP5 Kremen Il a été montré que la C délétion génique d’OPG P entraînait une ostéoporoβ-caténine β-caténine se sévère caractérisée par une résorption excessive alors qu’une sur-expression d’OPG entraîne une DEGRADATION β-caténine Transcription ostéopétrose. C’est en fait  Formation TCF/ LEF le rapport entre le niveau osseuse ADN d’expression de RANK-L et OPG qui contrôle la Fig. 2 : Fonctionnement du système Wnt résorption. Muscle

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un certain nombre de co-régulateurs tel Dikkopf qui est impliqué dans la physiopathologie de la dégradation de l’os sous-chondral dans la PR et l’arthrose et dans la dépression ostéoblastique observée dans le myélome. Ainsi, les partitions de l’ostéoclastogenèse et de l’ostéoblastogenèse paraissent désormais déchiffrées sous l’impulsion d’un chef d’orchestre qui appartient à la famille des ostéoblastes. Que reste-t-il à comprendre dans les prochaines années ? L’ostéocyte : une cellule encore mystérieuse

Un dixième environ des ostéoblastes matures se retrouvent emmurés dans la matrice minéralisée et deviennent des ostéocytes [7]. Les mécanismes qui contrôlent cette différenciation terminale dans le lignage ostéoblastique sont encore mal connus. Toutefois, ostéocytes et cellules osseuses de surface restent connectés entre eux assurant ainsi la transmission de diverses informations chimiques (ions, hormones) et mécaniques (mouvement de fluides, gravité, déformations, microdomages) par le biais de contacts cellulaires directs et de molécules solubles. Ainsi, l’ostéocyte joue un rôle de « mécanosenseur » et de déclencheur d’un cycle de remodelage [8]. On rappelle que le concept du mécanostat impose une fenêtre d’adaptation du tissu osseux au niveau de contrainte, en augmentant l’activité de formation osseuse et réduisant l’activité de résorption. En dehors de cette fenêtre, la balance résorption/formation est défavorable ce qui entraîne une perte osseuse (Fig. 3). De plus, l’ostéocyte synthétise de façon quasi exclusive des protéines de matrice extracellulaire

Remodelage Résorption

Résorption

Résorption

Résorption

Formation

Formation

= Formation Immobilisation

e os or op é t os

Formation Confort

Os tissé

Adaptation

e rcic e Exe niqu é g o é ost

Surutilisation

Pe rte Fr os ac se tu us re e de fa tig ue

Masse osseuse

_

+ Niveau de contraintes

Fig. 3 : Adaptation du remodelage osseux aux niveaux de contraintes.

ou

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osseuse de la famille des SIBLINGS (Small IntegrinBinding LIgand, N-linked Glycoproteins) qui jouent un rôle direct dans la minéralisation primaire et secondaire de l’os. Enfin, l’ostéocyte est capable de freiner puissamment l’activité des ostéoblastes car il exprime la sclérostine, inhibiteur du système Wnt [9], qui par sa spécificité pourrait constituer une cible thérapeutique anabolique. Intégration du tissu osseux au sein des grandes fonctions de l’organisme

L’adaptation du squelette aux apports énergétiques dépend d’effets directs de facteurs impliqués dans la régulation de l’appétit, de la dépense énergétique et de la masse grasse (peptides centraux comme le neuropeptide Y orexigène et ostéoporotique, ou CART impliqué dans la résorption osseuse ; peptides périphériques comme la ghréline ou l’adiponectine). La leptine, sécrétée par le tissu adipeux blanc qui est impliquée dans la régulation d’un grand nombre de processus physiologiques, apparaît comme l’un des médiateurs des effets protecteurs de la masse grasse exercés sur le squelette [10]. La leptine circulante favorise la différenciation des cellules souches vers la voie ostéoblastique alors qu’elle exerce un effet inhibiteur sur la formation osseuse au niveau de l’hypothalamus. Cet effet central négatif passe par le système nerveux sympathique qui agit sur les récepteurs ß-2 adrénergiques ostéoblastiques et qui inhibe la formation osseuse [11]. La signification en physiologie humaine des rôles respectifs opposés central et périphérique de la leptine restent encore à préciser [12]. A l’inverse, le squelette est capable d’influencer le métabolisme énergétique notamment, par le biais des ostéoblastes. Ils expriment l’ostéocalcine capable d’améliorer la tolérance au glucose en modulant le métabolisme des cellules beta-pancréatiques. Le métabolisme du phosphate : les phosphatonines, hormones du XXIe siècle

Pendant longtemps, le métabolisme du phosphate est resté mal connu. Grâce aux ostéomalacies hypophoshorémiques, on savait qu’il existait des molécules appelées « phosphatonines » capables d’induire l’excrétion urinaire du phosphate et qui différaient de la parathormone. Certaines sont maintenant identifiées. Le FGF23 est une hormone peptidique dont l’expression est modulée par Dmp1 (Dentin Matrix Protein 1) et Pex/Phex, (Phosphate Regulating Neutral Endopeptidase on Chromosome X) hautement exprimés par les ostéocytes, qui inhibe au niveau du rein la réabsorption tubulaire du phosphate et l’activité de la un-alpha

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hydroxylase [13]. Il peut être dosé dans le sang si l’on suspecte une ostéomalacie oncogénique.

Les moyens diagnostiques paracliniques Avant les années 80, nous ne disposions que de l’aide de la biochimie pour les mesures des paramètres phosphocalciques et de l’analyse histomorphométrique de biopsies osseuses transfixiantes de l’aile iliaque. Le développement de technologies nouvelles et des dosages des paramètres biochimiques spécifiques des activités cellulaires osseuses ont complètement transformé notre manière d’appréhender la pathologie osseuse. La densitométrie osseuse

Le développement de l’absorptiométrie biphotonique à rayons X (DXA en anglo-saxon), qui permet une mesure exacte et reproductible de la quantité de minéral contenue dans le corps entier et différents segments du squelette (en particulier les territoires touchés en priorité par le processus de fragilité osseuse : vertèbre, col fémoral, poignet), a permis de se rendre compte que cette quantité est inversement corrélée au risque fracturaire dans tous les territoires où elle est mesurée mais aussi dans les territoires adjacents, confirmant ainsi le caractère diffus de la fragilité osseuse, ce qui définit l’ostéoporose [14]. Cette affection qui est la plus fréquente de la pathologie osseuse car elle se situe dans la plupart des cas aux confins de la pathologie et de la physiologie du fait de l’atrophie osseuse spontanée et du vieillissement des populations (le risque est estimé entre 40 et 50 % chez une femme de 50 ans dans nos contrées européennes), a été celle qui a certainement bénéficié le plus de cette nouvelle technologie au point qu’une définition densitométrique a été proposée sous l’égide de l’OMS : l’ostéoporose est définie par un T-score < -2,5. Le diagnostic de la maladie peut être ainsi fait avant la première fracture. Par ailleurs, la densitométrie osseuse nous a aidé à comprendre que le facteur quantitatif calcique n’était pas le seul impliqué dans la résistance osseuse : l’analyse des résultats thérapeutiques démontrent en particulier de façon homogène, que l’augmentation de densité osseuse reste faible par rapport à l’effet anti-fracturaire engendré par les médicaments [15]. Malheureusement, dans notre pays, longtemps la densitométrie osseuse n’a pas été remboursée et la prise en charge préventive refusée. Il nous semble que le progrès majeur de ces 20 dernières années a été dans le développement de cette technologie mais aussi dans le bénéfice socio-économique que l’on va tirer enfin de son remboursement accordé en Juillet 2006, bénéfice que les médecins avaient déjà lar-

gement anticipé dans l’intérêt de leurs patients même si l’usage de la DEXA pouvait paraître trop débridé parfois [16]. Les marqueurs du remodelage

Parallèlement au développement de la mesure de densité calcique assimilée le plus souvent à la masse osseuse mesurable sur les biopsies osseuses, il fallait développer des techniques de mesures des activités cellulaires osseuses [17], en particulier pour les pathologies autres que l’ostéoporose, comparables à celles que l’on peut obtenir par l’histomorphométrie, en évitant le caractère vulnérant du geste biopsique. Parmi les paramètres appréciant l’activité ostéoblastique, il faut rappeler que le marqueur traditionnel, le dosage des phosphatases alcalines totales, garde tout son intérêt dans les états de remodelage osseux accéléré comme on le voit le plus souvent dans la maladie de Paget. En revanche, lorsque les variations du remodelage sont plus faibles, la phosphatase alcaline osseuse doit être préférée. Il existe d’autres marqueurs de la formation osseuse, témoins soit de la phase précoce de la différenciation ostéoblastique (PICP et PINP) soit de la phase tardive (ostéocalcine) mais ces distinctions n’ont pas de signification clinique prouvée. Parmi les paramètres appréciant l’activité ostéoclastique, le dosage de l’hydroxyprolinurie de 24h est devenu désuet. En revanche, le dosage sanguin du télo-peptide C-terminal (CTX) du collagène de type I est devenu le plus fiable et le plus important pour l’ensemble des pathologies. Ces deux types d’explorations nouvelles apparaissent comme des outils utiles à la prise en charge individuelle des patients porteurs d’une ostéopathie quelle qu’elle soit et à la surveillance de l’efficacité des traitements [18]. Quels sont donc les progrès attendus qui permettront d’affiner les diagnostics pour une prise en charge encore plus appropriée ? Les facteurs qualitatifs osseux

Depuis quelques années se multiplient les publications sur le rôle majeur que pourraient avoir divers facteurs qualitatifs dans la résistance osseuse [19] : répartition 3D de l’os trabéculaire et cortical, qualité intrinsèque du tissu osseux collagénique ou non collagénique [20], nature du cristal calcique. Sur le plan architectural, divers systèmes d’analyse ont été développés et sont en cours d’expertise : scanner, IRM ou modèles mathématiques sur radiographies standard haute définition. Sur le plan de la constitution du tissu osseux, les analyses en infra-rouge par transformée de Fourier du tissu collagène ou l’analyse microradiogra-

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phique du degré de minéralisation nécessitent encore des prélèvements invasifs. Le développement d’analyses biochimiques fines comme la mesure de la ß-isomérisation du collagène pourrait rapidement donner des résultats comparables [21].

des traitements des ostéopathies, pour les affections bénignes et en particulier l’ostéoporose comme pour les lésions malignes secondaires ou myélomateuses.

Les études épidémiologiques

Les bisphosphonates

Elles ont permis de cerner de façon précise les différents facteurs de risque d’une ostéoporose (Tableau 1) et les facteurs de risque de chute pour la fracture de col fémoral [22]. Les recommandations récentes de l’AFSSAPS ont donné toute leur importance à ces facteurs puisque les thérapeutiques préventives peuvent désormais être utilisées chez les malades les plus à risque de fracture mais n’ayant pas encore présenté une fracture. Toutefois, les indications de ces thérapeutiques doivent aussi répondre à une contingence économique en fonction de l’appréciation à l’échelle individuelle, d’un risque absolu de fracture à 5 ou 10 ans. Cela impose la mise au point d’abaques thérapeutiques décisionnelles que l’on attend depuis quelques années.

Ces médicaments tirent leur avantage de la puissance de leur effet anti-ostéoclastique qui n’a fait que s’accroître au cours des 20 dernières années avec le développement de molécules possédant un groupement azoté ce qui leur confère un métabolisme cellulaire faisant intervenir la voie du mévalonate. Cet effet osseux s’est traduit pour les malades par un usage intermittent en cures de plus en plus courtes voire en injection unique intra-veineuse une fois par an pour la maladie de Paget avec une normalisation de la phosphatase alcaline osseuse, gage d’une efficacité durable et retardée, pouvant atteindre plus de 90 % des malades. Dans les métastases osseuses ou les localisations myélomateuses, une injection une fois par mois, diminue le risque de complications fracturaires ou d’hypercalcémie par un effet à la fois osseux et oncologique [23]. Enfin et surtout, dans l’ostéoporose post-ménopausique ou cortisonique, toutes les études avec les formes orales quotidiennes ou hebdomadaires depuis 20 ans ont montré une réduction significative du risque fracturaire vertébral et non vertébral précoce et durable, de l’ordre respectivement de 50 et de 25 % [24]. En fait, cet effet dépend essentiellement du ralentissement du remodelage osseux qui permet une maturation du cristal phosphocalcique et une stabilisation de l’état microarchitectural, ce qui attire l’attention sur un effet plutôt qualitatif des bisphosphonates. Le problème de la compliance médiocre des patients à ces formes orales [25] pourrait être résolu par l’usage de bisphosphonates injectables à usage intermittent (atteignant une seule fois par an avec un résultat anti-fracturaire bien meilleur : réduction de 70 % du risque fracturaire vertébral et de 40 % du risque fracturaire extra-vertébral).

Tableau 1 : Facteurs de risque de l’ostéoporose Les facteurs de risque de l’ostéoporose sont nombreux. Certains sont retrouvés dans toutes les études • Race blanche • Faible poids ou perte de poids • Absence d ’ œstrogénothérapie substitutive • Antécédents personnels de fracture • Antécédents familiaux de fracture • Antécédents de chute • Score bas aux tests permettant de mesurer ou d’évaluer l’activité physique D’autres n’y sont pas retrouvés • Consommation de tabac • Consommation d’alcool • Consommation de caféïne • Faibles apports en calcium et en vitamine D • Prise de certains médicaments : corticoïdes, anticonvulsivants.… Il est indispensable de quantifier le poids de ces facteurs pour aider à la décision thérapeutique en matière de prévention.

La prise en charge thérapeutique S’il est un chapitre qui a bénéficié d’avancées majeures en termes de résultats aussi bien dans le développement de médicaments nouveaux que dans les indications d’utilisation de ces médicaments, c’est bien celui

Les médicaments nouveaux

Les médicaments ostéo-formateurs

Ce sont les premiers qui ont été utilisés dans le traitement de l’ostéoporose : les sels de fluor entraînaient presque un doublement de la masse osseuse en 3 ou 4 ans d’utilisation mais l’os formé était de qualité insuffisante pour diminuer le risque fracturaire [26], d’où après la publication de Riggs en 1990 [27], la non-commercialisation des produits aux Etats-Unis et l’abandon progressif en France. En fait, on ne retrouve pas dans la littérature d’études « dose-réponse » préalablement à la

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commercialisation du médicament en France ce qui l’a fortement desservi si l’on en croit l’analyse prolongée de la population initiale de Riggs qui conclut à un effet anti-fracturaire démontré lors de l’usage de doses faibles. Le fluor reste un puissant agent ostéo-formateur dont l’avenir thérapeutique pourrait rebondir dans la prévention de l’ostéoporose [28]. D’ailleurs, l’idée d’un traitement ostéo-formateur susceptible d’augmenter véritablement la masse osseuse sans altérer la qualité a été reprise avec le développement de l’hormone parathyroidienne, capable de stimuler préférentiellement la formation osseuse lorsqu’elle est injectée de façon intermittente : les effets anti-fracturaires décrits sont supérieurs à ceux des bisphosphonates [29]. Les indications thérapeutiques préventives

La prévention existait dans la prise en charge de l’ostéoporose à l’âge de la ménopause depuis de très nombreuses années et était basée sur l’usage il est vrai empirique, des œstro-progestatifs pour supplémenter la carence provoquée par l’apparition de la ménopause : l’étude américaine WHI publiée en 2002 [30], bientôt confirmée par de nombreuses études européennes, a définitivement prouvée que si le risque de fracture est en effet diminué par le traitement substitutif, en revanche une augmentation de risque de cancer du sein et d’accidents vasculaires cardiaques ou cérébraux accompagnent ce traitement. Ainsi, ne doit-il plus être considéré comme un traitement préventif de l’ostéoporose sauf si les signes cliniques climatériques sont au premier plan : le traitement hormonal substitutif doit rester un traitement de la ménopause lorsqu ‘elle est symptomatique. Mais le progrès majeur est de notre point de vue en France, la publication des recommandations de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) en janvier 2006 qui autorisent l’usage des traitements préventifs de la première fracture dans l’ostéoporose et le remboursement de ces traitements préventifs en octobre 2006 : cette épidémie silencieuse est en effet une cause majeure de mortalité et de morbidité dans la population féminine ménopausée et âgée, la première fracture augmentant le risque de fracture ultérieure en particulier dans l’année qui suit. Le modèle de Markov qui évalue la probabilité pour un individu non fracturé de rejoindre le groupe « malade » (c’est-àdire d’avoir une fracture) ou de rester dans le groupe sain, a été appliqué pour évaluer diverses thérapeutiques de l’ostéoporose et démontre que les bisphosphonates sont efficaces en terme de fréquence et en terme

de coût (mesuré par un gain en qualité de vie). En pratique actuellement, on s’aperçoit donc que les possibilités de prise en charge préventive et curative de l’ostéoporose sont suffisamment variées pour que les praticiens ne soient pas gênés par des problèmes d’intolérance et les thérapeutiques suffisamment puissantes pour qu’un usage très intermittent des médicaments puisse être recommandé. Cela pourrait être le garant d’une meilleure adhésion des malades et des médecins aux traitements. Que faut-il donc attendre des nouveaux traitements qui pourraient être utilisées pour stimuler ou inhiber les produits physiologiques de sécrétion ou de communication inter-cellulaire ? Le Dénosumab, anticorps monoclonal humain anti-RANK L, a déjà bénéficié d’un développement non négligeable puisque un essai réalisé chez des femmes présentant une masse osseuse basse, démontre une augmentation de la densité au niveau de la colonne lombaire et de la hanche [31]. L’hypothèse que l’utilisation d’un produit inhibiteur de la Cathepsine K (Balicatib) pourrait bloquer la résorption osseuse et entraîner une augmentation significative de la densité calcique vertébrale et fémorale [32], a été testée chez des femmes ménopausées ostéopéniques ou ostéoporotiques Les calcilytiques en bloquant le récepteur du calcium des cellules parathyroidiennes sont aussi à l’étude chez l’animal de même que l’utilisation de médicaments susceptibles de modifier la réponse ostéoblastique à Wnt (anticorps anti-sclérostine) [33].

Conclusion Le tissu osseux doit être maintenant considéré comme un organe endocrine dont la sphère d’influence dépasse largement le cadre strict du métabolisme phosphocalcique et dont les fonctions multiples sont étroitement intriquées avec les autres fonctions de l’organisme. Les progrès de la biologie cellulaire et de la protéomique, le développement de technologies sophistiquées qui apportent des résultats hautement reproductibles, l’avènement de nouveaux médicaments qui permettent une prise en charge préventive, ont radicalement transformé l’idée que le squelette, parfois retrouvé intact après des centaines d’années d’enfouissement, n’est pas un tissu figé. Il est comme les autres organes nobles, le témoin de l’homéostasie générale. L’importance des progrès qui ont été réalisés au cours des 20 dernières années, laisse à penser que les limites d’une connaissance exhaustive du fonctionnement du tissu osseux pourraient être un jour atteintes.

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