Progrès en santé urogénitale : peau sensible, règles et incontinence urinaire

Progrès en santé urogénitale : peau sensible, règles et incontinence urinaire

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 38 (2010) 5-8 Progrès en santé urogénitale : peau sensible, règles et incontinence urinaire M. A. Farage Procter ...

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Gynécologie Obstétrique & Fertilité 38 (2010) 5-8

Progrès en santé urogénitale : peau sensible, règles et incontinence urinaire M. A. Farage Procter & Gamble Company 6110 Center Hill Ave., Box 136, Cincinnati, OH 45224, États-Unis

1. Introduction La peau sensible est généralement définie comme une tolérance réduite à l’utilisation fréquente ou prolongée de produits cosmétiques et de toilette (tolérance environnementale). Cette intolérance peut donner lieu à divers symptômes, allant de signes objectifs d’irritation de type érythème, sécheresse et desquamation, à des effets subjectifs tels que des démangeaisons, des picotements et une sensation de brûlure. Si de nombreuses études ont été publiées sur la peau sensible du visage, il n’en existe à notre connaissance aucune portant sur la peau sensible de la région génitale. Nous avons conduit une étude épidémiologique auprès de 1 039 hommes et femmes, à qui il a été demandé de répondre à un questionnaire concernant leur perception de la sensibilité de leur peau du visage, du corps et de la région génitale [1]. Nous avons également recueilli des informations sur les antécédents familiaux des participants et sur leur statut allergique. Des analyses statistiques ont été réalisées au moyen du logiciel SAS System pour Windows, version 9.1 ; une analyse du χ2 a été utilisée afin de détecter toute association entre les perceptions de peau sensible des participants et des allergies cutanées documentées ou des antécédents familiaux de peau sensible. Sur l’ensemble des participants à l’étude, 77 % ont indiqué avoir la peau du visage sensible ; ce pourcentage était même supérieur chez les personnes faisant état d’une peau sensible d’une manière générale ; par exemple, 92 % des personnes ayant elles-mêmes déclaré avoir la peau sensible ont fait part d’une sensibilité du visage, contre 44 % dans le groupe de peau non sensible. Soixante et un pour cent de la population générale ont indiqué une sensibilité cutanée sur le corps, avec un pourcentage plus élevé dans le groupe se disant sensible d’une manière générale (83 % chez les personnes sensibles contre 11 % chez les personnes non sensibles). En ce qui concerne la sensibilité cutanée dans la région génitale,

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56 % de la population générale ont affirmé présenter une sensibilité génitale, avec un pourcentage plus élevé dans le groupe se disant sensible d’une manière générale (66 % chez les personnes sensibles contre 34 % chez les personnes non sensibles). Neuf pour cent des 1 039 participants souffraient d’allergies confirmées par un médecin, bien que la probabilité de diagnostic d’allergies cutanées soit significativement plus élevée chez les participants ayant déclaré avoir la peau sensible, par comparaison avec les autres participants (p < 0,0001) (Tableau 1) [2]. En outre, chez les participants déclarant avoir la peau sensible d’une manière générale ou la peau sensible sur un ou plusieurs sites anatomiques particuliers, la probabilité d’allergie cutanée confirmée par un médecin était 1,8 à 5 fois supérieure (Tableau 1) [2]. Cinquante-huit pour cent des participants ont indiqué qu’un membre de leur famille présentait une peau sensible ; les données ont montré que les personnes déclarant avoir la peau sensible ont une probabilité environ 2,3 à 3,6 fois supérieure d’avoir des membres de leur famille ayant la peau sensible, par comparaison avec les personnes à peau non sensible. Ces résultats indiquent que la sensibilité est documentée dans des régions du corps autres que le visage [1]. Parmi les femmes ayant déclaré avoir la peau sensible d’une manière générale, 68 % ont fait part d’une sensibilité cutanée au niveau génital ; elles étaient particulièrement nombreuses chez les femmes asiatiques, suivies des femmes afro-américaines, caucasiennes et hispaniques.

2. Peau génitale sensible et incontinence urinaire L’incontinence urinaire est un problème fréquent chez les femmes. Récemment, nous avons conduit une étude épidémiologique visant à évaluer les perceptions de peau sensible chez des femmes souffrant d’incontinence urinaire [3]. Dans

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Tableau 1. Perception de la peau sensible par les participants et allergies cutanées documentées par un médecin1 (d’après [2]). Confirmé (%)

p

Odds ratio

Oui (n = 711) Non (n = 328)

9 12 3

≤ 0,0001

5-0

Visage sensible

Oui (n = 799) Non (n = 234)

11 5

≤ 0,0065

2-4

Corps sensible

Oui (n = 628) Non (n = 407)

15 4

≤ 0,0001

3-5

Région génitale sensible

Oui (n = 580) Non (n = 451)

11 7

≤ 0,0119

1-8

Perceptions par le sujet Toutes (n = 1039) Peau sensible (en général)

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Question posée : « Présentez-vous une quelconque allergie cutanée connue qui a été confirmée par un médecin ? »

cette étude, 29 femmes âgées de 50 ans ou plus présentant une incontinence urinaire légère ont répondu à des questionnaires visant à évaluer leurs perceptions de peau sensible en général et au niveau de sites corporels spécifiques (visage, corps et région génitale). Dans un premier temps, il leur a été demandé d’évaluer la sensibilité de leur peau sur une échelle à 4 points : non sensible, légèrement sensible, modérément sensible et très sensible. Par la suite, les participantes devaient utiliser la même échelle à 4 points pour évaluer la sensibilité de leur peau dans les régions suivantes : visage, corps et région génitale. Nous avons comparé les réponses à celles de 42 sujets témoins d’âge et de sexe correspondants. En utilisant une analyse du MH D2, une différence significative a été mise en évidence entre le groupe incontinent et les sujets témoins en ce qui concerne la sensibilité perçue en général (p = 0,014). Il n’a pas été observé de différence significative entre l’incontinence et la sensibilité sur 3 sites corporels : le visage (p = 0,248), le corps (p = 0,567), la région génitale (p = 0,426). Des analyses supplémentaires ont été conduites pour déterminer si un nombre plus élevé de sujets incontinents faisait état d’une peau très sensible + modérément sensible. Les résultats étaient significatifs pour la sensibilité générale (p = 0,008), mais pas pour les trois sites corporels. Il est intéressant de noter que si les deux groupes de sujets étaient cohérents en ce qui concerne la sensibilité cutanée en général, la sensibilité du visage et la sensibilité du corps, le groupe incontinent a eu tendance à faire état d’une sensibilité moindre de la peau génitale par comparaison avec la peau en général, alors que les sujets témoins ont décrit la région génitale comme étant plus sensible.

3. Évaluation de la sensibilité cutanée subclinique : de nouveaux outils puissants L’évaluation approfondie des produits en contact avec la région génitale est essentielle pour faire progresser la sécurité, la santé et la compréhension scientifique de la région urogénitale. Un récent programme subclinique a été mis en œuvre afin d’accroître la sensibilité de nos études

cliniques, notre capacité à prédire et quantifier les différences subtiles entre produits en termes d’effets dermatologiques génitaux et extra-génitaux potentiels, et à prédire les effets dermatologiques sensoriels et objectifs [4]. Ce programme améliore le processus d’évaluation de la peau au moyen de mesures effectuées sous la peau (mesures subcliniques) pour rechercher les modifications physiologiques précoces avant qu’elles soient évidentes à la surface de la peau ou visibles sans aide, les modifications pouvant être toujours présentes une fois que les modifications visibles ont disparu, et établir la corrélation entre les effets ressentis par les sujets et les mesures d’un instrument objectif. Des méthodes capables de détecter les réactions subcliniques, c’est-à-dire les réactions qui ne produisent aucun signe ni symptômes évidents pour l’observateur extérieur, sont nécessaires. Augmenter la sensibilité de notre évaluation des effets irritants est une option que nous avons explorée comme un moyen d’accroître nos capacités de prédiction et de quantification des différences subtiles d’effets cutanés potentiels susceptibles de ne pas être détectées par les méthodes de tests cutanés et outils d’évaluation classiques. Le système de visualisation renforcée Syris v600™ (Syris Scientific LLC, Gray, ME, États-Unis) utilise la polarisation croisée et la lumière parallèle avec un système de grossissement x 2,5 - x 5 pour renforcer l’aspect de la peau. Le Syris v600 détecte les effets subcliniques de surface et de subsurface (à environ 1 mm de profondeur), tels que l’inflammation. La base physique de l’aspect de la peau est la réflectance de la lumière. Il existe deux processus qui renvoient la lumière depuis la peau (chacun transporte des informations diagnostiques différentes, mais nous les voyons normalement mêlées). Lorsque la lumière rencontre la surface cutanée, environ 5 % sont réfléchis, car l’indice de réfraction de la peau est nettement supérieur à celui de l’air. Les 95 % restants de la lumière pénètrent dans la peau, où ils rencontrent des structures qui les diffusent ou les absorbent. Une partie de la lumière est rétrodiffusée hors de la peau. Ce composant rétrodiffusé transporte toutes les informations sur les structures internes, telles que les vaisseaux sanguins, la pigmentation, les follicules pileux, la couleur de la peau et l’inflammation, etc. La polarisation fait référence à

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l’orientation des ondes lumineuses. En utilisant une lumière éclairante polarisée combinée avec une visualisation polarisée, le Syris V-600™ sépare facilement les deux composants de la réflectance cutanée. En croisant les polariseurs source et de visualisation, il est possible de bloquer le composant spéculaire et d’obtenir une vue considérablement renforcée sous la surface de la peau. Lorsque les polariseurs sources et de visualisation sont parallèles, les caractéristiques de surface telles que la texture, les squames et les rides sont renforcées. La lumière polarisée a été utilisée comme aide pour la visualisation de diverses affections cutanées, parmi lesquelles l’acné vulgaire, la rosacée, le photo-vieillissement, le lentigo simplex et le carcinome basocellulaire. Nous avons évalué l’utilisation de lumière polarisée parallèle et de lumière polarisée croisée dans les réactions d’irritation légères, afin d’établir si cette méthode augmente la capacité à détecter les stades très précoces ou les faibles niveaux (par exemple, subclinique) d’irritation cutanée [5]. De faibles concentrations de laurylsulfate de sodium (0,01 % et 0,1 %) ont été appliquées afin d’effectuer un test épicutané sur des volontaires humains pendant 2, 6 et 24 heures par jour sur une période de 2 à 3 jours, dans une modification du test épicutané standard. Des produits de protection féminine ont été évalués dans le test derrière le genou (Behind-The-Knee (BTK) (6)). Les réactions érythémateuses ont été évaluées visuellement sans aide et au moyen du système de visualisation en lumière polarisée Syris v600. Dans le test épicutané de 24 heures, l’érythème moyen évalué avec la lumière polarisée était conforme aux résultats de l’évaluation visuelle sans aide. Dans des conditions plus légères (patchs de 2 et de 6 heures) et le test épicutané BTK, des différences significatives par rapport aux niveaux d’érythème prétraitement sont apparues plus tôt dans la série de traitements par comparaison avec l’évaluation sans aide (p < 0,05). En outre, l’évaluation de la subsurface a démontré que des modifications étaient toujours présentes sous la surface de la peau même après que l’évaluation visuelle sans aide indiquait une guérison. Ces résultats révèlent que des niveaux faibles (subcliniques) d’irritation peuvent être détectés au moyen de l’évaluation visuelle renforcée et que cette méthode non invasive a le potentiel d’accroître la sensibilité de nos études cliniques [5]. Dans une étude clinique conjointe, l’érythème et la sécheresse de la vulve, incluant l’introïtus, le vagin et le col utérin, ont été visualisés et évalués à la fois visuellement sans aide et au moyen du Syris v600 chez 82 sujets de sexe féminin (50 présentant des symptômes génitaux et 30 appartenant au groupe témoin) [4]. Le but de l’étude était de déterminer si le Syris v600™ augmente la sensibilité de détection de l’inflammation génitale et facilite le diagnostic des symptômes vulvo-vaginaux. La technique de visualisation renforcée de la subsurface au moyen du v600 s’est avérée significativement plus sensible que l’inspection visuelle et la colposcopie (p ≤ 0,0001) pour la visualisation de l’érythème sur tous les sites génitaux (c’est-à-dire les grandes et les petites lèvres, l’introïtus, le vagin et le col utérin). Le syndrome de vestibulite vulvaire (SVV) constitue

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le sous-groupe le plus fréquent de vulvodynie, une gêne vulvaire chronique sans signes cliniques objectifs pertinents [7]. Nous avons trouvé que le Syris v600 est plus sensible pour la détection de la sécheresse sur tous les sites, que des symptômes soient présents ou non. En outre, le processus a détecté l’inflammation de subsurface de l’introïtus, du vagin et du col utérin uniquement chez les sujets ayant une vestibulodynie provoquée (la vestibulodynie provoquée, ex vestibulite vulvaire, étant une maladie du vestibule et non du vagin ni du col utérin, ces résultats doivent être interprétés avec prudence). Lors de l’évaluation de différents sous-groupes de participantes présentant des symptômes de type vulvite, LS, vestibulite provoquée associée au LS et vestibulodynie provoquée seule, seul le Syris v600 a détecté un érythème élevé de subsurface au niveau de la vulve, du vagin et du col utérin, par comparaison avec le groupe témoin (encore une fois, il convient de faire preuve de prudence car le LS ne touche jamais le vagin ni le col, la vulvite non plus). Le Syris v600 a été significativement plus sensible (p < 0,05) que les autres outils de diagnostic gynécologique, comme l’étalon or en la matière, la colposcopie, qui n’a révélé aucune différence significative en termes de détection de l’irritation/érythème par rapport au diagnostic visuel. Par conséquent, cette étude a établi que la visualisation renforcée apportée par la lumière polarisée croisée est capable de révéler une inflammation subclinique dans des affections vulvaires qui étaient précédemment classées en tant que syndromes sensoriels. Toutefois, il n’existe aucune preuve histopathologique d’une nature inflammatoire de la vestibulodynie provoquée [8].

4. Conclusion Cette revue discute d’un certain nombre des affections fréquentes (et rares) ayant un impact sur la santé génitale et le bien-être des sujets qui en sont atteints. De nombreuses affections sont subjectives, par exemple les rapports par les patients d’une sensibilité cutanée à diverses substances et divers agents irritants, qui ne sont souvent associées à aucun signe objectif d’irritation. Jusque récemment, peu d’outils objectifs pouvaient être utilisés dans les études des troubles cutanés génitaux pour évaluer les maladies et processus irritatifs ; l’inspection visuelle était le seul moyen à la disposition des professionnels de santé pour évaluer les plaintes et symptômes des patients. Des études récentes ont montré que l’utilisation de la lumière polarisée constitue un outil important pour l’évaluation et la quantification objectives de l’irritation, de l’érythème et de certains troubles vulvo-génitaux à un niveau subclinique. Toutefois, des études complémentaires seront nécessaires pour comparer l’efficacité de la lumière polarisée avec les caractéristiques histopathologiques du tissu sur le même site. Néanmoins, la capacité à visualiser les éléments situés sous la surface de la peau génitale devrait améliorer la capacité des chercheurs à évaluer les effets de nouveaux produits sur la santé urogénitale, et fournir aux cliniciens des données diagnostiques objectives.

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5. Conflit d’intérêt

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Intérêts financiers dans une entreprise (Procter & Gamble). [5]

Références [1]

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Farage MA, Bjerke DL, Mahony C, Blackburn K, Gerberick GF. Quantitative risk assessment for the induction of allergic contact dermatitis uncertainty factors for mucosal exposures. Contact Dermatitis 2003;49:140-7. Farage MA. Self-reported immunological and familial links in individuals who perceive they have sensitive skin. Br J Dermatol 2008;159:231-66 Farage MA. Perceptions of sensitive skin: women with urinary incontinence. Arch Gynecol Obstet 2009;280:49-57.

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Farage MA, Singh M, Ledger WJ. Investigation of the sensitivity of a cross-polarized light visualization system to detect subclinical erythema and dryness in women with vulvovaginitis. Am J Obstet Gynecol 2009;201:e1-6. Farage MA. Enhancement of visual scoring of skin irritant reactions using cross-polarized light and parallel-polarized light. Contact Dermatitis 2008;58:147-55. Farage MA. The Behind-The-Knee test: an efficient model for mechanical and chemical irritation: A review. Skin Res Technol 2006;12:73-82. Moyal-Barracco M, Lynch PJ. ISSVD terminology and classification of vulvodynia: a historical perspective. J Reprod Med 2004;49:772-7. Halperin R, Zehavi S, Vaknin Z, Ben-Ami I, Pansky M, Schneider D. The major histopathologic characteristics in the vulvar vestibulitis syndrome. Gynecol Obstet Invest 2005;59:75-9.