La peau sensible

La peau sensible

Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 44 (2004) 557–558 www.elsevier.com/locate/revcli La vie des régions La peau sensible > Sens...

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Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 44 (2004) 557–558 www.elsevier.com/locate/revcli

La vie des régions

La peau sensible > Sensitive skin G. Guillet Service de dermatologie et allergologie, CHU de Poitiers, hôpital de la Milétrie, rue de la Milétrie, BP 577, France Reçu le 26 juillet 2004 ; accepté le 27 juillet 2004 Disponible sur internet le 11 septembre 2004

La peau est un organe barrière qui est depuis quelques années l’objet de préoccupation de la cosmétique médicale en dehors de toute pathologie visible dès lors qu’est prononcé le terme de « peau sensible ». Ceci suppose de s’interroger sur l’attitude à adopter face à une demande croissante : de quoi s’agit-il ? et que pouvons nous proposer ? De fait, la cause n’est pas univoque car la sensibilité cutanée peut s’analyser à trois niveaux. Interface sensible d’échange avec le monde environnant, elle a la vocation de donner une information physique sur les stimulations thermiques, mécaniques ou chimiques : elle est donc aussi vulnérable à l’irritation avec une réactivité variable aux différentes molécules ou radiations environnantes, en fonction de chacun et de cofacteurs associés. Son deuxième niveau de sensibilité est immunologique : ceci relève d’explorations allergologiques de contact alors même que l’intolérance cosmétique ne s’exprime pas nécessairement par des réactions majeures. Le troisième degré de sensibilité correspond à une réactivité vasculaire qui s’exprime par une tendance congestive de la peau, préfigurant souvent une rosacée débutante ou un eczéma séborrhéique. Sur ces différentes orientations étiologiques, chacun a le droit de pressentir une sensorialité exacerbée d’autant que le kératinocyte est doué de sécrétions de neuropeptides avec des connections supérieures qui font parler de peau neuronale. De fait, la peau tient un rôle clef dans la structuration du « moi » de l’enfant, et on peut admettre l’impact psychologique que peut avoir >

Note du Rédacteur en Chef. Le 19 mai 2004 se sont tenues à Poitiers les « Rencontres Allergologiques du Grand Sud-Ouest ». Le Professeur Gérard Guillet était l’organisateur de cette belle réunion qui a réuni une assistance nombreuse sur des thèmes variés, touchant, en particulier la dermatite atopique. Il a paru utile à la Rédaction de publier dans notre rubrique « La vie des régions » les actes actuellement disponibles. Le but de cette rubrique est de montrer que l’Allergologie est bien vivante, tout au long de l’année, partout en France. Il est bon que les Allergologues lecteurs de la « RFAIC » soient informés. Adresse e-mail : [email protected] (G. Guillet). 0335-7457/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.allerg.2004.07.021

une peau inconfortable, tant chez l’enfant que chez l’adulte [1–3]. Au cours de la réception d’information, la peau n’est pas passive puisqu’elle produit à la fois des neuropeptides et des cytokines inflammatoires. Sa sensibilité dépasse le kératinocyte en mettant en jeu aussi des cellules sentinelles participant à la sensibilité immunologique (cellules de Langerhans) avec un réseau nerveux sous-jacent connecté avec les kératinocytes. En pratique, la définition clinique d’une peau sensible correspondra essentiellement à quatre situations : susceptibilité à l’inflammation (souvent peau sèche irritable), allergie de contact (souvent cosmétique), réactivité vasculaire de rosacée débutante (intolérante aux galéniques grasses), et dermite séborrhéique (très réactive au stress). L’approche en est difficile lorsque la clinique est presque muette. Mais il faut apprendre à rechercher des symptômes associés, parfois prémonitoires ou secondaires, qui sont pour l’essentiel une tendance à la congestion ou à l’eczéma, ou simplement une xérose. L’augmentation de fréquence de la peau sensible depuis 30 ans suggère une augmentation de sollicitation de la peau par l’environnement avec influence possible du stress qui fait la part belle à des facteurs psychologiques mais aussi à l’inflammation et la vasodilatation sous contrôle neurosensoriel. De fait, la peau sensible est très souvent une peau d’atopique : les Allemands avaient d’ailleurs choisi de baptiser « neurodermatite » ce que nous appelons désormais « dermatite atopique ». L’évaluation peut être faite en laboratoire sous un angle paraclinique (test à l’acide lactique, mesure physique du seuil de sensibilité à un courant microvolté, dosage biologique de cytokines et médiateurs épidermiques parmi lesquels les neuropeptides ont une place importante) [2]. En pratique, on pourrait concevoir que la peau sensible correspond à une peau en éveil, prompte à un orage cytokinique et neurosensoriel qui se traduit par une vasodilatation,

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une dégranulation et/ou une inflammation parfois neurogène. À chacune de ces situations, la dermopharmacie a tenté de proposer des réponses avec divers actifs présents dans des produits élaborés pour peau sensible. Il existe des composants apaisants, antirougeur, immunomodulateurs anti-TNF, anti-radicalaires de plus en plus nombreux. En conséquence, cette peau ne doit pas être irritée. Elle doit être protégée, plus encore quand il s’agit d’un terrain atopique à risque d’allergie. Pour répondre aux situations ou la peau sensible n’est pas véritablement pathologique, les émollients sont une solution acceptable s’ils savent compenser la sécheresse cutanée en développant un effet anti-inflammatoire : les céramides ont cette double fonction. En joignant divers actifs « apaisants » la cosmétique favorise peu à peu la promotion d’un concept marketting préventif pour peau sensible, l’alpha bisabolol, l’acide glycyrrhétinique, l’avoine ou l’Aloe vera sont entrés dans la culture des consommateurs

soucieux de leur peau sensible. Mais l’essentiel restera pour nous de ne pas s’égarer vers une allergie quand il s’agit d’une rosacée relevant d’une cosmétique spécifique ou du laser, et à l’inverse, de ne pas négliger une intolérance cosmétique que les ROAT tests seront seuls à pouvoir dépister.

Références [1]

[2]

[3]

Garg A, Chren MM, Sands LP, Matsui MS, Marenus KD, Feingold KR, et al. Psychologic stress perturbs epidermal permeability barrier homeostasis implications for the pathogenesis of stressassociated skin disorders. Arch Dermatol. 2001;137:53–9. Rossi R, Johansson O. Cutaneous innervation and the role of neuronal peptides in cutaneous inflammation; a mini review. Eur J Dermatol. 1998;8:299–306. Chiu A, Chou S, Kimball A. The response of skin disease to stress. Arch Dermatol. 2003;139:897–900.