Incontinence urinaire et prolapsus génital

Incontinence urinaire et prolapsus génital

Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction (2009) 38, S239–S251 INCONTINENCE URINAIRE Incontinence urinaire et prolapsus géni...

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Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction (2009) 38, S239–S251

INCONTINENCE URINAIRE

Incontinence urinaire et prolapsus génital Urinary incontinence and genital prolapse B. Fattona,*, C. Nadeaub a CHU Clermont-Ferrand, Service de gynécologie-obstétrique, boulevard Léon-Malfreyt, 67000 Clermont-Ferrand, France. b CHU Poitiers, Service de gynécologie-obstétrique, rue de la Milétrie, 86000 Poitiers, France.

MOTS CLÉS Prolapsus ; Incontinence urinaire ; Incontinence masquée ; Bilan urodynamique.

KEYWORDS Prolapse; Urinary incontinence; Occult stress incontinence; Urodynamic study.

Résumé  Le prolapsus est fréquemment associé à des troubles fonctionnels urinaires. L’incontinence urinaire d’effort symptomatique est plutôt associée aux prolapsus modérés tandis que les prolapsus plus importants sont plus souvent associés à des phénomènes obstructifs. L’existence de fuites urinaires après réduction du prolapsus chez des patientes ne décrivant pas d’IUE est associée à un risque majoré d’incontinence urinaire postopératoire et identifie clairement une population à risque. Il n’est pas démontré à ce jour que le bilan urodynamique soit supérieur à l’examen clinique seul pour prédire la nécessité d’un geste urinaire dans le même temps que la chirurgie du prolapsus. La réalisation systématique d’une colposuspension selon Burch au décours d’une colposacropexie réduit significativement le risque d’IUE postopératoire. Chez les femmes présentant une IUE masquée, l’association d’un TVT à la chirurgie du prolapsus par voie vaginale réduit significativement le taux d’IUE postopératoire. En l’absence d’IUE masquée, il n’y a pas d’indication à réaliser un TVT au cours d’une chirurgie de prolapsus par voie vaginale. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract Prolapse commonly coexists with lower urinary tract dysfunction. If symptomatic stress urinary incontinence is often described by patients with low stage pelvic organ prolapse, obstructive symptoms are common in patients with stage 3 or 4 prolapse. Positive preoperative reduction testing in stress continent women planning prolapse repair is associated with a higher risk for postoperative leakage and clearly identify a high risk population. To date it has not been proven that urodynamic testing may provide more precise data than physical examination to advocate an additional stress urinary surgery at the time of prolapse repair. A systematic prophylactic Burch colposuspension significantly reduces the risk of postoperative SUI. In patients with occult SUI, a concomitant TVT at the time of vaginal prolapse surgery significantly reduces the risk of postoperative SUI. In patients without leakage during reduction testing, there is no evidence for performing a concurrent TVT. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant.

[email protected] © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

S240

Les définitions  Incontinence urinaire d’effort patente ou avérée Elle définit une fuite clinique survenant à la toux ou au valsalva, en l’absence de toutes manœuvres de réduction du prolapsus.

Incontinence urinaire d’effort masquée Elle définit une fuite clinique qui survient, au décours d’un effort de toux ou d’une manœuvre de valsalva (et en l’absence de toute contraction du détrusor), après refoulement du prolapsus chez une patiente qui ne se plaint d’aucune incontinence dans les situations normales de vie. Cette définition, conventionnellement adoptée par tous aujourd’hui, n’a cependant jamais donné lieu à une véritable standardisation ce qui explique à la fois certaines fluctuations dans les critères de diagnostic au fil du temps et la variabilité des taux rapportés. Chez les Anglo-Saxons, « occult », « masked », « potential », « latent », « iatrogenic » incontinence désigne la même entité clinique. L’IUE masquée est un diagnostic établi par l’examen clinique et selon ces seuls critères on retrouve une incidence estimée dans la littérature entre 36 % et 80 % [1-5]. Il y a quelques décennies, certains auteurs avaient suggéré de prendre en compte d’autres paramètres notamment urodynamiques, comme la pression de clôture [6-7] ou le ratio de transmission des pressions [8-10], ce qui explique les grandes variations dans les résultats publiés. Même en ne considérant qu’une définition purement « clinique », les chiffres d’incidence rapportés sont très fluctuants témoignant de l’impact majeur des méthodes de réduction dans le diagnostic de l’IUE masquée. Nous développerons ce point spécifique plus loin.

Examen clinique, symptômes urinaires et prolapsus Quelles sont les spécificités de l’examen clinique et de l’interrogatoire ? Nous avons choisi de reformuler cette question par : « est-ce que l’incontinence urinaire de la femme se présente cliniquement différemment lorsqu’elle est associée à un prolapsus ? » Il n’existe pas, à ce jour, de travaux comparant les signes cliniques des femmes incontinentes selon qu’elles aient ou non un prolapsus. On ne peut donc pas répondre directement à la question d’une quelconque spécificité des signes cliniques en cas de prolapsus associé. Le prolapsus est une pathologie très hétérogène, puisque l’on regroupe fréquemment sous ce terme des prolapsus de toute nature (variabilité des compartiments concernés pour un même stade, prolapsus extériorisés ou non, symptomatiques ou non et à des degrés divers). Il est donc très difficile de recueillir des données homogènes. La question de l’incontinence urinaire d’effort, fréquemment associée au prolapsus et de ses différentes expressions cliniques, sera abordée plus loin.

B. Fatton, C. Nadeau Le prolapsus est responsable, par lui-même, de symptômes urinaires (pollakiurie, urgenturie, miction par poussée, gouttes terminales) qui ne sont pas toujours corrélés au degré d’extériorisation du prolapsus ni au compartiment prolabé. Ceci est retrouvé de façon concordante dans plusieurs travaux observationnels, rétrospectifs ou prospectifs, portant sur plusieurs centaines de patientes [11-15]. Ces symptômes peuvent être une urgenturie qui peut être associée à une incontinence par urgenturie. L’urgenturie pourrait être due au phénomène herniaire lui-même puisque deux travaux observationnels prospectifs concordants, regroupant au total 158 femmes ayant des prolapsus de stade 2 à 4 selon le système POP-Q, retrouvent une diminution des symptômes d’urgenturie et des fuites par urgenturie 1 an après chirurgie correctrice du prolapsus dans environ 75 % des cas [15-17]. Un autre travail prospectif observationnel étudiant l’évolution des troubles urinaires après correction du prolapsus par mise en place d’un pessaire rapporte, à 2 mois sur 73 femmes présentant un prolapsus de stade 2 à 4 de Baden Walker, des variations de symptômes montrant dans la moitié des cas une amélioration d’une incontinence urinaire d’effort, d’une incontinence par impériosités, des troubles obstructifs mictionnels, mais aussi moins fréquemment, l’apparition de novo de ces troubles (dans respectivement 21 %, 6 % et 4 % des cas) [18] (Tableau 1). Fernando et al. [19] retrouvent aussi que la réduction du prolapsus par pessaire peut améliorer une incontinence urinaire par urgenturie de façon significative. Il peut aussi exister des troubles mictionnels obstructifs qui sont surtout associés aux stades avancés (extériorisés) de prolapsus [11-12]. L’incontinence urinaire d’effort symptomatique est plutôt associée aux prolapsus modérés tandis que les prolapsus plus importants sont plutôt associés à des phénomènes obstructifs [12-15] (NP2). Le prolapsus génital peut s’accompagner de signes urinaires à type d’urgenturie ou d’obstruction qui disparaissent dans la moitié des cas quand le prolapsus est corrigé (NP1).

En quoi le prolapsus modifie-t-il l’examen clinique ? L’association prolapsus et incontinence urinaire est fréquente, les deux pathologies ayant des mécanismes physiopathologiques communs. Néanmoins cette association est inhabituelle en cas de prolapsus de degrés 3 et 4. En effet, il existe fréquemment, chez ces patientes, des facteurs mécaniques qui empêchent cette incontinence de se révéler. Deux mécanismes sont en cause dans l’incontinence masquée : • la compression urétrale extrinsèque due aux organes prolabés : une ptose utérine importante ou un volumineux prolapsus postérieur peuvent ainsi protéger contre la fuite. Cette compression peut être facilement « levée » par une valve de spéculum empêchant la protrusion de la paroi vaginale postérieure ou maintenant l’utérus en situation anatomique normale ; • la coudure de l’urètre sous l’effet du déroulement de la paroi vaginale antérieure, le classique effet « kinking » des Anglo-Saxons. La réduction de la cystocèle, parfois malcommode, suffit à lever l’obstacle. Si l’incontinence masquée est une entité clinique bien connue des chirurgiens, l’ICS n’a jamais publié de critères

Incontinence urinaire et prolapsus génital

S241

Tableau 1 Évolution des symptômes urinaires à deux mois chez les femmes ayant essayé un pessaire avec succès. D’après Clemons et al. [8]. Table 1 Changes in urinary symptoms from baseline to 2 months in women who were fitted successfully with a pessary. From Clemons et al. [8]. Symptôme Incontinence urinaire d’effort

Symptôme présent avant pose du pessaire

% (N)

Oui

27 (20)

Non

Incontinence par urgenturie

Oui

Non

Troubles obstructifs mictionnels

Oui

Non

73 (53)

36 (26)

64 (47)

23 (17)

77 (56)

Suivi à 2 mois avec pessaire IUE persiste

55 (11)

IUE s’améliore ou disparait

45 (9)

IUE apparition de novo

21 (11)

Pas d’IUE

79 (42)

IUU persiste

54 (14)

IUU s’améliore ou disparaît

46 (12)

IUU apparition de novo

6 (3)

Pas d’IUU

94 (44)

Persistent

47 (8)

S’améliorent ou disparaissent

53 (9)

Apparition de novo

4 (2)

Pas d’apparition

précis pour la définir de façon consensuelle et standardisée (volume de réplétion, type de manœuvre de réduction…). Cette lacune explique que son incidence soit mal connue. Récemment, une étude prospective de cohorte (niveau 2-3) [20] a retrouvé une prévalence d’incontinence masquée de 67,9 % dans un groupe de 78 femmes présentant un prolapsus (dont 87,2 % de stade III selon la classification de POP-Q). Après réparation du prolapsus par voie vaginale (chirurgie traditionnelle), 64,2 % des patientes qui présentaient une incontinence masquée en préopératoire sont incontinentes, alors que dans le groupe des patientes sans incontinence masquée avant la chirurgie aucune n’est devenue incontinente en postopératoire [20]. La majorité des auteurs s’accorde pour dire que la positivité du test à l’effort après réduction du prolapsus sélectionne une population à risque pour la continence postopératoire [20-22]. Seule la série de R. de Tayrac [23] rapporte des conclusions discordantes. Dans cette étude, 12,5 % des patientes (seulement) avec une IUE masquée préopératoire et n’ayant pas bénéficié de geste urinaire en peropératoire présentent une IUE en postopératoire. Néanmoins, toutes les patientes de cette étude ont bénéficié d’une cure de prolapsus par voie vaginale avec renforcement prothétique dont on discutera plus loin la possible influence sur la continence postopératoire. Dans ces circonstances cliniques, l’examen se doit d’être rigoureux (réplétion vésicale contrôlée, manœuvres de réduction correctement réalisées sans hyper ou sous-correction) mais sa pertinence reste discutée en raison de variations interopérateur mais aussi intraopérateur. Même s’il est plus commode d’effectuer l’examen en position couchée, celui-

% (N)

96 (54)

ci doit être poursuivi en position assise et/ou débout si les résultats ne sont pas concluants. La méthodologie pratique des manœuvres de réduction du prolapsus est aussi discutée : le test au pessaire a la préférence de nombreux auteurs anglo-saxons mais certains lui préfèrent le tampon intravaginal, une large pince ou une hémivalve de spéculum. L’étude CARE a révélé une IUE masquée dans 19 % des cas, le pessaire donnant le plus faible taux de détection (6 %) et le spéculum le plus haut (30 %) [22]. Par ailleurs, quelle que soit la rigueur de l’examen, celui-ci ne peut que rarement reproduire « à l’identique » le résultat d’une chirurgie et il demeure donc une grande part d’imprécision. D’autre part, le type de prolapsus influence la fiabilité du test. Un prolapsus peut masquer une IUE dans une proportion variant de 19 % à 67,9 % selon les études (NP1/3). Outre le rôle du degré de prolapsus, le type de manœuvre de refoulement du prolapsus peut aussi influencer le taux d’IUE masquée avec le pessaire donnant le plus faible taux de détection et le spéculum le taux le plus élevé (NP1).

Prolapsus et IUE  Question : en quoi l’association d’une IUE peut-elle modifier la chirurgie du prolapsus ? Chez une femme dont le prolapsus constitue la plainte principale, plusieurs situations cliniques peuvent se présenter :

S242 1 – La patiente se plaint d’un prolapsus et d’une incontinence urinaire. 2 – La patiente ne décrit aucune fuite urinaire mais il existe une incontinence masquée à l’examen clinique. 3 – La patiente ne décrit aucune IUE et il n’existe aucune IUE clinique à l’examen. La situation 1 légitimise pour beaucoup d’associer un geste urinaire à la cure de prolapsus. Depuis l’utilisation plus large des prothèses dans la chirurgie du prolapsus par voie vaginale, et notamment des prothèses antérieures avec bras transobturateurs, certains nuancent aujourd’hui cette attitude. Dans une étude observationnelle rétrospective récente (NP4), Sheck [24] a analysé la continence postopératoire chez 93 patientes opérées par voie vaginale avec pose d’une prothèse antérieure transobturatrice. Parmi ces femmes, 57 n’avaient pas eu de geste urinaire concomitant. Avec un recul de 9 mois, 21 des 24 patientes incontinentes avant l’intervention (87,5 %) ont été guéries ou améliorées en postopératoire, alors que 7 patientes parmi les 33 (21,2 %) ne se plaignant pas d’incontinence en préopératoire ont signalé une IUE de novo après la chirurgie. Cet effet « TVT like » des prothèses antérieures munies de 2 bras supérieurs transobturateurs a été rapporté par d’autres. Dans une étude prospective observationnelle longitudinale (NP3), Sergent et al. [25] évaluent les résultats urinaires d’une cohorte de 74 patientes présentant un prolapsus antérieur de degré 2 ou plus associé à une incontinence urinaire (avérée ou masquée) et ayant bénéficié de la mise en place d’une prothèse Ugytex® (collagène d’origine porcine) par voie transobturatrice. Avec un recul moyen de 36 mois, 72 % des femmes sont guéries de leur incontinence [25]. Les situations cliniques 2 et 3 ne sont pas toujours clairement identifiées dans les publications, pourtant ce distinguo est important, la situation 2 se révélant à risque accru pour la continence postopératoire (CARE study [26-27], NP1) et ce quelle que soit la stratégie retenue (geste systématique ou abstention). L’association d’une colposuspension selon Burch au cours d’une sacrocolpopexie chez des femmes ne décrivant pas d’IUE en préopératoire réduit significativement le risque d’IUE postopéraoire (23,8 % versus 44,1 %) (NP1 – Multicentrique prospective randomisée, large effectif, 322 patientes) [27]. Les résultats d’un autre essai prospectif randomisé, qui concerne un effectif plus faible de patientes mais qui n’inclut que des patientes avec un test à l’effort négatif après refoulement du prolapsus, rapporte des résultats contraires. Un Burch prophylactique s’avère même délétère avec un taux d’IUE postopératoire de 26,4 % contre 3,1 % dans le groupe contrôle qui n’avait pas bénéficié de geste urinaire. (NP1-2 – Monocentrique prospective randomisée, effectif moyen, 66 patientes) [28]. Néanmoins, une lecture différente de l’étude CARE permet aussi de constater que 56 % des patientes continentes en préopératoire le restent en postopératoire dans le groupe sans geste prophylactique alors que 24 % des patientes continentes en préopératoire deviennent incontinentes en postopératoire dans le groupe Burch. Le taux d’IUE de novo dans une cohorte de 53 patientes continentes ayant bénéficié d’une sacrocolpopexie par voie cœlioscopique est de 13 % à 20 mois [29] (étude rétrospective de cohorte, NP4). Concernant la voie vaginale (Tableau 2), il n’existe pas d’étude qui ait rigoureusement analysé, dans le cadre d’un

B. Fatton, C. Nadeau large essai randomisé (traitement prophylactique versus absence de traitement), l’intérêt d’une prévention de l’incontinence urinaire d’effort postopératoire chez des patientes continentes avant la chirurgie. Quelques études, d’inégale valeur, ont cependant rapporté les résultats chez les femmes présentant une IUE masquée selon qu’elles aient ou non bénéficié d’un geste urinaire prophylactique. Liang [21], dans une étude prospective cas-contrôles (NP2), a démontré le bénéfice du TVT dans cette population avec un taux d’IUE postopératoire significativement abaissé dans le groupe ayant bénéficié d’un geste (9,4 % versus 64,7 %), même s’il apparaît qu’un geste systématique « surtraite » 35 % des patientes (mais sur un collectif très limité de 17 femmes). De Tayrac dans une étude rétrospective cascontrôles de faible échantillonnage (NP4) ne retrouve pas de bénéfice significatif à la prévention avec un taux d’IUE postopératoire avec et sans geste prophylactique respectivement de 0 % et 12,5 %. Les autres études comparent deux gestes urinaires différents chez des femmes dont le choix d’une prophylaxie urinaire a été préalablement et arbitrairement décidé : tous ces travaux plaident pour le choix d’un geste urinaire ayant démontré sa fiabilité et prouvent clairement le peu d’efficacité des colposuspensions à l’aiguille ou des simples plicatures sous-urétrales. Chez les patientes continentes chez qui le test à l’effort après réduction du prolapsus ne révèle pas de fuite (situation 3), la plupart des auteurs s’accordent pour recommander une abstention sur le plan urinaire. Néanmoins, l’étude CARE a récemment relancé le débat. Si l’on exclut les femmes avec un test à l’effort positif après réduction, la colposuspension selon Burch réduit le taux d’incontinence postopératoire de 38,2 % à 20,8 % chez les patientes bénéficiant d’une sacrocolpopexie (NP1) et ce sans accentuer le risque de symptômes obstructifs ou irritatifs ni augmenter significativement le risque de décompensation postérieure. Cependant, le recul n’est actuellement que de 2 ans et l’évaluation de l’impact sur la statique pelvienne et notamment sur les étages moyen et postérieur sera à réévaluer sur le long terme, plusieurs études anciennes ayant clairement établi le rôle délétère de la colposuspension selon Burch sur la statique pelvipérinéale. La colposuspension selon Burch systématique au cours d’une sacrocolpopexie réduit donc le risque d’IUE postopératoire y compris chez les patientes sans IUE masquée. Concernant la voie vaginale, les résultats concordent pour prôner une politique restrictive : Chaikin [1] (étude prospective de cohorte, faible échantillonnage, NP2), Klukte [30] (étude rétrospective de dossiers, NP4), Yamada [31] (étude rétrospective cas-contrôles, NP4), Liang [21] (étude prospective cascontrôle, NP2) rapportent tous un taux d’IUE postopératoire de 0 % en l’absence de geste urinaire chez les patientes dont le test à l’effort est négatif avant la chirurgie. Pour Ballert [32], le risque de réintervention pour IUE est de 8,5 % chez les patientes opérées d’un prolapsus sans geste urinaire et qui ne présentaient pas d’IUE avérée ou masquée avant l’intervention (étude rétrospective, NP4). Quels que soient les résultats des études publiées et leur pertinence, la stratégie s’est sensiblement modifiée au cours de la dernière décennie depuis la généralisation des techniques de bandelettes sous-urétrales (BSU) de type TVT. Ce sont des techniques fiables, à morbidité réduite et réalisables pour certaines sous anesthésie locale, qui constituent une excellente méthode de « rattrapage » en cas de décompensation d’une IUE en postopératoire. De nombreux experts plaident

IUE avérée

Colombo [6] 1997 prospective randomisée NP1 ‘’ ‘’

Pereyra n = 33

‘’

Pereyra n = 21 plicature pubourétraux n = 40

> 5 ans

2,9 +/– 1,8 ans

cervicocystopexie + plicature des pubourétraux n = 50 plicature pubourétraux n = 15

2,6 +/– 1,7 ans

6 sem et 6 mois

Recul

cervicocystopexie n = 52

plicature fasciale n = 5

suspension à l’aiguille n=4

plicature fasciale n = 10

suspension à l’aiguille (Muzsnaï) n = 10

Technique

SUI : 0 %

SUI : 15 %

SUI : 29 %

SUI : 40 %

SUI : 8 %

2 % HAV symptomatique après Pereyra

4 % HAV symptomatique après plastie pubo-urétraux

1 réintervention 10 % difficultés mictionnelles à distance 2 % HAV symptomatique

1 réintervention 0 difficulté mictionnelle à distance 2 % HAV symptomatique

groupe plicature : incontinence par urgences mictionnelles 0 % à 6 sem and 7 % à 6 m

groupe plicature fasciale : IUE = 21 % à 6 sem, 7 % à 6 m

SUI : 8 %

groupe suspension : incontinence par urgences mictionnelles 58 % à 6 sem (36 % de novo), 14 % à 6 m

Commentaires

groupe suspens. aiguille : IUE = 7 % à 6 sem, 14 % à 6 m

Résultats

sem = semaine, m = mois, IUE = incontinence urinaire d’effort, colposusp = colposuspension, TVT = tension free vaginal tape, transcut = transcutaneous, HAV = hyperactivité vésicale

IUE masquée

patientes continentes (pas de fuite après refoulement)

pas d’IUE masquée (même définition) n=9

IUE masque (définie par un ratio de transmission < 90 % ou un test positif après réintroduction) n = 20

Type IUE

Colombo [58] 1996 prospective randomisée NP1

Bump [10] 1996 prospective randomisée NP2

Auteur/année type d’étude niveau de preuve

Tableau 2 Prévention de l’IUE au cours de la chirurgie du prolapsus par voie vaginale. Table 2 Prevention of SUI at the time of prolapse surgery by vaginal approach.

Incontinence urinaire et prolapsus génital S243

pas de geste urinaire

pas de fuite après réduction n = 10

57,6 m (27-70)

51,2 m (24-72)

8m (3-19)

subjective SUI : 0

subjective SUI : 10 %

• IUE symptomatique confirmée à l’UCM : 23,3 % • patientes asymptoma– tiques avec test d’effort post-opératoire positif 36,7 %

SUI : 0 %

SUI : 4 %

SUI : 0 %

SUI : 14 %

IUE objective et subjective : 50 % IUE objective sans plainte subjective : 37 %

Résultats

symptômes d’HAV de novo : 0

symptômes d’HAV de novo : 10 %

la technique de Stamey n’est pas une bonne option pour prévenir une IUE post-opératoire chez les femmes avec une IUE masquée

5 % HAV de novo

30 % HAV de novo

0 incontinence par urgences mictionnelles de novo

1 (7 %) de novo urge incontinence

procédure non efficace pour prévenir l’IUE post-opératoire chez les patientes opérées d’un prolapsus

Commentaires

sem = semaine, m = mois, IUE = incontinence urinaire d’effort, colposusp = colposuspension, TVT = tension free vaginal tape, transcut = transcutaneous, HAV = hyperactivité vésicale

fronde sous-urétrale

IUE masquée n = 10

Yamada [31] 2001 rétrospective case control NP4

Stamey

IUE masquée n = 30

‘’

‘’

suspension à l’aiguille. n=3 pas de geste urinaire

3,5 ans (1-7)

44 m (12-96)

47 m (12-108)

25,5 m

Recul

Burch n = 52

Groutz [59] 2000 prospective NP3

pas de fuite si réduction prolapsus N = 70

IUE masquée n = 55

pas de geste urinaire

pas de fuite si réduction prolapsus n = 10

Klutke [30] 2000 rétrospective (étude de dossiers) NP4

fronde pubovaginale

IUE masquée n = 14

Chaikin [1] 2000 prospective étude de cohorte NP2

Kelly plication

Technique

IUE masquée n = 30

Type IUE

Gordon [2] 1999 prospective série de cas NP3

Auteur/année type d’étude niveau de preuve

Tableau 2 Prévention de l’IUE au cours de la chirurgie du prolapsus par voie vaginale. (suite) Table 2 Prevention of SUI at the time of prolapse surgery by vaginal approach.

S244 B. Fatton, C. Nadeau

IUE avérée n = 29

de Tayrac [23] 2004 rétrospective étude cas contrôle NP4

IUE masquée n = 100

27 m. (12-52)

24,1 +/– 6,7 m (13-41)

pas de geste urinaire n=8 TVT

17,3 +/–11,4 m (7-36)

24,1 +/– 6,7 m (13-41)

pas de geste urinaire n = 14 TVT n = 11

17,3 +/– 11,4 m (7-36)

15 m (6-39)

14,25 +/– 3,08 m (12-24)

Recul

TVT n = 15

fronde pubovaginale

TVT

Technique

IUE symptomatique et confirmée à l’UCM au suivi à 1 an : 2 %

IUE : 12,5 %*

IUE : 0 %*

IUE : 35,7 %

IUE : 6,7 %

IUE : 5 %

IUE subjective : 0% IUE objective : 10 %

Résultats

incontinence par urgences mictionnelles : 8 %

TVT plus efficace pour prévenir l’IUE postopératoire chez les patientes avec une IUE avérée en pré-opératoire Chez les patientes avec une IUE masque pré-opératoire pas de bénéfice à rajouter un TVT qui augmente le risque de difficultés mictionnelles.

incontinence par urgences mictionnelles : 9,5 % 0 rétention permanente

HAV de novo (sans obstruction) : 13,33 %

Commentaires

sem = semaine, m = mois, IUE = incontinence urinaire d’effort, colposusp = colposuspension, TVT = tension free vaginal tape, transcut = transcutaneous, HAV = hyperactivité vésicale, * = NS (non significatif).

Groutz [62] 2004 prospective étude de cohorte NP3

IUE masquée n = 38

Barnes [61] 2002 rétrospective (étude de dossiers) NP4

IUE masquée n = 19

IUE masquée

Type IUE

Gordon [60] 2001 prospective NP3

Auteur/année type d’étude niveau de preuve

Tableau 2 Prévention de l’IUE au cours de la chirurgie du prolapsus par voie vaginale. (suite) Table 2 Prevention of SUI at the time of prolapse surgery by vaginal approach.

Incontinence urinaire et prolapsus génital S245

IUE masquée (test au pessaire positif) n = 49

Liang [21] 2004 prospective étude cas contrôle NP2

IUE masquée (test au pessaire avec épreuve d’effort) n = 53

Reena [20] 2007 prospective étude de cohorte NP3

6 sem

13,6 m

fronde sous-urétrale prolapsus apical/postgrade 3-4 n = 25 rien

22,5 m

fronde sous-urétrale prolapsus ant grade 3-4 n = 39

No TVT n = 30

IUE objective : 34 (64,2 %)

IUE : 0 %*

IUE : 13 %*

pas d’IUE post-opératoire

IUE objective : 52,9% IUE subjective : 64,7 %

No TVT n = 17

IUE subjective : 36 % IUE objective : 44 %

IUE objective : 0 % IUE subjective : 9,4 %

24 m

plicature

IUE subjective : 4 % IUE objective : 8 %

Résultats

TVT n = 32

26 m

Recul

TVT

Technique

19 (35,8 %) patientes restent continentes après la chirurgie

incontinence par urgences mictionnelles de novo ou aggravée : 4 %

incontinence par urgences mictionnelles de novo ou aggravée : 8 %

Hyperactivité détrusorienne idiopathique 0 %

hyperactivité détrusorienne Idiopathique 5,9 %

hyperactivité détrusorienne idiopathique 16 %

incontinence par urgences mictionnelles : 4 % plicature non efficace pour prévenir l’IUE de novo

incontinence par urgences mictionnelles : 12 %

Commentaires

sem = semaine, m = mois, IUE = incontinence urinaire d’effort, colposusp = colposuspension, TVT = tension free vaginal tape, transcut = transcutaneous, HAV = hyperactivité vésicale * = NS (non significatif).

IUE masque et IS n = 64

Clemons [64] 2005 rétrospective NP4

pas d’IUE masquée (test au pessaire négative) n = 30

IUE masquée

Type IUE

Meschia [63] 2004 prospective randomisée NP1

Auteur/année type d’étude niveau de preuve

Tableau 2 Prévention de l’IUE au cours de la chirurgie du prolapsus par voie vaginale. (suite) Table 2 Prevention of SUI at the time of prolapse surgery by vaginal approach.

S246 B. Fatton, C. Nadeau

Incontinence urinaire et prolapsus génital donc pour une politique restrictive de la prévention urinaire au cours de la chirurgie du prolapsus chez les femmes qui ne rapportent aucune fuite avant l’intervention [33]. Certains sont aussi favorables à une prise en charge en deux temps du prolapsus et de l’IUE dès lors que l’on a recours à une chirurgie par renforcement prothétique antérieur, y compris chez les femmes se plaignant d’une IUE avérée et ce en raison des modifications possibles à la fois dans l’orientation et dans la mobilité de l’axe cervico-urétral après ce genre de technique comme nous l’avons précédemment rapporté. Concernant les données disponibles sur le taux d’IUE postopératoire dans les suites d’une chirurgie pour prolapsus, on peut admettre une fréquence variant de 11 [34] à 22 % [35]. On retiendra aussi d’une étude prospective épidémiologique récente [36] (NP1) un taux de reprise de 7,5 % pour IUE secondaire à une cure de prolapsus. La réalisation d’une colposuspension selon Burch au cours d’une sacrocolpopexie par laparotomie chez des patientes ne décrivant pas d’incontinence réduit le taux d’IUE postopératoire (NP1). Il existe cependant un résultat contradictoire (NP1-2). Les patientes présentant une incontinence urinaire masquée constituent une population à risque pour la continence postopératoire (NP1-2). Chez les femmes présentant une IUE masquée, l’association d’un TVT à la chirurgie du prolapsus par voie vaginale réduit significativement le taux d’IUE postopératoire (NP2). En l’absence d’IUE masquée, il n’y a pas d’indication à réaliser un TVT au cours d’une chirurgie de prolapsus par voie vaginale (NP2-3-4). En cas d’IUE masquée et malgré la réduction significative du taux d’IUE postopératoire par un geste urinaire « prophylactique » associé, la décision doit se faire conjointement avec la patiente, loyalement informée, en prenant en considération les éventuels facteurs de risque et les effets indésirables imputables à la chirurgie de l’IUE (recommandations d’experts). En effet, en cas d’IUE masquée, 35 à 60 % des femmes restent sèches en postopératoire en l’absence de tout geste urinaire (NP1/ 2).

L’intervention pour IUE peut-elle influencer le résultat anatomique sur le prolapsus ? Nous aborderons plus loin les risques de décompensation des étages moyen et postérieur après les gestes de colposuspension vésicale isolés. Ce risque existe aussi quand la colposuspension est intégrée à une cure de prolapsus. Dans une étude prospective évaluant la sacrocolpopexie par voie cœlioscopique, Gadonneix [37] retrouve un risque significativement plus élevé de développer ou d’aggraver une rectocèle chez les patientes ayant eu un Burch concomitant par comparaison à celles ayant bénéficié d’un TVT (étude prospective de faible échantillonnage, NP2). Avec un recul de 2 ans il existe une différence entre la moyenne des points Ba et Bp chez les patientes ayant eu un Burch dans le même temps qu’une sacrocolpopexie par rapport à celles ayant eu une sacrocolpopexie isolée : le point Ba est mieux corrigé (– 2,2 +/– 0,9 versus – 1,8 +/– 1,1) et le point Bp est moins bien corrigé (– 2,0 +/– 1,3 versus – 2,3 +/– 0,8) [38] (étude prospective randomisée large effectif NP1). La question se pose aussi du possible intérêt des bandelettes sous-urétrales (BSU) dans la prévention du risque de récidive de cystocèle après chirurgie vaginale. En effet, il

S247 est apparu dans les suites des cures de cystocèle par prothèse antérieure par voie vaginale des récidives atypiques, limitées et évoquant des « urétrotrigonocèles ». Ces « récidives partielles » mais qui influencent directement la valeur du point Ba du score POPQ en postopératoire semblent pouvoir s’expliquer par un phénomène de rétraction du treillis prothétique dans le sens de sa longueur « accentuant » de fait les conséquences de l’échancrure naturelle du treillis dans sa portion antérieure et médiane et découvrant ainsi largement la région du col vésical et de la base trigonale de la vessie. Ce risque pourrait être réduit par la mise en place d’une BSU dans le même temps opératoire qui limiterait entre autre le déroulement de l’urètre dans sa portion proximale. D’autres mécanismes sont peutêtre en cause mais cet effet bénéfique des BSU avait déjà été démontré par Sand [39] au cours d’un travail prospectif randomisé (RCT, NP1 mais pour un objectif primaire de l’étude différent) réalisé pour évaluer l’efficacité d’un renfort antérieur ou postérieur par treillis de polyglactin 910 (Vicryl®) dans les cures de cystocèles ou rectocèles : en analyse multivariée l’association d’une bandelette sousurétrale réduit significativement le risque de récidive de cystocèle à mi-vagin ou au-delà (odds ratio 0,32 ; p = 0,005). La même équipe, dans un suivi longitudinal d’une cohorte de 148 patientes [40], retrouve un effet hautement protecteur de la bandelette sous-urétrale sur le risque de récidive de cystocèle (réduction de 54,8 % du risque de récidive chez les femmes avec BSU à 12 semaines). Cet effet protecteur persiste à un an avec un taux de récidive de cystocèles de 19 % dans le groupe BSU contre 42 % dans le groupe sans BSU (étude longitudinale de cohorte, NP3). De même Gandhi [41], dans une étude prospective randomisée évaluant l’intérêt d’un patch de fascia de cadavre pour renforcer la colporraphie antérieure, a retrouvé une réduction du taux de cystocèles postopératoires chez les patientes ayant eu une fronde par voie vaginale (étude prospective randomisée NP1 mais étude conçue pour un autre objectif). Ces données méritent néanmoins d’être confirmées au cours d’études prospectives spécifiquement conçues pour démontrer une telle corrélation. La colposuspension selon Burch associée à une sacrocolpopexie majore le risque de rectocèle secondaire en comparaison à une bandelette TVT (NP1-2). La mise en place d’une bandelette sous-urétrale réduit le risque de cystocèle après colporraphie antérieure (NP1-3).

IUE et prolapsus Une patiente présentant une IUE comme symptôme prédominant peut aussi être porteuse d’un ou plusieurs éléments de prolapsus symptomatiques ou non. La décision de recourir à une chirurgie du prolapsus dans le même temps que la chirurgie de l’IUE dépend à la fois de la gêne et de l’inconfort générés par le prolapsus mais aussi de l’influence éventuelle de la cure de prolapsus sur le résultat urinaire. Ainsi pour répondre à la question « en quoi le prolapsus modifie-t-il la chirurgie de l’incontinence ? », il faudra considérer plusieurs scénarios cliniques : • La patiente présente un prolapsus symptomatique justifiant une chirurgie concomitante. Dans ce cas, la chirurgie du prolapsus peut-elle avoir un impact sur le résultat urinaire ?

S248 • La patiente présente un prolapsus peu ou non symptomatique. Dans ce cas, plusieurs questions : quel est le degré de prolapsus que l’on peut négliger sans compromettre le résultat au plan urinaire ? Le prolapsus peut-il influencer le choix de l’intervention pour IUE ou sa réalisation au plan technique ? Chirurgie IUE et prolapsus dans le même temps Dans un essai randomisé comparant la colposuspension selon Burch versus la colporraphie antérieure (essai prospectif randomisé de faible échantillonnage, NP2) dans la prise en charge des femmes présentant une IUE avec une cystocèle de grade 2 ou 3 (au niveau de l’introït ou audelà), Colombo [42] rapporte, avec un recul minimal de 8 ans, un bon résultat du Burch sur l’IUE avec un taux de guérison de 86 % mais avec une récidive de prolapsus quel que soit l’étage dans 54 % des cas. Le résultat sur la statique pelvienne est bon après colporraphie antérieure avec un taux de succès de 97 % mais avec un taux de guérison de l’IUE n’excédant pas 52 %. Au total, l’auteur ne recommande aucune des 2 techniques pour la prise en charge d’une IUE avec large cystocèle associée. Milani [43] en 1985 rapportait un taux de guérison de l’IUE plus faible après Burch ou Marshall Marchetti-Krantz chez les femmes présentant un prolapsus en préopératoire (NP3). Plusieurs travaux ont rapporté des taux de guérison de l’IUE après TVT associé à une chirurgie du prolapsus compris entre 85 et 94 % [44]. Huang [45] (étude prospective de cohorte, NP2) rapporte un taux de guérison subjective de l’IUE de 88,6 % et un taux de guérison objective de l’IUE de 84,9 % dans une cohorte de 50 patientes ayant bénéficié d’un TVT avec hystérectomie vaginale et colporraphie antérieure pour IUE et prolapsus. Dans une étude cas-contrôles, Rafii [46] n’a pas trouvé de différence significative entre les taux de guérison subjective et objective de l’IUE que le TVT soit réalisé de manière isolé ou conjointement à une hystérectomie vaginale ou à une chirurgie réparatrice du plancher pelvien (étude cas-contrôles d’effectif correct, NP2). Un suivi longitudinal de cohorte [47] (NP3) et une étude rétrospective de cohorte [48] (NP4) confirment ces résultats. Une chirurgie pour prolapsus réalisée conjointement à un TVT n’altère pas le taux de guérison de l’IUE (NP2-3-4)

Chirurgie de l’IUE et prolapsus « négligé » Le prolapsus est ici modéré peu ou non symptomatique et la chirurgie ne prendra en charge que l’IUE. Dans ce cas, outre l’objectif d’une guérison de l’IUE il faut aussi s’efforcer de ne pas entraîner une décompensation rapide en postopératoire de la statique pelvienne. Certains choix techniques pourraient, sur ce point, s’avérer plus délétères que d’autres. Le risque de prolapsus après colposuspension selon Burch a été rapporté par plusieurs auteurs avec un taux de rectocèles variant de 32,4 % [49] (étude rétrospective de dossiers, NP4) à 66 % [50] (étude rétrospective de dossiers, NP4) selon les études. Le risque de prolapsus secondaire serait plus faible pour certains avec une incidence n’excédant pas 7 % avec un recul de 6 ans (suivi longitudinal de cohorte, effectif 90 patientes, NP3). Le taux de réintervention pour prolapsus est de 26,7 % pour Wiskind [50] dans une cohorte de 131 patientes opérées pour IUE selon la technique de Burch (étude rétrospective de dossiers, NP4). La variabilité dans les résultats rapportés tient probablement en partie à la réalisation technique mais sur-

B. Fatton, C. Nadeau tout au degré du prolapsus négligé au moment de l’intervention. L’autre préoccupation, lorsqu’on fait le choix de ne pas traiter un prolapsus au cours d’une chirurgie pour IUE, est d’éviter que ce prolapsus ne puisse constituer, pour des raisons mécaniques, si ce n’est un obstacle au moins une gêne à la reprise mictionnelle et à une bonne vidange vésicale. Négliger un prolapsus, notamment postérieur, au cours d’une colposuspension de type Burch expose à un risque accru de décompensation secondaire (NP3-4).

Bilan urodynamique et prolapsus Faut-il réaliser un bilan urodynamique en cas de prolapsus génital ou le bilan urodynamique permet-il de poser une indication de geste chirurgical complémentaire pour la continence en cas de chirurgie programmée pour prolapsus génital ? L’intérêt attendu de l’examen urodynamique vis-à-vis d’une chirurgie programmée pour prolapsus serait soit de faire poser l’indication d’un geste urinaire « préventif » chez les femmes ne décrivant pas d’IUE, soit de dépister le risque obstructif chez les femmes incontinentes à qui l’on souhaite faire, concomitamment à la cure de prolapsus, une cure chirurgicale de l’incontinence, soit de fournir des arguments pour choisir un geste urinaire plutôt qu’un autre. Autre paramètre potentiellement intéressant : la prédiction de la correction d’une incontinence urinaire par urgenturie serait aussi un paramètre potentiellement intéressant. Enfin, la réalisation d’un bilan urodynamique systématique pourrait permettre l’information de la patiente au cas par cas sur les risques de succès et/ou de complications de la chirurgie du prolapsus ou de l’incontinence. Avant de répondre à la question nous avons cherché à savoir si l’examen urodynamique chez la femme porteuse d’un prolapsus était reproductible et fiable. Dans un travail prospectif observationnel bien conduit comparant le refoulement du dôme par coton monté ou pessaire de type Gellhorn® ou hémispéculum, Veronikis et al. [51] montrent que la méthode même de réduction du prolapsus est responsable d’importantes variations des résultats de la mesure de la pression de clôture de l’urètre (PCMU) (NP1). Ce travail est toutefois construit dans l’objectif de dépister une baisse de la PCMU chez des patientes ayant un prolapsus totalement extériorisé (stade IV), il ne s’intéresse donc qu’à ce paramètre. De plus, les patientes ne présentaient pas forcément une fuite urinaire après réduction du prolapsus malgré un diagnostic urodynamique d’incontinence occulte. Concernant l’insuffisance sphinctérienne, plusieurs études concordantes retrouvent une augmentation de la PCMU en cas de prolapsus [4-5, 8-9, 51-52] et la réduction du prolapsus induit une baisse de la PCMU sans altérer les paramètres de remplissage vésical ou de pression [52] (NP2). Toutefois, ce résultat est à considérer avec certaines réserves puisque ces travaux sont hétérogènes de par les instruments de mesure, les stades de prolapsus et les méthodes de réduction employées. Concernant le Leak Point Pressure (pression de fuite), la réduction du prolapsus dans une population de femmes présentant des fuites urinaires prolapsus extériorisé ou réduit est associée à une baisse moyenne de la valeur du LPP de

Incontinence urinaire et prolapsus génital 16 cmH2O [53] confirmant donc l’effet « pelote » obstructeur propre au prolapsus. Il n’y a par contre pas de travaux comparant différentes méthodes de réduction entre elles pour confirmer la pertinence de cette donnée (NP2). Au total, concernant l’étude de la PCMU ou du VLPP, il semble y avoir une baisse de ces valeurs induite par la réduction du prolapsus, mais la reproductibilité du test est mauvaise. Smith et Appell [54] ont émis l’hypothèse d’un possible diagnostic d’une insuffisance sphinctérienne par mesure de la débimétrie chez les femmes porteuses d’un prolapsus. Leur travail testant cette hypothèse a montré que la débimétrie ne permettait pas de prédire une insuffisance sphinctérienne par augmentation du rapport débit/volume (NP1). Enfin, il faut prendre en considération, pour interpréter l’étude urodynamique de la femme ayant un prolapsus, le fait que la fonction urétrale (longueur fonctionnelle de l’urètre ou LFU) est altérée par le prolapsus surtout aux stades extrêmes (IV de la classification POP-Q) et ce indépendamment de l’âge. Cette variation liée au prolapsus antérieur va là encore dans le sens d’une amélioration de la continence puisqu’il s’agit d’un allongement de la LFU [55] (NP2). Les femmes incontinentes peuvent parfois, après chirurgie, présenter des troubles mictionnels obstructifs qui se résolvent plus ou moins rapidement et complètement. Dans le travail de Véronikis et al. [51], sur les 17 femmes ayant eu une intervention (colposuspension par bandelette de Mersilène®) pour incontinence occulte diagnostiquée sur l’urodynamique, le délai moyen du retour à des mictions spontanées était de 8 jours +/– 14 (0 à 40) avec en outre une patiente nécessitant toujours la poursuite des autosondages. Il peut donc être intéressant d’essayer de prédire ce risque iatrogène par un examen complémentaire pour informer les femmes de celui-ci et pouvoir proposer une chirurgie en deux temps si le risque apparaît trop important. Dans un travail rétrospectif (NP3) évaluant la valeur prédictive de l’urodynamique préopératoire à prolapsus réduit, Araki et al. [56] retrouvent que seules l’hyperactivité vésicale et l’hypocontractilité détrusorienne étaient prédictives respectivement de la persistance d’une urgenturie et/ou d’une incontinence par urgenturie, et de résidus post-mictionnels importants en postopératoire. Toutefois, cette étude comporte un niveau de preuve trop faible pour affirmer que l’examen urodynamique préopératoire permette de prédire les troubles mictionnels postopératoires. Il n’existe malheureusement pas de travail clinique comparant les résultats du traitement chirurgical du prolapsus avec ou sans urodynamique préopératoire. Seul un travail de simulation par modèle mathématique a été publié. Il concerne les patientes porteuses d’un prolapsus et incontinentes et conclut à une absence d’intérêt en termes de rapport coût/efficacité de l’examen urodynamique préopératoire comparativement à l’examen clinique classique [57]. La valeur de la PCMU dépend des moyens de réduction du prolapsus utilisés. Il n’est pas prouvé que l’examen urodynamique préopératoire permette d’indiquer un geste chirurgical complémentaire en l’absence de fuite urinaire démasquée à l’examen clinique. Son apport sur l’efficacité du traitement chirurgical proposé comparativement à l’examen clinique seul n’a pas été étudié (NP3).

S249 NP = niveau de preuve NP1/2 : étude dont le classement en niveau de preuve 1 ou 2 est difficile et sujet à débat. NP1-2, 1-3, etc : il existe pour cette recommandation des études de NP1 et 2, ou 1 et 3, etc

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