Psychose, mélancolie et hallucinations négatives chez le sujet âgé

Psychose, mélancolie et hallucinations négatives chez le sujet âgé

Annales Me´dico-Psychologiques 174 (2016) 185–188 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Communication Psychose, me´lancolie ...

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Annales Me´dico-Psychologiques 174 (2016) 185–188

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Communication

Psychose, me´lancolie et hallucinations ne´gatives chez le sujet aˆge´ Psychosis, melancholia and negative hallucinations in elderly Cyril Hazif-Thomas a,*, Philippe Thomas b a b

EA 4686 e´thique, Professionnalisme et Sante´, CHRU de Brest, 2, avenue Mare´chal-Foch, 29200 Brest, France Centre de Recherches Se´miotiques (CeReS), Centre hospitalier Esquirol, 87000 Limoges, France

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Disponible sur Internet le 4 mars 2016

Nous proposons, dans cet article, de faire le point sur les hallucinations ne´gatives chez la personne aˆge´e et sa prise en charge. Eˆtre capable de produire des hallucinations ne´gatives est une compe´tence paradoxale amenant a` halluciner a` propos de rien. Il en va de la repre´sentation de l’absence, a` vise´e antitraumatique. L’hallucination ne´gative du syndrome de Cotard est ainsi le marqueur d’une de´pression me´lancolique de pronostic re´serve´, parfois observe´e en psychoge´riatrie. La phe´nome´nologie des hallucinations ne´gatives est donc riche d’informations sur l’origine des symptoˆmes psychotiques aux aˆges tardifs. Les relations entre hallucinations, troubles de l’humeur et symptoˆmes ne´gatifs sont de plus difficiles d’appre´hension par les soignants et mal ve´cues par les proches. L’identification des manifestations hallucinatoires ne´cessite de`s lors une approche rigoureuse, d’autant plus indispensable qu’existe une tre`s grande he´te´roge´ne´ite´ des tableaux cliniques, notamment dans le syndrome de Cotard. ß 2016 Publie´ par Elsevier Masson SAS.

Mots cle´s : Hallucination ne´gative Traumatisme psychologique Me´lancolie Hypocondrie Personne aˆge´e Phe´nome´nologie Syndrome de Cotard Traitement

A B S T R A C T

Keywords: Cotard’s syndrome Elderly Melancholia Negative hallucination Phenomenology Psychological trauma Hypochondria Treatment

Negative hallucinations are an apparent abnormal inability to perceive an object or a person that is right before one’s eyes. To erase the reality hallucinate as well to about nothing is a paradoxical phenomenon. Negative hallucinations are characterized by a defect in perception of an object or a person, and a denial of their existence. This term highlights a specific defense mechanism, clumsy and ineffective attempt to represent an absence. Psychological trauma and negative hallucinations have a close relationship with Cotard’s syndrome, delusional theme of organ denial, observed in melancholic syndromes in geriatric psychiatry. Negative hallucinations require a phenomenological approach to identify their sense. A deficiency in symbolization is supposed in connection with neuropsychological deficits. Negative hallucinations create blank spaces, due to both an impossible representation and an incapability of investment in reality. The prevalence of this symptom is without doubt underestimated, although its presence often underlines thymic suffering that is more striking. These hallucinatory symptoms have an important impact on the patients’ daily life, and they appear to be prisoners of a suffering, that they cannot communicate. We propose in this article to review the clinical symptoms of negative hallucinations in the elderly and the way to manage them. The medicinal approaches are not always effective. A greater place must be given to non-pharmacological approaches, such as somatic ones, which can be either invasive (electroconvulsive therapy) or (transcranial magnetic stimulation). ß 2016 Published by Elsevier Masson SAS.

1. Introduction Le terme de « psychose » a e´te´ cre´e´ par Ernst von Feuchtersleben (1847) pour de´signer l’aspect aigu de la folie et son usage a e´te´ * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Hazif-Thomas). http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2016.01.014 0003-4487/ß 2016 Publie´ par Elsevier Masson SAS.

e´largi pour s’appliquer maintenant aux patients pre´sentant un de´lire et ou une importante alte´ration du sens de la re´alite´ et de soi [12]. Avec l’hallucination ne´gative, la personne e´prouve certes un ve´cu psychotique mais d’une manie`re violente, vivant en effet « la non-maıˆtrise de son corps, d’ou` la souffrance » massive et « l’effet de´personnalisant global » de chaque « effroi hallucinatoire ne´gatif » [14].

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2. Un temps d’observation exceptionnel dans la trajectoire clinique Rappelons que depuis l’Antiquite´, les hallucinations sont volontiers associe´es a` une image de´moniaque1 ou divine [15]. Mais depuis le XXe sie`cle, elles sont, avec l’essor de l’alie´nisme, pense´es me´dicalement, e´tudie´es me´thodiquement et range´es dans les maladies neuropsychiatriques. Il en re´sulte un syste`me de classification de plus en plus fin, avec l’individualisation de`s la fin du XIXe sie`cle d’hallucinations particulie`res, dites bientoˆt ne´gatives, faisant parler de de´lire des ne´gations. Ici meˆme, a` la Socie´te´ Me´dico-Psychologique, une e´tude du Dr Arnaud parue dans les Annales Me´dico-Psychologiques et intitule´e « Sur le de´lire des ne´gations », en novembre-de´cembre 1892, expose dans ses conclusions les points de synthe`se suivants : le de´lire des ne´gations syste´matise´es, a` e´volution progressive (type Cotard), est plus fre´quent chez la femme. Il ne se montre souvent qu’apre`s 55 ans et meˆme 60 ans. Dans un assez grand nombre de cas, il apparaıˆt apre`s un ou plusieurs acce`s de me´lancolie commune ; cela est vrai surtout quand on l’observe chez les malades relativement jeunes. Et dans les cas typiques, il ne se de´veloppe qu’apre`s une pe´riode plus ou moins longue de me´lancolie anxieuse. La conclusion ge´ne´rale est qu’a` ces divers points de vue, ce de´lire peut eˆtre conside´re´ comme une psychose tardive, souvent lie´e, ainsi que l’avait dit Cotard, « aux ve´sanies d’acce`s ou intermittentes ». Sa signification est reconnue comme grave, meˆme lorsqu’il doit gue´rir, car, d’ordinaire, l’acce`s dure alors tre`s longtemps. Dans ces observations, les ante´ce´dents he´re´ditaires sont certes inconnus ; mais dans beaucoup de cas, ils sont note´s « tre`s charge´s ». Par la suite, l’essor de la psychopathologie permet d’identifier une de´fense du Moi spe´cifie´e comme de´fense paradoxale, qui surgit d’abord dans le vocabulaire me´dical au contact du monde de l’hypnose che`re a` Bernheim et a` l’E´cole de Nancy, puisqu’il s’agissait de la non-perception d’objets ou de personnes, sur ordre donne´ par l’hypnotiseur [2]. Elle serait une forme de de´ni perceptif ayant pour but de supprimer activement une perception intole´rable [11]. Depuis la mise en œuvre des principes de l’evidence-based medicine, on a e´videmment retravaille´ la question, notamment dans son lien avec les e´tudes e´pide´miologiques. Si environ un quart des personnes aˆge´es de plus de 75 ans font l’expe´rience d’un e´pisode psychotique, les troubles de´mentiels e´tant l’une des causes principales [27], les hallucinations ne´gatives sont regarde´es comme e´tant beaucoup plus rares. D’abord, « si la rarete´ du syndrome est ave´re´e, l’affirmation de sa disparition de la sce`ne clinique psychiatrique semble maniche´enne », affirment Leistedt et al. [17]. Ensuite, sa re´alite´ clinique ge´rontopsychiatrique reste peu documente´e. Au plan e´pide´miologique, une e´tude chinoise de Chiu, mene´e a` Hongkong, indique toutefois une pre´valence de 0,57 % apre`s l’examen de 349 patients [6]. Les malades (262 femmes et 87 hommes d’aˆge moyen 74,8 ans) avaient tous e´te´ hospitalise´s dans le service de psychoge´riatrie pour des motifs d’admission classique : de´mence, de´pression majeure, anxie´te´ ge´ne´ralise´e. . . Dans cette e´tude re´trospective de dossiers, l’auteur rele`ve en effet deux cas de syndrome de Cotard avec de´pression majeure, dont l’un entendait des voix de fantoˆmes et e´tait convaincu que ses fils e´taient de´ce´de´s, alors meˆme qu’ils lui rendaient visite re´gulie`rement. Ce malade pensait de plus que ses intestins e´taient « bloque´s », son corps de´labre´. L’auteur remarque que les descriptions cliniques sont semblables dans les pays occidentaux et orientaux. 1 « Hallucinatory experiences are as old as humankind and until the 19th century, these experiences were generally attributed to mystical or divine sources such as gods or demons, whereas in modern times, hallucinations have generally been regarded as pathological and as signs of illness ».

Une autre e´tude de Berrios et Luque indique, d’apre`s une analyse statistique de 100 cas rapporte´s dans la litte´rature, l’omnipre´sence du trouble de´pressif, pre´sent dans 89 % des cas, aucune diffe´rence n’e´tant ici retrouve´e entre hommes et femmes. Les principales caracte´ristiques cliniques concernent les ide´es de´lirantes de ne´gation du corps : 85 %, celles de ne´gation de l’existence : 69 %, les pre´occupations hypocondriaques : 58 %, les ide´es d’immortalite´s : 55 %, l’anxie´te´ : 65 % et la culpabilite´ : 63 %. Il serait possible d’apre`s les auteurs de classer en trois cate´gories ce syndrome que Jules Cotard avait individualise´ de`s 1880 : la de´pression psychotique, le Syndrome de Cotard type I ou Cotard dit pur et rattachable a` un trouble de´lirant, et le syndrome de Cotard type II dans lequel les patients montrent de l’anxie´te´, de la de´pression et des hallucinations auditives [3]. 3. Analyse phe´nome´nologique L’inte´grite´ corporelle est essentielle a` la vie et cette re´alite´ e´merge douloureusement chez l’aˆge´ en perte d’autonomie psychique, se traduisant par une angoisse dite de vidage, de de´perdition identitaire. La dispersion des repe`res identitaires est ici une menace qui renvoie a` des angoisses de mort interne paralle`le a` l’effondrement de l’e´lan vital. S’y associe un re´el effondrement thymique qui cumule l’angoisse d’effondrement, majeure dans la me´lancolie, notamment hypocondriaque type Cotard [8], et l’angoisse de vidage (rupture de la continuite´ de soi, par exemple dans la pathologie de´mentielle de type Alzheimer), auxquelles tente de parer la de´fense hallucinatoire ne´gative. « L’agonie interne » e´voque cette « maigreur de cadavre, comme sont maigres certains fous que ronge une pense´e, car la pense´e malade de´vore la chair du corps plus que la fie`vre ou la phtisie » avance Maupassant [20]. On sait que Maupassant souffrait d’hallucinations [1] et qu’il e´tait poursuivi par un sentiment d’e´trangete´ a` lui-meˆme : « Je me dressai, les mains tendues, en me tournant si vite que je faillis tomber. Eh bien ? [. . .] on y voyait comme en plein jour, et je ne me vis pas dans ma glace ! [. . .] Elle e´tait vide, claire, profonde, pleine de lumie`re ! Mon image n’e´tait pas dedans [. . .] et j’e´tais en face, moi ! Je voyais le grand verre limpide du haut en bas. Et je regardais cela avec des yeux affole´s ; et je n’osais plus avancer, je n’osais plus faire un mouvement, sentant bien pourtant qu’il e´tait la`, mais qu’il m’e´chapperait encore, lui dont le corps imperceptible avait de´vore´ mon reflet. » Cette description litte´raire donne corps a` un regard tant personnel, donc teinte´ d’affectif qu’artistique. Minkowski fait de l’affectivite´ ce qui renvoie essentiellement a` l’intimite´, « point sensible » dans le ve´cu de la personne, la` ou` l’e´motivite´ trouve plutoˆt son fondement dans le phe´nome`ne de la re´sonance et du retentissement, sorte d’e´cho du domaine public, tre`s en vogue a` l’heure actuelle avec les reality show. Dans son travail phe´nome´nologique, Minkowski remarque que l’affectivite´ e´volue dans le plan anthropo-cosmique, la` ou` l’e´motivite´ re´fe`re a` celui plus somatopsychique de l’organisme. Dans ce dernier cas, on remarque l’intensite´ de son expression traduisant paradoxalement le caracte`re « superficiel », non nourrissant des e´motions. A contrario, la relation au cosmos a quelque chose a` voir avec l’aptitude de chacun a` mentionner ses sentiments, perceptions et souvenirs en relation avec son monde interne, ce qui pre´cise´ment fait de´faut dans certaines formes de me´lancolie et d’expression de la souffrance de´mentielle. La re´alite´ exte´rieure ne pouvant eˆtre reprise que par une re´alite´ inte´rieure, le trou identitaire interne fait apparaıˆtre, dans le de´lire de ne´gation, une « be´ance dans le monde ». Lie´ a` un contexte de vie plus actuel et de fac¸on assez caracte´ristique chez le sujet aˆge´, ce de´lire va souvent de pair avec une proble´matique hypocondriaque, lie´e elle-meˆme a` une cassure de « l’Eˆtre-avec » provoque´e volontiers par un e´pisode somatique

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dramatique : on remarque ici comment la de´pression « cotardienne », d’allure psychotique, vient exacerber un ve´cu plus ge´ne´ral de la personne aˆge´e fait de « situation impose´e d’isolement et de vide relationnel » [13]. Ainsi en va-t-il pour Madame B., 65 ans. Elle a e´te´ comptable avant de rester au foyer s’occuper de ses enfants (deux filles). Elle pre´sente un ante´ce´dent de ne´oplasie mammaire. La meˆme anne´e, elle faisait une tentative de suicide par e´lectrocution dans sa baignoire. Elle est entre´e en ge´rontopsychiatrie en hospitalisation libre. Sa premie`re phrase est caricaturale : « Tout est vide, ma teˆte est vide, mon sang ne circule plus dans mes mains. » Elle pre´sente un sentiment d’incurabilite´ et de culpabilite´ a` tonalite´ me´lancolique : elle pense eˆtre devenue un « de´chet ». Mais on ne retrouve pas la classique constitution anxieuse ne´gativiste. L’Imagerie ce´re´brale est normale. Le traitement associera pharmacothe´rapie et r-TMS : il permet d’entamer le « noyau thymique » du syndrome de Cotard fait « d’indiffe´rence, d’excitation ou d’inhibition me´lancolique mais jamais de doute angoisse´ » [26]. Aujourd’hui re´tablie sous lithium, sa surveillance s’organise autour des ide´ations suicidaires (le matin), mais aussi de l’anorexie et du sommeil. . . Nous avons eu la possibilite´ d’observer pour ce cas de syndrome de Cotard une ame´lioration substantielle sous r-TMS et non sismothe´rapie, comme l’attitude the´rapeutique classique le recommande, chez cette femme a` ce point e´prouve´e par des hallucinations ne´gatives rebelles a` toute mole´cule antipsychotique qu’elle en e´tait convaincue de n’avoir plus d’anus. La cible de stimulation e´tait le cortex pre´frontal dorsolate´ral gauche avec une intensite´ de stimulation de 100 % du seuil moteur, une fre´quence de 20 Hz pendant trois semaines (21 jours), soit un total de 33 600 impulsions. Le score a` l’e´chelle de de´pression MADRS avant la session e´tait a` 48/60. Apre`s les se´ances, le score e´tait clairement en ame´lioration a` 23. Cliniquement, les hallucinations ne´gatives avaient disparu et la personne a retrouve´ une capacite´ de dialogue initialement perdue. Insistons sur le fait que l’hallucination ne´gative inaugure une expe´rience du soi inse´re´ dans un monde e´trange que l’autre ne partage plus, d’ou` la souffrance noire du me´lancolique qui, aux prises avec la ne´gation d’organes, n’a plus de claire perspective lui indiquant ce qui est partageable ou non avec son entourage. Mais le symptoˆme hallucinatoire « positif » s’associe parfois aux symptoˆmes hallucinatoires ne´gatifs, comme chez Mme B. qui e´tait convaincue d’avoir des fe`ces sur le visage : difficile de rencontrer l’autre dans le fantasme dans ces conditions, mais quelle richesse inventive pour faire comprendre son impossibilite´ re´elle de la rencontrer et ainsi e´baucher un de´but de partage de de´fense plus efficace face a` sa douleur ! En meˆme temps, cela dit l’essentiel de la souffrance : « Entre l’e´cueil d’un objet trop pre´sent et celui d’un objet trop absent, d’un objet surinvesti ou de´laisse´, le sujet traumatise´ vit souvent une menace de non-existence et de nonrepre´sentation » [5]. 4. Conside´rations nosographiques et the´rapeutiques Ainsi, c’est parce que la peau est aussi cette chair qui me diffe´rencie de toute autre personne qu’elle est ve´cue comme bien autre chose qu’un sac d’organes [21]. L’atteinte profonde de la re´ciprocite´ du Je et du Tu, phe´nome`ne de´ja` pointe´ chez les patients psychotiques par Naudin et al. [23] dans leur analyse phe´nome´nologique des hallucinations, est une fois de plus ve´rifie´e. Ici, ce ne sont plus les ide´es qui sont disperse´es, comme dans la manie et sa fuite des ide´es [4], mais les e´prouve´s corporels, d’ou` une fuite des limites du corps, expliquant la possibilite´ de de´lires d’e´normite´ dans le syndrome de Cotard [7]. Arnaud appelait « l’e´volution ascendante de l’hypocondrie » un processus aujourd’hui parfois identifie´ comme « manic Cotard syndrome » [25].

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« L’association, paradoxale a` premie`re vue, d’ide´es de ne´gation et d’ide´es d’e´normite´ et d’immortalite´ sur un fond d’anxie´te´ me´lancolique, constitue le syndrome de Cotard. Ce syndrome a e´te´ conside´re´ comme signe de chronicite´ ; en re´alite´, il n’exclut point la possibilite´ de gue´rison ; il n’est pas non plus l’apanage exclusif des psychoses d’involution » rappelle Euge`ne Minkowski [22]. La question souleve´e par cet auteur est l’incapacite´ pour le malade de l’e´laboration symbolique d’une dissonance affect-e´motion a` l’origine des hallucinations ne´gatives. Notons ici la se´ve´rite´ des de´pressions bipolaires du sujet aˆge´, avec des pre´occupations centre´es sur le corps, pouvant prendre l’ampleur d’un syndrome de Cotard, avec une anxie´te´ majeure [16]. De´sormais pre´valent plutoˆt des hypothe`ses neuropsychologiques : notamment l’hypothe`se d’une de´connexion globale entre le syste`me limbique et toutes les aires sensorielles, avec rupture comple`te du contact e´motionnel avec le monde. Pour le Pr Fossati, la question se pose de savoir si les de´pressions du sujet aˆge´ repre´sentent un sous-groupe spe´cifique de de´pression particulie`rement sensible a` l’E´lectroConvulsivo-The´rapie (ECT) [9]. Sans doute, la sismothe´rapie reste le traitement de choix du syndrome de Cotard, surtout si est faite d’observation de crite`res d’endoge´nicite´ de la de´pression [18,19] : ralentissement, symptoˆmes somatiques, e´le´ments de´lirants congruents a` l’humeur, catatonie. . . Actuellement re´habilite´, ce traitement suscite encore des re´ticences, notamment dans son utilisation chez le sujet aˆge´. Chez le sujet vieillissant, les e´tudes retrouvent pourtant une efficacite´ identique a` celle du sujet jeune avec des re´ponses variant de 60 a` 98 % [24]. Mais son utilisation connaıˆt des limites en anesthe´siologie chez la personne aˆge´e et son acceptation n’est pas toujours aise´e. Or le consentement est crucial face a` tout acte me´dical et se contenter du consentement de la famille nous paraıˆt insuffisant ; aussi avons-nous propose´ en alternative la stimulation magne´tique transcraˆnienne, beaucoup mieux accepte´e psychologiquement que la sismothe´rapie [14]. Ces dernie`res approches sont assure´ment inte´ressantes puisque la de´pression re´sistant au traitement antide´presseur est plus fre´quente chez le sujet aˆge´, surtout lorsqu’il existe un de´lire [10]. Le recours possiblement plus rapide aux ECT chez le sujet aˆge´ expliquerait selon certains le taux plus e´leve´ de re´missions par rapport aux sujets jeunes [28]. De´claration de liens d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts.

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Discussion Dr J.-M. Vanelle.– Merci pour cette belle pre´sentation sur ce passionnant syndrome de Cotard. Comme votre e´vocation du Horla de Maupassant le sousentend, le syndrome de Cotard n’est pas spe´cifique ni du sujet aˆge´ ni des e´tats de´pressifs se´ve`re, puisque Maupassant est mort jeune d’une syphilis tertiaire. Deux remarques comple´mentaires :  le caracte`re volontiers centrifuge de ce de´lire qui peut s’e´tendre jusqu’a` des the`mes d’e´normite´ et d’errance e´ternelle dans l’uivers ou le cosmos ;  sa composante me´galomaniaque, dimension de bipolarite´ en filigrane ? Deux questions :  votre observation rapporte l’efficacite´ de la r-TMS dans un syndrome de Cotard, alors qu’habituellement, c’est une DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2016.01.014 0003-4487/ http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2016.01.015

indication d’e´lectroconvulsivothe´rapie, comme vous l’avez signale´. Avez-vous une explication ou une hypothe`se ?  syndrome de Cotard et de´mence. Est-ce une e´tiologie fre´quente ? Re´ponse du Rapporteur.– On peut retrouver des e´le´ments de pre´sentation type Cotard en neuropsychiatrie lors de le´sions vasculaires, tumorales, traumatiques, impliquant les re´gions temporo-parie´tales et frontales de l’he´misphe`re droit. De fac¸on plus ge´ne´rale, l’existence dans diverses de´mences de de´ficits se´mantiques se´ve`res peut provoquer des impossibilite´s pour nommer ou identifier les organes, d’ou` des the´matiques, surtout en contexte de de´pression comorbide, qu’on pourrait croire « cotardiennes ». Mais on retrouve dans la maladie d’Alzheimer une labilite´ des ide´es de´lirantes et une anosognosie qui redressent assez vite le diagnostic. Pour ce qu’il en est de l’approche the´rapeutique, il convient de privile´gier l’e´lectroconvulsivothe´rapie, meˆme si l’on doit aussi, comme dans cette observation, ne pas e´carter des approches nouvelles.