Psychothérapies psychanalytiques et psychanalyse : considérations métapsychologiques

Psychothérapies psychanalytiques et psychanalyse : considérations métapsychologiques

Pratiques psychologiques 11 (2005) 149–154 http://france.elsevier.com/direct/PRPS/ Dossier Psychothérapies psychanalytiques et psychanalyse : consid...

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Pratiques psychologiques 11 (2005) 149–154 http://france.elsevier.com/direct/PRPS/

Dossier

Psychothérapies psychanalytiques et psychanalyse : considérations métapsychologiques Psychoanalytic psychotherapies and psychoanalysis: metapsychological considerations C. Janin 1 17, rue de l’Abondance, 69003 Lyon, France

Résumé L’auteur expose sa conception de la pratique psychothérapique, issue directement de la pratique psychanalytique : elle consiste, à partir des singularités du patient, à proposer un cadre et un style de travail « sur mesure », lorsque la cure classique, qui reste pour lui un idéal de traitement, s’avère impossible à mettre en œuvre. © 2005 Société française de psychologie. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The author discuss his idea of the psychotherapeutic practice that stems directly from that of the psychoanalytic practice. On the basis of the patient uniqueness this practice offers a “tailored” background and style, when the classic cure, which the author considers as an ideal for treatment, becomes impossible to implement. © 2005 Société française de psychologie. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Transfert ; Contre transfert ; Cure type ; Psychanalyse ; Psychothérapie Keywords: Transference; Counter transference; Classic cure; Psychoanalysis; Psychotherapy

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Adresse e-mail : [email protected] (C. Janin). Membre de la Société psychanalytique de Paris.

1269-1763/$ - see front matter © 2005 Société française de psychologie. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.prps.2005.05.005

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En 1991, la Revue Française de Psychanalyse consacrait deux de ses numéros à la question des rapports entre psychanalyse et psychothérapie. Il n’est pas sans intérêt de rappeler, aujourd’hui encore, l’intitulé de ces deux volumes : « psychanalyse et idéal thérapeutique », pour le premier, et « psychothérapie et idéal psychanalytique » pour le second. Avec le balancement entre ces deux titres, nous avions souhaité, Paul Denis et moi-même, non seulement mettre l’accent sur la continuité existant à notre sens entre psychothérapie et psychanalyse, mais encore mettre en tension l’opposition présumée entre l’idéal psychothérapique et l’idéal psychanalytique, opposition que certains aphorismes freudiens avaient autrefois laissé supposer : chacun connaît en effet les formulations selon lesquelles « la guérison vient de surcroît » dans la psychanalyse (Lacan), tandis qu’il faudrait isoler « l’or pur », qui serait le propre de l’analyse, du « cuivre de la suggestion » qui concernerait lui, la psychothérapie ; certains ont pu, notions-nous alors, en interprétant abusivement ces aphorismes, considérer la guérison en psychanalyse comme transgressive, et s’abriter ainsi derrière une véritable phobie de guérir qui peut conduire, à l’extrême à une pratique de l’analyse pour l’analyse, sans préoccupation aucune de ses résultats ou du bien fondé de son indication. C’est avec ces malentendus que beaucoup de psychothérapies se sont développées, et que, comme le disait Freud dans les années 1920, de nombreux psychothérapeutes, sont venus — je cite — « cuire leur soupe à notre feu ». C’est encore l’or pur que Jacques Lacan, en 1958, évoquait en écrivant « la direction de la cure et les principes de son pouvoir » ; on ne peut qu’être frappé, en effet, par ces termes : « direction », « principes », « pouvoir », qui définissent un champ sémantique dans lequel le doute n’avait guère de place : la cure type était la « voie royale ». À cette certitude, la même année, Winnicott opposait un mode de pensée différent : « Pour moi, pas de différence entre psychothérapie et psychanalyse. Une question seulement : le thérapeute a-t-il une formation psychanalytique? » Il ajoutait : « L’analyse pour l’analyse ne signifie rien pour moi. Je pratique l’analyse parce que le patient a besoin de passer par-là. Si le patient n’a pas besoin d’analyse, je fais autre chose... quelque chose d’approprié à la situation ». Point de vue assez proche de celui développé tout récemment par Raymond Cahn, qui note, à propos des métaphores métalliques de Freud — l’or et le cuivre —, que « l’orfèvre travaille avec tous les métaux, tous les alliages. [Et] c’est sur ce qu’il en fait qu’il sera jugé ». (Cahn, 2003). Il faut, pour essayer de comprendre les questions liées à cette possible hiérarchie de valeur entre psychanalyse et psychothérapie, mettre en travail une contradiction qui habite le projet théorique de Freud : ce dernier, en effet, est hanté par un projet à proprement parler métapsychologique ; il s’est agi, comme l’a montré Jean-Luc Donnet, d’aller au-delà de la cure singulière pour fonder une anthropologie rendant compte de la façon dont la culture, la civilisation, s’emparent de la nature de l’homme pour en faire ce qu’il est. Le paradoxe tient en cela que c’est à partir d’une pratique qui ne concerne dans ses indications, qu’une fraction très limitée des individus — ceux qui peuvent développer une névrose de transfert analysable — que ce projet tente de se réaliser. C’est du travail de cette contradiction qu’est issu le développement de la théorisation analytique, de sorte que, partant de l’objet de son « modèle expérimental » — l’individu avec sa névrose de transfert analysable —, elle est contrainte de se porter au-delà de ses fondements. C’est ainsi que l’on peut comprendre que l’exploration de nouveaux territoires de la pratique psychanalytique dans lesquels le modèle du refoulement se révèle inopérant et

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nécessite alors l’élaboration d’une métapsychologie des faillites et des carences de la représentation, conduise à une relativisation de ce modèle qui lui a servi de fondement. C’est en partant de cette nécessité que Freud proposera une deuxième topique qui se portera au-delà des fondements de son projet initial, de sorte qu’on peut caractériser « la métapsychologie comme théorisant à cheval sur sa limite ». Donnet, dans cette perspective, nous permet de comprendre qu’il n’y a pas ici de fondements théoriques à une pratique qui attribuerait le bénéfice du traitement psychanalytique à certains et le soin psychique à d’autres, sauf à renoncer à l’exigence fondamentale de l’éthique théorique, que la psychanalyse, comme la psychothérapie, et comme leurs indications, se fondent métapsychologiquement. Les quelques réflexions qui suivent maintenant ont donc pour but d’essayer, de poser la question de la ligne de démarcation entre psychothérapie et psychanalyse ; il me semble en effet que le développement de la psychanalyse, soit à partir de la théorie Freudienne d’après 1920, soit à partir des auteurs post-freudiens, élargit ses propres champs d’applications, de façon telle qu’il est difficile parfois de s’entendre sur ce qui relève de la cure psychanalytique et sur ce qui n’en relève pas, voire s’y oppose radicalement. La complexité des « nouvelles donnes » de la clinique contemporaine est telle, que les analystes sont le plus souvent d’accord pour convenir que le setting classique de la cure type (position allongée ; analyste invisible ; 3 séances par semaine au moins...), ne garantit pas que le processus analytique advienne, et qu’a contrario, le processus analytique peut se rencontrer dans d’autres configurations de cadre que celle de la cure-type ; il ne me semble pas pour autant souhaitable de postuler une continuité à tout prix entre psychanalyse et psychothérapie : je pense qu’il est plus fécond de laisser travailler les contradictions plutôt que de les résoudre en en gommant les aspérités : ainsi a longtemps existé, chez certains psychanalystes, l’idée que les indications de la cure analytique peuvent être sans cesse étendues ; cette position est historiquement inscrite dans l’évolution du mouvement psychanalytique depuis sa création : c’est la passion de Ferenczi pour l’analyse des cas les plus difficiles, avec les aménagements techniques selon lui nécessaires, qui reste le modèle de cette position théorique. La question de la suspension de la représentation-but de la guérison qui viendrait distinguer, voire opposer psychothérapies et psychanalyse paraît singulièrement problématique dès lors que lorsque l’analyste a affaire à des patients qui subvertissent, au profit de leur destructivité, le processus analytique. Mais il va de soi que cette question de la thérapeutique doit être posée dans d’autres configurations cliniques dans lesquelles la question de la déliaison se pose ; c’est dire que la question du caractère thérapeutique de la psychanalyse n’a rien d’inactuel ! Le développement de prises en charge, par des psychanalystes, selon des méthodes spécifiques, de patients qui ne relèvent pas de la cure type, me paraît être un des axes d’abord de la question de la psychothérapie les plus prometteurs sur le plan épistémologique ; en effet, si, à un patient, est proposé un cadre différent de celui de la cure-type, c’est que l’analyste pense que le patient n’a pas la possibilité, même de façon très transitoire, de bénéficier du cadre analytique qui reste implicitement pour lui une organisation optimale du traitement. C’est ainsi qu’on peut comprendre la citation de Winnicott que j’ai rappelée au début de mon intervention. En d’autres termes, je crois que nous avons intérêt à réfléchir sur cette formulation de Jean-Luc Donnet selon laquelle, « s’il reste cramponné au postulat de l’étayage naturel du traitement » sur la méthode, le psychanalyste risque fort de voir son

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désir d’analyse s’exaspérer passionnellement au point de lui faire « préférer » la psychanalyse à son patient, et de « reprocher » à celui-ci de ne pas « profiter » de celle-là. Winnicott, ajoute Donnet, a attiré notre attention sur le paradoxe du « comment cesser psychanalytiquement d’être psychanalyste ». Selon moi, la différence majeure entre psychothérapie et psychanalyse concerne la nature de l’épreuve de réalité dans chacun des deux dispositifs. Je vous rappelle à ce sujet, ce que Freud écrit en 1913 dans « le début du traitement » : « Je tiens à ce que le malade s’étende sur un divan et que le médecin soit assis derrière lui, de façon à ne pouvoir être regardé... Cette inhibition de la motricité a, selon Freud pour effet l’apparition du transfert et son isolation, et donc sa caractérisation comme résistance : « Analyser, c’est favoriser l’éclosion d’une névrose de transfert... et donc empêcher que le patient ne se comporte comme un de ces primitifs (dont les) idées se transforment immédiatement en actes ». Dans la psychothérapie en face à face, comme le note Freud — et c’est même cette raison qui lui a fait « inventer » le divan —, cela n’est pas possible : « comme je me laisse aller, écrit-il, au cours des séances, à mes pensées inconscientes, je ne veux pas que l’expression de mon visage puisse fournir au patient certaines indications ». En d’autres termes, le face à face permet au patient d’expérimenter ce que sa mise en langage comporte comme virtualité de modification de l’Objet ; je précise que j’emploie ce terme de « virtualité », pour indiquer qu’il est impossible de se prononcer sur la « réalité objective » de cette modification, car elle n’est concevable que dans le transfert ; cette virtualité a un grand intérêt avec certains patients pour lesquels une telle expérience vient modifier un indépassable vécu d’« Hilflosigkeit », et permet d’instaurer les conditions psychiques requises pour l’instauration d’une cure type. Je voudrais rappeler dans cette perspective, l’intéressant point de vue développé par B. Brusset : « La question est de savoir si le mode de communication avec l’autre, qui facilite la communication avec soi-même et l’inconnu en soi-même, passe ou non par la perception de l’interlocuteur en face à face, la fonction sur soi de la perception de l’autre et son regard sur soi, et pas seulement de ses oreilles ». Tout cela nous ramène à Winnicott et au bon usage du champ transitionnel, dans lequel, avec le regard comme instrument corporel moteur, et donc actif, l’objet analyste est « saisi » et « touché » par le patient ; par la suite, dans un double-retournement ; le patient peut éprouver ce que son analyste peut « toucher » et « saisir » en lui, de lui : en d’autres termes, il a l’occasion de faire pour la première fois l’expérience d’un holding qui lui a fait originairement défaut. Ces buts assignés au face à face montrent bien, me semble-t-il, que l’Analyste paye de toute sa personne le renoncement qu’il a opéré par rapport à la cure-type, et qu’il doit intégrer des « paramètres » qui ne sont pas impliqués dans le paradigme de la névrose ». Je voudrais ainsi soutenir, avec P. Fédida, le point de vue selon lequel la psychothérapie, c’est une psychanalyse en plus compliqué. Ce renoncement et cette complication ne me paraissent pas avoir de meilleure illustration que celle offerte par la cure de Margaret Little par D.W Winnicott : après avoir fait une première analyse avec Ella Sharpe de 1940 à 1947, Margaret Little devint membre de la Société britannique, puis, déjà didacticienne et appréciée pour ses publications sur les patients borderlines, elle entreprit une nouvelle cure avec Winnicott entre 1949 et 1956, qu’elle reprendra pendant dix-huit mois en 1957. Voici ce qu’elle dit de cette cure analytique avec Winnicott : « Quelques semaines après [le début de l’analyse]... plusieurs reprises, je sentis la tension monter dans tout mon corps, atteindre son acmé et tomber pour revenir encore

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quelques secondes plus tard. Je lui attrapais les mains et m’y accrochais jusqu’à la fin des spasmes. À la fin, il dit qu’il pensait que j’avais revécu ma naissance ; pendant quelques minutes il me tint la tête, disant que, juste après sa naissance, un bébé pouvait avoir mal à la tête, la sentir lourde pendant un moment ». Et quelques lignes plus loin, M. Little décrit une attitude souvent adoptée par Winnicott : « Littéralement, il tenait mes deux mains serrées entre les siennes pendant de longues heures, presque comme un cordon ombilical, tandis que moi j’étais allongée, souvent cachée sous la couverture... Il lui arrivait, parfois, de somnoler, de s’endormir et de se réveiller en sursaut... » Et, encore quelques lignes plus loin, M. Little s’explique, essayant de décrire le mieux possible l’éprouvé de la séance, sur ce que Winnicott entend par « régression à la dépendance » : « À une époque, j’étais capable de me précipiter hors de la pièce, comme une furie, et de m’en aller en conduisant dangereusement. Il gardait mes clés de voiture jusqu’à la fin de la séance et puis me laissait me reposer toute seule tranquillement jusqu’à ce que je me sente en sécurité. Il attachait beaucoup d’importance au besoin de « revenir » d’une régression profonde à la vie ordinaire, car « régression à la dépendance » signifie régression à la dépendance comme facteur vital, régression jusqu’au stade infantile, voire quelquefois jusqu’à la vie prénatale » (Little, 1985). « Se révèle [...] dans la cure de M. Little, sur un mode quasi caricatural, comme le souligne R. Cahn, le débordement pulsionnel, la profondeur de la régression, l’impossibilité pour l’analyste d’exercer sa fonction impliquant une parole qui soit entendue en tant que telle, en tant que symbolisant, représentant ce qui se joue sur la scène de la psyché, dans la relation avec l’autre. Ici, face à l’acte pur — par la fuite, les attitudes corporelles, la violence incontrôlée contre soi et autrui —, l’analyste n’a d’autres ressources que la contention, le maintien contre vents et marées de la relation et d’un échange minimum, l’interprétation des actes sur un registre antérieur à toute possibilité d’expression langagière, l’accompagnement dans la régression jusqu’à ces zones où la fonction l’objet et le système de causalité — et, par la même occasion, l’écoute du matériel et la compréhension du contretransfert — se voient mis sens dessus dessous. [...] Plutôt que le rabattement indéfini, comme il en avait été lors d’une précédente expérience analytique, de ses pulsions libidinales et agressives sur elle seule, la contraignant à fonctionner en faux self analytique, expérience dont elle ne gardait qu’un souvenir amer, la reconnaissance du préjudice subi dans la réalité de la part de l’objet s’avérait donc incontournable » (Cahn, 2003). Cette reconnaissance repose, du côté de l’analyste sur l’utilisation de son contretransfert, non seulement comme outil de connaissance de la psyché de son patient, mais aussi comme moyen d’action sur cette même psyché. Mais c’est avec cette double valence du contre-transfert — moyen de connaissance/moyen d’action —, que se pose la question de l’influence, de la suggestion au sein de la pratique analytique avec ces cas difficiles. En d’autres termes, le risque n’est-il pas, dans la passion qui peut le saisir pour l’analyse des cas difficiles, que l’analyste, à l’instar de Ferenczi, puisse suivre une voie régressive par rapport à celle suivie par Freud, qui est passé de la pratique de la suggestion à celle de la psychanalyse ? Il me semble en tout cas qu’une telle préoccupation animait, en 1993, le questionnement d’André Green, lorsqu’il remarquait que « la recherche de voies nouvelles conduit trop souvent soit à exclure (des) cas de l’expérience analytique leur réservant l’application d’une psychothérapie de plus en plus éloignée de la « cure-type », soit à conduire à des variations techniques qui invitent, à mots plus

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ou moins couverts, à renoncer au nerf de l’analyse de transfert : l’interprétation. Cela pour lui substituer des attitudes contre-transférentielles qui souvent signifient un abandon de l’acte d’analyser ». Il faut d’ailleurs souligner, à propos de l’analyse de Margaret Little, que ce questionnement a été repris, d’une autre manière, par C. et S. Botella, dans leur rapport au congrès des psychanalystes de langue française de 2001, et plus récemment par Linda B. Hopkins qui, à partir de certains incidents de la cure de M. Little, a suggéré que « Winnicott n’ait pas eu la capacité de s’impliquer dans [la] destructivité [de celle-ci] » Chacune de ces critiques, faut-il le noter, met en cause, pour la première, l’évitement de la régression formelle dans la cure, et pour la seconde l’évitement contre-transférentiel mis en acte sous couvert de modifications techniques mises au service de contre-attitudes. Mais je voudrais souligner qu’il y a, dans le rapport des Botella une autre critique de la cure de M. Little par Winnicott qui mérite d’être évoquée et discutée. À partir de cette cure, C. et S. Botella se sont en effet demandés si des écrits psychanalytiques, tels ceux de Margaret Little, ou ceux de Winnicott témoignant de tels aménagements techniques « reflètent tout un champ nouveau de la psychanalyse non exploré par Freud ». À cette question, ils répondent par la négative, et je voudrais m’arrêter un instant sur leur commentaire, central pour mon propos d’aujourd’hui ; selon eux, « en récusant une place centrale au polymorphisme sexuel de l’enfant, une partie du mouvement analytique actuel serait conduite par la motivation inconsciente d’innocenter l’enfant ; [...] cette tendance de la psychanalyse contemporaine serait inconsciemment motivée par le refus d’envisager l’enfant comme étant toujours en quête de plaisir ; elle récuse le fait que l’enfant soit porté à investir l’objet parce que source de plaisir ». Elle serait donc, de ce point de vue, un retour aux théories prépsychanalytiques de la séduction. Mais je voudrais, en soulignant une phrase des Botella, introduire un peu de complexité dans cette opposition implicite entre cure classique et cure prépsychanalytique ; cette phrase, c’est : « Investir l’objet parce que source de plaisir »... C’est sans doute autour de cette affirmation, autour de ce : « Parce que », que le questionnement des Botella doit être mis en discussion. En effet, la clinique nous enseigne que les avatars de la constitution de l’objet ne définissent pas automatiquement celui-ci comme source de plaisir, bien au contraire. Il y a, par exemple, tout ce que la clinique des états psychosomatiques souvent sévères rencontrés chez de très jeunes enfants nous enseigne. Avec les hypothèses métapsychologiques que l’on retient habituellement dans de telles configurations cliniques — masochisme mortifère, traumas précoces, identifications inconscientes aliénantes à des objets encryptés chez les parents —, il s’agit toujours en fin de compte de décrire un objet qui s’est constitué, non pas selon le principe de plaisir, mais sur celui de l’en deçà ou de l’au-delà du principe de plaisir. Eh bien, je soulignerai pour conclure mon intervention que c’est bien, en effet la métapsychologie freudienne qui permet de poser — psychanalytiquement — l’indication d’une psychothérapie.

Références Cahn, R., 2003. La fin du divan ? Odile Jacob, Paris (p. 218). Little, M., 1985. Mon analyse avec Winnicott, in N.R.P No 33, 1986.