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Que deviennent les modifications thérapeutiques décidées au cours d’une hospitalisation en médecine interne ? Étude prospective franc¸aise monocentrique sur 2 mois What happens to therapeutic changes decided during an admission in an internal medicine ward? A two-month single centre prospective French study M. Coutellier ∗ , S. Mouly , V. Delcey , A. Lopes , C. Lloret-Linares , J.-F. Bergmann Service de médecine interne A, université Sorbonne Paris-Cité-Diderot, hôpital Lariboisière, AP–HP, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Médecine générale Prescriptions Hospitalisation Continuité des soins
r é s u m é Propos. – Au cours d’une hospitalisation en médecine interne, les prescriptions thérapeutiques des patients sont souvent modifiées. Nous avons étudié le devenir de ces modifications thérapeutiques au décours de l’hospitalisation. Méthodes. – Quatre-vingt-quatre patients ayant une prescription au long cours et un médecin traitant ont été inclus le jour de leur sortie d’hospitalisation d’un service de médecine interne parisien. Leurs traitements d’entrée et de sortie ont été déterminés d’après les comptes-rendus d’hospitalisation, et les patients ont été contactés deux mois après leur sortie afin d’analyser les éventuelles différences de prescriptions observées depuis la sortie de l’hôpital. Résultats. – Les traitements à l’entrée ont été le plus souvent conservés, avec 17,7 % de traitements retirés et 7 % de changement de traitement. Deux mois après la sortie, les modifications étaient maintenues dans 85 % des cas, l’ordonnance de sortie était renouvelée sans changement pour 77 % des patients. Les antihypertenseurs étaient la classe la plus souvent modifiée durant l’hospitalisation, avec des modifications maintenues à 65 %. Les antalgiques étaient l’autre classe la plus souvent modifiée, avec un taux de maintien global de 75 %. Les modifications thérapeutiques expliquées dans les comptes-rendus d’hospitalisation avaient un taux de maintien significativement plus élevé que celles non expliquées (100 % versus 79 %, IC95 % de la différence [0,09–0,27] ; p < 0,0001). Conclusion. – Les modifications de traitements décidées au cours d’une hospitalisation en médecine interne et prescrites à la sortie sont très fréquemment poursuivies en ambulatoire deux mois après la sortie, en particulier lorsqu’elles ont été expliquées dans le compte-rendu d’hospitalisation. © 2014 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI).
a b s t r a c t Keywords: General practice Prescriptions Hospitalization Continuity of care
Purpose. – During a hospitalization in an internal medicine department, drug prescriptions are frequently modified. We studied the course of these therapeutic changes after patients’ discharge. Methods. – Eighty-four patients with a long-term drug prescription and a registered general practitioner were included on the day of their discharge from an internal medicine department in Paris. Their medications before and after the hospitalization were established according to the discharge letter, and patients were contacted two months after discharge in order to assess the modifications that could have occurred during these two months after discharge. Results. – Medications prescribed before the admission were often preserved, 17.7% were withdrawn, and 7% were switched to another medication. Two months after discharge, 85% of the modifications were maintained, the discharge drug prescription was renewed without a change for 77% of the patients. The
∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Coutellier). http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.04.014 0248-8663/© 2014 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI).
Pour citer cet article : Coutellier M, et al. Que deviennent les modifications thérapeutiques décidées au cours d’une hospitalisation en médecine interne ? Étude prospective franc¸aise monocentrique sur 2 mois. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.04.014
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drug classes that were the more frequently modified during the hospital stay were the antihypertensive therapies, with 65% of sustained modifications at two months, and analgesics, with 75% of sustained modifications. Therapeutic changes that were explained in the discharge letter were more frequently preserved at two months than those that were not explained (100% versus 79%, 95%CI of the difference [0.09–0.27]; P < 0.0001). Conclusion. – Therapeutic changes decided during a hospitalization in an internal medicine unit and prescribed at discharge are mostly preserved in outpatients two months after discharge, especially when the modifications are explained in the discharge letter. © 2014 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société nationale française de médecine interne (SNFMI).
1. Introduction
2.2. Analyse des prescriptions
L’hospitalisation est un événement fréquent, notamment aux âges extrêmes de la vie1 . Il s’agit souvent d’un moment particulier dans l’histoire thérapeutique des patients déjà suivis pour des pathologies chroniques : le motif d’hospitalisation génère la prescription de nouveaux médicaments ou la réévaluation du rapport bénéfice/risque de ceux déjà prescrits. L’ordonnance de sortie diffère donc souvent de celle d’entrée en hospitalisation [1–4]. Le changement de contexte de soin, avec le retour au domicile, peut être à l’origine d’incohérences, elles-mêmes facteur de risque de réadmission à l’hôpital, et de baisse de la qualité des soins, notamment en cas de communication inefficace concernant les prescriptions au long cours [5]. Plusieurs études ont ainsi retrouvé un nombre important de modifications thérapeutiques entre l’ordonnance de sortie hospitalière et les traitements prescrits par la suite en ambulatoire [6–8]. Par ailleurs, plusieurs auteurs évoquent le rôle du compte-rendu d’hospitalisation (CRH) pour diminuer ces incohérences, notamment en expliquant toutes les modifications thérapeutiques [1,2]. Cependant, aucune étude ne s’est spécifiquement intéressée au devenir des changements thérapeutiques décidés à l’hôpital dans les mois suivant l’hospitalisation. Dans cette étude, nous avons donc cherché à déterminer quelle était l’évolution des modifications thérapeutiques décidées en hospitalisation deux mois après le retour au domicile, et l’éventuelle influence du contenu des CRH sur le devenir de ces modifications.
Les modifications détectées entre le traitement d’entrée et celui de sortie d’hospitalisation ont été classées en : • ajout de traitement ; • changement d’un traitement prescrit par un autre, dans la même indication (switch) ; • retrait de traitement. Dans chaque cas, nous avons déterminé si la modification était maintenue à deux mois de la sortie. Tous les traitements ont également été classés selon leur classe thérapeutique. En complément de l’analyse principale, nous avons recherché en critère secondaire si les modifications de traitement expliquées dans le CRH avaient, à deux mois, un devenir différent. Les traitements prescrits pour une durée limitée préétablie n’ont pas été analysés. L’analyse des modifications n’a pas tenu compte des changements de posologie, ni des modifications concernant le passage d’une spécialité à une autre, ou au générique, pour le même principe actif ; de la même fac¸on, le passage d’une prescription d’une association fixe de molécules (par exemple Cotareg® ) à la prescription des deux molécules séparément (hydrochlorothiazide et valsartan) n’a pas été considéré comme une modification thérapeutique. Le paracétamol a également été exclu de l’analyse, en raison de l’usage symptomatique (selon le besoin) en automédication, et de sa disponibilité sans ordonnance.
2. Patients et méthodes
2.3. Analyse statistique
2.1. Inclusion et recueil de données
Les résultats de cette étude ont été exprimés en pourcentage pour les variables nominales, ou moyenne ± déviation standard pour les variables continues. Les proportions de modifications maintenues ont été comparées, entre celles mentionnées dans le CRH et celles qui ne l’étaient pas, par un test du Khi2 , ou un test exact de Fisher pour les petits effectifs. Toutes les analyses descriptives et comparatives ont été effectuées à l’aide du Logiciel Statview v9.0 (SAS Institute, Cary N.C., États-Unis).
Tous les patients hospitalisés dans le service de médecine interne de l’hôpital Lariboisière, ayant un traitement prescrit au long cours au moment de l’hospitalisation et un médecin traitant non hospitalier, sortants d’hospitalisation entre le 1er mars et le 30 avril 2012, ont été inclus de fac¸on exhaustive et successive. Leur accord pour participer à l’étude et être recontacté deux mois plus tard était recueilli oralement le jour de leur sortie d’hospitalisation. Les traitements d’entrée et de sortie d’hospitalisation ont été recueillis via les CRH. Le mode de rédaction de l’ordonnance de sortie (manuel ou informatique) était laissé à la discrétion de l’interne en charge du patient, l’informatisation des prescriptions de séjour incitant le plus souvent à une prescription informatisée. Le traitement prescrit par le médecin traitant à deux mois de la sortie a été recueilli lors d’un contact téléphonique avec le patient, ou un aidant, ou le médecin traitant en dernier recours. Afin de limiter les biais de l’étude, il a été demandé à chaque personne de lire les ordonnances.
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Données PMSI-MCO de la DREES.
3. Résultats 3.1. Population de l’étude Entre le 1er mars et le 30 avril 2012, 84 patients (âge moyen : 71 ± 17 ans) répondant aux critères d’inclusion ont été inclus le jour de leur sortie. Toutes les données ont pu être recueillies. Le recueil de données pour l’analyse de l’ordonnance à deux mois de la sortie d’hospitalisation s’est fait directement auprès des patients pour 71 d’entre eux, via un aidant pour trois patients déments, et via le médecin traitant pour dix patients injoignables. Il n’y avait pas de perdu de vue. Les caractéristiques des patients inclus sont résumées dans le Tableau 1. À l’entrée, chaque patient avait une prescription
Pour citer cet article : Coutellier M, et al. Que deviennent les modifications thérapeutiques décidées au cours d’une hospitalisation en médecine interne ? Étude prospective franc¸aise monocentrique sur 2 mois. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.04.014
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M. Coutellier et al. / La Revue de médecine interne xxx (2014) xxx–xxx Tableau 1 Caractéristiques des patients de l’étude, % (n). Hommes – Femmes Âge médian en années (extrêmes) Facteur de risque cardiovasculaire (au moins un) HTA Diabète Dyslipidémie Antécédent cardiovasculaire Bronchopathie chronique obstructive Maladie inflammatoire chronique Troubles cognitifs Hépatopathie alcoolique Infection par le VIH Néoplasie Pathologie psychiatrique Aides à domicile
57 %–43 % 72 65 % 58 % 39 % 36 % 45 % 18 % 6% 12 % 10 % 4% 17 % 17 % 17 %
(48–36) (19–101) (55) (49) (33) (30) (38) (15) (5) (10) (8) (3) (14) (14) (14)
contenant en moyenne 6,2 ± 3 médicaments, avec une médiane à 6 (extrêmes : 1 à 16). 3.2. Ensemble des prescriptions À la sortie d’hospitalisation, chaque patient avait une prescription contenant en moyenne 7,1 ± 3,4 médicaments prescrits au long cours (médiane : 7, extrêmes : 1–16). Douze patients (14 %) n’ont eu aucune modification thérapeutique au cours de l’hospitalisation. Sur les 522 médicaments prescrits à l’entrée pour les 84 patients, 92 ont été retirés (17,7 %), et 36 changés (7 %). Au total, 260 modifications thérapeutiques ont eu lieu pendant l’hospitalisation. Ces modifications étaient maintenues à deux mois de la sortie dans 85 % des cas (maintien de 89 % des ajouts et switchs, et de 77 % des retraits). Le Tableau 2 et la Fig. 1 détaillent ces modifications. L’ordonnance de sortie d’hospitalisation était renouvelée sans changement à deux mois de la sortie chez 65 des 84 patients de l’étude (77 %). 3.3. Répartition par classe thérapeutique Cette répartition apparaît dans la Fig. 2. La classe thérapeutique la plus concernée par les modifications de traitements a été celle des antihypertenseurs : 49 modifications (18,8 % du total), avec un taux de maintien global de 65 % à deux mois, inférieur à la moyenne de l’étude. Six des 12 ajouts étaient maintenus à deux mois, pour 10 des 14 switchs et 16 des 23 retraits. Vingt-quatre des 49 patients entrés avec une prescription d’antihypertenseur ont eu leur traitement modifié pendant l’hospitalisation. Les prescriptions de médicaments antalgiques ont été modifiées à 16 reprises, avec 75 % de maintien à deux mois. Six des huit patients entrant avec une prescription d’antalgique au long cours ont eu leur traitement modifié au cours de l’hospitalisation. D’autres classes thérapeutiques ont été concernées par plus de 10 modifications, avec des taux de maintien élevés : médicaments de supplémentation nutritionnelle (17 modifications, 88 % de maintien), inhibiteurs de la pompe à protons (15, 100 %), anticoagulants (14, 100 %), benzodiazépines et apparentés (14, 100 %), antidiabétiques oraux (13, 92 %), médicaments symptomatiques de troubles digestifs (13, 85 %), médicaments de supplémentation
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hématologique (13, 100 %), laxatifs (13, 100 %). Les prescriptions d’anticoagulants et d’antidiabétiques oraux étaient fréquemment modifiées pendant l’hospitalisation avec respectivement 33 % et 66 % de prescriptions d’entrée modifiées (5/15 et 10/15). Avec 6 ajouts, 7 retraits et 1 switch, le nombre de prescriptions de benzodiazépines et apparentés est resté stable au cours de l’étude. Huit classes thérapeutiques ont eu un taux de maintien de 100 %, sur un nombre de modifications faible (de 2 à 9) : les antiagrégants plaquettaires, les anti-arythmiques, les antidépresseurs, les 2-stimulants de courte durée d’action, les anti-comitiaux, les insulinothérapies, les traitements de fond inhalés et les antihistaminiques. 3.4. Modifications expliquées dans les comptes-rendus d’hospitalisation Sur les 260 modifications de traitements, 70 étaient mentionnées dans les CRH, au chapitre « évolution dans le service ». Cent pour cent de ces modifications de prescription expliquées dans le CRH ont été maintenues à deux mois versus 79 % (151/190) des modifications de traitement non expliquées dans le CRH (IC95 % de la différence [0,09–0,27], p < 0,0001). 4. Discussion Dans cette étude, une large majorité des modifications thérapeutiques décidées au cours de l’hospitalisation étaient maintenues après le retour au domicile (85 % du total). En considérant l’ensemble des prescriptions pour chaque patient, on retrouvait une ordonnance identique à la sortie d’hospitalisation et deux mois après pour 77 % des patients, indiquant une cohérence importante, mais perfectible, entre soins hospitaliers et ambulatoires. Cette concordance est peut-être en partie imputable à certaines caractéristiques du service où s’est déroulée l’étude : service de médecine interne et aval des urgences, proche de la médecine générale et des médecins généralistes qui l’entourent. En dehors des modifications de traitement antihypertenseur (qui représentaient presque une modification sur 5) et de traitement antalgique, les autres modifications avaient un taux de maintien d’environ 90 %. Il est vraisemblable qu’il s’agisse d’une marge difficile à abaisser. Elle peut être liée à l’apparition, après la sortie d’hospitalisation, d’événements cliniques révélant un effet indésirable ou une interaction, voire un manque d’efficacité. La demande, par les patients, de reprendre un traitement arrêté au cours de l’hospitalisation, peut également intervenir. Le taux de maintien relativement faible des modifications de prescription de médicaments antihypertenseurs doit inciter à une certaine prudence lors du maniement de cette classe thérapeutique en hospitalisation, en particulier pour les ajouts de traitements. De nombreux facteurs connus pour influencer la pression artérielle sont en effet intriqués dans un contexte d’hospitalisation (sommeil, anxiété, alimentation et hydratation, etc.), rendant les conditions de vie hospitalières très différentes de celles au domicile, et faisant de l’hospitalisation un moment peu propice à l’équilibration d’un traitement antihypertenseur.
Tableau 2 Ensemble des modifications thérapeutiques. Ensemble des modifications
Maintien à 2 mois
Introduction Nouvelle indication Majoration Switch (même indication) Retrait Total
113 5 32 71 221
Arrêt à 2 mois 91 % 63 % 89 % 77 % 85 %
11 3 4
Reprise à 2 mois 9% 38 % 11 % 21 39
23 % 15 %
Pour citer cet article : Coutellier M, et al. Que deviennent les modifications thérapeutiques décidées au cours d’une hospitalisation en médecine interne ? Étude prospective franc¸aise monocentrique sur 2 mois. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.04.014
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Fig. 1. Modifications par classe thérapeutique (HBP : hypertrophie bénigne de prostate ; BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; ADO : antidiabétiques oraux ; IPP : inhibiteurs de la pompe à protons).
Fig. 2. Évolution des prescriptions, par classe thérapeutique, deux mois après la sortie d’hospitalisation.
Pour citer cet article : Coutellier M, et al. Que deviennent les modifications thérapeutiques décidées au cours d’une hospitalisation en médecine interne ? Étude prospective franc¸aise monocentrique sur 2 mois. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.04.014
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Ce taux de maintien plus faible des modifications de traitement antihypertenseur pourrait par ailleurs expliquer les différences importantes constatées entre le traitement de sortie et le traitement à 15 jours ou un mois après l’hospitalisation, dans des études en contexte gériatrique [6] ou cardiologique [8]. Dans notre étude, nous n’avons pas retrouvé le bénéfice suggéré par une étude hollandaise, au cours de laquelle 25 % des patients hospitalisés avec une prescription de benzodiazépine ou apparenté ressortaient sans cette prescription, ce qui était interprété comme un sevrage favorisé par l’hospitalisation. En revanche, une étude prospective allemande de 1996 qui a suivi pendant 15 mois 130 patients souffrant d’une maladie chronique adressés en hospitalisation retrouvait un taux de modification par rapport au traitement d’entrée similaire à celui retrouvé dans notre étude [3]. Ces études paraissent malgré tout difficiles à comparer entre elles ou avec la notre, en raison de contextes très différents : études menées dans les années 1990, dans des services spécialisés, dans d’autres pays d’Europe où la formation des médecins généralistes est détachée des centres hospitaliers [9], au contraire de la France, où il a pu se produire, depuis la création du diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine générale, un rapprochement des pratiques entre médecine hospitalière et ambulatoire. Les limites essentielles de cette étude sont sa courte durée et l’utilisation de données déclaratives. En revanche, l’exhaustivité de l’inclusion des patients et la qualité du recueil des données, sans de perdu de vue, participent à renforcer les résultats de ce travail. Le caractère monocentrique, à défaut de nous permettre une analyse sur un nombre supérieur de prescriptions, nous a permis d’étudier un groupe homogène de patients. Le recueil des ordonnances d’entrée et de sortie, via le CRH, constituait une fac¸on pratique et relativement fiable de collecter ces données, puisque c’est le même soignant (l’interne en charge du patient) qui rédige le CRH et l’ordonnance de sortie, et que c’est également lui qui répertorie le traitement à l’entrée. Si une erreur de « recopiage » a pu à l’occasion créer une différence entre le traitement renseigné dans le CRH et celui véritablement prescrit, ce n’est vraisemblablement pas le cas dans une grande majorité de cas. De plus, lorsque le traitement d’entrée renseigné dans le CRH était différent du traitement véritablement prescrit, il correspondait tout de même à la connaissance qu’avaient les médecins hospitaliers du traitement d’entrée. Au total, en recueillant les données via le médium de communication entre les médecins hospitaliers et ambulatoires, nous avons pu le plus souvent obtenir des informations pertinentes pour analyser l’évolution des prescriptions, au prix de rares inexactitudes. Nous avons retrouvé une influence positive du contenu des CRH sur la continuité des prescriptions, puisque chaque modification expliquée dans le CRH était maintenue à deux mois. Ces données descriptives mériteraient d’être confirmées par une étude prospective randomisée, éventuellement multicentrique, incluant des services de spécialité. Cependant, plusieurs auteurs présentent déjà le CRH, et sa diffusion rapide voire immédiate, comme des
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outils importants pour favoriser l’observance, diminuer la iatrogénie, les interactions, et les coûts [4,10]. Cette démarche paraît essentielle et vient compléter celle de la réflexion entamée autour de l’établissement de listes de médicaments dits essentiels [11]. 5. Conclusion En conclusion, notre étude a permis d’observer une continuité de soin importante en termes de prescription médicamenteuse à l’issue d’une hospitalisation en médecine interne, avec un impact significatif de la communication entre médecins ambulatoires et hospitaliers à travers le CRH. Les internes et les médecins hospitaliers responsables de la rédaction des CRH mériteraient d’être sensibilisés à l’importance de cette source d’information pour le médecin ambulatoire dans la continuité des soins après la sortie d’hospitalisation. Plus généralement, ces données participent à faire considérer la qualité de la communication entre médecins ambulatoires et hospitaliers comme cruciale pour la continuité et la qualité des soins. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts avec cet article. Références [1] Singlard E [Thèse de doctorat en médecine] Adaptation des traitements chez la personne âgée hospitalisée : la justification dans le courrier de sortie est-elle vraiment un atout ? Grenoble: Université Joseph Fourier; 2012 [45 p.]. [2] Munday A, Kelly B, Forrester JW, Timoney A, McGovern E. Do general practitioners and community pharmacists want information on the reasons for drug therapy changes implemented by secondary care? Br J Gen Pract 1997;47:563–6. [3] Himmel W, Tabache M, Kochen MM. What happens to long-term medication when general practice patients are referred to hospital? Eur J Clin Pharmacol 1996;50:253–7. [4] Foulon V, Claeys C, De Lepeleire J, Chevalier P, Desplenter F, De Winter S, et al. Comment optimiser la continuité du traitement médicamenteux entre l’hôpital et le domicile ? J Pharm Belg 2010;4:105–9. [5] Cykert S. Improving care transitions means more than reducing hospital readmissions. N C Med J 2012;73:31–3. [6] Lachamp M, Pauly V, Sambuc R, Thirion X, Potard I, Molines C, et al. Impact de la modification des prescriptions chez les sujets âgés hospitalisés en service de court séjour gériatrique en termes de coût. Rev Med Interne 2012;33:482–90. [7] Glintborg B, Andersen SE, Dalhoff K. Insufficient communication about medication use at the interface between hospital and primary care. Qual Saf Health Care 2007;16:34–9. [8] Cochrane RA, Mandal AR, Ledger-Scott M, Walker R. Changes in drug treatment after discharge from hospital in geriatric patients. Br Med J 1992;305:694–6. [9] www.remede.org [10] Van der Kam WJ, Meyboom de Jong B, Tromp TF, Moorman PW, van der Lei J. Effects of electronic communication between the GP and the pharmacist. The quality of medication data on admission and after discharge. Fam Pract 2001;18:605–9. [11] Thomas M, Arlet P, Aumaitre O, Cosserat J, Grosbois B, Guillevin L, et al. Les 100 médicaments essentiels. Une approche de médecine interne. Rev Med Interne 2013;34:460–4.
Pour citer cet article : Coutellier M, et al. Que deviennent les modifications thérapeutiques décidées au cours d’une hospitalisation en médecine interne ? Étude prospective franc¸aise monocentrique sur 2 mois. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.04.014