Quelle conduite devant une fossette sacrée ?

Quelle conduite devant une fossette sacrée ?

ARCPED-4044; No of Pages 4 Rec¸u le : 1er octobre 2014 Accepte´ le : 12 septembre 2015 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ...

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ARCPED-4044; No of Pages 4

Rec¸u le : 1er octobre 2014 Accepte´ le : 12 septembre 2015

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Mise au point Sacral dimple: What form of management is best? M. Zanello, M. Zerah, F. Di Rocco* Service de neurochirurgie pe´diatrique, hoˆpital Necker–Enfants Malades, 149, rue de Se`vres,

Quelle conduite devant une fossette sacre´e ?

75015 Paris, France

Summary

Re´sume´

A sacral dimple measuring less than 5 mm, within 25 mm of the anus on the median line, with no other cutaneous anomaly, does not require any complementary examination. Parents can be reassured. However, any cutaneous depression in the sacrolumbar region not respecting these criteria must be considered as an occult dysraphism until proved otherwise. A medullary ultrasound examination and a consultation with a specialist (pediatric neurosurgeon) are necessary. The dermic sinus is the main differential diagnosis, with favorable outcome in case of early treatment before any infectious complication arises. Conversely, the risk of permanent sequelae is high if neglected or in case of late diagnosis. ß 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

La conduite a` tenir face a` une de´pression sacre´e doit eˆtre syste´matise´e. La de´couverte d’une fossette mesurant moins de 5 mm, e´loigne´e de moins de 25 mm de l’anus sur la ligne me´diane, sans autre anomalie cutane´e ne justifie aucun examen comple´mentaire et permet de rassurer les parents. En revanche, toute de´pression cutane´e dans la re´gion sacro-lombaire ne respectant pas ces crite`res doit eˆtre conside´re´e comme un dysraphisme occulte jusqu’a` preuve du contraire. Une e´chographie me´dullaire et une consultation aupre`s d’un neurochirurgien pe´diatre sont a` prescrire au moindre doute. Le sinus dermique est le principal diagnostic diffe´rentiel, il est de bon pronostic si la prise en charge est pre´coce mais le risque de handicap de´finitif majeur est important s’il est ne´glige´ ou diagnostique´ avec retard. ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

1. Introduction

2. Diagnostic clinique

Les malformations de la moelle e´pinie`re affectent 0,5 a` 2 pour 1000 grossesses, ce qui en fait la deuxie`me malformation la plus fre´quente apre`s les malformations cardiaques. Longtemps au-dela` de toute ressource the´rapeutique, leur prise en charge est maintenant standardise´e. Un des facteurs pronostiques les plus importants est la pre´cocite´ du diagnostic et de la prise en charge. Il est donc important pour le clinicien de savoir distinguer toute anomalie ne´cessitant des explorations comple´mentaires. La fossette sacre´e typique, en revanche, doit eˆtre conside´re´e comme une variante du normal, ne ne´cessitant aucune exploration et permettant de rassurer les parents. Il est donc fondamental de la distinguer des autres anomalies qui sont des stigmates de le´sions dysraphiques occultes.

L’examen du nouveau-ne´ doit comporter l’examen de l’ensemble des te´guments. Une anomalie cutane´e dorsale est observe´e chez 5 % des nouveau-ne´s [1]. La plus fre´quente est une fossette sacre´e se re´sumant en une de´pression pre´sente au niveau du sillon interfessier. Une fossette sacre´e simple mesure moins de 5 mm, n’est pas e´loigne´e de plus de 25 mm de l’anus sur la ligne me´diane a` l’aplomb du coccyx et ne s’accompagne d’aucune autre malformation cutane´e [1] (fig. 1). L’examen clinique doit eˆtre re´alise´ sur un enfant nu, dans une pie`ce chauffe´e et e´claire´e. La de´couverte d’une fossette sacre´e doit s’accompagner d’un interrogatoire et d’un examen de´taille´ : des troubles mictionnels, des troubles intestinaux, une hyper-re´flexie et une hypertonie des membres infe´rieurs pouvant conduire a` des de´formations orthope´diques sont autant de signes orientant vers un syndrome de moelle attache´e [2]. La recherche d’autres anomalies de la ligne me´diane, telle une de´viation ou un allongement du pli

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (F. Di Rocco). http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2015.09.001 Archives de Pe´diatrie 2015;xxx:1-4 0929-693X/ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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ARCPED-4044; No of Pages 4 M. [(Figure_1)TD$IG] Zanello et al.

Figure 1. Fossette sacre´e simple : situe´e dans le pli interfessier, a` moins de 2,5 cm de l’anus sur la ligne me´diane et ne s’accompagnant d’aucune autre malformation cutane´e.

interfessier, doit eˆtre soigneuse. L’examinateur doit s’efforcer de de´plier au maximum la fossette afin de s’assurer de son caracte`re borgne. En aucun cas, un objet meˆme mousse (stylet, coton tige) ne doit chercher a` e´valuer la profondeur de la fossette [2].

3. Diagnostics diffe´rentiels Le principal diagnostic diffe´rentiel concerne les dysraphismes occultes. On en distingue deux formes :  les dysraphismes ouverts, malformations se ´ ve`res, le plus souvent diagnostique´es in utero, dans lesquels la moelle malforme´e est en contact du liquide amniotique puis de l’air sans protection cutane´e (mye´lo-me´ningoce`les, de´nomme´es a` tort du terme ge´ne´rique « spina bifida ») ;  les dysraphismes occultes, malformations formant un groupe he´te´roge`ne (lipomes du coˆne et du filum, diastomye´lies, kystes neurente´riques, sinus dermiques, limited dorsal myeloschisis (LDM) et des malformations syndromiques complexes telles que le syndrome de Currarino [3]). Le me´canisme d’apparition de ces dysraphismes occultes est encore mal connu [4]. Selon le type, on peut incriminer des troubles en rapport avec la gastrulation (diaste´matomye´lie, kyste neurente´rique), la neurulation primaire (lipomye´locystoce`le), ou plus souvent la neurulation secondaires (lipome du coˆne). Ils ne sont pas de´pendants de l’acide folique, et sont plus souvent de´crits chez les filles (jusqu’a` 75 % pour les lipomes du coˆne). Dans certaines formes, une origine ge´ne´tique a pu eˆtre propose´e [4]. Le syndrome cutane´ est la premie`re cause de consultation et de diagnostic chez l’enfant. Les anomalies cutane´es sont pre´sentes dans 90 % des cas et leur absence entraıˆne un de´lai de prise en charge [3] qui ne se fait qu’a` l’apparition, parfois chez l’adulte, de signes cliniques.

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Ces anomalies cutane´es permettent de classer les patients en trois groupes :  groupe a ` haut risque : deux (ou plus) le´sions cutane´es de tout type, lipome sous-cutane´, « queue de faune », sinus dermique, appendice caudal ;  groupe a ` faible risque : aplasia cutis, fossette atypique (fig. 2), de´viation du sillon interfessier ;  groupe a ` tre`s faible risque : fossette simple, he´mangiome, angiome plan, fibrome mou, nævus [5]. Les lipomes sont la forme la plus fre´quente des atteintes ferme´es du tube neural. On distingue les lipomes du coˆne (malformation impliquant la moelle e´pinie`re) des lipomes du filum (malformation beaucoup plus be´nigne). L’association entre un lipome du filum et une fossette est exceptionnelle n’exce´dant probablement pas le risque de la population ge´ne´rale [6]. Le lipome du filum est une infiltration lipidique du filum terminal pouvant toucher seulement une partie de ce dernier ou sa totalite´. Les racines de la queue de cheval sont libres et fonctionnelles. Les lipomes du filum sont ge´ne´ralement diagnostique´s apre`s la naissance devant des stigmates cutane´s. L’e´chographie doit eˆtre la plus pre´coce possible, au mieux avant la sortie de la maternite´ et permet le diagnostic. Cependant, l’examen de re´fe´rence reste l’imagerie par re´sonance magne´tique (IRM). Inutile en pe´riode ne´onatale, elle sera pratique´e apre`s le troisie`me mois et met en e´vidence un e´paississement du filum parfois uniquement visible sur les indispensables se´quences axiales ponde´re´es en T1. Une chirurgie prophylactique syste´matique est le plus souvent propose´e. Devant une

[(Figure_2)TD$IG]

Figure 2. Sinus dermique : fossette atypique en dehors du pli interfessier, a` plus de 2,5 cm de l’anus.

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Fossette sacre´e

atteinte neurologique ou urologique s’installant plus tardivement sur un lipome du filum passe´ inaperc¸u, la chirurgie ne permet le plus souvent que de stopper l’e´volution et ne conduit que rarement a` une re´cupe´ration comple`te [3]. Une autre atteinte pouvant eˆtre associe´e a` une fossette sacre´e est une moelle en position basse (coˆne terminal caudal a` L2). La pre´sence d’une moelle dite basse isole´e asymptomatique est le plus souvent une variante anatomique, ne ne´cessitant pas d’intervention chirurgicale, mais justifiant une surveillance clinique jusqu’a` l’acquisition de la marche et de la proprete´ [6]. Les autres dysraphismes ne´cessitent une prise en charge plus complexe qui ne peut se faire qu’en milieu neurochirurgical pe´diatrique. Le re´el diagnostic diffe´rentiel est le sinus dermique. Il se pre´sente sous la forme d’un pertuis cutane´, situe´ plus haut que la re´gion sacro-coccygienne et oriente´ vers le haut (fig. 2). Dans plus de 75 % des cas, d’autres anomalies cutane´es associe´es sont retrouve´es [7]. Des atteintes neurologiques ou sphincte´riennes lors du diagnostic ne sont pas rares. Le sinus dermique est un tractus creux borde´ par une structure e´pithe´liale reliant le plan cutane´ au canal rachidien ou a` la moelle e´pinie`re, dans plus de 60 % des cas [7]. Cette attache peut e´galement se faire plus rarement au travers d’un kyste dermoı¨de du filum ou du coˆne terminal [3,7]. La redoutable et principale complication est l’infection, responsable de me´ningites, d’empye`mes rachidiens ou d’abce`s me´dullaires gravissimes avec risque vital et laissant le plus souvent des se´quelles neurologiques de´finitives. Le diagnostic est donc une urgence. Devant toute suspicion de sinus dermique, une imagerie est ne´cessaire. Si l’e´chographie, de par sa facilite´ d’acce`s et sa rapidite´, peut suffire chez le nouveau-ne´, la suspicion de sinus dermique est la seule indication a` une IRM pre´coce. Les coupes axiales et sagittales ponde´re´es en T1 avec injection de gadolinium et suppression du signal lipidique (FATSAT GADO) sont les plus adapte´es au bilan morphologique complet, meˆme si la fin du tractus est difficilement visible [7]. La chirurgie doit eˆtre re´alise´e en urgence meˆme en l’absence de tout signe clinique.

4. Examens comple´mentaires La tomodensitome´trie (TDM) par rayon X et, a fortiori, les radiographies standards n’ont pas de place pour le de´pistage chez le nouveau-ne´ du fait de leur caracte`re irradiant. Leur seule indication est la recherche d’une age´ne´sie sacre´e souvent partielle et asyme´trique dans certaines formes syndromiques (syndrome de Currarino, syndrome de Vacterl. . .) [8]. L’IRM est l’examen de re´fe´rence pour explorer le contenu du canal rachidien. Cependant, elle ne peut eˆtre conside´re´e comme un examen de premie`re ligne en raison, outre son cou ˆ t et sa disponibilite´ limite´e, de la ne´cessite´ d’une immobilite´ stricte durant une pe´riode relativement longue. Sa re´solution peut eˆtre affecte´e par d’autres facteurs tels que les pulsations du

liquide ce´phalo-rachidien (LCR) [8]. L’e´chographie spinale (ES) est donc l’examen de de´pistage a` privile´gier chez les nouveaune´s devant toute suspicion d’atteinte du rachis. Sa sensibilite´ de´croıˆt tre`s rapidement apre`s la naissance du fait de l’ossification progressive des e´le´ments poste´rieur du rachis. Cette me´thode est peu couˆteuse, accessible et non irradiante. Elle reste ne´anmoins ope´rateur de´pendant et pre´sente une spe´cificite´ encore limite´e [8].

5. Indication des explorations L’association ame´ricaine de radiologie ne recommande pas d’exploration syste´matique devant une fossette sacre´e simple [9]. Toute atypie – fossette de plus de 5 mm, e´loigne´e de plus de 25 mm de l’anus sur la ligne me´diane, accompagne´e d’une ou de plusieurs malformations cutane´es – doit eˆtre e´value´e par une e´chographie [9]. Cette e´chographie doit eˆtre comple´te´e d’une IRM secondaire au moindre doute. En effet, il peut eˆtre difficile de poser un diagnostic de certitude sur l’e´chographie seule, l’IRM ayant alors un roˆle de confirmation. Seule la pre´sence de signes cliniques, d’une le´sion cutane´e atypique ou d’explorations positives doit conduire a` une consultation neurochirurgicale urgente, notamment en cas de doute sur l’existence d’un sinus dermique [2].

6. Conclusion Une fossette sacre´e est un diagnostic clinique. Toute fossette de plus de 5 mm, e´loigne´e de plus de 25 mm de l’anus sur la ligne me´diane, accompagne´e d’une ou de plusieurs malformations cutane´es, doit eˆtre explore´e par imagerie (e´chographie ou IRM). Le principal diagnostic diffe´rentiel est le sinus dermique qui est une urgence chirurgicale.

De´claration de liens d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts. Aucune aide, financie`re ou mate´rielle, n’a e´te´ attribue´e pour ce travail.

Re´fe´rences [1]

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