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Rev Neurol (Paris) 2006 ; 162 : Hors série 2, 4S235-4S243
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Conférence de consensus Texte du groupe bibliographique Quels sont les traitements medicamenteux symptomatiques ? P. Cintas Centre SLA, Hôpital Rangueil, Toulouse.
RÉSUMÉ La sclérose latérale amyotrophique est une affection neurodégénérative ne disposant pas de traitement étiologique curatif. Cependant, certains symptômes engendrés par la maladie peuvent être accessibles à des traitements. Leurs objectifs sont d’améliorer la qualité de vie et éventuellement la survie. Conjointement à une prise en charge physique, aux moyens de supports nutritionnels et respiratoires, divers traitements médicamenteux spécifiques peuvent être utiles. Cependant, malgré la fréquence de ces symptômes, peu d’études ont évalué l’action spécifique de ces médicaments dans la SLA. Leur utilisation est donc le plus souvent guidée par l’étude des pratiques médicales et les données issues d’autres affections neurologiques. Pour la plupart de ces thérapeutiques, les données bibliographiques ne permettent donc pas de statuer précisément sur leur impact sur la qualité de vie et la survie.
Mots-clés : Sclérose latérale amyotrophique • Traitement symptomatique
SUMMARY Drug therapy for symptomatic relief in ALS. P. Cintas, Rev Neurol (Paris) 2006; 162: Hors série 2, 4S235-4S243 Amyotrophic lateral sclerosis is a neurodegenerative disease that has no curative treatment. However, some symptoms of the disease can respond to specific treatments. The aim of these treatments is to enhance the patient’s quality of life and in some instances survival. Besides physical therapy, and nutritional and respiratory supportive systems, several specific medications can be useful. However, despite the frequency of these symptoms, few studies have evaluated the benefit of these medications in ALS. Their use is most often based on clinical experience or on studies conducted in other neurological diseases. So, for most of these medications, available evidence does not permit a precise evaluation if their impact on quality of life and survival.
Keywords: Amyotrophic lateral sclerosis • Symptomatic treatment
INTRODUCTION La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est une affection neurodégénérative d’étiologie inconnue caractérisée par une aggravation progressive des fonctions locomotrices, oropharyngées et respiratoires. Malgré la réalisation de nombreux progrès dans la compréhension de la maladie, aucun traitement étiologique ne permet d’interrompre l’évolution de l’affection. Cependant, comme dans de nombreuses affections neurodégénératives, la mise en place de traitements symptomatiques adaptés peut permettre d’améliorer la qualité de vie et éventuellement la survie. Dans cette revue bibliographique, nous avons exclu la prise en charge nutritionnelle et respiratoire relevant d’une prise en charge spécifique. Nous avons réalisé une analyse systématique des études de moins de 15 ans à partir des bases de données Medline, Embase, Pascal en utilisant les
mots clés suivants associés à « ALS » : « pain », « cramps », « spasticity », « emotional lability », « sialorrhea », « xerostomia », « fatigue », « depressive », « depression », « mood », « anxiety », « insomnia », « constipation », « colonic transit », « palliative care », « dyspnea ». Le niveau de preuve scientifique fourni par la littérature a été classé selon les recommandations de l’ANAES (Tableau I).
TRAITEMENT DES DOULEURS ET DES CRAMPES Les douleurs nociceptives et neuropathiques Peu d’études ont évalué spécifiquement la douleur dans la SLA. Il s’agit pourtant d’un problème fréquent dont l’incidence varie de 40 p. 100 à 73 p. 100 (Ganzini et al. 1999 ;
Tirés à part : P. CINTAS, Centre SLA, Service de Neurologie et d’Explorations Fonctionnelles Neurologiques, Hôpital Rangueil, CHU Toulouse. E-mail :
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Tableau I. – Niveau de preuve scientifique fourni par la littérature (ANAES). Tableau I. – Level of scientific proof in the literature (ANAES). Niveau 1 – Essais comparatifs randomisés de forte puissance – Méta-analyses d’essais comparatifs randomisés – Analyse de décision basée sur des études bien menées
Niveau 2
Niveau 3
– Essais comparatifs randomisés de faible puissance – Études comparatives non randomisées bien menées – Études de cohorte
Newrick et al. 1995). Les douleurs par excès de nociception sont les plus fréquentes. Elles sont le plus souvent secondaires à des rétractions myotendineuses, à des rétractions articulaires ou à la présence de points de compressions liés à l’immobilisation. Leur prise en charge repose en priorité sur l’éviction des causes potentielles, sur les mesures de kinésithérapie d’exercice, les massages et la physiothérapie. Aucune étude ne permet de déterminer une stratégie médicamenteuse spécifique éventuellement nécessaire. Par conséquent, il parait préférable d’appliquer les recommandations formulées par l’OMS utilisant successivement les différents paliers d’antalgiques. Pour les douleurs rebelles, la morphine semble efficace puisqu’elle a permis d’obtenir un taux de réponse au traitement de 80 p. 100, particulièrement en fin de vie dans une étude rétrospective de niveau 4 chez 124 patients atteints de SLA (O’Brien 1992). Les douleurs neuropathiques sont rapportées dans la littérature de façon exceptionnelle dans le SLA malgré la possibilité d’une atteinte sensitive histologique (Theys et al. 1999). En l’absence de données spécifiques, leur prise en charge repose sur les recommandations thérapeutiques générales issues, pour un grand nombre, d’études réalisées sur les neuropathies diabétiques et sur les algies post-zostériennes. Ainsi, les traitements antidépresseurs tricycliques et les antiépileptiques paraissent être les thérapeutiques de première ligne (Gordon et al. 2004 ; Dworkin et al. 2003).
Les crampes (Tableau II) Les crampes représentent les douleurs les plus fréquentes aux stades initiaux et intermédiaires de la maladie (Ganzini et al. 1999). Cependant, aucun traitement n’a été clairement évalué dans la SLA. Ainsi, seules des données issues d’autres contextes pathologiques sont analysables. Les dérivés de quinine (benzoate et sulfate de quinine) n’ont pas fait
– Études cas-témoins
Niveau 3 – Études comparatives comportant des biais importants – Études rétrospectives – Séries de cas – Études épidémiologiques descriptives
l’objet d’études randomisées. Leur efficacité a seulement été démontrée chez le sujet sain sur les crampes nocturnes (Dierner et al. 2002). Ce traitement expose à des risques immuno-allergiques rares mais potentiellement graves. De plus, la quinine peut aggraver les troubles de la jonction neuromusculaire par une action pré et post-synaptique (Sieb et al. 1996). De telles anomalies synaptiques étant présentes dans la SLA chez près de 50 p. 100 des patients, il est indispensable qu’une évaluation précise soit réalisée (Wang et al. 2001). Plusieurs séries de cas (niveau 4) ont rapporté une diminution des crampes sous antiépileptiques telles que la carbamazepine ou la phénytoïne en particulier dans les syndromes crampes-fasciculations, mais aucune étude randomisée n’a confirmé leur efficacité (Tahmoush et al. 1991 ; Zisfein et al. 1983). Aucune étude n’a évalué spécifiquement l’effet du gabapentin. Les données concernant le traitement par magnésium sont contradictoires. En effet, dans une étude randomisée en cross-over, un effet bénéfique était obtenu pour des posologies de 300 mg par jour (Roffe et al. 2002). Par contre, aucun effet n’a été observé dans une autre étude à des posologies plus importantes (Frusso et al. 1999). De fréquentes diarrhées ont été notées dans ces deux études. La vitamine E a démontré une efficacité chez les hémodialysés mais aucun bénéfice n’a été démontré sur les crampes rencontrées dans d’autres étiologies (Khajehdehi et al. 2001 ; Connoly et al. 1992). Aucune étude n’est disponible concernant l’amiodarone. Ainsi, malgré l’utilisation fréquente de traitements symptomatiques des crampes dans la SLA, il n’est pas possible de conclure sur leur efficacité et surtout leur innocuité. L’étude des pratiques médicales dans la SLA suggère cependant une efficacité supérieure des dérivés de quinine par rapport au baclofène, à la phénytoïne et au gabapentin (Forshew et al. 2003).
TRAITEMENT DE LA SPASTICITÉ (Tableau III)
Tableau II. – Traitements des crampes. Tableau II. – Treatment of cramps. Benzoate de quinine
120 à 360 mg/j
Carbamazepine
200 à 600 mg/j
Phenytoïne
100 à 300 mg/j
Magnésium
300 mg/j
La spasticité est à l’origine de douleurs, elle aggrave le handicap moteur, et réduit la qualité de vie. Une prise en charge rééducative peut permettre d’améliorer la symptomatologie. Plusieurs traitements médicamenteux bénéficient d’une AMM dans la spasticité. Seul le baclofène a été évalué par une étude randomisée dans la SLA (Norris et al. P. CINTAS
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Tableau III. – Traitements de la spasticité. Tableau III. – Treatment of spasticity. Baclofene
10 à 80 mg/j
Dantrium
100 à 400 mg/j
Diazepam
5 à 20 mg/j
Tizanidine
12 à 24 mg/j
1979). Dans cette étude de 20 patients, aucune différence significative n’a été retrouvée. Cependant en raison de biais méthodologiques, les auteurs de la méta-analyse Cochrane précisent qu’aucune recommandation ne peut donc être formulée dans la SLA (Ashworth et al. 2004). Les métaanalyses des études réalisées en particulier dans la sclérose en plaque peuvent toutefois aider le clinicien (Beard et al. 2003 ; Shakespeare et al. 2003 ; Chou et al. 2004). Elles ont évalué les quatre traitements disponibles : le baclofène, le dantrolène, les benzodiazepines, la tizanidine. Le baclofène est un analogue de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) dont l’efficacité a été démontrée depuis de nombreuses années. Il présente comme principaux effets secondaires des nausées et une somnolence. Afin d’éviter ce type d’effets latéraux et d’augmenter les concentrations au niveau du système nerveux central, l’injection intrathécale continue peut être proposée. Cette voie d’administration a été utilisée dans deux études de cas (niveau 4) dans la SLA. Malgré leur faible niveau de preuve, ces études suggèrent la possibilité d’une amélioration fonctionnelle secondaire à la diminution de la spasticité (Marquardt et al. 1998, 2002). Les benzodiazépines (diazepam) ont un mécanisme d’action proche. Elles se fixent sur un site spécifique des récepteurs GABA. La somnolence, les phénomènes de dépendance et de tolérance et le risque de dépression respiratoire limitent leur utilisation. Le dantrolène présente un mécanisme d’action périphérique par une action sur les mouvements calciques de la fibre musculaire. Son efficacité est modeste. Il présente l’inconvénient d’entraîner chez près de 50 p. 100 des patients une faiblesse musculaire pouvant aggraver le pronostic fonctionnel. D’autre part, les répercussions des modifications de l’homéostasie calcique sur un muscle dénervé n’ont pas été évaluées. Enfin, la tizanidine est un dérivé benzothiadozol possédant une action agoniste alpha 2 adrénergique. Les méta-analyses ont mis en évidence une efficacité et une tolérance équivalente du baclofène et de la tizanidine. (Beard et al. 2003 ; Shakespeare et al. 2003 ; Chou et al. 2004). Cette dernière semble entraîner une faiblesse musculaire moins importante mais cet élément n’a été observé que dans 2 des 6 études ayant comparé ces traitements (Bass et al. 1988 ; Rice et al. 1989). Actuellement, la tizanidine est disponible en France par autorisation temporaire d’utilisation après échec du baclofène et du dantrolène. Le gabapentin est un traitement antiépileptique ayant démontré son efficacité sur la spasticité dans 2 essais randomisés (niveau 1 et 2) mais ne dispose pas d’AMM dans cette indication (Beard et al. 2003). Dans la SLA, une série
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de cas semble montrer un bénéfice sur la spasticité (de Carvalho 2001). Cependant, les données issues d’une métaanalyse évaluant cette molécule en traitement étiologique de la SLA suggèrent un effet potentiellement aggravant sur la capacité vitale (Miller et al. 2001). L’ensemble de ces données suggère de privilégier chez le patient déambulant l’utilisation de baclofène et de tizanidine. Cependant, l’étude des pratiques médicales est plutôt en faveur des benzodiazépines et du dantrolène (Forshew et al. 2003). Une évaluation précise semble donc indispensable dans la SLA.
TRAITEMENT DU SYNDROME DE LABILITÉ ÉMOTIONNELLE (RIRE ET PLEURER SPASMODIQUE) (Tableau IV) La survenue de « rire et pleurer spasmodiques » est un symptôme fréquent et très invalidant. Cette labilité émotionnelle doit être différenciée des états dépressifs. Le mécanisme exact de ces manifestations reste indéterminé mais une origine pseudobulbaire est suspectée. Une seule étude randomisée a été réalisée dans la SLA. Il s’agit d’un essai multicentrique de niveau 1 comparant une association de dextromethorphan et de quinidine (AVP 39) à chacun de ces composants (Brooks et al. 2004). Le dextromethorphan pourrait agir par un effet antiglutamatergique, la quinidine ayant pour but de diminuer son métabolisme par effet de premier passage. La durée de traitement était de 28 jours. Un effet significatif a été obtenu sous AVP 39 sur les échelles de labilité émotionnelle et sur la qualité de vie. Par contre, 89 p. 100 des patients ont présenté des effets secondaires marqués par des nausées, une somnolence et des sensations d’instabilité. Des études complémentaires évaluant d’autres modes de titration ainsi que la tolérance à long terme sont donc indispensables. Les données de la littérature concernant les autres traitements sont issues d’essais randomisés dans d’autres pathologies neurologiques ou de séries de cas. Ainsi, il existe un haut niveau de preuve d’efficacité des antidépresseurs tricycliques (amitriptyline) ou sérotoninergiques (fluoxetine, sertraline, citalopram) dans les accidents vasculaires cérébraux sur des études de durée inférieure à 56 jours (House et al. 2004). Ces traitements paraissent d’efficacité équivalente, sans effet de classe. Une Tableau IV. – Traitements de la labilité émotionnelle. Tableau IV. – Treatment of emotion lability. Amitriptyline
10 à 150 mg/j
Fluoxetine
20 à 60 mg/j
Sertraline
50 à 200 mg/j
Citalopram
20 à 60 mg/j
Fluvoxamine L-dopa
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50 à 150 mg/j 300 à 1000 mg/j
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étude de cas a évalué la fluvoxamine dans un groupe de patients dont 40 p. 100 étaient atteints de SLA. Une diminution de la labilité émotionnelle était observée de façon précoce, entre 2 et 6 jours (Iannaccone et al. 1996). L’utilisation de L-Dopa et de lamotrigine a été proposée par d’autres séries de cas de SLA (Udaka et al. 1984 ; Ramasubbu et al. 2003). Malgré leur faible niveau de preuve dans la SLA, l’utilisation d’antidépresseurs tricycliques ou sérotoninergiques semble être à privilégier. Des données complémentaires sont nécessaires concernant l’association de quinine-dextromethorphan.
TRAITEMENT DES TROUBLES SALIVAIRES Les troubles salivaires affectent plus de 20 p. 100 des patients atteints de SLA (Rose 1987). Ils sont à l’origine d’inconfort, d’importantes répercussions sociales et exposent le patient à un risque d’inhalation. Dans la SLA, ces troubles salivaires sont le fait de modifications de consistance salivaire, de troubles de la posture céphalique, d’un défaut d’occlusion des lèvres et surtout de troubles de la déglutition. Par contre, le débit salivaire est le plus souvent diminué.
Traitements des hypersialorrhées par voie générale La salivation étant principalement contrôlée par l’innervation parasympathique, ces sécrétions peuvent être diminuées par des traitements anticholinergiques bloquant de façon réversible les récepteurs muscariniques. Aucune étude randomisée contrôlée n’a été réalisée dans la SLA. Ainsi, bien que l’amitriptyline soit le traitement le plus couramment utilisé, il n’a été évalué que dans une étude de niveau 4 réalisée chez des patients présentant une hypersalivation induite par la clozapine (Copp et al. 1991). De même, le trihexylphenidyl tend à montrer une action similaire dans ce type d’hypersalivation iatrogène (Spivak et al. 1997). Les seules études randomisées ont été menées chez les patients présentant une infirmité motrice cérébrale ou une maladie de Parkinson. Trois molécules anticholinergiques ont été évaluées dans des études randomisées: la benztropine, le glycopyrrolate et la scopolamine. La benztropine a démontré un effet significatif à des posologies moyennes de 3,8 mg/j avec un taux de réponse au traitement de 70 p. 100 (niveau 1). Les principaux effets latéraux étaient une irritabilité et une sècheresse buccale excessive (Camp-Bruno 1989). Le glycopyrrolate bénéficie d’un haut niveau de preuve à des posologies quotidiennes de 5,4 à 24 mg en nébulisation ou par voie intraveineuse (Mier et al. 2000). Il présente une action très significative y compris dans les formes sévères. Ses effets secondaires sont modérés, dominés par quelques modifications du comportement, des problèmes de constipation ou de rétention urinaire. Enfin, la scopolamine appliquée par voie transdermique a fait l’objet de
2 essais de niveau 4 incluant quelques patients atteints de SLA (Talmi et al. 1989, 1990). L’efficacité du traitement était jugée seulement de façon subjective avec un taux de réponse variant de 31 à 60 p. 100 selon les études. Le traitement était bien toléré en dehors de prurit sur le site du patch, d’une dilatation pupillaire et d’une asthénie. Le glycopyrrolate semble donc présenter le profil de tolérance et d’efficacité le plus favorable probablement en raison d’une durée d’action prolongée et de l’absence de passage de la barrière hémato-encéphalique (Tscheng et al. 2002). Cependant, seule la scopolamine est actuellement disponible en France. Pour les patients présentant des contre-indications aux anticholinergiques, une étude de niveau 2 a évalué de façon prospective la clonidine (0,15 mg/j) chez une population de 32 patients parkinsoniens sur une de durée de 3 mois (Serrano-Duenas 2003). L’hypersalivation était diminuée significativement à 1 mois et 3 mois. La tolérance étant globalement bonne, la clonidine peut représenter une alternative thérapeutique aux anticholinergiques.
Traitements locaux des hypersialorrhées L’administration de traitements locaux a été proposée afin de limiter les effets anticholinergiques systémiques. Ainsi, l’utilisation de gouttes de 0,5 mg d’atropine a montré un effet positif dans une étude pilote (niveau 3) chez des patients parkinsoniens (Hyson et al. 2002). Le traitement était globalement bien toléré mais 2 patients ont présenté des hallucinations. Une autre étude de faible niveau de preuve (niveau 4) a évalué le bromure d’ipratropium intranasal (Calderon 2000). Dans cette série de 10 patients, 60 p. 100 ont présenté une amélioration de leur hypersalivation avec un effet persistant à 6 mois. Seuls des effets latéraux mineurs étaient notés. Ces études pilotes tendent donc à démontrer une meilleure tolérance des traitements locaux. Cependant, elles nécessitent d’être confirmées par des études randomisées contrôlées afin d’évaluer plus précisément l’absence des signes systémiques. Plus récemment, l’utilisation de traitements locaux par toxine botulique dans les glandes salivaires a été proposée (Naumann et al. 2004). Elle agit par un blocage présynaptique des jonctions neuromusculaires des motoneurones mais aussi des neurones parasympathiques cholinergiques. Dans la maladie de Parkinson, l’efficacité de ce traitement au niveau parotidien et sous-maxillaire bénéficie d’un haut niveau de preuve (Mancini et al. 2003 ; Lipp et al. 2003 ; Ondo et al. 2004). Les deux types de toxine A ou B semblent efficaces. L’utilisation d’un guidage par échographie semble supérieure à un repérage anatomique (Dogu et al. 2004). Dans la SLA, la toxine botulique de type A a été évaluée dans une étude pilote (niveau 4) de 5 patients (Giess et al. 2000). Les injections étaient réalisées dans les glandes parotides par repérage anatomique et étaient éventuellement complétées par des injections sous-maxillaires. Une diminution marquée des troubles salivaires a été observée associée à une amélioration de la qualité de vie. L’effet
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du traitement disparaissait après 3 mois. Bien qu’aucun effet secondaire n’ait été noté dans cette étude, plusieurs cas d’aggravation des symptômes bulbaires par diffusion de la toxine aux muscles labio-glosso-pharyngés ont été rapportés (Tan et al. 2001 ; Winterholler et al. 2001). De rares cas de faiblesse musculaire globale après injection locale de toxine ont été rapportés (Mezaki et al. 1996). La présence de troubles de la jonction neuromusculaire dans la SLA peut potentiellement engendrer une situation à risque. Il est donc nécessaire de réaliser des essais impliquant un plus grand nombre de patients et évaluant plus précisément les répercussions motrices locorégionales et générales. Les traitements ORL par radiothérapie entraînent fréquemment une xérostomie. Dans une étude de 31 patients atteints d’hypersialorrhée, une diminution significative et durable des troubles salivaires a été observée chez plus de 60 p. 100 des individus après l’administration de 6 à 44 Gy (Borg et al. 1998). Dans la SLA, plusieurs études ouvertes (niveau 4) suggèrent aussi un bénéfice de la radiothérapie parotidienne (Stalpers et al. 2002 ; Harriman et al. 2001 ; Andersen et al. 2001). Les doses étaient variables de 7 à 14 Gy. Aucun effet indésirable grave n’a été observé. Par contre, les auteurs ont rapporté des phénomènes de brûlure transitoire et de rares xerostomies. Malgré le possible bénéfice de ce type de thérapeutique, plusieurs problèmes techniques doivent être précisés. Tout d’abord, le choix d’une cible sousmaxillaire et sublinguale ou d’une cible parotidienne reste indéterminé. D’autre part les données de la littérature ne permettent pas de préconiser une dose ainsi que son éventuel fractionnement.
Modifications de consistance salivaire (Tableau V) Les modifications de consistance salivaire jouent aussi un rôle important. La production d’une salive épaisse est sous la dépendance d’une innervation beta-adrénergique. Une étude pilote (niveau 4), non randomisée a évalué l’effet de traitements béta-bloquants dans la SLA (Newall et al. 1996). Les patients recevaient de façon quotidienne 30 mg de propanolol ou 50 mg de metoprolol. Près de 75 p. 100 des patients ont rapporté une diminution de consistance salivaire quelque soit le traitement. Les limites méthodologiques de cette étude (absence de randomisation, absence de groupe contrôle, évaluation subjective) ne perTableau V. – Traitement des hypersalivations. Tableau V. – Treatment of hypersalivation. Amitriptyline
10 à 150 mg/j
Scopolamine
1 patch/72 h
Trihexyphenidyl
5 à 15 mg/j
Atropine
0,5 à 2 mg/j
Clonidine
0,5 à 1 mg/j
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mettent cependant pas de conclure sur l’intérêt de ce type de traitement.
Xérostomie Les phénomènes de sècheresse buccale sont fréquents chez les patients présentant une atteinte bulbaire évoluée. Ils surviennent particulièrement la nuit en raison d’une respiration bouche ouverte et peuvent être associés à une hypersalivation diurne. Des mesures simples d’humidification, de soins de bouche citronnés sont le plus souvent suffisantes et efficaces (Forshew et al. 2003). L’utilisation d’agents agissant par voie systémique comme le chlorhydrate de pilocarpine a démontré leur efficacité dans les cancers ORL mais n’a pas été évaluée dans la SLA (Gornitsky et al. 2004). Cependant, l’association à des phénomènes d’hypersalivation diurne rend difficile la maniabilité de ce type traitement dans la SLA. De plus, une étude a comparé la pilocarpine aux sprays de salive artificielle dans des stades terminaux de cancer (Davies 1998). Un nombre équivalent de patients ont préféré l’un et l’autre de ces traitements. La pilocarpine était plus efficace mais les sprays de salive artificielle étaient mieux tolérés.
TRAITEMENT DE LA FATIGUE La fatigue est un symptôme fréquent dans la SLA. Son origine, probablement multifactorielle, reste indéterminée. Elle est associée à une mauvaise qualité de vie (Lou et al. 2003). Un essai ouvert (niveau 3) a comparé l’efficacité du modafinil à des posologies de 200 et 400 mg/j dans la SLA (Carter et al. 2005). Une diminution des échelles de fatigue dose-dépendante a été observée. Le traitement a été à l’origine d’effets secondaires modérés (diarrhée, insomnie, céphalées), sans sortie d’essai. Cependant, cette étude a été réalisée sur une période de seulement 2 semaines. Les données de la littérature concernant le modafinil dans la sclérose en plaque (SEP) ont montré des effets contradictoires (Rammohan et al. 2002 ; Stankoff et al. 2005). Une confirmation des résultats de cette étude préliminaire est donc nécessaire dans la SLA. D’autres traitements ont été évalués dans la SEP. Ainsi, l’amantadine entraîne une amélioration des scores de fatigue modérée et inconstante (Taus et al. 2003). Des données récentes pourraient suggérer une supériorité de l’acetyl L-carnitine sur l’amantadine (Tomassini et al. 2004). Cependant, aucun essai n’est disponible dans la SLA avec ces molécules. Le 3-4 diaminopyridine améliore la conduction des fibres myélinisées ainsi que la transmission neuromusculaire par un blocage des canaux potassiques. Une étude de niveau 1 réalisée dans la SLA n’a pas montré d’effet bénéfique sur les performances motrices (Aisen et al. 1996). La fatigue n’a pas été évaluée dans cette étude. Par contre, dans la SEP, cette molécule a montré un effet significatif sur la fatigue dans le sous groupe de
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patients présentant les taux plasmatiques les plus élevés (Rossini et al. 2001).
DÉPRESSION, ANXIETÉ, INSOMNIES Dépression La survenue d’une dépression peut se rencontrer à tous les stades de la maladie. Sa prévalence exacte, définie selon les critères du DSM IV, a été évaluée par un faible nombre d’études (Ganzini et al. 1998 ; Rabkin et al. 2005). Elle varie de 11 à 19 p. 100 et ne semble pas augmenter lors des 6 derniers mois de vie. Bien que l’état psychologique du patient ait un impact important sur la survie, aucune étude randomisée n’a évalué les traitements antidépresseurs dans la SLA (McDonald et al. 1994). Les traitements les plus utilisés sont les antidépresseurs tricycliques et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (Forshew et al. 2003 ; Bradley et al. 2001 ; Chio et al. 2001). Les méta-analyses des traitements antidépresseurs mettent en évidence un taux de répondeurs plus important pour l’amytriptyline. Ce bénéfice est cependant contrebalancé par un taux d’effets indésirables nécessitant de diminuer les posologies ou d’interrompre le traitement plus important (Guaiana et al. 2003 ; Barrett et al. 2005). Ces données sont confirmées par l’étude des pratiques médicales dans la SLA en Amérique du Nord où la posologie moyenne d’amytriptyline était de 66 mg (Forshew et al. 2003). Ces traitements permettent d’agir par ailleurs sur les syndromes de labilité émotionnelle.
Anxiété L’anxiété est un phénomène commun lors de pathologies compromettant le pronostic vital. Bien qu’il s’agisse d’une réponse « naturelle » face au décès, elle peut résulter de symptômes insuffisamment traités comme la douleur et surtout la détresse respiratoire. Bien qu’affectant près de 50 p. 100 des patients atteints de SLA en fin de vie, aucune étude thérapeutique prospective n’est disponible (Mandler et al. 2001). Une revue récente a évalué les traitements médicamenteux de l’anxiété en soins palliatifs (Jackson et al. 2004). Malgré la présence d’un niveau de preuve insuffisant (niveau 2), les traitements par benzodiazépines (plus particulièrement l’alprazolam) sont les mieux documentés. Les antidépresseurs, la buspirone, la chlorpromazine, l’haloperidol, l’hydroxyzine et la thioridazine ont été rapportés comme des thérapeutiques actives sur l’anxiété chez les patients cancéreux mais avec un faible niveau de preuve (niveau 3 et 4). La buspirone présente un profil de tolérance intéressant par rapport aux benzodiazépines (pas de sédation, pas de dépression respiratoire) mais son bénéfice maximal ne survient qu’au bout de 4 à 6 semaines. Ces thérapeutiques sont donc à considérer chez les patients résistant aux benzodiazépines.
Insomnie Les troubles du sommeil sont très fréquents dans la SLA. Comme pour les phénomènes anxieux, la prise en charge initiale repose sur l’identification et le traitement des causes : anxiété, dépression, troubles respiratoires, syndrome des jambes sans repos, crampes, inconfort positionnel. Le traitement de première intention repose sur les benzodiazépines malgré l’absence d’études spécifiques dans la SLA. L’utilisation de molécules présentant une demi vie intermédiaire est préférable afin d’éviter une sédation diurne ou à l’inverse un rebond d’anxiété diurne et des insomnies matinales précoces (Stiefel et al. 1999). Il est de même préférable d’éviter les structures triazolo qui semblent être à l’origine des phénomènes psychiatriques paradoxaux. Les analogues des benzodiazépines sont une alternative. Le zolpidem agit plutôt comme inducteur du sommeil et le zopiclone présente une pharmacocinétique plus lente, utile pour les réveils nocturnes. Les syndromes de jambes sans repos, rares, peuvent relever de traitements par benzodiazépines, agonistes dopaminergiques, L-Dopa ou gabapentin (Lesage et al. 2004).
CONSTIPATION La diminution de l’hydratation, les modifications alimentaires, l’immobilité et les traitements associés sont à l’origine de fréquentes constipations dans la SLA. Il existe une diminution du temps de transit colique pour laquelle l’implication d’une atteinte du système nerveux autonome a été suggérée (Toepfer et al. 1999). Malgré la forte prévalence de ces symptômes, aucune étude thérapeutique randomisée n’a été publiée dans la SLA. Seule une étude de cas (niveau 4) semble suggérer une efficacité de la néostigmine par voie intraveineuse dans les pseudo-obstructions coliques aigues (Fu et al. 2005). Le traitement repose en priorité sur les mesures non médicamenteuses (massages, hydratation, conseils alimentaires, éviction des causes iatrogènes). En l’absence d’étude spécifique, l’utilisation de traitements laxatifs peut être dictée soit par l’étude des pratiques soit par le niveau de preuve de ces thérapeutiques. L’efficacité des traitements « de routine » dans la SLA, perçue par les cliniciens, était équivalente (Forshew et al. 2003). De façon plus générale, les laxatifs osmotiques bénéficient du meilleur niveau de preuve dans la littérature (Ramkumar et al. 2005). Dans cette classe, les dérivés du polyéthylène glycol ont une efficacité supérieure et mieux documentée (niveau 1) que le lactulose (niveau 2) avec des effets secondaires (flatulences, ballonnements) moins fréquents. Les laxatifs hydratants (psyllium, bran, dioctyl sulfosuccinate) et stimulants (senna, bisacodyl) bénéficient d’un niveau de preuve plus faible (niveau 2 et 3) et ne semblent pas supérieurs au lactulose. Les données concernant leur action sur le temps de transit sont de plus contradictoires. Une étude pilote (niveau 3) a mis en évidence un effet très significatif de l’érythromycine. Ce traitement semble présenter l’avantage
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d’une action importante sur le temps de transit. Une confirmation de ces résultats est cependant nécessaire. Les traitements des constipations basses (dihydrogenophosphate, suppositoire de glycérine…) présentent un intérêt plus faible au long cours.
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misées contrôlées permettent de guider le clinicien. En particulier, il nous paraît indispensable de disposer de données évaluant l’impact de ces thérapeutiques sur la qualité de vie et sur le cours évolutif de l’affection.
RÉFÉRENCES
PRÉVENTION DES PHLÉBITES, ET DES EMBOLIES PULMONAIRES L’incidence exacte des complications thrombo-emboliques dans la SLA n’est pas connue. Elle semble faible, d’environ 1 p. 100 chez les patients présentant une atteinte motrice modérée (Cudkowicz et al. 2003). Aucune donnée concernant les stades plus évolués n’a été retrouvée. Le bénéfice de traitements anticoagulants préventifs n’a pas été évalué.
PHASE TERMINALE Selon une étude rétrospective récente, la plupart des patients atteints de SLA décèdent paisiblement (Neudert et al. 2001). Les traitements médicamenteux appliqués dans cette étude reposaient principalement sur les benzodiazépines et la morphine. Malgré l’absence d’études spécifiques à la SLA, la morphine est fréquemment utilisée pour le traitement de la dyspnée. Plusieurs études de niveau 2 ou 3 ont démontré son efficacité à la posologie de 5 mg sous-cutanés chez les patients présentant un cancer ou une bronchopneumopathie chronique obstructive (Thomas et al. 2002). L’effet persistait pendant 4 heures et n’était pas associé à une dépression respiratoire. Le traitement des facteurs associés comme la stase salivaire et l’anxiété peut apporter une aide supplémentaire. Le bénéfice de l’oxygénothérapie est par contre beaucoup plus incertain et peu documenté. L’instauration d’une sédation se justifie en présence de symptômes insuffisamment contrôlés. La réalisation d’études randomisées est difficilement concevable dans de telles situations. En phase terminale de cancer, une étude prospective a mis en évidence un effet bénéfique de la chlorpromazine par voie intraveineuse ou intra-rectale (McIver et al. 1994). Dans une série de cas internationale, le midazolam permet un contrôle satisfaisant des symptômes (Fainsinger et al. 2000). Il présente l’avantage d’une administration sous-cutanée. De plus, efficace sur l’anxiété, il peut permettre une utilisation précoce, en sédation contrôlée, temporairement réversible sous flumazenil.
CONCLUSION La SLA ne dispose pas de traitement étiologique permettant d’envisager une guérison. Les traitements symptomatiques représentent donc en enjeu essentiel visant à améliorer la qualité de vie et éventuellement la survie des patients. Cependant, malgré la fréquence de ces symptômes et la large prescription de ces médicaments, peu d’études rando-
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