EMC-Médecine 2 (2005) 596–604
http://france.elsevier.com/direct/EMCMED/
Radiologie interventionnelle thoracique Thoracic interventional radiology J.-P. Laissy Service de radiologie, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France
MOTS CLÉS Ponctions thoraciques radioguidées ; Embolisations bronchiques ; Embolie pulmonaire ; Filtre cave ; Syndrome cave supérieur
KEYWORDS Thoracic punctures; Bronchial artery embolotherapy; Pulmonary embolism; Vena cava filter; Superior vena cava syndrome
Résumé La radiologie interventionnelle thoracique fait, depuis plusieurs années, partie intégrante des moyens diagnostiques et thérapeutiques en pneumologie. Diagnostiques, car la tomodensitométrie permet des ponctions de lésions pulmonaires périphériques non accessibles à un accès endoscopique. Thérapeutiques, car les abcès pulmonaires et pleuraux sont traitables par drainage radioguidé, et parce que les traitements vasculaires sont de plus en plus diversifiés. Occlusions des fistules artérioveineuses pulmonaires, embolisations bronchiques, thrombolyse des embolies pulmonaires massives et pose de filtre cave, poses d’endoprothèses dans les syndromes caves supérieurs en sont les exemples les plus démonstratifs. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Thoracic interventional radiology includes a variety of diagnostic and therapeutic procedures that are currently used since several years in pneumology. Among diagnostic procedures, the most common are CT-guided fine-needle punctures of the thorax, in particular in peripheral lung lesions not accessible to endoscopy. There are two kinds of therapeutic procedures: the first one includes treatments obtained by direct puncture, such as drainage of lung and pleural abscesses. The second option consists in endovascular treatment of either arteriovenous fistulas, bronchial artery embolotherapy of massive haemoptysis, pulmonary artery thrombolysis of massive pulmonary embolism, vena cava filter placement, and stent placement in superior vena cava obstructions. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction En dehors des traitements endovasculaires pulmonaires ou bronchiques, le repérage scanographique a singulièrement facilité la radiologie interventionnelle thoracique, et la majorité des actes réalisés fait appel à cette technique. L’échographie n’a qu’un rôle mineur en procédures thoraciques, et n’est utilisée que pour repérer les collections pleurales cloisonnées ou de petite taille. L’utilisation de matériels de plus en plus performants et de Adresse e-mail :
[email protected] (J.-P. Laissy).
moins en moins vulnérants permet une bonne fiabilité globale des gestes diagnostiques au prix d’une innocuité accrue. On assiste de ce fait à un élargissement des indications thérapeutiques.
Ponctions diagnostiques Les ponctions ont vu le jour au cours des années 1970. Elles étaient effectuées initialement au moyen d’aiguilles de petit calibre et ne permettaient qu’une représentation cytologique des prélèvements. L’utilisation de véritables matériels biopsiques, par aspiration (Menghini) ou guillotine
1762-4193/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcmed.2005.07.001
Radiologie interventionnelle thoracique n’a pu avoir lieu que grâce à leur miniaturisation, autorisant la réalisation du geste par méthode coaxiale. Ce geste s’adresse aussi bien aux lésions pulmonaires que médiastinales. Les contre-indications spécifiques à la biopsie pulmonaire comprennent : • les patients non coopérants qui ne peuvent éviter de tousser ou qui sont incapables de rester immobiles pendant la procédure ; • les bronchopneumopathies obstructives sévères où le risque de pneumothorax est élevé, risquant de décompenser l’insuffisance respiratoire ; • l’hypertension artérielle pulmonaire évoluée. La biopsie de lésions proches du hile n’est en général pas indiquée car elle peut être faite au cours de l’endoscopie bronchique. La ponction transthoracique est une technique éprouvée dans le diagnostic des lésions focales pulmonaires. La fiabilité diagnostique de la ponction est de 90 à 95 % dans le cancer bronchique.1 Le diagnostic est essentiellement fondé sur l’examen cytopathologique du matériel aspiré avec des aiguilles de 20 à 22 G. Une des limites de cette technique est sa fiabilité relativement faible pour le diagnostic de lésions bénignes. Si le diagnostic de bénignité peut être apporté dans 80 à 90 % des cas, sa nature spécifique (granulome, hamartome) n’est précisée que dans 20 à 50 % des cas avec des matériels de petit calibre,2 mais peut s’élever à 70 % des cas en utilisant des matériels de calibre 18 G.1 L’utilisation de systèmes à guillotine ou de types pistolets automatiques par voie coaxiale a permis d’améliorer de façon significative le taux de succès diagnostique de cette méthode.1 Grâce aux nouvelles générations de scanners, la fluoroscopie tomodensitométrique (TDM) en temps réel est devenue possible, ce qui représente une avancée certaine pour la faisabilité du geste sur des petites lésions et/ou chez des patients peu coopérants.
Complications Le pneumothorax est une complication fréquente de la ponction transthoracique, les fréquences rapportées allant de 5 à 61 %. La nécessité de mise en place d’un drain thoracique est rare : 1,6 à 17 %. La survenue d’un pneumothorax dépend de la technique de ponction, et des conditions locales. Un point de ponction antérieur, un angle de l’aiguille avec la plèvre inférieur à 80°, une aiguille de gros calibre sont des facteurs favorisants. Un poumon emphysémateux, des lésions au contact de la plèvre ou des scissures, une chirurgie antérieure et la position du patient en décubitus dorsal sont des facteurs favorisants.3
597 Afin de réduire la prévalence de ces pneumothorax, il a été proposé de : • limiter le nombre de ponctions pleurales, un problème résolu par l’utilisation de systèmes coaxiaux où une première aiguille franchit la plèvre et est positionnée au contact de la lésion à biopsier, une seconde aiguille étant introduite dans la première, permettant la réalisation des biopsies ; • l’apnée pendant la ponction pleurale ; • l’instillation d’un caillot autologue le long du trajet de biopsie ; • et enfin le positionnement du patient permettant au point de ponction d’être dans une position déclive après la biopsie. Une autre complication relativement fréquente est l’hémoptysie au décours ou dans les suites immédiates de la ponction. Elle est rarement abondante, mais nécessite une surveillance particulière car l’on sait que les hémoptysies d’origine iatrogène sont souvent plus graves que les hémoptysies spontanées.
Technique Le repérage avant la procédure est un temps essentiel. En effet, il faut choisir le trajet balistique le plus court possible, et éviter à tout prix de traverser une scissure qui pourrait être ensemencée lors de l’avancée ou du retrait de l’aiguille en cas de ponction de tumeur maligne. Le trajet doit, bien entendu, éviter les côtes et se frayer un chemin dans un espace intercostal (Fig. 1). La taille du système de ponction doit être un compromis entre la qualité du prélèvement et le caractère le moins invasif possible de la procédure. Il a en effet été démontré que l’utilisation de gros calibre augmentait proportionnellement le risque de pneumothorax. En général, une aiguille de prélèvement de 21 G peut être introduite dans une aiguille coaxiale de 20 G et autorise des prélèvements interprétables par l’anatomopathologiste.
Ponctions et drainages radioguidés Les ponctions peuvent être utilisées à visée thérapeutique, notamment pour évacuer des abcès pulmonaires ou pleuraux. Le drainage pulmonaire est en général effectué intégralement par l’équipe radiologique, alors que le drainage pleural (épanchements dans des cavités cloisonnées, empyèmes) est en général réalisé par les pneumologues sous contrôle scanographique. En effet, les drains posés par les radiologues sont en général des matériels de petite taille, qui ont tendance à s’obstruer relati-
598
J.-P. Laissy
Figure 1 Ponction sous tomodensitométrie (TDM) d’un nodule du lobe supérieur droit. Compte tenu de son siège, le nodule est ponctionné par voie latérale en avant de la grande scissure pour éviter un éventuel ensemencement pleural. A. Mise en place d’un repère métallique en face d’un espace intercostal. B, C. Après vérification du trajet correct dans les plans sous-cutanés, l’aiguille est progressivement avancée sous contrôle TDM au contact de la lésion. Les prélèvements sont alors réalisés à l’aide de l’aiguille coaxiale introduite à l’intérieur de cette première aiguille de biopsie. D. Le contrôle TDM postponction objective une minime hémorragie intra-alvéolaire sur le trajet de l’aiguille.
vement rapidement, alors que ceux posés par les pneumologues sont de plus gros calibre, permettant un drainage plus efficace.
Technique Le drainage radiologique se fait par la méthode de Seldinger. Dans un premier temps, après avoir repéré le trajet de l’aiguille, on enfonce celle-ci jusque dans l’abcès. Après évacuation de liquide à visée bactériologique, un guide est introduit à l’intérieur du cathéter. Le cathéter est retiré, et remplacé par un train de plus gros calibre (14 à 20 F), multitrous.
Traitement des cavités aspergillaires Cette technique a été suggérée et utilisée par des équipes américaines et françaises. Elle consiste, au
sein d’une cavité aspergillaire, à injecter par voie percutanée un mélange d’antifongiques avec une cire liquide qui va progressivement se solidifier, libérant le principe actif dans une cavité en relative anaérobiose. Le mélange est constitué de Suppocire-C® mélangée à de l’amphotéricine B et à de l’éthiodol. Cela forme une pâte aseptique qui est chauffée immédiatement avant injection. Le produit de contraste mélangé à la pâte est du Lipiodol® ultra-fluide. La pâte solidifie à la température du corps. La réplétion de la cavité est obtenue en moyenne au bout de 2,5 sessions et les complications sont peu nombreuses, à type d’abcès ou d’hémoptysie dans moins de 10 % des cas. La quasi-disparition de la cavité aspergillaire est obtenue dans deux tiers des cas avec une négativation des sérologies.4,5 Les indications du traitement percutané des aspergillomes sont essentiellement les contre-
Radiologie interventionnelle thoracique indications à l’acte chirurgical : insuffisance respiratoire sévère (tuberculose, emphysème) altération majeure de l’état général, grand âge du patient, extension de la cavité aspergillaire, voire localisation bilatérale.
Technique L’injection de la pâte chaude se fait après avoir placé le patient dans une position idéale qui permet de traverser le poumon en direct, sans interposition de scissure. Une neuroleptanalgésie préalable est administrée par Hypnovel® et Diprivan®. Après anesthésie locale, la ponction est réalisée avec une aiguille de 18 G, composée d’un mandrin métallique et d’une gaine plastique qui est seule laissée en place pendant l’injection afin d’éviter un traumatisme local en cas de toux. Les injections sont en règle générale bien supportées, encore que des hémoptysies de faible abondance en fin d’injection ou quelques heures plus tard puissent être observées. Le mode d’action de la pâte d’amphotéricine B est lié certes à son effet mycostatique, mais le remplissage de la cavité aspergillaire par la pâte pourrait créer une atmosphère d’anaérobiose incompatible avec le développement mycélien. En revanche, une fois solidifiée dans la cavité, la pâte permet d’augmenter la durée de contact de l’antifungique avec le champignon.4
Traitements endovasculaires Malformations artérioveineuses pulmonaires Les malformations artérioveineuses pulmonaires ont commencé à être traitées par voie endovasculaire dans les années 1975. Parallèlement, la compréhension des interrelations entre l’atteinte pulmonaire et neurologique conduisant à des accidents vasculaires cérébraux emboliques chez ces patients n’a cessé de s’améliorer.6 Il faut d’emblée insister sur l’importance du bilan familial dans la détection des parents asymptomatiques. En effet, en particulier chez les sujets porteurs de malformations artérioveineuses pulmonaires multiples, on retrouve un contexte de télangiectasie hémorragique héréditaire dans 30 à 90 % des cas.6,7 Les symptômes pulmonaires sont habituels, et des antécédents d’épistaxis sont présents dans 80 % des cas. La dyspnée est retrouvée dans 70 % des cas, l’hémoptysie et l’hémothorax dans 10 % des cas. Il n’est pas rare de retrouver chez des patients paucisymptomatiques non traités une cyanose et un hippocratisme digital. Une histoire d’accident vasculaire
599 cérébral ou d’accidents ischémiques transitoires est retrouvée dans 20 % des cas, avec une fréquence élevée (supérieure à 40 %) de céphalées. Les abcès cérébraux sont un mode de révélation de la maladie, survenant parce que le poumon a perdu sa fonction de filtre. Les malformations artérioveineuses pulmonaires représentent en effet un shunt extracardiaque direct entre l’artère pulmonaire et la veine pulmonaire excluant le lit capillaire. Les symptômes surviennent parce que les caillots et les agents microbiens passent directement à travers ces courts-circuits dans la circulation systémique. La prévalence d’atteintes neurologiques est proportionnelle au nombre de malformations pulmonaires.6 Le diagnostic des malformations artérioveineuses pulmonaires a été considérablement facilité par l’utilisation du scanner et notamment du scanner spiralé. La découverte d’une fistule artérioveineuse pulmonaire peut faire recommander la réalisation d’un scanner cérébral, l’association à des malformations vasculaires intracrâniennes ayant été rapportée avec une fréquence pouvant atteindre 20 %.7 Le traitement endovasculaire s’adresse surtout aux patients symptomatiques. Initialement, les techniques utilisées faisaient appel aux ballons largables, mais depuis quelques années, avec la miniaturisation des matériels, on fait de plus en plus appel aux ressorts hémostatiques (coils).7,8 L’avantage des ballons détachables est qu’ils peuvent assurer une occlusion plus distalement et, de ce fait, plus définitive.9,10 L’association des deux matériels a également été utilisée avec de très bons résultats immédiats. Cette combinaison comprend la mise en place de coils surdimensionnés, suivie du largage d’autres coils de taille de plus en plus petite jusqu’à complètement oblitérer l’artère afférente de la malformation. À la fin de la procédure, un ballon de grande taille est largué de façon proximale par rapport aux coils. Grâce à ces techniques, le recours à la chirurgie est devenu exceptionnel. Le suivi après procédure objective une disparition des symptômes et une absence de récidive. La plupart des auteurs s’accordent pour recommander l’occlusion de ces malformations dès qu’elles dépassent 3 mm de diamètre.
Embolisations bronchiques Ce traitement est réservé aux hémoptysies graves. Il représente une alternative ou un complément à la chirurgie. L’artériographie bronchique est un geste préalable à toute thérapeutique, objectivant l’hypertrophie de la circulation artérielle bronchique,
600 et devant faire un bilan exhaustif de la circulation collatérale systémique.10 Tout geste d’embolisation doit, au préalable, s’assurer qu’aucune artère à destinée médullaire, trachéale ou œsophagienne, ne risque d’être oblitérée par le geste. L’utilisation de microcathéters a très nettement amélioré la sécurité de l’embolisation. L’hypervascularisation systémique bronchique ou extrabronchique est à l’origine de la grande majorité des hémoptysies. Tout défaut d’apport par la circulation pulmonaire est rapidement compensé par l’apport d’origine bronchique et, dans ce cas, le flux bronchique opacifie en isocourant la portion distale du réseau artériel pulmonaire avant de donner lieu à un retour veineux normal par les veines pulmonaires. Ce cas de figure ne doit absolument pas être traité par embolisation. En revanche, la destruction du lit capillaire pulmonaire par un granulome ou de la fibrose est responsable d’une hypervascularisation systémique bronchique qui shunte la vascularisation artérielle pulmonaire détruite. La circulation se fait au niveau du segment artériel pulmonaire intéressé à contre-courant. La tuberculose, la dilatation des bronches et l’emphysème sont les causes les plus fréquentes de cette hypervascularisation systémique bronchique. On considère qu’une artère bronchique est pathologique en cathétérisme sélectif lorsque son calibre est augmenté, que son trajet est sinueux et s’accompagne d’une hypervascularisation parenchymateuse, et lorsque son opacification s’accompagne de la visualisation de l’artère pulmonaire ou des veines pulmonaires dans le même territoire. Il faut insister sur les faux négatifs engendrés par l’injection préalable d’agent vasoconstricteur (Glypressine®). Point important Lors d’une artériographie bronchique, l’opacification de toutes les artères assurant la vascularisation systémique pulmonaire est nécessaire. La naissance de l’artère bronchique droite se fait en général par un tronc commun bronchointercostal naissant en regard de la 5e vertèbre dorsale, en regard de la clarté de la bronche souche gauche. Le cathétérisme de l’artère bronchique gauche est souvent plus difficile, avec une naissance plus aléatoire, encore que, dans la majorité des cas, cette artère naisse d’un tronc commun bronchique droit (inférieur)-gauche à la face antérieure de
J.-P. Laissy l’aorte, immédiatement au-dessous du tronc broncho-intercostal droit. Par chance, l’artère responsable du saignement est en général hypertrophiée donc facilement cathétérisable. Grâce à l’embolisation, l’arrêt immédiat du saignement est obtenu chez 77 à 95 % des patients.11,12 Le taux de récidives à 30 jours peut aller jusqu’à 15 %.11 Les récidives plus tardives peuvent atteindre 50 %,13 elles sont liées au recrutement de territoires collatéraux systémiques non bronchiques par la maladie sous-jacente. Technique Le cathétérisme des artères bronchiques se fait à l’aide de sondes de petit calibre, 4 F ou 5 F, de type Cobra. L’injection du produit de contraste se fait de façon manuelle, en faisant attention à bien purger la seringue d’air car l’opacification de l’artère d’Adamkiewicz est toujours imprévisible. L’opacification des différents pédicules vasculaires peut objectiver plusieurs blushs parenchymateux, mais l’embolisation ne doit être effectuée que dans le territoire qui saigne, tel qu’il a été observé en endoscopie bronchique (Fig. 2, 3). Il est important de ne pas faire d’embolisation proximale et, par conséquent, de ne pas utiliser de colle biologique, car le recrutement d’une circulation collatérale est la règle et le cathétérisme de l’artère bronchique doit pouvoir être reproductible en cas de récidive du saignement. Si un cathétérisme hypersélectif de l’artère bronchique en cause n’est pas possible avec ces sondes, il faut recourir à l’utilisation de microcathéters introduits par voie coaxiale (3 F) avant de débuter l’embolisation. L’usage de microcathéters assure la stabilité du matériel dans l’artère bronchique et permet une embolisation la plus distale possible, au-delà de la naissance des artères à destinée radiculomédullaire. L’embolisation est effectuée au moyen de particules non résorbables (Ivalon® ou mieux, Embosphères®). Ces particules doivent avoir un diamètre supérieur à celui des artères radiculomédullaires, soit 500 à 1 200 lm. Un diamètre inférieur à 250 lg risque en outre de provoquer une nécrose bronchique.12
Désobstructions artérielles pulmonaires Il est possible, dans les embolies pulmonaires aiguës massives, de proposer un traitement endovasculaire comme alternative à l’embolectomie chirurgicale. Deux procédés sont possibles : l’utilisation d’agents fibrinolytiques à type d’urokinase, (rTPA) tissu plasminogen activator ou de TPA,14 dont les
Radiologie interventionnelle thoracique
Figure 2 Hémoptysie massive provenant du lobe supérieur droit à l’endoscopie bronchique. A. L’artériographie d’une artère bronchique supérieure droite hypertrophiée démontre une hypervascularisation parenchymateuse dépendant de cette artère, et l’absence de rameaux médullaires ou médiastinaux. B. Après embolisation réalisée par l’intermédiaire de cette sonde, le contrôle postembolisation objective une dévascularisation complète du territoire hyperhémique.
résultats sont inconstants, et la thromboaspiration ou fragmentation mécanique des emboles dans les artères pulmonaires à l’aide d’un matériel dédié. Celui-ci consiste en un cathéter « queue de cochon » rotationnel, tournant autour d’un axe matérialisé par un guide rigide. La fragmentation mécanique peut être effectuée seule ou en association à la thrombolyse.14,15 La place de cette technique dans la prise en charge de l’embolie pulmonaire grave demeure limitée à certains centres. Technique La sonde queue de cochon, qu’elle soit utilisée pour une fibrinolyse in situ ou montée sur guide spécial pour fragmentation mécanique, doit être poussée dans le matériel embolique aussi loin que possible. La fragmentation se fait par rotation rapide ou en
601
Figure 3 Hémoptysie massive d’origine lobaire supérieure gauche à l’endoscopie. A. L’artériographie montre un tronc bronchique commun gauche-droit, et une hypervascularisation parenchymateuse tributaire de l’artère bronchique gauche. Pour préserver l’axe bronchique droit, l’embolisation hypersélective gauche à l’aide d’un microcathéter est décidée. B. Après embolisation, dévascularisation parenchymateuse bronchique gauche et conservation du flux artériel bronchique droit.
va-et-vient dans le caillot et son efficacité est vérifiée régulièrement par contrôles angiographiques successifs. La reperméabilisation partielle ou complète d’une artère segmentaire ou lobaire se manifeste par sa réopacification. Le cathéterisme d’un autre territoire artériel peut alors se faire, et ainsi de suite.
Mise en place d’endoprothèses caves supérieures et pulmonaires La mise en place d’endoprothèses caves supérieures a été proposée comme traitement palliatif des syndromes caves supérieurs chez des patients présentant des envahissements médiastinaux d’origine tumorale. Cette technique peut également être proposée sur des pathologies bénignes, comme la fibrose
602 médiastinale (post-irradiation, post-infectieuse notamment tuberculeuse). Il est également possible de traiter des sténoses des artères pulmonaires centrales dans ce contexte à l’aide d’endoprothèses. Les obstructions par une compression extrinsèque permanente (tumeurs malignes, processus de fibrose inflammatoire) les cicatrices après chirurgie ou irradiation, et les obstructions intraluminales (thrombus organisé, réaction intimale, valvule veineuse) sont des lésions qui relèvent des endoprothèses.2 L’obstruction de la veine cave supérieure et/ou des veines brachiocéphaliques est responsable du syndrome cave supérieur. L’atteinte veineuse est de règle secondaire dans 80 % des cas à des adénopathies médiastinales dans le cadre d’un cancer bronchique ou à une fibrose postirradiation. Son incidence dans cette maladie est de 3 à 15 %. Le syndrome comprend un œdème du cou, de la tête et des membres supérieurs ; des céphalées, une orthopnée et une cyanose.
Point important Traditionnellement, le traitement de choix du syndrome cave supérieur tumoral est la radiothérapie et/ou la chimiothérapie. La majorité des patients répond par une régression rapide de l’obstruction, habituellement en quelques jours, dans 90 % des cas. Le syndrome récidive cependant chez 10 à 20 % des patients ; comme ceux-ci ont reçu un maximum d’exposition à la radiothérapie et/ou à la chimiothérapie, le seul traitement est alors endovasculaire, voire chirurgical.
Technique Préalablement à la pause d’endoprothèses, une phlébographie doit être effectuée pour vérifier l’étendue des veines occluses et les niveaux supérieur et inférieur de l’occlusion. Cela permet de choisir la longueur de l’endoprothèse à poser (Fig. 4). Un examen TDM peut également être utile pour déterminer le diamètre nécessaire de l’endoprothèse. Le cathétérisme par voie fémorale est habituel pour faciliter la manipulation à travers l’occlusion. Une deuxième voie d’abord par une veine brachiale peut être nécessaire pour voir le niveau supérieur en cas d’occlusion complète du tronc veineux innominé ou de la veine brachiocéphalique droite. S’il existe des thrombus proximaux à l’obstruction à la phlébographie, une thrombolyse locale à l’uroki-
J.-P. Laissy nase est recommandée avant la mise en place de l’endoprothèse pour éviter des migrations emboliques pulmonaires ou une rethrombose précoce. La perméabilité à long terme de ces endoprothèses dans la veine cave supérieure s’établit entre 86 et 100 %. Si l’occlusion touche les veines sousclavières, les résultats à long terme sont inférieurs, mais peuvent être retraités par angioplastie de l’endoprothèse.
Ablation de corps étranger endovasculaire Le retrait incomplet d’un cathéter endovasculaire est une complication iatrogène peu fréquente. En général, le fragment détaché migre dans la circulation pulmonaire ou s’ancre au niveau des cavités cardiaques droites. Les conséquences de ces accidents iatrogènes sont graves, leur mortalité variant de 24 à 38 % selon les auteurs. La récupération des cathéters qui ont migré est urgente car les fragments sont souvent instables dans la circulation et le risque de complications précoces (tachycardie ventriculaire) est important. Ce geste, effectué par voie endovasculaire, évite le recours à une chirurgie lourde dont la mortalité est estimée à 4 %. Le fragment de cathéter restant dans la circulation est souvent faiblement radio-opaque, mais suffisamment pour pouvoir être retiré sous fluoroscopie. Il est important de le visualiser par cette méthode, et non par échographie, car de fausses images ou des images fantômes après retrait complet d’un cathéter peuvent s’observer avec les ultrasons. Il n’est évidemment pas question de traiter ces images. L’extraction des corps étrangers a un succès technique compris entre 90 et 100 %, les échecs étant liés à l’ancienneté de pose du matériel étranger et à son éventuelle endothélialisation dans la paroi ou à une fixation aux piliers du ventricule droit.16 Le repositionnement d’un matériel (filtre cave, endoprothèse) a un taux de succès de 100 %. Technique Le retrait de ces matériels qui ont migré se fait par abord veineux fémoral, à l’aide d’une technique de type lasso, soit en utilisant des matériels dédiés, soit en bouclant un guide à l’intérieur d’une sonde vasculaire de gros calibre (7 F).
Filtre cave Les filtres caves ont primitivement été proposés comme alternative à la ligature de la veine cave inférieure. Ils étaient implantables uniquement par
Radiologie interventionnelle thoracique
603
Figure 4 Syndrome cave supérieur sur fibrose médiastinale. A. L’opacification cave supérieure après cathétérisme par voie fémorale objective une sténose longue et serrée de la veine cave supérieure (petites flèches) avec circulation collatérale intercostale et azygos gauche (flèches). B. La mise en place d’une endoprothèse autoexpansible, non encore complètement déployée sur cette figure (flèches longues) permet de recouvrer un flux cave supérieur avec disparition de l’opacification collatérale à contre-courant. Cliniquement, disparition du syndrome cave supérieur en 24 heures.
voie chirurgicale pendant de nombreuses années, mais les évolutions proposées par les fabricants ont permis rapidement une implantation par voie endovasculaire. Il existe deux types de matériels, les filtres permanents et les filtres temporaires. Le caractère définitif des filtres permanents limite leurs indications de pose à des sujets âgés, ou exposés à un décès à court ou moyen terme en raison de leur maladie sous-jacente. Les principales indications des filtres caves définitifs sont les contre-indications au traitement anticoagulant (accident vasculaire cérébral hémorragique, saignement d’origine digestive), ainsi que les récidives d’embolie pulmonaire chez des patients sous traitement anticoagulant bien conduit. Les indications de filtre cave temporaire sont les sujets jeunes, la nécessité d’actes invasifs ou chirurgicaux chez des patients ayant récemment eu une thrombophlébite des membres inférieurs ou une embolie pulmonaire, les thrombopénies héparino-induites en attendant le relais par antivitamine K, les accidents des anticoagulants de courte durée (surdosage) et la protection des récidives emboliques lors des accouchements.
Technique Tous les filtres caves peuvent être posés par voie fémorale ou jugulaire, certains d’entre eux peuvent également être posés par voie brachiale.17 Après opacification iliocave permettant de juger de la perméabilité de ces axes veineux, ainsi que de la position des veines rénales, la gaine du filtre est introduite par le point de ponction. Son extrémité distale est matérialisée par un anneau radioopaque, ce qui permet de connaître sa position exacte. Cette gaine est poussée dans la veine cave inférieure au-dessous des veines rénales. Le filtre est alors introduit à travers la gaine, et déployé par une méthode combinée de retrait de la gaine sur le poussoir du filtre.
Conclusion18,19 La radiologie interventionnelle fait de plus en plus partie intégrante de l’activité pneumologique. Grâce à une approche pluridisciplinaire, elle participe à l’amélioration de la prise en charge diagnostique et thérapeutique des patients. Une bonne connaissance des capacités et limites respectives
604
J.-P. Laissy
de chaque technique, elles-mêmes en perpétuel changement grâce au développement de matériels toujours plus performants et moins vulnérants, est donc capitale pour assurer la meilleure sélection des patients à ce type de procédures.
9.
10.
11.
Références 1.
2. 3.
4.
5.
6.
7.
8.
Lucidarme O, Howarth N, Finet JF, Grenier PA. Intrapulmonary lesions: percutaneous automated biopsy with a detachable, 18-gauge, coaxial cutting needle. Radiol 1998;207:759–65. Ghaye B, Dondelinger RF. Imaging guided thoracic interventions. Eur Respir J 2001;17:507–28. Ko JP, Shepard JO, Drucker EA, Aquino SL, Sharma A, Sabloff B, et al. Factors influencing pneumothorax rate at lung biopsy: are dwell time and angle of pleural puncture contributing factors? Radiol 2001;218:491–6. Giron J, Poey C, Fajadet P, Sans N, Fourcade D, Senac JP, et al. CT-guided percutaneous treatment of inoperable pulmonary aspergillomas: a study of 40 cases. Eur J Radiol 1998;28:235–42. Munk PL, Vellet AD, Rankin RN, Muller NL, Ahmad D. Intracavitary aspergilloma: transthoracic percutaneous injection of amphotericin gelatin solution. Radiol 1993; 188:821–3. Moussouttas M, Fayad P, Rosenblatt M, Hashimoto M, Pollak J, Henderson K, et al. Pulmonary arteriovenous malformations: cerebral ischemia and neurologic manifestations. Neurol 2000;55:959–64. White Jr. RI, Pollak JS. Pulmonary arteriovenous malformations: options for management. Ann Thorac Surg 1994;57:519–21. Clark JA, Pugash RA. Recanalization after coil embolization of pulmonary arteriovenous malformations. AJR Am J Roentgenol 1998;171:1426–7.
12.
13.
14.
15.
16.
17.
18.
19.
Saluja S, Sitko I, Lee DW, Pollak J, White Jr. RI. Embolotherapy of pulmonary arteriovenous malformations with detachable balloons: long-term durability and efficacy. J Vasc Interv Radiol 1999;10:883–9. Saluja S, Henderson KJ, White Jr. RI. Embolotherapy in the bronchial and pulmonary circulations. Radiol Clin North Am 2000;38:425–48. Mal H, Rullon I, Mellot F, Brugière O, Sleiman C, Menu Y, et al. Immediate and long-term results of bronchial artery embolization for life-threatening hemoptysis. Chest 1999; 115:996–1001. White Jr. RI. Bronchial artery embolotherapy for control of acute hemoptysis: analysis of outcome. Chest 1999;115: 912–5. Osaki S, Nakanishi Y, Wataya H, Takayama K, Inoue K, Takaki Y, et al. Prognosis of bronchial artery embolization in the management of hemoptysis. Respir (Herrlisheim) 2000;67:412–6. Fava M, Loyola S, Flores P, Huete I. Mechanical fragmentation and pharmacologic thrombolysis in massive pulmonary embolism. J Vasc Interv Radiol 1997;8:261–6. Schmitz-Rode T, Janssens U, Duda SH, Erley CM, Gunther RW. Massive pulmonary embolism: percutaneous emergency treatment by pigtail rotation catheter. J Am Coll Cardiol 2000;36:375–80. Gabelmann A, Kramer S, Gorich J. Percutaneous retrieval of lost or misplaced intravascular objects. AJR Am J Roentgenol 2001;176:1509–13. Athanasoulis CA, Kaufman JA, Halpern EF, Waltman AC, Geller SC, Fan CM. Inferior vena caval filters: review of a 26-year single-center clinical experience. Radiol 2000; 216:54–66. Sonett JR, Keenan RJ, Ferson PF, Griffith BP, Landreneau RJ. Endobronchial management of benign, malignant, and lung transplantation airway stenoses. Ann Thorac Surg 1995;59:1417–22. Sudarshan CD, Dark JH. A technique for insertion of selfexpanding tracheal and bronchial stents. Ann Thorac Surg 1999;67:271–2.