Cancer/Radiothérapie 15 (2011) 549–554
Mise au point
Radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité des cancers de l’anus Intensity-modulated radiation therapy for anal carcinoma D. Peiffert ∗ , M.-V. Moreau-Claeys , L. Tournier-Rangeard , S. Huger , V. Marchesi Département de radiothérapie, centre Alexis-Vautrin, 6, avenue de Bourgogne, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy cedex, France
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Rec¸u le 1er juillet 2011 Accepté le 21 juillet 2011 Disponible sur Internet le 19 août 2011 Mots clés : RCMI Canal anal Cancer épidermoïde Radiothérapie
r é s u m é Les cancers épidermoïdes localement évolués du canal sont curables par une chimioradiothérapie concomitante, avec conservation d’un sphincter fonctionnel. Le volume cible ganglionnaire pelvien est étendu, comprenant le plus souvent les aires inguinales bilatérales, à la différence des autres tumeurs pelviennes. Les effets aigus et tardifs sont liés au volume de tissus sains irradiés, et à la dose qu’ils rec¸oivent, en particulier l’intestin et la vessie. Ils sont plus intenses en cas de chimiothérapie associée. La radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI) permet d’optimiser la répartition de la dose d’irradiation dans ce volume complexe en U, en maintenant les contraintes aux volumes cibles. Le passage de la radiothérapie conformationnelle à la RCMI nécessite en outre de maîtriser la définition des volumes cibles supplémentaires afin d’éviter des zones de surdosages ou « sous-dosages » délétères. Les contraintes à la peau, au périnée et aux organes génitaux nécessitent un apprentissage supplémentaire. Les bénéfices dosimétriques et cliniques de la RCMI sont décrits au vu des expériences préliminaires publiées. Le développement de la RCMI dans les cancers du canal anal doit être encouragé dans un cadre maîtrisé, et l’évaluation de ses bénéfices suivie par l’analyse prospective des résultats cliniques. Les oncologues radiothérapeutes doivent apprendre scrupuleusement les techniques et évaluer leurs propres résultats, aussi bien pour les effets secondaires que pour le contrôle tumoral. © 2011 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
a b s t r a c t Keywords: IMRT Anal canal Squamous cell carcinoma Radiotherapy
Anal canal carcinoma are highly curable by irradiation, combined with chemotherapy in locally advanced disease, with preservation of sphincter function. The clinical target volume for the nodes is extended, often including the inguinal nodes, which is not usual for other pelvic tumours. Acute and late effects are correlated with the volume and dose delivered to organs at risk, i. e. small bowel, bladder and increased by concomitant chemotherapy. Intensity modulated irradiation (IMRT) makes it possible to optimize the dose distribution in this “complex U shaped” volume, while maintaining the dose distribution for the target volumes. The conversion from conformal irradiation to IMRT necessitates good knowledge of the definition and skills to delineate target volumes and organs at risk, including new volumes needed to optimize the dose distribution. Dosimetric and clinical benefits of IMRT are described, based on early descriptions and evidence-based publication. The growing development of IMRT in anal canal radiotherapy must be encouraged, and long-term benefits should be soon published. Radiation oncologists should precisely learn IMRT recommendations before starting the technique, and evaluate its early and late results for adverse effects, but also for long-term tumour control. © 2011 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction ∗ Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected],
[email protected] (D. Peiffert).
Le cancer du canal anal atteint 500 à 600 nouveaux cas par an en France. Le traitement repose sur l’irradiation pelvienne, associée à une chimiothérapie concomitante dans les formes localement
1278-3218/$ – see front matter © 2011 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.canrad.2011.07.240
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évoluées. La toxicité de l’irradiation pour les structures pelviennes peut nécessiter des adaptations de dose ou des interruptions de traitement potentiellement délétères pour le contrôle local. Les effets tardifs sur l’intestin détériorent la qualité de vie [1–3]. L’irradiation conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI) permet de délivrer une dose homogène sur la tumeur anale et les aires ganglionnaires iliaques et inguinales, tout en préservant les organes à risque pelviens et réduisant la toxicité aiguë et tardive par rapport à la radiothérapie conformationnelle classique. Selon le rapport de la Haute Autorité de santé (HAS) de décembre 2006, l’indication de la RCMI pour le traitement des tumeurs pelviennes n’a pas été validée [4]. Elle constitue une indication pouvant faire l’objet de recherches et d’une réévaluation ultérieure. Nous préciserons les objectifs de la RCMI dans le traitement des cancers du canal anal, sa faisabilité et ses bénéfices d’après les données récentes de la littérature. Afin de satisfaire aux démarches de qualité pour la mise en route en pratique de la RCMI pour le cancer du canal anal, il est nécessaire de suivre une chronologie précise : • définir la délinéation des volumes cibles et des volumes à risque à partir de la littérature ; • définir la balistique la mieux adaptée et reproductible d’un patient à un autre ; • évaluer la dosimétrie prévisionnelle et le respect des contraintes de doses, en utilisant les histogrammes dose–volume ; • définir les contrôles qualité pour l’utilisation de cette technique sur les accélérateurs ; • traiter les premiers patients : vérification de la position de l’isocentre de traitement lors des trois premières séances (déviation maximale de 5 mm), puis au moins chaque semaine ; • évaluer cliniquement ces patients en termes de contrôle local et d’épargne des organes à risque par un recueil prospectif du devenir et des toxicités. Une étude médicoéconomique, prospective, non randomisée multicentrique évaluant la RCMI, la tomothérapie hélicoïdale et l’acthérapie dynamique, dans les cancers pelviens avec irradiation ganglionnaire, dont le canal anal, est en cours en France [5]. 2. Généralités Le cancer du canal anal reste longtemps localisé et seuls 5 à 10 % des patients sont atteints de métastases viscérales. Les patients sont souvent âgés. Le type histologique le plus fréquent est le carcinome épidermoïde. Le bilan paraclinique comporte une écho-endoscopie anorectale ou une IRM afin de préciser l’épaisseur maximale de la tumeur, l’envahissement des couches pariétales du canal anal, les rapports avec le sphincter et la présence d’adénopathies périrectales et du promontoire. Plus de la moitié des lésions classées T1T2N0 par l’examen clinique seront classées US T3 ou US N+ du fait des critères morphologiques échographiques supplémentaires. Une scanographie abdomino-pelvienne et une radiographie thoracique complètent le bilan. Le morpho-TEP a montré son intérêt dans la recherche d’adénopathies iliaques ou inguinales dans les formes localement évoluées [6,7]. La classification TNM actuelle des cancers de l’anus repose sur la taille tumorale et la présence d’adénopathies sur l’imagerie. Le traitement recommandé d’un carcinome épidermoïde du canal anal est l’irradiation. Elle se déroule en deux temps : il est d’abord délivré une irradiation externe de 45 à 50 Gy en 25 séances et cinq semaines dans le pelvis, incluant le canal anal et les aires ganglionnaires iliaques et inguinales. Elle est associée à une chimiothérapie concomitante si la tumeur dépasse 4 cm
et/ou colonise les ganglions régionaux, si l’état général du patient le permet. La chimiothérapie par 5-fluoro-uracile–mitomycine C améliore la probabilité de survie sans colostomie et celle de survie sans récidive [8,9]. Après une période de repos d’une à trois semaines permettant la régression tumorale et la cicatrisation des tissus sains irradiés, le deuxième temps comprend un complément d’irradiation délivre de 15 à 20 Gy dans la tumeur initiale et les adénopathies atteintes. Ce complément peut être délivré dans la tumeur primitive par curiethérapie interstitielle pour les tumeurs envahissant moins de la moitié de la circonférence [10]. Le traitement standard est la radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle classique avec des volumes cibles et organes à risque délinéés sur une scanographie de planification. La toxicité aiguë porte essentiellement sur l’intestin grêle et la peau, et la moelle hématopoïétique en cas de chimiothérapie associée. Cette toxicité peut nécessiter une interruption de l’irradiation, en particulier chez les patients âgés, ou une réduction de la dose de chimiothérapie. L’un et l’autre sont potentiellement délétères pour le contrôle tumoral, qui reste l’objectif principal du traitement. Le délai entre les deux temps de l’irradiation peut également être allongé. L’objectif de la RCMI est de réduire cette toxicité aiguë [11]. Par ailleurs, les conséquences de l’irradiation sur les résultats fonctionnels du sphincter ont été peu étudiées, mais il est peu probable que l’épargne du sphincter soit possible, tout en gardant une bonne couverture du volume cible.
3. Volumes cibles Les volumes cibles de la radiothérapie pelvienne comprennent le canal anal, la marge anale, le bas rectum, les ganglions périrectaux du mésorectum et les ganglions iliaques. On peut avoir recours à un bolus pour ramener la dose à la marge anale en cas d’atteinte de celle-ci. Dans les formes localement évoluées ou avec atteinte de la marge anale, on ajoute aux volumes cibles les aires inguinales bilatérales. Les volumes cibles du complément d’irradiation comprennent le canal anal avec les extensions tumorales initiales et les aires ganglionnaires initialement envahies. Les organes à risque concernés par l’irradiation pelvienne sont habituellement le siège d’effets secondaires aigus, principalement des diarrhées, un syndrome rectal, une pollakiurie, une dermite prédominant dans le pli interfessier, sur la marge et la racine des cuisses. Il existe parallèlement à la radiodermite, une radiomucite touchant l’anus et le rectum, mais aussi la vulve et le vagin. Les volumes correspondants sont délinéés et analysés sur les histogrammes dose–volume. Les effets secondaires de la chimioradiothérapie sont plus importants que ceux de l’irradiation seule. Les symptômes propres à l’irradiation sont plus intenses, surtout les diarrhées et la dermite. Il s’y ajoute les effets secondaires du 5-fluoro-uracile et de la mitomycine-C [3] : aphtose buccale, diarrhée, syndrome mainspieds (érythème palmoplantaire avec parfois desquamation). La toxicité hématologique des chimiothérapies, d’autant qu’elle est surajoutée à l’irradiation d’importants volumes de moelle osseuse prédominant dans le bassin chez le sujet âgé, expose à un risque d’aplasie fébrile, possiblement vital, et à un report du traitement. Ainsi, l’épargne de la moelle osseuse pourrait réduire ce risque [12]. Un panel d’experts a proposé en 2009 une description précise des volumes cibles et organes à risques pour l’utilisation de la RCMI dans le traitement des cancers du canal anal, utilisée pour les essais du Radiation Therapy Oncology Group (RTOG) [13].
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4. Difficultés balistiques
5. Études dosimétriques
La difficulté de la radiothérapie des cancers du canal anal réside dans le volume cible « en forme de U complexe » comprenant le canal anal et le pelvis postérieur et à l’opposé les aires ganglionnaires inguinales antérieures. De ce fait, les techniques par deux faisceaux antéropostérieurs ou en boîte, avec des faisceaux inguinaux complémentaires irradiaient à doses élevées des organes à risque tels que l’intestin grêle, le gros intestin ou le bassin, avec des problèmes de jonction des faisceaux non satisfaisants nécessitant des compromis. La RCMI permet une bonne couverture du volume cible en « U » sans problème de jonction et avec une bonne épargne de l’intestin grêle, du gros intestin, ou de la moelle osseuse. Cela permet une réduction de la toxicité aiguë et tardive, mais la préservation de la continence anale reste un élément à étudier, en particulier par rapport à l’irradiation des muscles pelviens mis en jeu dans les mécanismes physiologiques du tonus sphinctérien [14]. Ce sujet est abordé dans les cancers de la prostate. Des études prospectives sur les résultats fonctionnels de l’irradiation de l’oropharynx et ses rapports avec l’irradiation des muscles constricteurs du pharyngolarynx ont montré un effet bénéfique de l’épargne de cette musculature sur la déglutition [15]. Des études similaires sur le sphincter anal seraient intéressantes avec une précision du volume périrectal à traiter. Le bénéfice potentiel de la curiethérapie du canal anal pourrait être lié à cette préservation musculaire. Enfin, les techniques de radiothérapie externe du canal anal prennent en compte la dose délivrée à la muqueuse du canal et à la marge, avec la mise en place d’un bolus cutané permettant d’obtenir une irradiation homogène en surface en participant à la mise en équilibre électronique précoce et ainsi d’atteindre le maximum de dose à la peau. Il est primordial pour l’oncologue radiothérapeute de s’assurer de cet objectif et d’utiliser l’artifice « trivial » du bolus, même dans ces techniques sophistiquées de RCMI où son usage est habituellement négligé [16].
La rareté des cancers de l’anus rend difficile les études cliniques prospectives. Néanmoins, plusieurs articles récents confirment le bénéfice dosimétrique de la technique. 5.1. Comparaison de l’irradiation conformationnelle avec modulation d’intensité et de la radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle Depuis plusieurs années, à la suite de la démonstration du bénéfice apporté par la RCMI dans les cancers de la prostate et des cancers gynécologiques, des études dosimétriques concernant le canal anal ont été publiées, toutes fondées sur une comparaison avec la radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle. Elles ont montré que la RCMI permettait de réduire la dose délivrées aux tissus sains tout en assurant une bonne couverture du volume cible [17–20]. Dans le cadre de l’application de la RCMI au traitement des cancers de l’anus, nous avons mené une étude dosimétrique comparant la radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle et la RCMI chez dix patients (Fig. 1). L’indice de conformité tumorale était proche de 1 pour les deux techniques aussi bien pour le volume tumoral que les aires ganglionnaires. La dose délivrée aux organes à risque était plus faible avec la RCMI, mais la dose intégrale plus importante. La comparaison entre la RCMI et l’arcthérapie volumique est en cours, ainsi qu’une réflexion sur l’intérêt du boost intégré [21]. 5.2. Comparaison de l’irradiation conformationnelle avec modulation d’intensité et de l’arcthérapie ou la tomothérapie Plus récemment, des études dosimétriques ont comparé les techniques de RCMI par faisceaux fixes, et l’arcthérapie volumique ou la tomothérapie dans des séries de dix à 20 patients. Ainsi, Clivio et al. ont comparé une RCMI et une arcthérapie (avec un ou deux arcs) avec une stratégie de boost intégré (33 fractions
Fig. 1. Comparatif sur une même coupe des isodoses en radiothérapie externe tridimensionnelle (RTC) et radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI). A : RTCph RTC : coupe transversale ; B : RCMI : canal anal coupe transversale ; C : RTC : coupe frontale ; D : RTC : coupe sagittale ; E : RCMI : canal anal coupe frontale ; F : RCMI : canal anal coupe sagittale.
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de 1,8 Gy dans la tumeur et 1,5 Gy dans les ganglions). Un bénéfice sur les organes à risque et les tissus sains a été obtenu avec la technique à deux arcs [22]. Joseph et al. ont comparé la RCMI et la tomothérapie hélicoïdale chez 16 patients avec un boost intégré (30 fractions de 1,8 dans la tumeur et 1,6 Gy dans les ganglions) [23]. La tomothérapie permettait, en général, une épargne de la cavité abdominale, des organes génitaux externes et de la vessie, alors que la RCMI épargnait les structures ostéomédullaires. Les techniques ont été considérées au final comparables pour la couverture du volume cible et l’épargne des organes à risque, avec une homogénéité supérieure avec la tomothérapie. En France, l’étude de Montpellier a également comparé RCMI et arcthérapie volumique chez dix patients [24]. La technique avec deux arcs permet de délivrer la même dose au volume cible, avec aussi une épargne des organes à risques, une réduction du nombre des unités moniteur et un raccourcissement de la durée des séances. 6. Études cliniques rétrospectives et prospectives Plusieurs études ont confirmé le bénéfice clinique de la RCMI et donc le service attendu par l’amélioration de l’irradiation. 6.1. ESSAI 0529 du Radiation Therapy Oncology Group L’essai du RTOG a inclus des patients atteints d’un carcinome épidermoïde du canal anal localement évolué de stade II ou III (T2-4, N0-3, M0) [25]. Le traitement a consisté en une RCMI de 28 à 30 fractions en 5,5 à six semaines et chimiothérapie concomitante par 5-fluoro-uracile et mitomycine-C. Tous les dossiers ont été
Tableau 1 Résultats carcinologiques et survie sans colostomie de l’essai RTOG (Radiation Therapy Oncology Group) 0529 comparés aux résultats de l’essai de RTOG 9811 avec radiothérapie conformationnelle [25]. Groupe
Évaluation Échec locorégional Colostomie Survie globale Survie sans maladie Survie sans colostomie Échecs à distance
RCMI, RTOG 0529, n = 52 ; % (95 % IC)
5-fluoro-uracile/mitomycine c RTOG 9811, n = 325 ; % (95 % IC)
19 (8–30) 9 (0,4–15,0) 86 (73–93) 77 (63–86) 84 (71–92) 14 (4–24)
19 (14–23) 11 (7–14) 91 (87–94) 75 (70–80) 83 (79–87) 9 (6–12)
RCMI : radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité ; IC : intervalle de confiance.
analysés sur le plan dosimétrique par les coordonnateurs. L’objectif principal était de réduire de 15 % le taux de complications digestives ou urinaires de grade 2 ou plus, en comparaison d’un groupe témoin représenté par les patients inclus dans l’essai précédent, le 9811, qui a inclus 325 patients. Cinquante deux patients, d’âge moyen 58 ans, ont été inclus. Le suivi médian était de 26,7 mois. Les groupes étaient comparables en termes de stade clinique et autres caractéristiques. La délinéation a été revue pour 81 % des patients, surtout celle du mésorectum. Un atlas de délinéation a été publié. Au total, 98 % des patients ont pu recevoir l’irradiation, et 84 % les deux cycles prévus de chimiothérapie. La durée médiane de traitement par RCMI était plus courte qu’avec la radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle (43 contre 49 jours, p < 0,001). L’objectif principal portant sur la diminution des complications de grade 2 n’a pas été atteint (77 % dans les deux groupes). En revanche, il a été observé
Tableau 2 Définition des volumes cibles en fonction des trois références de la littérature [24,25]. Volume cible
Menkarios et al.
Essai RTOG 0529
Essai Accord-16
GTV T et/ou GTV N CTV 1
T primitive macroscopique et Np
T primitive macroscopique et Np
T primitive macroscopique et Np
(GTV T + 1 cm) + mésorectum + N iliaques int et ext + N obturateurs et inguinaux + canal anal + N présacrés si N2 ou N3 ou T4
CTV A = (GTV T + canal anal + 2,5 cm) + mésorectum + peau incluse (fil radio-opaque) CTV 42 ou 45 Gy = (N périrectaux + N inguinaux + N iliaques internes + N iliaques externes + région présacrée) + 1 cm CTV 50 ou 54 Gy = idem avec atteinte macroscopique Np (< ou > 3 cm) CTV 1 + 1 cm –
[(GTVT + axes iliaques internes/externes/inguinaux) + 1 cm] + mésorectum (= marge et canal anaux, bas rectum, N périrectaux, N iliaques internes, externes obturateurs et inguinaux) + N iliaques externes si N2 inguinales ou N3 Attention, exclusion des structures osseuses CTV 1 + au moins 5 mm GTV T + 1,5 cm
PTV 1 PTV 2
CTV 1 + 1 cm GTV T + 1,5 cm
Np : adénopathies ; N : aires ganglionnaires ; T : tumeur primitive ; GTV : volume tumoral macroscopique ; CTV : volume cible anatomoclinique ; PTV : volume cible prévisionnel ; RTOG : Radiation Therapy Oncology Group.
Tableau 3 Définition des organes à risque en fonction des trois références de la littérature. Organes à risque
Menkarios et al., Montpellier
Essai RTOG 0529
Essai Accord-16
Vessie Périnée
ND Périnée + (homme) : pénis et scrotum Femme : vulve ND Pas de notion Du toit de la crête jusqu’à acétabulum inférieur ND
ND ND
Sur toutes les coupes ou elles sont visibles Sur toutes les coupes ou elles sont visibles
ND CTV1 (gros intestin en dehors du CTV1) Jusqu’au grand trochanter
Volume unique monobloc pelvien ; limite supérieure : 1 cm au-dessus du CTV1, incluant anses grêle et sigmoïde Sur toutes les coupes ou elles sont visibles
Inclut les petits et grands trochanters, en continuité avec crêtes iliaques
Articulation jusqu’en dessous du petit trochanter
Intestin grêle Gros intestin Crêtes iliaques Têtes fémorales
ND : non décrit ; RTOG : Radiation Therapy Oncology Group ; CTV1 : premier volume cible anatomoclinique.
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une diminution importante de la toxicité de grade 3, aussi bien génito-urinaire, que digestive et cutanée. Les résultats carcinologiques à deux ans sont similaires avec 19 % d’échecs locaux dans les deux bras, et des probabilités de survie sans colostomie (84 contre 83 %) et de survie sans récidive (77 contre 75 %) comparables. Les auteurs ont conclu à la même efficacité des traitements avec un bénéfice de la RCMI sur les effets secondaires. Les apports sur la qualité de vie sont probables mais des études complémentaires seront nécessaires. Néanmoins, la RCMI est une technique qui apparaît primordiale pour l’irradiation des cancers du canal anal (Tableau 1). [25]. 6.2. Autres études cliniques Bazan et al. ont comparé les résultats obtenus chez 46 patients traités par radiochimiothérapie concomitante (dose médiane de 54 Gy) entre 1993 et 2009, dans 17 cas sans RCMI et dans 37 cas avec RCMI. Le suivi médian était de 26 et 32 mois. L’étalement de l’irradiation était plus court avec la RCMI (40 contre 57 jours). En analyse multifactorielle, le stade T, l’utilisation de la RCMI et la durée du traitement étaient des facteurs prédictifs de la survie globale, le stade T et la RCMI étaient associés au contrôle locorégional [26]. L’analyse des dossiers de 47 patients traités de 2006 à 2009 par irradiation conformationnelle avec modulation d’intensité à la dose de 64 Gy avec un suivi médian de 14 mois a aussi montré une diminution des effets aigus et des arrêts de l’irradiation, avec des taux de contrôle locorégional et de conservation sphinctérienne respectivement de 95 et 91 % [27]. En vue de mieux définir le volume cible anatomoclinique pour la RCMI des cancers de l’anus, une étude rétrospective des dossiers de 180 patients traités par irradiation conformationnelle tridimensionnelle a été réalisée [28]. Les sites cumulés d’échec pour les 45 cancers ayant récidivé (dans un ou plusieurs sites) étaient le canal anal pour 35 patients, la région périnéale pour cinq, les aires ganglionnaires inguinales pour huit, les aires ganglionnaires pelviennes, y compris celles présacrées et périrectales, pour cinq et les aires ganglionnaires iliaques pour huit. Les auteurs rappellaient la nécessité d’irradier l’ensemble des aires ganglionnaires pelviennes, y compris iliaques communes. 7. Propositions et recommandations L’analyse de la littérature s’appuie sur trois publications avec une description précise des volumes cibles et organes à risque : • l’essai américain 0529 du RTOG ; • l’article de Menkarios et al. dans la revue publiée en 2007 par l’équipe de Montpellier sur l’apport de la RCMI en termes d’épargne des organes à risque par rapport à une radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle dans le cancer anal localement évolué [24] ; • l’essai franc¸ais Accord-16, où une radiothérapie de 45 Gy avec boost de 20 Gy a été proposée dans le cancer du canal anal avec ou sans modulation d’intensité. Les données concernant les volumes cibles et organes à risque sont exposées dans les tableaux ci-dessus (Tableaux 2 et 3). Les faisceaux sont laissés libres, ainsi que leur choix d’orientation. À Nancy et Montpellier, est appliquée une bibliothèque fixe de cinq (45, 110, 180, 250, 315◦ ) ou de sept faisceaux (0, 45, 110, 165, 195, 250, 325◦ ) lorsqu’il y a un boost simultané. Les contraintes de dose imposées par le RTOG sont plus difficiles à respecter que celles permises dans l’essai Accord-16 ou l’étude de
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Montpellier. Un travail de définition et validation des volumes doit être entrepris. L’épargne des têtes fémorales semble meilleure par des faisceaux à 35◦ , 120◦ , 180◦ , 240◦ et 325. Les contraintes de doses habituellement utilisées en radiothérapie conformationnelle doivent s’appliquer de la même fac¸on à la RCMI. 8. Conclusion La couverture des volumes cibles est maintenue avec la RCMI dans les études publiées et les résultats dosimétriques sur les organes à risque sont meilleurs qu’avec la radiothérapie conformationnelle classique, en particulier en raison de l’épargne de l’intestin grêle, du gros intestin, des crêtes iliaques et des têtes fémorales. L’ensemble des points préalables à la mise en route de la RCMI ont été validés, y compris les études préliminaires cliniques. Des ateliers intercentres entre les équipes pratiquant la RCMI du canal anal seraient intéressants, en particulier sur la manière de délinéer les volumes et pour une évaluation clinique des effets aigus et tardifs et du contrôle tumoral. En 2011, l’analyse des données de la littérature a confirmé le service attendu des techniques de RCMI dans le traitement des cancers du canal anal, et justifient de mettre à jour les données du rapport de la HAS à ce sujet. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Joly F, Degrendel AC, Guizard AV. Qualité de vie après radiothérapie pour un cancer localisé de la prostate. Cancer Radiother 2010;14:519–25. [2] Martin E, Pointreau Y, Roche-Forestier S, Barillot I. Dose de tolérance à l’irradiation des tissus sains : intestin grêle. Cancer Radiother 2010;14: 350–3. [3] Tournier-Rangeard L, Mercier M, Peiffert D, Gérard JP, Romestaing P, Lemanski C, et al. Radiochemotherapy of locally advanced anal canal carcinoma: prospective assessment of early impact on the quality of life (randomized trial ACCORD 03). Radiother Oncol 2008;87:391–7. [4] HAS. Haute Autorité de Santé. La radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité. Saint-Denis: HAS; 2006. [5] Mahé MA. Investigateur coordonnateur. Évaluation médicoéconomique comparant la radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI) réalisée par tomothérapie hélicoïdale (Hi Art® ) et arc thérapie dynamique (RapidArc® , VMAT® ) dans les cancers pelviens avec irradiation ganglionnaire (prostate, col utérin, canal anal). 2011. [6] Nguyen BT, Joon DL, Khoo V, Quong G, Chao M, Wada M, et al. Assessing the impact of FDG-PET in the management of anal cancer. Radiother Oncol 2008;87:376–82. [7] Schwarz JK, Siegel BA, Dehdashti F, Myerson RJ, Fleshman JW, Grigsby PW. Tumor response and survival predicted by post-therapy FDG-PET/CT in anal cancer. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2008;71:180–6. [8] UKCCCR Anal Cancer Trial Working Party. UK Co-ordinating Committee on Cancer Research. Epidermoid anal cancer: results from the UKCCCR randomised trial of radiotherapy alone versus radiotherapy, 5-fluorouracil, and mitomycin. Lancet 1996;348:1049–54. [9] Bartelink H, Roelofsen F, Eschwege F, Rougier P, Bosset JF, Gonzalez DG, et al. Concomitant radiotherapy and chemotherapy is superior to radiotherapy alone in the treatment of locally advanced anal cancer: results of a phase III randomized trial of the European Organization for Research and Treatment of Cancer Radiotherapy and Gastrointestinal Cooperative Groups. J Clin Oncol 1997;15:2040–9. [10] Peiffert D, Giovannini M, Ducreux M, Michel P, Francois E, Lemanski C, et al. High-dose radiation therapy and neoadjuvant plus concomitant chemotherapy with 5-fluorouracil and cisplatin in patients with locally advanced squamous-cell anal canal cancer: final results of a phase II study. Ann Oncol 2001;12:397–404. [11] Barillot I. Les cancers du col utérin : place de la radiothérapie avec modulation d’intensité. Cancer Radiother 2009;13:507–10. [12] Drouet F, Lagrange JL. Dose de tolérance à l’irradiation des tissus sains : la moelle osseuse. Cancer Radiother 2010;14:392–404.
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D. Peiffert et al. / Cancer/Radiothérapie 15 (2011) 549–554
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