Recommandations nutritionnelles chez le grand brûlé

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Nutrition clinique et métabolisme 19 (2005) 166–194 http://france.elsevier.com/direct/NUTCLI/

Recommandations nutritionnelles

Recommandations nutritionnelles chez le grand brûlé Nutritional recommendations for severe burn victims Luc Cynober a,h,*, Laurent Bargues b, Mette M. Berger c, Hervé Carsin b, René L. Chioléro c, Dominique Garrel d, Sonia Gaucher e, Jean-Claude Manelli f, Pascal Pernet g, Daniel Wassermann e a

Service de biochimie, hôpital Hôtel-Dieu, 1, place du Paris-Notre-Dame, 75181 Paris cedex 04, France b Centre de traitement des brûlés, HIA Percy, Clamart, France c Soins intensifs chirurgicaux et centre des brûlés, CHUV de Lausanne, Suisse d Centre des grands brûlés, Montreal, Québec, Canada e Service des brûlés, hôpital Cochin, Paris, France f Centre régional des brûlés, Marseille, France g Service de biochimie A, hôpital Saint-Antoine, AP–HP, Paris, France h Service de nutrition, faculté de pharmacie, université Paris-5, Paris, France Disponible sur internet le 24 août 2005

Les grands brûlés, c’est-à-dire les patients ayant subi des brûlures sur plus de 20 % de leur surface corporelle (SCB), ont quelques particularités qui les distinguent des autres accidentés : les brûlures détruisent la peau, ce qui occasionne la perte de ses différentes fonctions : de barrière, d’isolation et de synthèse (i.e. vitamine D). Les pertes liquidiennes sont, chez un adulte, de l’ordre de 1 litre par 10 % de SCB et par jour, jusqu’à la guérison spontanée ou chirurgicale des plaies, et ces exsudats contiennent de grandes quantités de nutriments. Une autre caractéristique est qu’il s’agit d’une pathologie évolutive. En effet, la brûlure n’a pas encore son aspect définitif et continue à s’étendre et à évoluer pendant deux à quatre jours après l’admission ; cet approfondissement constituant une lésion traumatique secondaire. L’excision précoce des brûlures de 3e degré a été proposée dans le but de réduire les réponses inflammatoires et métaboliques [1]. Les traitements anti-inflammatoires et antioxydants ont le même objectif. La réponse à une brûlure grave se fait en trois phases : aiguë, hypermétabolique et de récupération. La phase aiguë est caractérisée par une réponse inflammatoire généralisée dont l’élément clé est l’augmentation de l’extravasation extravasculaire et la constitution d’un troisième espace qui peut doubler le volume du compartiment interstitiel [2]. La phase

Texte long. Travail réalisé dans le cadre du comité des recommandations nutritionnelles en pathologies (RNP) sous l’égide de l’AFSSA. Les différentes RNP feront l’objet d’une harmonisation susceptible de modifier certaines recommandations présentées dans les texte. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Cynober). 0985-0562/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.nupar.2005.07.001

d’hypermétabolisme s’installe ensuite et dure jusqu’à la couverture complète des blessures. Elle est caractérisée par l’augmentation des flux métaboliques, laquelle dépend de la sévérité de la brûlure [3] mais avec de très grandes variations d’un patient à l’autre pour une même brûlure [2]. On peut considérer la brûlure grave comme une maladie orpheline, tant sa fréquence est faible (il y a moins de 500 patients brûlés sur plus de 50 % de la surface corporelle traités en France chaque année). La réalisation d’études cliniques ciblées sur cette pathologie est donc particulièrement délicate, ce qui explique le faible nombre de données fiables dans la littérature. Au-delà de cette réserve, il est néanmoins établi que la nutrition constitue, à la période aiguë de la brûlure, un traitement primaire indispensable à une bonne prise en charge thérapeutique. C’est même une des rares pathologies où la nutrition a une incidence évidente sur la morbimortalité. 1. Physiopathologie métabolique Les brûlures graves entraînent un hypermétabolisme intense et durable dont les conséquences sont une dénutrition, une dépression immunitaire et une gêne à la cicatrisation. Cet hypermétabolisme correspond à une réponse adaptée de l’organisme, destinée à apporter les calories nécessaires à la réponse inflammatoire provoquée par les destructions cutanées. Il est médié par une hypersécrétion des hormones du stress (catécholamines, glucocorticoïdes, glucagon) qui contraste avec une inefficacité de l’insuline. Sur le plan qualitatif, on assiste à une augmentation de la production de glucose, d’où une hyperglycémie et cela mal-

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gré une hypersécrétion d’insuline, ce qui signe une résistance à l’action de cette hormone puisqu’il n’y a pas, par ailleurs, de diminution des capacités cellulaires d’oxydation du glucose. Ce profil particulier du métabolisme des glucides impose un contrôle pharmacologique de la glycémie chez le patient gravement brûlé sans chercher pour autant à la normaliser (cf. plus loin). Cependant, un contrôle strict, à la recherche d’une glycémie normale, ne semble pas justifié en raison des risques d’hypoglycémie et de diminution de l’utilisation cellulaire du glucose. Il existe également une augmentation du catabolisme des protéines avec utilisation massive de certains acides aminés qui peut participer au déficit immunitaire et à un défaut de cicatrisation. Enfin, les réserves lipidiques sont mobilisées avec libération massive d’acides gras et accumulation intrahépatique de lipides. 1.1. La brûlure grave, un emballement métabolique dangereux mais peut-être utile L’hypermétabolisme représente une des perturbations majeures et obligatoires du grand brûlé dont la survenue a des conséquences délétères particulièrement difficiles à contrôler. Malgré toute l’attention portée à la nutrition, les apports caloriques ne peuvent supprimer le syndrome catabolique, en particulier parce que ces patients sont « résistants » aux effets de l’apport nutritionnel dans un contexte inflammatoire intense. Il s’ensuit une dénutrition rapide et profonde avec bilan azoté négatif et destruction de la masse protéique. Le point fondamental pour la survie des patients gravement brûlés est que cette dénutrition entraîne une dépression des défenses immunitaires et un ralentissement des processus de cicatrisation [4]. Il est donc essentiel de limiter l’hypermétabolisme chez les brûlés graves pour éviter la survenue d’une dénutrition profonde et de ses conséquences. Cela ne peut se concevoir sans une connaissance précise des mécanismes à l’origine des perturbations constatées chez les brûlés. Elle nécessite surtout une réflexion préalable à toute intervention thérapeutique dans la cascade des évènements qui relient l’agression cutanée et les perturbations métaboliques. En effet, celles-ci, aussi gênantes, voire dangereuses, soient-elles par le risque de dénutrition qu’elles entraînent, peuvent avoir des aspects positifs essentiels dans la réponse adaptée de l’organisme à l’agression, en particulier en mobilisant des substrats indispensables à la cicatrisation. La brûlure grave représente une agression particulièrement intense qui entraîne des réactions organiques violentes, responsables de profondes perturbations plus ou moins adaptées, à la recherche d’un nouvel équilibre compatible avec la survie. Les traitements institués ne doivent pas chercher à ramener à la normale les différents paramètres qui peuvent être mesurés mais doivent d’abord s’efforcer de supprimer la cause initiale des perturbations et ensuite essayer de maintenir ces perturbations secondaires dans des limites compati-

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bles avec la survie. Il est probablement dangereux de vouloir ramener à des niveaux proches de la normale le métabolisme d’un brûlé qui a besoin « d’alimenter » en calories sa réponse inflammatoire. Dans le cas particulier du brûlé, ce n’est pas tant l’intensité de la réponse qui est délétère que sa durée. 1.2. Caractéristiques de l’hypermétabolisme du brûlé L’augmentation métabolique constatée chez les brûlés graves est remarquable par son intensité et par sa durée [5]. Le niveau métabolique augmente (jusqu’à 100 %) proportionnellement à la surface brûlée [6]. Cependant, au-delà d’une surface lésée voisine de 50 % de la surface corporelle, le métabolisme n’augmente plus [7], exprimant ainsi que, dès cette surface de lésion, l’organisme est probablement à son niveau métabolique maximum. Le niveau métabolique augmente durant les 10 à 20 premiers jours pour diminuer ensuite progressivement [8]. Néanmoins, un hypermétabolisme important persiste à long terme, au-delà d’une année après la brûlure [9]. Le métabolisme de repos peut atteindre, chez des grands brûlés traités par exposition à l’air sans excision précoce, plus de deux fois les valeurs du métabolisme de base, calculé par l’équation d’Harris et Bénédict [6]. Les études plus récentes, réalisées par calorimétrie indirecte, aussi bien chez l’enfant [10] que chez l’adulte [11], donnent toutefois des valeurs moyennes plus basses puisque le niveau métabolique est alors proche de 1,5 fois les valeurs normales. En fait, des apports correspondants à deux fois le métabolisme de base aboutiraient à un excès d’apport calorique chez 95 % des patients ; cet excès pouvant atteindre 70 % ou plus chez certains [12]. 1.3. Origines de l’hypermétabolisme du brûlé 1.3.1. La réaction inflammatoire locale Les premières heures d’évolution sont dominées par la fuite liquidienne interstitielle et les modifications hémodynamiques qu’elle génère. La fuite liquidienne est aggravée par la dénaturation de la matrice interstitielle qui génère une pression hydrostatique négative importante. L’accumulation de liquide dans l’interstitium crée un œdème et une hypovolémie. L’activation des récepteurs endothéliaux et leucocytaires permet l’adhésion et la migration in situ des leucocytes qui perpétuent l’inflammation locale. Il existe dès les premières heures des modifications des facteurs de la coagulation : la thrombopénie et la chute du taux de prothrombine et du fibrinogène sont liées à leur dilution postremplissage et à une consommation intracapillaire. Ces problèmes de coagulation, d’hypovolémie et d’œdème causent une ischémie locale suivie d’un phénomène de reperfusion. L’hypovolémie et la réaction inflammatoire modifient la répartition de la masse sanguine et diminuent certaines circulations locales dont la circulation splanchnique. La réponse inflammatoire locale est déclenchée par les activations successives de la xanthine oxydase, du facteur de

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Hageman et du complément [14,15]. L’activation des macrophages résidents et des mastocytes permet la mise en place d’une première ligne de défense [16]. Les cytokines libérées par ces cellules activées entraînent l’activation des cellules endothéliales des capillaires de la région lésée, ce qui, associé aux effets vasodilatateurs de l’histamine, des kinines et des radicaux libres sécrétés, permet la diapédèse des globules blancs [16]. Les polynucléaires neutrophiles (PNN) et les monocytes attirés et activés par les cytokines chémotactiques, émises par les macrophages, viennent renforcer, amplifier et prolonger la réponse inflammatoire [17]. La réaction inflammatoire locale est essentielle pour l’évolution de la lésion cutanée : elle permet le nettoyage, par phagocytose, des débris tissulaires ; elle permet la lutte contre d’éventuels envahisseurs bactériens ; elle apporte aussi des éléments indispensables à la cicatrisation comme des facteurs de croissance. La bloquer exposerait aux risques d’infection, d’approfondissement de la lésion et de retard de cicatrisation. Elle est cependant consommatrice d’énergie (coût énergétique de l’activation des cellules du tissu inflammatoire, état hyperdynamique du système cardiovasculaire [18] nécessaire pour assurer l’augmentation du débit sanguin local). La réaction inflammatoire induite par les brûlures étendues est très remarquable en raison de son exceptionnelle intensité qui est en relation avec l’importance de la masse de tissu concerné. Aucune pathologie, aucun traumatisme, n’est capable d’entraîner une réaction inflammatoire aussi étendue et donc de générer un tel besoin énergétique. L’inflammation des brûlures étendues est aussi exceptionnelle par sa durée. Tant que la cicatrisation cutanée n’est pas achevée, elle est en effet réactivée par la pullulation de bactéries, la sécrétion d’endotoxines et les éventuels traumatismes chirurgicaux (zones donneuses de greffes, excision des brûlures profondes, pansements pro-inflammatoires). Elle persiste même après la cicatrisation, probablement en raison de la persistance de l’inflammation au niveau des cicatrices, ce qui explique la durée sur plusieurs mois de l’hypermétabolisme du brûlé [7]. L’hypothèse [19] d’une toxine du tissu brûlé explique bien des modifications immunitaires et métaboliques. Elle est la résultante de la polymérisation thermique des lipoprotéines de la peau et est responsable de la perpétuation de l’inflammation tant qu’existe une escarre [20]. Elle active la mort cellulaire programmée au niveau de la moelle hématogène du foie [19] et peut-être de l’intestin [21]. 1.3.2. La généralisation de l’inflammation Dès lors que l’inflammation locale touche une masse importante de tissus, il est inévitable que des médiateurs passent dans la circulation générale et entraînent ainsi une généralisation de l’inflammation. Il s’agit de radicaux libres [22], des métabolites de l’acide arachidonique [23] et des cytokines pro-inflammatoires. Parmi ces dernières, l’interleukine (IL)-6 joue un rôle de premier plan : sa concentration plasmatique est corrélée à la

surface de la brûlure [24], à la fièvre et au niveau métabolique [25,26] et elle pourrait être impliquée dans l’évolution des sepsis létaux [27]. L’administration de polymyxine B, capable de lier les endotoxines, réduit la concentration d’IL6 et améliore le bilan azoté [26]. Le TNFa joue également un rôle important. Sa présence est corrélée à l’existence et à l’intensité d’une sepsis [28] ; il est pyrogène, stimule la lipolyse, le catabolisme musculaire et la production de protéines de l’inflammation [29]. Enfin, l’IL-1 participe à l’hyperthermie et sa concentration plasmatique est corrélée avec la température centrale [30]. Ces cytokines, en atteignant les différents tissus, peuvent engendrer des réactions inflammatoires secondaires et ainsi provoquer des dysfonctionnements organiques et surtout une nouvelle augmentation du niveau métabolique. Le tissu nerveux est concerné par cette généralisation de l’inflammation : on assiste à une modification du réglage de la température de référence, induisant une hyperthermie. L’axe hypothalamohypophysaire et le système orthosympathique sont particulièrement sensibles aux cytokines proinflammatoires, d’autant plus qu’ils sont déjà stimulés par les afférences nociceptives et cognitives en provenance de la lésion. 1.3.3. La réponse endocrinienne au stress La brûlure entraîne, comme tout stress, une hypersécrétion d’hormones catabolisantes. Sont principalement impliqués le glucagon, les glucocorticoïdes et les catécholamines [31]. À l’opposé, on constate une diminution des sécrétions d’hormones anabolisantes : testostérone [32] et hormone de croissance [33]. L’hypersécrétion de catécholamines est massive et durable [34] et est certainement une des principales causes de l’hypermétabolisme du brûlé avec état hyperdynamique du système cardiovasculaire [18] et lipolyse [9]. La stimulation des récepteurs b-adrénergiques est responsable de ces perturbations métaboliques puisque l’utilisation de b-bloquants permet de réduire le travail cardiaque, la tachycardie, la consommation énergétique de repos et d’augmenter ou de maintenir le bilan protéique et la masse lipidique [35]. Le glucagon est également une hormone clé dans la réponse au stress en augmentant la production de glucose, en stimulant la glycogénolyse et la néoglucogenèse [31]. Le cortisol stimule la protéolyse musculaire et l’efflux musculaire des acides aminés et ainsi favorise la néoglucogenèse [31]. L’hyperinsulinémie est de règle chez les brûlés [36], mais ne permet pas de contrecarrer les effets des autres hormones hyperglycémiantes. Il existe ainsi une résistance aux effets de l’insuline. On constate enfin une diminution des concentrations sériques des hormones thyroïdiennes T3 et T4 [37], constituant un « syndrome de basse T3 » classique du sujet fortement agressé. Cette réponse hormonale aboutit à un catabolisme généralisé concernant tous les macronutriments. Il s’ensuit une libé-

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ration massive des substrats énergétiques nécessaires (glucose, acides gras libres, acides aminés) pour fournir l’énergie dépensée par la réaction inflammatoire dans les tissus lésés. On peut donc considérer qu’il s’agit là d’une réaction de défense parfaitement adaptée, même si l’importance de ces perturbations endocriniennes et leur durée expliquent que l’on assiste rapidement à un effondrement des réserves car l’anabolisme est dans l’incapacité de compenser le catabolisme, soit que les apports alimentaires sont insuffisants, soit que la vitesse des réactions de synthèse est trop faible. Il peut paraître séduisant de réduire la réponse endocrinienne du brûlé ou de la modifier pour éviter la déplétion des réserves et ses conséquences néfastes sur pratiquement toutes les fonctions organiques et plus particulièrement sur l’immunité. Les différentes études réalisées ont été positives tant sur le plan métabolique que sur celui de la vitesse de cicatrisation, qu’il s’agisse du blocage des récepteurs b-adrénergiques [35], de l’utilisation de l’hormone de croissance [38,39], d’IGF-1 (insulin-like growth factor-1) [40] ou d’équivalents de la testostérone [41]. Il convient toutefois de noter que les manipulations endocriniennes ont toujours été appliquées après la phase initiale et notamment après traitement chirurgical de la majorité des lésions. Il serait probablement dangereux de vouloir utiliser ces traitements anticataboliques de façon plus précoce (i.e. avant d’avoir obtenu une diminution de la réponse inflammatoire par réduction de la lésion initiale). 1.3.4. Les pertes caloriques cutanées La brûlure provoque des perturbations dans la fonction d’isolement de la peau qui sont responsables de pertes caloriques. Les pertes de chaleur par radiation sont augmentées au niveau des lésions cutanées, en raison de la perte de l’épiderme et de la vasodilatation provoquée par l’inflammation [42]. Mais ce sont les pertes évaporatoires qui représentent la principale cause de fuite de calories [43], surtout pour les lésions du 2e et du 3e degré : elles représentent près de 580 kcal par kilogramme d’eau évaporée. Les pansements occlusifs permettent de diminuer les fuites caloriques cutanées même si l’évaporation reste élevée dans ces conditions [43]. Ces pertes sont sensibles à l’environnement et peuvent être diminuées, voire annulées, par chauffage de l’environnement du patient. Il est ainsi possible de réduire l’hypermétabolisme des brûlés en élevant la température de leur environnement de 25 à 33 °C. En fait, les conditions thermiques de traitement doivent éviter d’accroître le niveau métabolique par une fuite calorique cutanée excessive mais elles doivent assurer néanmoins l’évacuation des calories dégagées par le métabolisme. Toute mise en jeu de la régulation thermique se solde en effet par une augmentation importante de la dépense énergétique. Les phases de variation de la température centrale (extrêmement fréquentes chez le brûlé en raison de l’inflammation et des infections) correspondent à des successions de mise en jeu de la thermorégulation (contre le refroidissement lors de l’ascension thermique avec frissons et sécrétion de catécho-

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lamines, contre le réchauffement lors de la défervescence avec sudation et vasodilatation cutanée) qui ont un coût énergétique important souvent méconnu. L’asservissement de l’environnement thermique aux réponses thermorégulatrices du patient permet de diminuer ce surcroît de dépense d’énergie contemporain des variations de la température centrale. L’utilisation d’un chauffage infrarouge, placé au-dessus du lit du patient, dont l’alimentation est asservie à la différence mesurée entre la température centrale et la température cutanée périphérique, permet ainsi une réduction du niveau métabolique [44]. Certaines pratiques, comme le recours aux antipyrétiques ou à une diminution de la température de l’environnement en cas d’hyperthermie, sont non seulement le plus souvent inefficaces mais surtout responsables d’une surconsommation d’énergie et ne devraient être envisagées que lorsque la température centrale atteint des niveaux faisant craindre une hyperthermie majeure. 1.4. Caractéristiques qualitatives des perturbations métaboliques du brûlé La connaissance des perturbations spécifiques qui touchent les différentes voies métaboliques est essentielle pour pouvoir adapter qualitativement les apports alimentaires et pour envisager une intervention thérapeutique lorsque l’homéostasie de l’organisme est mise en danger. 1.4.1. Métabolisme des glucides Les brûlés graves présentent fréquemment une hyperglycémie [45] expliquée par les déséquilibres hormonaux, abordés plus haut. Les brûlés présentent une résistance à l’insuline qui traduit l’incapacité de la sécrétion d’insuline, pourtant augmentée, à contrecarrer les effets des autres hormones. Les mécanismes exacts n’en sont pas encore éclaircis. Il s’agit probablement de phénomènes postrécepteurs à l’insuline [46]. 1.4.1.1. La production de glucose. • Il existe un déséquilibre entre la glycogénolyse qui est augmentée et la glycogénogenèse qui est diminuée [47]. Cela aboutit à une augmentation de la production de glucose et de sa libération par le foie. Elle aboutit rapidement à une déplétion du glycogène hépatique et est principalement due à l’action des hormones du stress. La sécrétion abondante des catécholamines joue certainement un rôle important, même si, de façon paradoxale, le blocage des récepteurs b-adrénergiques peut entraîner une augmentation de la production compensatrice de glucose chez le brûlé [48] secondaire au blocage simultané du métabolisme des acides gras [49]. Le glucagon est un puissant stimulant de la glycogénolyse puisque, si l’on diminue sa sécrétion par injection de somatostatine, on observe une importante diminution de la production de glucose, même lorsque l’on maintient constante l’insulinémie [50] ; • la néoglucogenèse est fortement augmentée chez le brûlé et permet de maintenir la disponibilité en glucose. Ses principales sources sont :

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C le lactate qui s’accumule lorsque la production de glucose dépasse les capacités cellulaires d’oxydation aérobie et/ou lorsque la glycémie augmente. Il peut être retransformé en glucose en utilisant le cycle de Cori et ce processus est augmenté chez le brûlé [36]. Le recyclage d’une molécule de lactate en glucose consomme plus d’énergie que n’en libère la glycolyse anaérobie d’une molécule de glucose. L’énergie est fournie par l’oxydation hépatique des graisses, de sorte que le cycle de Cori correspond à un transfert d’énergie du tissu adipeux vers les tissus incapables d’utiliser directement les lipides (tissu nerveux, érythrocytes, tissus inflammatoires) ; C l’alanine est le principal acide aminé glucoformateur. Sa libération par le muscle et son utilisation dans la néoglucogenèse sont très augmentées chez les brûlés [50]. La glutamine, la proline et la glycine contribuent également à la néoglucogenèse du brûlé [51] ; C le glycérol libéré par le catabolisme lipidique peut représenter jusqu’à 20 % de la production de glucose chez le brûlé [52]. La coexistence, chez le brûlé, d’une augmentation de la néoglucogenèse et d’une hyperglycémie exprime ainsi un déséquilibre entre les effets des sécrétions d’hormones hyperglycémiantes et ceux opposés de l’insuline et de la glycémie, déséquilibre entrant dans le cadre de la résistance à l’insuline [46]. Un apport, même massif de glucose ne permet pas de freiner la néoglucogenèse [51]. 1.4.1.2. L’utilisation du glucose dépend de deux facteurs. • Sa pénétration cellulaire : dans beaucoup de tissus, elle n’est pas insulinosensible (tissu nerveux, leucocytes, érythrocytes) ou seulement partiellement (muscles et tissus graisseux). L’hyperglycémie favorise cette pénétration non insulinodépendante du glucose, notamment au niveau du muscle squelettique [53]. Dans des conditions de stress, la pénétration cellulaire du glucose est augmentée. Elle est particulièrement importante dans les tissus impliqués dans la réponse immunitaire et est partiellement sous la dépendance de sécrétions de cytokines [47] ; • l’utilisation intracellulaire du glucose : la glycolyse est augmentée chez les brûlés, probablement en raison de l’augmentation de la pénétration cellulaire du glucose (effet de masse) et de la production d’adénosine monophosphate qui stimule la phosphofructokinase, enzyme limitante de la glycolyse. Contrairement à ce que des travaux anciens laissaient supposer, l’oxydation du pyruvate est également augmentée chez le brûlé [54]. L’augmentation du lactate, souvent observée chez ces patients, n’est donc pas le reflet d’une insuffisance d’oxydation du pyruvate mais représente en fait, comme chez les patients septiques, un équilibre avec un rapport lactate/pyruvate normal. Bien plus, le fait que chez des patients très gravement brûlés et présentant un hypermétabolisme important, une perfusion de glucose augmente encore l’oxy-

dation du glucose, prouve que ce mécanisme d’oxydation n’est pas saturé chez ces patients [54]. Un problème clé de la prise en charge des brûlés graves est le contrôle de l’hyperglycémie. Les données exposées ci-dessus indiquent que la réponse de l’organisme du brûlé permet d’optimiser l’apport calorique glucidique aux cellules qui en ont besoin (tissus inflammatoires en particulier) et cela malgré l’inefficacité de l’insuline sécrétée. Il apparaît donc logique de respecter l’augmentation de la production du glucose. Cependant, l’absence de tout contrôle peut aboutir à une hyperglycémie très élevée dont le risque principal est une glycosurie avec polyurie osmotique puis déshydratation. En outre, une glycémie élevée favorise l’infection [55] et pourrait avoir des effets immunodépresseurs [56]. Il est donc indispensable de contrôler la glycémie afin d’éviter ces complications. Cela est particulièrement délicat car de nombreux éléments interviennent pour modifier en permanence l’équilibre glycémique. En particulier, les traitements locaux itératifs provoquent des stress surajoutés, des variations hémodynamiques et thermiques qui sont autant de facteurs pouvant modifier la production et la consommation du glucose. Si la question du contrôle de la glycémie ne se pose pas, en revanche, celle de son niveau reste discutée : faut-il strictement « normaliser » la glycémie ou la maintenir la plus stable possible à un niveau relativement élevé ? Plusieurs études malheureusement rétrospectives ont comparé le devenir de patients brûlés en fonction de leur glycémie : ceux dont la glycémie reste le plus souvent dans les limites de la normale ont une moindre mortalité, présentent moins de complications infectieuses et ont un meilleur taux de prise de greffes que ceux dont la glycémie est le plus souvent élevée [56]. Il existe, par ailleurs, une association entre hyperglycémie et catabolisme protéique musculaire [57]. Cependant, aucune de ces études ne permet d’établir une relation de cause à effet entre hyperglycémie et survenue de complications. Il apparaît logique que ce soit chez les patients ayant une évolution difficile que le contrôle de la glycémie soit le plus délicat et que ce soit également chez ces patients que la morbimortalité soit plus importante. Il n’est donc pas étonnant de retrouver une association entre morbimortalité et glycémie et cela ne prouve en rien la responsabilité de l’hyperglycémie dans les complications observées. La seule étude prospective ayant fait la preuve des avantages d’une normalisation de la glycémie est celle de Van den Berghe et al. [58]. Cependant, cette étude, qui montre une différence significative de mortalité entre les patients ayant un contrôle à un niveau proche de la normale de la glycémie (entre 4,4 et 6,1 mmol/l) et ceux dont la glycémie est maintenue à des valeurs plus élevées (entre 10 et 11,1 mmol /l), a été réalisée sur une population dont la majorité (63 %) était constituée de patients de chirurgie cardiaque. Les polytraumatisés et les brûlés graves ne représentaient que 4 % des patients étudiés. Dans cette sous-population, il n’existe pas de différence significative de mortalité entre les patients à bas niveau de glycémie (mortalité 12,1 %) et ceux à glycé-

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mie élevée (mortalité 8,6 %). Les grands brûlés représentent une population à part, chez laquelle la réaction inflammatoire et l’hypermétabolisme sont hors de proportion avec ce qui est constaté chez les autres patients de réanimation. Il n’y a rien de commun entre un patient brûlé sur plus de 50 % de la surface corporelle et un malade ayant subi une intervention de chirurgie cardiaque, surtout au plan métabolique. Toute extrapolation en ce domaine pour application aux brûlés, à partir de données issues d’autres types de patients, est illégitime. Enfin, les tentatives de stabilisation de la glycémie à un niveau proche de la normale chez un grand brûlé exposent aux risques d’hypoglycémie, en raison des variations fréquentes et brutales du métabolisme des glucides chez ces patients et des nombreuses périodes de jeûnes imposées par les gestes chirurgicaux. Il apparaît ainsi qu’un contrôle de la glycémie est indispensable mais qu’en l’absence d’étude spécifique chez le grand brûlé, le niveau de contrôle de la glycémie ne peut, chez ces patients, être déterminé avec précision. Il devra permettre une fourniture adéquate de calories glucidiques aux tissus impliqués dans la défense de l’organisme tout en limitant les risques liés aux hyperglycémies très élevées ou à l’hypoglycémie [56]. 1.4.2. Métabolisme des protéines On constate un important catabolisme protéique [51]. Ce processus peut être utile dans la mesure où il permet la synthèse par le foie des protéines de l’inflammation, favorise la réplication des cellules impliquées dans la défense immunitaire, fournit des substrats nécessaires à la cicatrisation et augmente la production de glucose par néoglucogenèse. Cependant, il aboutit à une perte importante de la masse protéique en particulier musculaire [51]. On assiste alors à une cascade de déficits incluant dépression de l’immunité, inhibition de la cicatrisation, atrophies musculaires et de la muqueuse digestive [59]. Ces processus sont le résultat d’un déséquilibre entre vitesses de synthèse et de destruction. Il existe en fait, chez les patients brûlés, une augmentation de la synthèse protéique [60], probablement en rapport à une stimulation par l’augmentation de la disponibilité intracellulaire en acides aminés [61]. Cependant cette synthèse augmentée est insuffisante pour s’opposer à la dégradation très accélérée des protéines. La protéolyse est accompagnée d’une libération massive d’acides aminés par les muscles et surtout d’alanine et de glutamine. Elle résulte de l’hypersécrétion des hormones du stress (au premier rang desquelles le cortisol) et d’une perte d’efficacité des hormones anabolisantes [60,61]. Les catécholamines, qui ont un effet d’anabolisme protéique par stimulation des récepteurs b2-adrénergiques [62], ne sont pas capables de stimuler la synthèse des protéines et il existe une diminution des sécrétions de testostérone [32] et d’hormone de croissance [33]. Les cytokines libérées par les cellules de l’inflammation jouent également un rôle important : en particulier l’IL-6 [25]

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favorise la synthèse par le foie des protéines de l’inflammation et le TNFa augmente le catabolisme musculaire en potentialisant l’action du cortisol [29]. Enfin, la concentration intracellulaire de glutamine pourrait intervenir dans la régulation du métabolisme protéique en favorisant la synthèse au détriment du catabolisme [59]. Chez le brûlé, l’efflux musculaire de la glutamine est beaucoup plus augmenté que sa synthèse, si bien que le contenu musculaire de cet acide aminé est effondré [60]. 1.4.3. Métabolisme des lipides Catécholamines, glucocorticoïdes et glucagon sont les principaux responsables d’une lipolyse intense chez le brûlé [52,63]. La stimulation du système nerveux sympathique et la résistance à l’insuline participent également à l’utilisation des réserves lipidiques [64]. Ainsi, on peut considérer que l’oxydation des lipides permet de préserver les réserves glucidiques pour être utilisées par les tissus dont c’est la seule source possible d’énergie. Le cerveau peut partiellement s’adapter pour utiliser les corps cétoniques comme substrats ; cependant, chez le brûlé, la cétogenèse est déprimée [65]. Chez les patients gravement brûlés, la lipolyse entraîne une libération d’acides gras très excessive par rapport aux besoins puisque 70 % d’entre eux ne sont pas oxydés mais réestérifiés en triglycérides [12]. La vitesse de réestérification hépatique des acides gras libérés en excès peut dépasser la vitesse maximale de libération hépatique des triglycérides [12] pouvant conduire à une accumulation de graisse dans le foie. On peut considérer que l’oxydation des acides gras libérés en excès permet de compenser les différences éventuelles entre les besoins énergétiques et la disponibilité en glucose.

2. Intestin et brûlures La destruction brutale de l’enveloppe cutanée génère des modifications circulatoires et une réaction inflammatoire générale qui concernent, entre autres, le poumon et le tube digestif. Ce sont deux organes qui, comme la peau, ont une fonction d’échange sélectif avec le milieu extérieur. Ils sont pourvus de moyens propres à faciliter cet échange mais aussi à empêcher toute intrusion extérieure non souhaitée. Affectés par la lésion cutanée, ils sont capables d’amplifier la réaction inflammatoire qui les atteint. L’intestin représente donc à la fois, « le moteur » d’une réaction qui peut atteindre tous les organes et la « cible » de cette réaction. Il a, dans l’organisme, le rôle du « canari » [66], celui qui alerte d’un danger. 2.1. Le syndrome de défaillance multiviscérale (multiple organ failure ou MOF) La survenue d’une défaillance multiviscérale est une complication commune chez le malade de réanimation qui survit à son traumatisme initial. La pérennisation d’une situation inflammatoire modifie l’équilibre endocrinien, nutritionnel et

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immunologique et finit par emporter le patient dans un tableau d’infection sans germes. Plusieurs théories sont avancées pour expliquer un tel tableau : macrophagique, microcirculatoire et infectieuse [67]. L’hypothèse macrophagique met en avant l’activation exagérée et prolongée des cellules proinflammatoires. L’hypothèse microcirculatoire repose sur une inadaptation entre demande et approvisionnement tissulaire en oxygène : l’ischémie, les modifications endothéliales ou la survenue d’une coagulation entravent les échanges capillaires. L’hypothèse infectieuse le lie à la persistance d’un foyer infectieux générant des toxines. En réalité, ces différentes hypothèses se rejoignent : la sécrétion de médiateurs pro-inflammatoires et de cytokines agit sur le capillaire et active la coagulation, l’ischémie– reperfusion est à la base de la libération de radicaux libres oxygénés... Le processus une fois activé s’auto-entretient. 2.2. La barrière intestinale Entre autres fonctions la barrière intestinale permet d’éviter le passage des germes intestinaux vers l’organisme. L’équilibre de la flore intestinale exerce un rôle de résistance à la colonisation par des germes pathogènes. Le rôle des germes anaérobies est à ce titre particulièrement important : ils forment avec l’épithélium intestinal un complexe qui limite la fixation de germes potentiellement pathogènes à ce niveau. Le péristaltisme évite la stase des bactéries et ne leur permet pas de se fixer. La moindre interruption du péristaltisme permet leur multiplication et leur adhésion aux cellules épithéliales. La vascularisation mésentérique a une morphologie particulière destinée à favoriser l’absorption [68] : chaque villosité comprend une artériole centrale et un réseau capillaire branché en angle droit descendant le long de la villosité vers les veinules. Cette disposition favorise la stagnation et rend le réseau particulièrement sensible à l’ischémie. 2.3. Atteinte de la barrière intestinale lors de la brûlure 2.3.1. Les lésions anatomiques du tube digestif Les ulcères de stress gastroduodénaux, dits de « Curling », du brûlé font partie de l’histoire de la médecine. L’intestin grêle peut aussi subir nombre de complications qui vont de l’iléus paralytique, à l’ischémie intestinale qui touche les patients très sévèrement brûlés : on les retrouve à l’autopsie chez 53 % des adultes et 61 % des enfants décédés [69]. Enfin, le gros intestin, en plus des complications de type ischémie colique et des colites pseudomembraneuses qui ne sont pas rares, présente des dilatations non obstructives (syndrome d’Ogilvie) qui touchent un peu moins de 1 % des patients et peuvent mettre leur vie en danger. Les opiacés et sédatifs qui leur sont largement administrés sont des facteurs de risques bien établis. 2.3.2. Rôle de l’intestin dans la contamination bactérienne des brûlures La corrélation entre germes retrouvés dans les prélèvements rectaux et ceux isolés sur les brûlures n’est retrouvée

que lors de brûlures de grande surface [70]. Chez la souris, il existe une contamination de l’escarre par voie hématogène à partir de l’intestin [71]. 2.3.3. Troubles de la perméabilité intestinale Une augmentation de la perméabilité intestinale a été objectivée chez le brûlé [72,73]. La relation entre cette hyperperméabilité et la gravité de la brûlure reste discutée [74,75]. Elle est précoce [76] et pourrait durer jusqu’à deux semaines [75]. Ce trouble n’est cependant pas synonyme à lui seul de défaillance multiviscérale. 2.3.4. Modifications circulatoires intestinales lors des brûlures La diminution de la volémie est compensée transitoirement par le sacrifice de circulations non vitales au profit des circulations encéphalique et coronaire. Le phénomène perdure alors que la volémie a été corrigée ; il existe donc d’autres phénomènes encore discutés. Chez l’animal, le flux sanguin splanchnique est diminué de 50 % pendant environ huit heures après une brûlure à 40 % [77]. La vasoconstriction est également provoquée par une inhalation de fumées et à un degré supérieur par l’association brûlures–inhalation. Le thromboxane A2 [19] et la vasopressine [78] sont impliqués dans cette vasoconstriction ; son antagonisation la supprime. Il apparaît rapidement une atrophie de la muqueuse intestinale dont la réparation est accélérée par la bombésine [77]. Cette vasoconstriction s’accompagne de l’accumulation d’hypoxanthine et de la conversion de la xanthinedeshydrogénase en xanthine oxydase. Lors de la reperfusion, cette dernière catalyse la production de dérivés toxiques à partir de l’hypoxanthine et de l’oxygène. L’ion superoxyde produit réagit avec le peroxyde d’hydrogène pour former un radical hydroxyl qui promeut la lipoperoxydation membranaire [79]. L’augmentation de la nitric oxide (NO) synthetase inductible [80,81] crée des lésions cellulaires et aboutit à la génération de peroxynitrites en présence de radicaux libres oxygénés [82]. Ainsi, l’altération de la circulation splanchnique due à l’ischémie–reperfusion et à l’augmentation de la production locale de NO est source à la fois de lésions muqueuses, d’inflammation intestinale et de translocation bactérienne. Cette hypoperfusion ne serait cependant pas suffisante pour expliquer l’apoptose épithéliale intestinale constatée après brûlure ; celle-ci est également liée aux médiateurs pro-inflammatoires, notamment le TNFa, induits par la lésion cutanée. 2.3.5. Endotoxine Il est paradoxal qu’en présence d’une telle hyperperméabilté, la translocation démontrée chez l’animal ne soit qu’irrégulièrement objectivée chez l’homme. Les niveaux d’endotoxine sont corrélés à la surface brûlée [83]. Yao et al. [84] montrent, chez le brûlé très grave, une relation entre la présence d’une endotoxinémie et la survenue d’une défaillance

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multiviscérale, corrélation non retrouvée par d’autres [85]. Dans les premières heures d’évolution de brûlures graves, il n’a pas été détecté de taux significativement élevés d’endotoxine circulante [86]. Lorsqu’une endotoxine est absorbée dans la circulation portable, les cellules immunitaires du foie sont très efficaces dans leur rôle d’épuration. La présence d’une endotoxinémie systémique n’est donc possible qu’en présence d’une défaillance hépatique majeure, le poumon jouant alors le rôle d’un second filtre. L’endotoxinémie, lorsqu’elle existe, est source de vasoconstriction intestinale et de translocation [87]. Il pourrait ainsi se créer un cercle vicieux où l’atteinte intestinale et la situation inflammatoire qu’elle engendre aggravent les lésions intestinales. L’excision très précoce des tissus brûlés modifie les taux d’endotoxine [88]. 2.3.6. Rôle de la circulation lymphatique En l’absence de lésions directes de l’intestin, la survenue d’une translocation intestinale de bactéries ou d’endotoxine via la voie portale ne peut expliquer la survenue d’une défaillance multiviscérale. La transmission de produits toxiques ou inflammatoires par voie lymphatique a été démontrée [89,90]. 2.3.7. Modifications immunologiques de l’intestin Il existe chez l’animal brûlé une modification des fonctions des lymphocytes T intestinaux prévenue par le blocage de la synthèse de PGE2 [91] et diminuée par l’immunonutrition [92]. Le rôle de l’intestin dans la survenue du déséquilibre inflammatoire est lié à sa nature d’organe inflammatoire ; la survenue d’une modification de la barrière intestinale peut induire l’activation des leucocytes circulants qui agissent ensuite à distance et génèrent des cytokines [67] transportées par voie lymphatique au niveau du poumon où elles rencontrent des cellules, éventuellement déjà activées par une autre agression (inhalation de fumées). Chez l’animal, la déplétion leucocytaire prévient les troubles de la perméabilité intestinale postbrûlure [93]. L’étude de la mobilisation et de la migration des leucocytes chez la souris montre que leur nombre augmente dans le poumon et diminue dans l’intestin après brûlure [94]. 2.4. Prévention et limitation de l’inflammation d’origine intestinale Il faut constamment garder à l’esprit le rôle occulte mais vital de l’intestin dans l’évolution clinique du malade. Chaque prescription devrait s’accompagner de l’interrogation : quid de l’intestin ? Certaines des remarques suivantes relèvent du simple bon sens ; d’autres procèdent d’un choix stratégique. La précocité et la qualité de la réanimation hydroélectrolytique initiale sont des facteurs clés de la survie du brûlé [95] car l’hypovolémie est à la base de l’hypoperfusion splanchnique. Un délai de réanimation de plus de deux heures

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entraîne une augmentation significative de la mortalité et de la morbidité par défaillance multiviscérale et sepsis. La précocité du remplissage est en cause plus que la composition de la solution [96]. Le retentissement de l’utilisation de substances vasopressives sur la vascularisation splanchnique n’est pas univoque [97]. L’adrénaline a ainsi un effet moins favorable sur le flux sanguin et l’oxygénation que l’association dobutamine– noradrénaline lors d’un choc septique mais procure une élimination plus efficace de l’acide lactique, avec un meilleur rapport lactate/pyruvate [98]. La dobutamine seule a un meilleur effet que la dopamine sur le flux sanguin splanchnique. Les résultats obtenus avec la dopexamine sont controversés [99]. L’obtention d’un chiffre tensionnel idéal ne doit pas amener à sacrifier la circulation intestinale. La ventilation artificielle en pression positive intermittente crée une augmentation de la pression thoracique moyenne diminuant ainsi la circulation hépatique et splanchnique. La circulation splanchnique n’est cependant pas affectée lorsque la pression positive expiratoire respecte le point d’inflexion de la courbe pression–volume [100]. La stase digestive s’accompagne de la prolifération de germes intestinaux et favorise la translocation. Il est confortable pour le thérapeute soucieux d’obtenir un malade calme et parfaitement adapté à son respirateur d’utiliser des sédations lourdes à base de morphiniques puissants, voire de curares, mais ces mesures, souvent trop systématiques, doivent être pesées à l’aune de la fonction intestinale dont le maintien reste un impératif. Le syndrome du compartiment abdominal a été récemment décrit chez le brûlé dans le contexte de surréanimation liquidienne [100a] : l’hypertension abdominale supérieure à 20 mmHg constitue un risque d’ischémie intestinale ; sa prévention et son traitement font maintenant partie des pratiques visant à limiter les perturbations digestives. La prescription d’anti-acides, en diminuant le pH, favorise la colonisation du tractus digestif haut favorisant ainsi la survenue de pneumopathies nosocomiales et la translocation bactérienne ultérieure [97]. La prescription d’anti-acides doit être réservée aux seuls patients présentant des antécédents ulcéreux ou ayant un retard de réanimation important avec difficulté de mise en place d’une nutrition entérale [101]. Toute antibiothérapie modifie l’équilibre de la flore intestinale. Les germes anaérobies y sont plus sensibles que les autres et la barrière intestinale en est ainsi modifiée [102]. La prescription systématique d’antibiotiques à large spectre doit donc être bannie et leurs indications strictement pesées. L’utilisation de probiotiques [103] a des effets bénéfiques sur l’inflammation et l’immunité de l’intestin [104]. Leurs effets sur la mortalité ne sont pas démontrés mais l’efficacité de certains d’entre eux sur les diarrhées en réanimation est bien connue. 2.5. Place de la décontamination sélective de l’intestin La pratique de la décontamination digestive intestinale est inspirée de celle utilisée en hématologie. Elle consiste à admi-

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nistrer oralement, avant toute agression, une association d’antibiotiques non absorbables ; elle est destinée à empêcher la colonisation du tube digestif par des germes potentiellement pathogènes. On diminue ainsi le risque de translocation et de diffusion hématogène lors des thérapeutiques agressives (chimiothérapie, irradiation). Chez le brûlé, cette pratique repose sur le pari que ces antibiotiques, administrés après l’agression, atteignent leur site d’action et aient le même effet sur la prévention de l’infection que chez le malade d’hématologie. À l’antibiothérapie ingérée sont associés une pâte destinée à décontaminer la cavité buccale et une antibiothérapie systémique de trois à cinq jours afin de traiter une contamination existant lors de l’accident ou se déclarant de façon très précoce. L’association la plus répandue est constituée de polymyxine-B, tobramycine et amphotéricine-B par voie orale et topique et de la céfotaxime intraveineuse 3 g/jour [71]. Une étude [105], malheureusement de qualité méthodologique médiocre, montre une diminution importante des infections de brûlures par P. aeruginosa (23 vs 61 %), par des entérobactéries (10 vs 73 %), des infections respiratoires (6,5 vs 24,2 %) et des septicémies (3,2 vs 24,2 %). La mortalité était de 1/31 dans le groupe décontaminé vs 7/33 dans le groupe sans décontamination. L’adjonction de mupirocine nasale permet de diminuer la colonisation par staphylocoques dorés des plaies, des crachats et du liquide gastrique [106]. L’administration de polymyxine seule diminue globalement la fréquence de la contamination des brûlures par les entérobactéries ; son association avec du cotrimoxazole supprime la contamination par Proteus et avec de l’amphotéricine-B diminue la colonisation fungique [107]. Chez le rat brûlé, la décontamination digestive permet de diminuer la translocation et de diminuer l’hypersécrétion d’interleukine-2 [108]. Une grande prudence doit cependant présider à l’introduction d’une telle pratique chez tous les brûlés graves ; une étude approfondie des éléments en faveur ou contre la décontamination sélective intestinale en réanimation a récemment été publiée [109] : la décontamination sélective du tube digestif diminue globalement l’incidence des infections respiratoires, mais le bénéfice en termes de mortalité n’est évident que chez les malades de réanimation chirurgicale et, parmi eux, chez ceux dont le pronostic est le plus mauvais. Le principal risque d’une décontamination systématique au long cours est l’émergence de germes résistants. L’apparition de staphylocoques a amené certaines équipes soit à introduire la vancomycine (ce qui favorise l’émergence d’entérocoques résistants), soit à utiliser la mupirocine nasale. L’acquisition de mutants résistants est bien décrite [110]. Au total, il existe une grande réticence à l’introduction d’une mesure qui apparaît pourtant avoir des résultats positifs sur le taux d’infection et peut-être la mortalité des malades de réanimation. Il manque chez le brûlé, une étude randomisée comparative indiscutable.

3. Évaluation clinique et biochimique de l’état nutritionnel du brûlé La nutrition est l’un des éléments déterminants de la stratégie thérapeutique en cas de brûlure sévère [111,112] et sa surveillance aide à définir des apports adéquats ainsi qu’à identifier les patients présentant un risque accru de survenue de complications. En pratique, cette surveillance repose sur l’association de critères cliniques et biochimiques car il n’existe pas de paramètre permettant, à lui seul, de juger de l’état nutritionnel. Ces examens seront pratiqués à l’entrée du patient, puis répétés régulièrement pendant toute la durée de l’hospitalisation selon un rythme choisi en fonction de la gravité du traumatisme et de son évolution. Une enquête réalisée en France dans 18 centres et unités spécialisées de soins aux brûlés [113] avait montré une grande disparité dans les pratiques de surveillance de l’état nutritionnel des patients brûlés bénéficiant d’une nutrition entérale. À ce jour, il n’existe toujours pas de consensus [Manelli, communication personnelle] ; cela est vraisemblablement en rapport avec la difficulté d’évaluer et d’interpréter l’état nutritionnel chez ce type de patients. En effet, les critères de surveillance habituellement utilisés (poids, créatinine, albumine...) sont plus difficiles à interpréter chez le brûlé en raison de l’hypermétabolisme extrême [114] et des effets propres induits par la brûlure (œdèmes, pertes liquidiennes et azotées au niveau des zones brûlées...) qui altèrent la spécificité de ces critères. Il convient donc de privilégier les paramètres qui permettent au mieux d’évaluer l’état nutritionnel de sujets présentant un hypermétabolisme intense. L’interprétation implique la confrontation des résultats avec l’état clinique en prenant en compte les particularités du traumatisme de brûlure. L’évaluation de l’état nutritionnel doit figurer dans le dossier médical du patient. 3.1. Évaluation clinique et anthropométrique de l’état nutritionnel Le recueil initial de l’anamnèse et l’examen clinique doivent avoir lieu à l’admission et l’examen clinique est répété quotidiennement afin d’en préciser les variations. La gravité des brûlures et la présence d’œdèmes en limitent la portée. En effet, en phase initiale, le poids, l’indice de masse corporelle et la mesure de la circonférence musculaire brachiale ne sont pas des paramètres fiables compte tenu de la rétention hydrique et des variations de l’état d’hydratation qui peuvent être observés. Une fois la phase initiale passée, ils retrouvent leur intérêt pour compléter la surveillance nutritionnelle. 3.1.1. Anamnèse L’interrogatoire des proches et du patient, quand cela est possible, précise les antécédents médicochirurgicaux, les régimes alimentaires suivis, les traitements en cours ayant pu modifier l’état métabolique du patient et tente d’obtenir le plus possible de renseignements sur l’état prébrûlure : poids

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corporel et sa stabilité, pathologies associées, usage de stupéfiants, alcoolisme etc. Ces éléments permettent de savoir si l’état nutritionnel préexistant à l’hospitalisation est satisfaisant : une dénutrition préalable est de mauvais pronostic.

3.1.2. Examen clinique 3.1.2.1. Poids et taille. Les variations du poids doivent être interprétées avec précaution, compte tenu de la présence des œdèmes et de l’importance des volumes liquidiens perfusés qui le font varier indépendamment de l’état nutritionnel. Le poids corporel n’a pas de valeur en phase de réanimation à cause des variations des compartiments hydriques, des pansements ou des greffes qui contre-indiquent la mobilisation du patient. Ultérieurement, en l’absence d’inflation hydrique majeure, l’enregistrement des variations du poids corporel redevient un bon reflet de l’état nutritionnel. Il est alors préférable de normaliser la mesure du poids par rapport à la taille. Si la taille exacte du patient ne peut pas être mesurée, elle peut être extrapolée à partir de la distance talon–genou. 3.1.2.2. Composition corporelle. La mesure de l’épaisseur cutanée et celle de la circonférence musculaire brachiale sont rarement utilisées chez le patient brûlé [113]. En effet, la localisation des brûlures, la présence d’œdèmes, les pansements, ainsi que le manque de sensibilité de ces paramètres invalident leur utilisation. L’impédancemétrie bioélectrique n’a pas été validée chez le brûlé dont l’état d’hydratation est soumis à de grandes variations. Cela constitue donc un obstacle à son utilisation comme élément de surveillance de l’état nutritionnel de ces patients. De plus, il n’est pas possible d’utiliser les appareils employant des électrodes collées en raison de la sudation élevée des patients. Les autres techniques d’estimation de la composition corporelle (absorption biphotonique, résonance magnétique nucléaire...), qui nécessitent un patient ambulatoire, sont très difficiles à utiliser chez le brûlé. 3.1.2.3. Force musculaire. Chez le brûlé, cette mesure n’est pas de pratique courante et est souvent rendue impossible par la localisation des brûlures aux extrémités qui est fréquente. Il serait intéressant de la mettre en œuvre pendant la phase de convalescence. 3.1.2.4. Autres critères. Une conséquence majeure d’une altération de l’état nutritionnel est le retard et la mauvaise qualité de la cicatrisation. Certains critères subjectifs peuvent donc être pris en compte tels que la qualité de la cicatrisation (bourgeonnement, épidermisation) ou l’état général du patient (psychisme, état des masses musculaires...) [113]. La fatigue (lors des efforts occasionnés par les séances de kinésithérapie) pourrait témoigner aussi d’un mauvais état nutritionnel [111].

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3.2. Évaluation biochimique de l’état nutritionnel Le catabolisme protéique intense conduit à une fonte musculaire et à la perte d’une fraction des protéines de l’organisme pouvant atteindre 20 % [59] d’où d’un bilan azoté négatif. Le métabolisme protéique constitue donc l’élément principal de l’évaluation biochimique de l’état nutritionnel du brûlé et différents dosages permettent de l’étudier. Le turnover protéique peut être apprécié globalement par la détermination du bilan d’azote. L’intensité du catabolisme protéique peut être évaluée par la mesure des pertes azotées urinaires ; la fraction attribuable au muscle, par celle de l’excrétion urinaire de 3-méthyl-histidine (3-MH) qui est le témoin du catabolisme myofibrillaire. L’anabolisme protéique peut être apprécié par la détermination des concentrations de protéines dites « de la nutrition » [114] dont le dosage doit être associé à celui de protéines de la réaction inflammatoire [115] afin d’aider à l’interprétation des variations observées. Le bilan peut être complété par le dosage de vitamines et d’oligoéléments qui interviennent dans le processus de cicatrisation et la défense immunitaire [116]. Les résultats biologiques en phase initiale de la brûlure sont difficiles à interpréter. Ainsi, les concentrations sériques tendent à être augmentées en cas de perte liquidienne au niveau des lésions, ou au contraire abaissées en cas de rétention liquidienne. Il est aussi difficile d’apprécier avec précision ce qui est exsudé au niveau des lésions (azote, oligoéléments...) lorsque les pertes doivent être évaluées. Enfin, les patients sont souvent polyuriques, posant le problème du recueil et de l’homogénéisation des urines. 3.2.1. Évaluation du turn-over protéique 3.2.1.1. Bilan d’azote. Le bilan azoté n’est pas fiable pendant les premiers jours à cause de l’augmentation de la taille du pool de l’urée et des pertes cutanées en protéines qui font sous-estimer les pertes azotées. Cependant, même compte tenu de cette erreur, l’azote urinaire reste un outil utilisable en clinique car l’excrétion azotée de ces patients est très importante. De plus, il donne une idée précise de l’intensité de l’hypermétabolisme et de l’efficacité de la thérapeutique nutritionnelle, afin d’adapter les apports azotés. Le bilan d’azote (exprimé en g N/24 heures) est la différence entre les apports et les pertes. Il témoigne donc d’une perte ou d’une rétention nette d’azote dans l’organisme sans préjuger de sa localisation ni des mécanismes à l’origine de cette variation, seule une étude du turn-over protéique utilisant des isotopes stables permettant d’estimer l’importance respective des mécanismes de synthèse et de catabolisme protéique [115]. Pour calculer le bilan d’azote, il faut donc connaître les apports et les pertes. Les apports sont facilement quantifiables lorsque le patient bénéficie d’une alimentation artificielle. En revanche, les pertes sont plus difficiles à estimer et comprennent une part urinaire (90 %), principalement liée à l’excrétion d’urée et d’ammoniaque, et une part non urinaire. En pratique, seule la première est mesurée, nécessitant un

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recueil urinaire complet sur 24 heures, à laquelle on ajoute une estimation des autres pertes azotées, exsudations corporelles (fèces, cheveux, ongles, desquamation, exsudation...). Chez le brûlé, le calcul des pertes azotées totales doit être spécifiquement réévalué au cours de la phase initiale pour tenir compte des pertes liées aux exsudations présentes au niveau des lésions et qui sont proportionnelles à l’importance de la surface cutanée brûlée (0,2–0,8 g N par unité de surface corporelle brûlée) [117]. Afin de déterminer les pertes azotées totales, plusieurs formules ont été proposées permettant de calculer par extrapolation les pertes azotées totales ou les pertes azotées urinaires totales (NUT) à partir de la seule mesure de l’excrétion azotée uréique (NUU) [118,119]. Ces formules considèrent que la simple mesure de la NUU permet de déduire la NUT. Cette pratique est très discutable chez le brûlé car leur utilisation sous-estime la NUT et se traduit donc par un bilan azoté surestimé [120], souvent de l’ordre de 30 %, voire plus chez les patients dont les brûlures excèdent 40 % de SCB. Il a ainsi été montré que la part réelle de la NUU ne représente approximativement que 65 % de la NUT [121] au lieu des 80 % pris en compte dans les formules de calcul. Cela est lié à la tendance à l’acidose métabolique qui est fréquente chez le patient brûlé car, au cours de la période initiale qui suit le traumatisme, l’acidose tend à inhiber l’uréogenèse [122] et donc augmenter l’écart entre le bilan d’azote calculé à partir de la mesure de la NUU et celui déterminé à partir de la NUT. De fait, la mesure de la NUU est globalement bien corrélée aux NUT [123] mais est totalement prise en défaut chez les patients les plus cataboliques [124]. Pour cette raison, il a été proposé [125] de tenir compte de la mesure de l’ammoniurie pour affiner la détermination du bilan d’azote à partir des formules de calcul. Dans ces conditions, il est recommandé [117] de mesurer la NUT lorsque la brûlure est étendue ou compliquée de sepsis ; cependant, lorsque ce dosage n’est pas disponible, l’estimation effectuée à partir de la NUU reste globalement valable pour les brûlures de faible gravité [120]. En dépit de cette recommandation, le dosage de l’azote total urinaire n’est effectué que par peu de laboratoires. 3.2.1.2. Aminoacidogramme. La concentration plasmatique d’un acide aminé est la résultante de ses vitesses d’apparition et d’utilisation. Chez le brûlé, le profil de l’aminoacidogramme varie en fonction de la phase métabolique dans laquelle le patient se trouve [51]. Initialement, lors de l’ebb phase (ou phase de sidération), il existe une augmentation de la concentration plasmatique des acides aminés. Ensuite, pendant environ deux semaines on observe une hypoaminoacidémie touchant particulièrement les acides aminés néoglucogéniques dont, en particulier, l’alanine et témoignant de la captation et de l’utilisation intense des acides aminés d’origine musculaire par d’autres territoires de l’organisme comme le foie. De façon particulière, une hyperphénylalaninémie est habituellement observée. Celle-ci est principalement liée à l’hypercatabolisme protéique en l’absence d’insuffisance hépati-

que : l’hyperphénylalaninémie est corrélée avec le bilan d’azote et le rapport 3-MH/créatinine [126] et constitue donc un bon indicateur du turn-over protéique corporel. Chez le brûlé, l’état d’hypercatabolisme peut aussi être apprécié par l’étude du rapport des concentrations phénylalanine/tyrosine [127]. Ces paramètres peuvent donc constituer des éléments importants de surveillance du métabolisme protéique du brûlé bien que ne pouvant être assurée que par des laboratoires spécialisés. 3.2.2. Catabolisme myofibrillaire : 3-méthylhistidine La 3-MH est un acide aminé issu de la méthylation posttraductionnelle de l’histidine présente dans l’actine et la myosine musculaires. Lorsque la 3-MH est libérée au cours de la protéolyse, elle n’est ni réincorporée au sein de nouvelles protéines, ni métabolisée, mais simplement éliminée par voie urinaire. Il est maintenant bien établi [128] que le catabolisme des myofibrilles provenant du territoire splanchnique ne représente qu’une faible fraction de la production de 3-MH et n’est pas responsable, chez l’homme, des variations de l’excrétion urinaire de 3-MH que l’on observe en situation d’agression. La 3-MH peut donc être légitimement considérée comme le témoin du catabolisme myofibrillaire musculaire. Il est difficile de différencier la 3-MH produite de manière endogène de celle apportée par l’alimentation. Chez le patient brûlé soumis à une nutrition parentérale ou entérale qui n’apporte pas de protéines animales, l’excrétion de 3-MH est exclusivement d’origine endogène. Ce n’est plus le cas après reprise de l’alimentation orale mais la mesure 3-MH ne présente alors plus d’intérêt pour surveiller un patient qui ne se trouve plus en phase catabolique. Il est utile de normaliser l’excrétion de 3-MH par rapport à la masse musculaire du patient : l’excrétion de 3-MH est alors exprimée sous la forme du rapport 3-MH/créatinine (en µmol/mmol de créatinine). Un avantage certain de ce rapport est de pouvoir s’affranchir du recueil complet des urines des 24 heures et de présenter le catabolisme musculaire sous une forme « fractionnaire » rapportant la quantité de tissu musculaire dégradée à la masse musculaire totale [115]. Chez le brûlé, l’excrétion urinaire de 3-MH ainsi que le rapport 3-MH/créatinine sont augmentés, souvent d’un facteur 2, en raison de l’hypercatabolisme musculaire. 3.2.3. Anabolisme protéique : mesure plasmatique des protéines marqueurs de l’état nutritionnel Classiquement, l’évaluation de l’état nutritionnel fait appel aux dosages de protéines sériques dont les principales sont l’albumine, la transthyrétine (TTR, anciennement appelée préalbumine) et la protéine transporteuse du rétinol (retinol binding protein ou RBP) [114]. Celles-ci participent couramment à la surveillance nutritionnelle des brûlés en France [113]. La concentration plasmatique de ces marqueurs est d’abord affectée par l’extravasation vers le compartiment interstitiel et la réponse inflammatoire hépatique. La libération intense de cytokines inhibe la production de ces différentes protéines et réoriente les synthèses hépatiques en faveur

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des protéines de l’inflammation. Au cours de la phase initiale de la brûlure où l’état d’inflammation est particulièrement intense, les variations des protéines de surveillance de l’état nutritionnel sont liées principalement à l’inflammation. Pour cette raison, leurs concentrations doivent être examinées avec précaution et il est indispensable de doser une protéine de l’inflammation pour en interpréter les variations. La C-reactive protein (CRP) dont l’élévation est importante et rapide (en moins de 24 heures), permet de remplir efficacement ce rôle. La mesure de la CRP est également utile à titre pronostique [129]. Il est aussi possible de réaliser un profil protéique nutritionnel en associant le dosage des protéines de la nutrition à une ou plusieurs protéine de l’inflammation. Les résultats sont alors exprimés en pourcentages de la médiane théorique en fonction de l’âge et du sexe du patient (où 100 % représentent la médiane des valeurs normales).

néphropathie glomérulaire (fuite rénale) et de surcharge tissulaire en fer. Chez le brûlé, Il existe un risque plus élevé de développer une bactériémie en cas de concentration basse en transferrine [135]. Cependant, la spécificité de la transferrine comme marqueur de la dénutrition est médiocre car sa concentration sérique varie avec le stock martial et sa demi-vie (huit à neuf jours) est trop longue.

3.2.3.1. Albumine. Une insuffisance hépatocellulaire, une fuite rénale ou un syndrome inflammatoire peuvent être responsables d’une hypoalbuminémie. En cas de perfusion d’albumine au patient, l’interprétation de ses variations en tant que marqueur nutritionnel devient impossible. Pour ces raisons, chez le brûlé, l’albumine n’est pas un bon indicateur de l’état nutritionnel.

3.2.3.6. Index pronostic de morbimortalité : le pronostic inflammatory and nutritional index. Les concentrations des protéines de la nutrition étant modifiées par la présence concomitante d’un état inflammatoire, il a été proposé d’établir un index pronostique prenant en compte à la fois les protéines de la nutrition et de la réaction inflammatoire. Le pronostic inflammatory and nutritional index ou PINI [139] fait ainsi participer deux protéines de l’inflammation et deux protéines de la nutrition et corrige donc, en partie, le manque individuel de sensibilité et de spécificité de chacune d’elles selon la formule suivante :

3.2.3.2. Transthyrétine. Sa demi-vie courte (deux jours) fait de la TTR un bon élément de surveillance à court terme de l’état nutritionnel [130]. Son dosage permet d’identifier les fluctuations rapides du statut nutritionnel et, contrairement à la RBP, relativement indépendamment des variations de la fonction rénale [131], ce qui en fait un marqueur de dénutrition fiable. Par ailleurs, la concentration de TTR a une valeur pronostique de l’évolution des patients brûlés (survenue d’un épisode septique et survie) assez peu dépendant de la surface brûlée [132]. Cela justifie la mesure en routine de la TTR à un rythme fréquent et régulier au cours des premières semaines et de manière plus espacée lorsque le patient est en phase de récupération. 3.2.3.3. Retinol-binding protein (RBP). La RBP a une demivie très courte (12 heures). Sa concentration sérique, inversement corrélée avec la clairance de la créatinine, est très affectée par les variations de la fonction rénale. La RBP est donc un mauvais indicateur de l’état nutritionnel chez le brûlé [131] où l’augmentation de la clairance de la créatinine en cours de réanimation [133], tend à diminuer la concentration indépendamment de l’état nutritionnel. Inversement, en cas d’insuffisance rénale, la concentration sérique en RBP est majorée. Il faut noter que, chez le brûlé, les concentrations sériques des protéines viscérales (RBP, TTR) sont faiblement corrélées au bilan d’azote et que leurs fluctuations ne permettent pas de les utiliser comme indicateurs ou facteurs prédictifs des variations de ce dernier [134]. 3.2.3.4. Transferrine. Sa concentration diminue lors des états cataboliques ou inflammatoires, mais également en cas de

3.2.3.5. Fibronectine. La fibronectine sérique diminue rapidement en cas de dénutrition et serait corrélée au risque de mortalité chez le brûlé [136] et de survenue d’un épisode infectieux [137]. Cette diminution est également plus marquée en cas de brûlure pulmonaire [138] en raison du retentissement de l’agression sur la vascularisation pulmonaire. Contrairement aux protéines citées précédemment, son dosage n’est pas pratiqué en routine.

PINI= 关 ␣ 1-glycoprotéine acide 共 mg/l 兲×CRP 共 mg/l 兲 兴 / 关 albumine 共 g/l 兲×TTR 共 mg/l 兲 兴

Il ne s’agit pas d’un index d’évaluation de l’état nutritionnel mais d’un index de morbimortalité des patients. Chez le brûlé, le risque vital est engagé lorsque la valeur du PINI est supérieure à 175 [129]. L’utilisation de la formule simplifiée Index=CRP 共 mg/l 兲/TTR 共 mg/l 兲 est aussi efficace, moins coûteuse et peut se substituer au PINI en tant qu’index pronostic de survenue de complications infectieuses et de mortalité [129]. L’utilisation de ces deux paramètres doit être recommandée en pratique clinique. 3.2.4. Autres examens biochimiques 3.2.4.1. Tests fonctionnels. En raison des difficultés d’interprétation des dosages protéiques statiques chez le brûlé, il a été proposé [114] d’utiliser des tests fonctionnels (mesure d’un processus physiologique spécifique ou d’une réaction biochimique permettant d’apprécier le statut en thiamine, riboflavine, pyridoxine...) pour apprécier de manière plus fine et dynamique les variations au jour le jour de l’état nutritionnel. Un test unique est insuffisant pour juger de l’état nutritionnel du patient et il est nécessaire de les associer. Au cours de la période initiale, ces tests fonctionnels seraient plus sensibles

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que les dosages statiques de protéines spécifiques pour juger de l’état nutritionnel [114] mais ces explorations sont du ressort de laboratoires spécialisés. 3.2.4.2. Vitamines et oligoéléments. Certains oligoéléments et vitamines ont un rôle primordial dans les phénomènes de défense immunitaire et de cicatrisation (cf. infra) et leur dosage sanguin devrait être réservé aux patients présentant des signes cliniques de déficit. La fuite des oligoéléments dans l’exsudation des lésions participe à leur carence chez le brûlé [140]. Le dosage sanguin du cuivre et du zinc n’est habituellement pas réalisé de manière systématique. Le dosage du cuivre, dont la baisse de la concentration sérique est proportionnelle à la surface cutanée brûlée, montre pourtant que les besoins sont souvent sous-estimés et peut justifier d’une surveillance systématique afin d’adapter ces derniers avec plus de précision [141] (cf. infra).

4. Choix de la méthode d’apports nutritionnels 4.1. Voies d’administration : digestive vs intraveineuse La supériorité de la nutrition entérale (NE) sur la nutrition parentérale est reconnue. La nutrition parentérale favorise la translocation bactérienne [142] et augmente la mortalité des brûlés [143]. La nutrition entérale diminue les complications septiques postopératoires [144], améliore l’immunité digestive [145], augmentant la production d’IgA. Instaurée précocement, la NE limite l’hypermétabolisme [146], diminue la translocation [147] et le taux d’infection [148], et prévient la survenue de défaillances viscérales. L’enthousiasme suscité par ces études sur la NE précoce devrait être tempéré par l’étude de Gottschlich et al. [149] qui, dans une étude prospective menée sur 77 enfants brûlés sur plus de 50 % du corps et nourris par voie entérale pour moitié de façon précoce et pour moitié après 48 heures, ne retrouvent ni réduction métabolique ni diminution du taux d’infection dans le groupe nutrition précoce. Cependant, il est prouvé que la nutrition entérale est d’autant plus réalisable que son démarrage est précoce, avant la 18e heure [150]. L’utilisation immédiate (dès réception du patient) de la voie gastrique est possible même chez les patients les plus graves. Les troubles de la motilité digestive affectent la totalité du tube digestif. La dysfonction pylorique (sa fermeture) affecte la quasi-totalité des sujets en réanimation : elle peut être surmontée par l’usage de sondes postpyloriques. Chez les patients les plus sévèrement brûlés l’usage de la « PEGJ » (percutaneous endoscopic gastrojejunostomy) permet d’éviter l’encombrement du visage et facilite la nutrition à long terme [150a]. La prescription de modificateurs du transit est un appoint quasi-indispensable [151]. Iléus et constipation opiniâtre sont potentiellement graves chez le grand brûlé : l’usage d’émolients (paraffine, extraits de séné), de laxatifs ainsi que de solutions nutritives enrichies en fibres fait partie des mesures

les plus courantes de prévention de la constipation. Néanmoins, la NE précoce pourrait être un facteur d’ischémie intestinale [152] ; elle engendre une augmentation de la demande en oxygène qui pourrait ne pas toujours être satisfaite par un malade choqué [153]. Cette complication, qui peut être de diagnostic difficile [154], n’est en pratique ni fréquente ni précoce pour peu que l’on limite les apports en n’essayant pas d’emblée de nourrir le malade mais simplement d’utiliser le tube digestif à des débits modérés (25 à 50 ml par heure) et avec des apports caloriques limités à 0,5 cal/ml. Malgré toutes les restrictions mentionnées ci-dessus, l’utilisation d’une nutrition entérale la plus précoce possible apparaît donc souhaitable afin de limiter la réaction inflammatoire et de prévenir l’infection chez le brûlé. Cependant, plus l’agression est sévère, plus les patients sont difficiles à nourrir par voie entérale. Les liquides de réanimation causent des œdèmes généralisés qui touchent aussi le territoire splanchnique des polytraumatisés [155] et donc a fortiori celui des brûlés qui requièrent de volumes de réanimation bien plus grands. L’œdème réduit la perfusion splanchnique et peut compromettre l’utilisation du tube digestif pour la nutrition [155] : cela peut aller jusqu’à la survenue d’un syndrome du compartiment abdominal avec ischémie digestive [156]. Ces changements contribuent à rendre l’absorption des micronutriments par voie digestive imprévisible. Le transit est initialement ralenti comme en témoigne l’apparition tardive de selles [156]. Cela est causé par la ventilation mécanique, l’administration d’agents vasopresseurs (dopamine, noradrénaline) et l’usage de sédatifs et d’opiacés qui altèrent la motilité intestinale et aboutissent à une constipation, ainsi que par l’œdème mentionné plus haut. À l’opposé, la diarrhée est une complication fréquemment décrite chez le grand brûlé sous NE, mais plus tardive : elle compromet également l’absorption.

5. Recommandations pour les macronutriments L’objectif du support nutritionnel est double : • répondre à la demande en nutriments ; • et soutenir la cicatrisation et les défenses immunitaires. Le premier objectif fait l’objet de consensus en ce qui concerne l’administration d’énergie et de protéines. Le deuxième objectif est davantage du domaine de la recherche mais un grand nombre d’observations indique que les nutriments administrés aux grands brûlés n’ont pas seulement une fonction nutritionnelle mais exercent aussi des effets pharmacologiques. 5.1. Besoins et apports en énergie On peut évaluer les besoins en énergie en utilisant une formule prédictive ou en mesurant la dépense énergétique par calorimétrie indirecte. Les avantages et les inconvénients de ces méthodes sont exposés dans le Tableau 1. Quelques formules souvent utilisées sont données dans le Tableau 2.

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Tableau 1 Avantages et inconvénients de la détermination des besoins en énergie à l’aide de mesures ou de formules prédictives Méthode Calorimétrie indirecte

Avantages • Précision • Si formules inapplicables (patients très obèses ou très dénutris, ou très âgés) • Donne le quotient respiratoire et permet de détecter l’excès d’apports

Formules prédictives

• Gratuites • Ne nécessitent pas d’appareils complexes et coûteux

Même si les besoins énergétiques du brûlé sont très élevés, ils n’atteignent pas les valeurs observées dans les études initiales. Les chiffres obtenus par calorimétrie indirecte montrent que les équations prédictives des besoins caloriques, comme celle de Curreri [13], qui n’ont pas de limites supérieures, surestiment les besoins pour les brûlures les plus graves. De plus les équations « historiques » ne tiennent pas compte de l’évolution dans le temps des besoins énergétiques qui augmentent fortement initialement puis diminuent progressivement. En pratique, les besoins en énergie des grands brûlés sont élevés et la mise en place du support nutritionnel est souvent difficile : la plupart du temps, l’objectif ne sera atteint qu’en partie. L’administration de 80 % au moins de l’objectif défini par Curreri pour les adultes permet de minimiser la perte de poids à 10 % du poids initial ou moins. Les performances des deux approches (calorimétrie vs formule) ont été comparées lors d’une étude randomisée : aucun des paramètres cliniTableau 2 Formules prédictives des besoins en énergie des grands brûlés ˆ ge Formule A Surface brûlée Curreri Id Id Harris & Benedict

4–15 16–59 > 60 Tous

Toutes Toutes Toutes > 20

Wilmore Burke Id Galveston I Galveston II Hildreth Hildreth Hildreth Toronto (Allard)

Adultes Adultes Enfants Tous Tous < 1 an 1–12 ans 11–20 ans Adultes

> 40 Toutes Toutes Toutes Toutes > 25 > 20 > 35 % Toutes

Inconvénients • Coût • Extrapolation à 24 heures d’une mesure courte (30–60 minutes) • Le facteur de correction pour la dépense d’énergie totale est arbitraire (1,2 ou 1,3) • Nécessité de répéter les mesures à cause de l’évolution dans le temps chez un même patient • Impossible si FiO2 > 60 % • Peu précises à cause de variations inter- et intra-individuelles (erreur résiduelle autour de 500 kcal/jour) • Formules historiques (ex. : Curreri) sont généralement « hypercaloriques » • Ne tiennent pas compte de l’évolution des blessures (sauf formule de Toronto) • Ne s’appliquent pas aux cas extrêmes (poids corporel et surface de brûlure)

ques ne différait entre les deux groupes [157]. Cette étude illustre le fait que les besoins en énergie de ces patients ne doivent probablement pas être assimilés à leurs dépenses, concept valable en physiologie de l’homme sain, mais à la quantité d’énergie qui permet la guérison la plus rapide avec le moins de séquelles possibles. La grande variation de la dépense dans le temps est un point important à prendre en compte : l’augmentation de la dépense énergétique de repos est la plus forte dans les deux à trois premières semaines, puis diminue progressivement. La calorimétrie indirecte n’est qu’un reflet incomplet de la dépense énergétique totale, puisque qu’elle est généralement réalisée sur les périodes courtes de 30–60 minutes. La calorimétrie indirecte est cependant très souhaitable si le patient a un poids très anormal ou une dénutrition prébrûlure sévère [158], ainsi que chez les patients dont le traitement en réanimation dure de nombreuses semaines. L’utilisation d’une formule prédictive est donc certainement satisfaisante dans la plupart des cas. La formule de Toronto, qui est fondée sur la dépense d’énergie estimée par

kcal/jour MB + 25 × SCB 25/kg de poids + 40 × SCB (max 60) 20/kg + 65 × SCB (max 60) H : MB = 66,47 + (13,75 × poids) + (5,0 × taille) + (6,76 × âge) F : MB = 655,1 + (9,56 × poids) + (1,85 × aille) + (4,68 × âge) Brûlé : MB × 1,3–2,0 (selon Long) 200/m2 2 × MB 2 × MB 1800/m2 + 2200/m2 SCB 1800/m2 + 1300/m2 SCB 2100/m2 + 1000/m2 SCB 1800/m2 + 1300/m2 SCB 1500/m2 + 1500/m2 SCB DET = –4,343 + (10,5 × %SCB) + (0,23 × CI) + (0,84 × MB) + (114 × T°C) – (4,5 × JAB)

Spécificité Brûlé Oui Oui Oui Non

Non Non Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui

MB : métabolisme basal estimé = dépense énergétique de repos ; SCB : surface corporelle brûlée ; DET : dépense d’énergie totale ; CI : calories ingérées la veille ; JAB : nombre de jours après brûlure.

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l’équation d’Harris et Benedict, intègre l’effet de la brûlure (SCB), la notion de temps, d’état fébrile, mais aussi celle de l’énergie délivrée dans les 24 heures qui précèdent, a fait l’objet d’une validation minutieuse [158a]. Lorsque la dépense énergétique est mesurée par calorimétrie indirecte en condition basale (état postabsorptif, patient calme sans soins, température ambiante 28 °C), il est recommandé d’effectuer au moins une à deux mesures par semaine et d’ajouter 20 à 30 % à la valeur mesurée pour tenir compte du stress et de l’activité musculaire [8]. En pratique, compte tenu de l’imprécision des formules existantes, il apparaît recommandable d’utiliser des mesures calorimétriques chaque fois qu’on le peut. En l’absence de calorimétrie, les formules qui utilisent le métabolisme de repos théorique multiplié par un facteur de stress (p. ex. : 1,5 pour une brûlure < 30 % SC et deux pour une brûlure > 30 % SC) ou celle de Toronto qui intègre des facteurs de correction spécifiques, paraissent satisfaisantes [159]. Chez l’enfant brûlé, on recommande [159a] un apport calorique représentant 120 à 200 % de la DER et au moins 2,5 kcal/kg. Le glucose est un substrat énergétique de choix chez les grands brûlés. Son effet d’épargne azoté est supérieur à celui des acides gras chez les patients victimes de stress sévères [160]. Cependant, il n’existe pas de consensus quant à la proportion glucides/lipides à adopter au sein du support nutritionnel. L’administration de solutions nutritives pauvres en graisses (15–20 % des calories totales) diminue significativement l’incidence des pneumonies et raccourcit la durée des soins [161,162]. Dans l’une de ces études, la solution nutritive expérimentale testée comprenait aussi des acides gras (AG) oméga-3, de l’arginine, et des acides nucléiques, rendant difficile l’identification du ou des nutriments bénéfiques [162]. Récemment, la comparaison d’une solution relativement pauvre en lipides (Impact®, 25 % des calories) à une solution riche en graisse (Traumacal®, 40 %) a montré que la perméabilité intestinale était plus grande avec Traumacal®, suggérant une préservation moins bonne de la barrière intestinale [163]. En l’absence de larges essais multicentriques il est impossible de faire une recommandation précise quant à la proportion glucides/lipides du support nutritionnel des grands brûlés. On peut toutefois s’appuyer sur la littérature pour ne pas dépasser 20 % des calories sous forme de lipides. Ce chiffre est inférieur à celui qui est utilisé dans la plupart des centres de grands brûlés nord-américains, où la proportion de 30 % des calories sous forme de lipides est la plus utilisée [164]. L’apport minimum en acide linoléique pour la prévention de carences en acides gras est de 4 % des calories totales [165]. L’étude expérimentale de Trocki et al. [166] n’est pas en faveur de l’utilisation de régimes riches en AG n-3 chez le brûlé : des cochons d’inde brûlés ont reçu par voie entérale, pendant 14 jours, un régime apportant 5, 15, 30 ou 50 % des calories non protéiques sous forme d’huile de poisson. Les

pertes de poids corporel, de la carcasse et du foie étaient plus importantes dans les deux groupes recevant le plus d’huile de poisson. À apport égal (30 % des calories non protéiques), les AG n-3 apparaissent être moins délétères que les AG n-6 [167]. Risques liés à l’excès d’apports énergétiques : il entraîne des complications métaboliques et immunitaires. L’excès de glucose conduit à une surproduction de CO2 proportionnelle aux apports et trop importante pour l’appareil respiratoire [168], compromettant le sevrage de la ventilation artificielle. L’hyperglycémie est aussi une conséquence de l’excès d’apport en glucides. Elle inhibe les fonctions des neutrophiles, favorise l’infection et retarde la cicatrisation. La limite d’administration des glucides est classiquement de 5 mg/kg par minute [169]. L’autre danger d’administrer trop de glucose est la stéatose hépatique [170]. Cette complication a surtout été observée chez des patients nourris par voie parentérale, en particulier chez l’enfant. Le maintien d’un quotient respiratoire inférieur à 0,95 semble permettre de prévenir la lipogenèse de novo. L’excès d’acides gras a des conséquences néfastes sur les systèmes immunitaire et inflammatoire, ainsi que sur la fonction respiratoire. Ces effets dépendent de plusieurs facteurs : • longueur de la chaîne carbonée : les acides gras à chaînes moyennes sont absorbés par voie portale et dirigés d’abord vers le foie alors que les acides gras à chaînes longues sont absorbés par voie lymphatique ; • degré de saturation et position de la première double liaison : les acides gras de la série x-3 ont des propriétés anti-inflammatoires [171] ; • voie d’administration : l’administration d’acides gras par voie parentérale expose plus aux complications métaboliques et à l’immunosuppression. 5.2. Besoins et apports en protéines et en acides aminés L’absence de support nutritionnel entraîne une perte quotidienne de 200 à 300 g de tissus protéiques sans que les mécanismes de régulation existants au cours du jeûne ne se mettent en place. En absence de support nutritionnel, cette situation entraînerait la mort du patient par cachexie en deux à trois semaines. Chez l’enfant, un support nutritionnel avec un rapport calorie/azote de 100 augmente la survie par rapport à un rapport de 150 [172]. Il n’y a pas de données comparables chez l’adulte mais des essais cliniques d’intervention suggèrent que les besoins en protéines de ces patients se situent entre 1,5 et 2,5 g/kg par jour. Par exemple chez des patients adultes présentant une moyenne de brûlures de 40 % de la surface corporelle et recevant 25 % de leurs calories totales en protéines, soit 2 g/kg par jour, on observe une perte azotée cumulative moyenne de 63 g en 28 jours [161]. Saffle et al. [173] ont observé des pertes azotées cumulatives de 20–22 g après trois semaines chez des patients présentant des brûlures moyennes de 35 % et recevant 1,6 g/kg de protéines. Il existe plusieurs méthodes de calcul des besoins en protéines :

L. Cynober et al. / Nutrition clinique et métabolisme 19 (2005) 166–194 Tableau 3 Apports protéiques recommandés pour les grands brûlés adultes Surface corporelle brûlée (%) 15–30 30–50 > 50

Apports protéiques (g/kg par jour) 1,5 1,5–2,0 2,0

• par kilogramme de poids prébrûlure : de 1,5 à 2 g/kg par jour ; • en fonction des apports en énergie : le rapport calorie/azote varie de 100 à 150 dans la plupart des études. Un rapport de 100 fournit 187,5 g de protéines/jour ; • en pourcentage de l’énergie totale : 20 à 25 % des calories ; soit 187,5 g/jour pour 3000 kcal et 25 %. Les deux dernières approches ont l’avantage de tenir compte du lien physiologique qui existe entre les apports en énergie et les apports en protéines pour le maintien de l’équilibre azoté. Les apports en énergie ont une valeur prédictive du bilan azoté indépendante des autres paramètres. Une recommandation en fonction de la sévérité de la brûlure est proposée (Tableau 3). Il n’existe pas de donnée supportant l’indication d’apports supérieurs à 2 g de protéines/kg par jour. Les protéines seront préférées aux acides aminés libres car elles favorisent mieux le maintien de la masse maigre et la survie chez l’animal [174]. La majorité des solutions nutritives du commerce sont polymériques et contiennent de la caséine. L’intérêt de l’utilisation de solutions nutritives dites « semi-élémentaires », contenant des peptides hydrolysés, n’a pas été démontré. Chez l’enfant, les besoins en protéines sont habituellement calculés en fonction du poids prébrûlure. Quand celui-ci n’est pas connu, on peut utiliser le 50e percentile du poids pour la taille. Avant trois ans, des quantités de 3 à 4 g/kg par jour ont été recommandées [175]. Au-delà de l’âge de trois ans, plusieurs formules sont disponibles : • Bell et Wyatt [176] ont proposé 1,5 à 2,5 g/kg de poids idéal ; • Hustler [177] a suggéré la formule suivante : [(azote uréique de 24 heures × 1,1) + (1 g + pertes azotées des blessures)] × 6,25. Les pertes azotées des blessures sont estimées comme suit : 0,02 g/kg poids corporel si les brûlures sont inférieures à 10 % ; 0,05 g/kg si 10–30 % et 0,12 g/kg si supérieures à 30 %. Une amélioration de la mortalité et de la morbidité a été montrée chez 18 enfants recevant 25 % des calories, au lieu de 16 %, sous forme de protéines [172]. Des mesures de flux plasmatiques et de taux d’oxydation d’arginine, de leucine, et de citrulline ont été effectuées chez des grands brûlés par le groupe de Vernon Young au MIT. Elles ont montré que les flux plasmatiques de leucine et d’arginine étaient très augmentés chez ces patients, de même que la transformation arginine–ornithine et l’oxydation de l’arginine. En revanche, la formation d’arginine à partir de la citrulline n’était pas augmentée [177a,178]. Ces données suggèrent que les besoins en leucine et en arginine pourraient être augmentés chez les grands brûlés, sans que l’on puisse faire

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de recommandation précise hors apport réalisé par celui des protéines. 5.3. Administration d’acides aminés libres à visée pharmacologique L’effet pharmacologique recherché concerne en particulier l’immunité, la cicatrisation, et le renouvellement protéique. Le concept de pharmaconutrition mérite donc une considération particulière chez le brûlé, malade hypercatabolique, immunodéprimé et chez qui, par définition, la cicatrisation est un problème crucial. 5.3.1. Glutamine La glutamine (GLN) possède de nombreuses propriétés [179] : c’est le substrat énergétique privilégié des cellules en phase de multiplication ou activées, le précurseur du glutamate incorporé dans le glutathion, un précurseur des bases puriques et pyrimidiques, un régulateur de la vitesse de renouvellement des protéines. Malgré une augmentation de sa production en situation d’agression, l’intensité de son utilisation est telle que ses pools plasmatiques et tissulaires sont déplétés, d’autant plus que le stress est sévère et cela a une valeur pronostique [180]. Trois études concernant les brûlés ont été publiées à ce jour. Dans la première [181], les patients recevaient en plus de leur NE, soit un apport parentéral de GLN libre (0,57 g/kg par jour pendant au moins sept jours), soit une solution standard isoazotée. Le traitement était initié dans les 48 heures suivant l’admission laquelle survenait dans les 72 heures suivant la brûlure. La prévalence des bactériémies à bactéries Gram négatif était réduite dans le groupe GLN (8 vs 43 % dans le groupe témoin). Il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes quant à la consommation d’antibiotiques, la mortalité, le temps de séjour en USI et la durée totale de l’hospitalisation. D’un point de vue biologique, les patients recevant la GLN présentaient des valeurs significativement plus élevées pour la transthyrétine et la transferrine, et moins élevées en CRP. Zhou et al. [182] ont étudié 40 patients sévèrement brûlés sous NE continue. Le groupe traité a reçu, pendant 12 jours, 0,35 g GLN/kg par jour sous forme de dipeptide (alanyl– glutamine). Le groupe témoin était isoazoté et isocalorique. Le groupe traité présentait une perméabilité intestinale inférieure à celle du groupe témoin. La durée d’hospitalisation était plus courte dans le groupe sous GLN (67 ± 4 vs 73 ± 6 jours ; p < 0,03), avec une cicatrisation plus complète à j30 (86 ± 2 vs 72 ± 3 %, p < 0,05). Enfin, le coût global d’hospitalisation était significativement plus faible dans le groupe traité. Dans l’étude de Garrel et al. [183], les patients recevaient, en plus d’un produit de NE, soit 26 g/jour de GLN, soit un mélange isoazoté de trois acides aminés (aspartate, asparagine, glycine). La durée d’hospitalisation et le nombre d’hémocultures n’étaient pas différents entre les groupes mais le nombre de patients infectés par Pseudomonas aeruginosa

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était significativement plus faible dans le groupe GLN (zéro vs six). Il en était de même pour le nombre de jours à hémoculture positive par patient. La phagocytose des PNN, les concentrations sériques en IL-6 et IL-2ra n’étaient pas différentes entre les groupes. Enfin, la mortalité était significativement plus faible dans le groupe GLN, aussi bien en intention de traiter qu’en perprotocole. La capacité de la GLN à restaurer l’immunité de patients brûlés a été étudiée de façon indirecte : des PNN ont été prélevés chez des enfants brûlés et ont été incubés avec des concentrations variables de GLN. Comparativement aux PNN de sujets sains, ceux provenant d’enfants brûlés présentaient une bactéricidie diminuée laquelle était partiellement restaurée par la GLN [184]. Un apport de 30 g de glutamine par jour semble être souhaitable chez le brûlé en plus de celui réalisé par les protéines. 5.3.2. Arginine L’arginine (ARG) est le précurseur du NO• et des polyamines aliphatiques et, lorsqu’elle est administrée par voie parentérale, stimule la sécrétion d’hormone de croissance et d’insuline. Ces données rendent compte des propriétés pharmacologiques de l’ARG sur l’immunité, le bilan azoté et la cicatrisation [60,179]. Un enrichissement sélectif de la nutrition par l’ARG n’a fait, à ce jour, l’objet que d’un travail expérimental chez le cochon d’inde brûlé [185]. Les animaux ont été nourris (gastrostomie) par un régime apportant 0, 1, 2 ou 4 % d’ARG pendant 14 jours. La réponse au difluorobenzène était significativement plus élevée chez les animaux recevant 1 ou 2 % d’ARG que dans les deux autres groupes ; le bilan d’azote, la transferrinémie, le poids des muscles et le contenu musculaire en azote étaient identiques dans les quatre groupes. Ces résultats ne justifient pas d’enrichir en arginine la nutrition des brûlés. 5.3.3. ␣-cétoglutarate d’ornithine L’administration d’a-cétoglutarate d’ornithine (ACO) a fait l’objet de nombreuses études, tant cliniques qu’expérimentales. 5.3.3.1. Données métaboliques et pharmacocinétiques. L’ACO est le précurseur de plusieurs acides aminés (AA) doués de propriétés métaboliques et pharmacologiques importantes : glutamine, arginine, proline. Dans une étude où les apports n’étaient pas isoazotés, les patients recevant l’ACO (10 g/jour) présentent une moindre différence artérioveineuse en acides aminés, significative pour l’alanine, la glycine, l’hydroxyproline et la lysine [186]. En termes de métabolisme de l’ACO chez le brûlé, l’étude la plus démonstrative est celle de Le Bricon et al. [187] réalisée chez 42 patients randomisés pour recevoir 10 g d’ACO en bolus ou 10, 20 ou 30 g d’ACO dilués dans la NE et passés sur 21 heures ou enfin des apports isoazotés sous forme de protéines de soja. Les patients ont été étudiés au 7e jour avec

des prélèvements plasmatiques répétés pendant 420 minutes. La proline est le principal métabolite de l’ACO et sa concentration plasmatique augmente, que le produit soit donné en bolus ou en continu. En revanche, la glutaminémie et l’argininémie n’augmentent que lorsque l’ACO est donné en bolus. Le mécanisme sous-jacent à cette observation est détaillé ailleurs [188]. Des travaux expérimentaux ont permis de préciser le métabolisme de l’ACO. Après l’administration de 14C-alphacétoglutarate (aCG) par voie intraveineuse chez le rat brûlé, la vitesse d’élimination de l’aCG du plasma et la répartition tissulaire de la radioactivité sont identiques à celles du rat sain [189]. Dans le même modèle, l’ACO (5 g/kg par jour) entraîne une restauration des concentrations plasmatiques et musculaires de glutamine et une augmentation des concentrations hépatiques de cet AA, les groupes témoins (brûlés ou non) recevant la même nutrition polymérique rendue isoazotée par addition de glycine [190]. D’autres études [191–193] confirment que l’ACO protège le capital musculaire de GLN chez le rat brûlé. Cet effet a également été retrouvé au niveau du jéjunum [192,193]. Une augmentation des contenus musculaires en proline [191] et en arginine [191,193] a également été rapportée. La spécificité de l’action de l’ACO a été envisagée dans une étude [194] où quatre groupes de rats brûlés recevaient une nutrition entérale polymérique enrichie respectivement en glycine, en ACO, en a-cétoglutarate d’arginine (ACA) isoazoté ou isomolaire au groupe précédent. Les rats traités par l’ACO présentent une concentration plus élevée en GLN aux niveaux plasmatique, musculaire et hépatique. La base moléculaire de l’interaction entre aCG et ORN dans la genèse de GLN, qui a été retrouvée dans de nombreuses autres situations physiologiques ou pathologiques (voir [188] pour une revue générale sur le sujet), est solide : il est vraisemblable que les deux composés de l’ACO interagissent au niveau de leur voie métabolique commune contrôlée par l’ornithine aminotransférase. 5.3.3.2. Données sur l’état nutritionnel. L’administration de 2 × 10 g d’ACO/jour pendant 28 jours (l’ACO était donné en supplément de la NE standard) diminue les concentrations plasmatiques de la phénylalanine, bon marqueur du turnover protéique corps entier, comparativement au groupe témoin [195]. Il en était de même pour l’urée urinaire, bien que les patients du groupe traité aient reçu plus d’azote. Dans un autre travail [186], dont la méthodologie est précisée plus haut, le bilan d’azote était moins négatif dans le groupe ACO, significativement à j13. Ce résultat pourrait être lié à la moindre libération d’AA par les muscles des patients recevant l’ACO (cf. supra). D’autres données appartenant à la même étude ont été présentées dans un autre article [196] : les patients traités présentaient une moindre augmentation de la phénylalanine plasmatique et une moindre diminution de la RBP plasmatique. Cette amélioration de l’état nutritionnel ne s’accompagnait pas de différence quant au syndrome inflammatoire jugé sur l’a1-glycoprotéine acide.

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Tableau 4 Données méthodologiques sur les études cliniques récentes portant sur l’administration d’ACO chez le brûlé Références

n

SCB (%)

De Bandt et al. [197]

54 (ACO : 32, témoins : 16)

20–50

Durée étude (jours) 21

Coudray-Lucas et al. [198] Donati et al. [199]

47 (ACO : 23, témoins : 24) 40 (ACO : 21, témoins : 19)

25–95 20–60

21 21

ACO

Placebo

10, 20, 30 g bolus ou continu 10, 20, 30 g protéines soja en continu 2 × 10 g bolus 2 × 10 g protéines soja 2 × 10 g bolus Maltodextrine (mais au final apports isoN)

Les paramètres évalués dans chacune de ces études sont précisés dans le texte.

Les études les plus récentes [197–199] sont de meilleure qualité méthodologique, soit parce que le groupe témoin recevait un apport nutritionnel isoazoté [197,198], soit parce qu’au final les apports étaient effectivement isoazotés même si le placebo utilisé (maltodextrine) ne l’était pas [199]. Les méthodologies de ces trois études sont présentées dans le Tableau 4. L’administration d’ACO améliore le bilan d’azote [197,199] et la transthyrétinémie [199], réduit l’excrétion urinaire de 3-méthylhistidine [197,198] et l’hyperphénylalaninémie [198]. Un apport de 30 g/jour (3 × 10 g) est la dose la plus efficace pour améliorer l’état nutritionnel du brûlé [197]. Des études expérimentales, chez le rat brûlé, précisent l’action anabolique de l’ACO : réduction de la perte de masse musculaire [190,191] et hépatique [192], diminution du catabolisme protéique net au niveau de ce tissu [190,192], moindre augmentation de la phénylalanine plasmatique [194], amélioration de la synthèse protéique au niveau hépatique et intestinal [192], amélioration du bilan d’azote [193]. 5.3.3.3. Effet de l’ACO sur les sécrétions hormonales et la tolérance au glucose. Le glucose, l’insuline, le peptide-C, le glucagon et l’hormone de croissance plasmatiques ont été mesurés trois heures après l’arrêt de la NE puis, à nouveau, une heure après mise en route de la nutrition chez 15 patients brûlés dont huit ont reçu de l’ACO (10 g/jour). L’ACO n’a pas d’effet sur les sécrétions hormonales mais améliore la tolérance au glucose [200]. Le mécanisme de cette action reste inconnu. 5.3.3.4. ACO et immunité chez le brûlé. L’administration d’ACO (5 g/kg par jour) s’oppose à la fonte du thymus, restaure la réponse oxydative des polynucléaires neutrophiles et augmente la production de prostaglandines F1a et E2 par les macrophages [191]. Un second travail [193], utilisant la même méthodologie, confirme les effets de l’ACO sur le poids du thymus et, de plus, indique qu’il existe une relation positive entre ce paramètre et les contenus musculaires en ARG et GLN. 5.3.3.5. Effets de l’ACO sur la cicatrisation du brûlé. Trois études récentes ont envisagé cette question [197–199]. Leur méthodologie est rappelée dans le Tableau 4. La cicatrisation a été appréciée sur des bases subjectives (et dans ce cas, l’évaluation était réalisée en aveugle) [199] ou objectives, à l’aide de paramètres cliniques [197,198] et/ou biologiques [197]. Quelle que soit l’approche utilisée, l’administration d’ACO

favorise la cicatrisation au niveau de sa rapidité [197,198] et de sa qualité [199]. Il est également important de souligner qu’en cas d’autogreffe, la réépithélialisation des zones donneuses est favorisée par l’administration d’ACO [199]. Au vu des résultats obtenus sur la cicatrisation et l’état nutritionnel, un apport de 30 g d’ACO par jour (en trois bolus de10 g à huit heures d’intervalle) est conseillé chez le brûlé sous nutrition entérale. 5.4. Les apports en eau et en sel Après la phase de réanimation, les apports en eau doivent subvenir aux besoins de base et tenir compte des pertes insensibles liées à la brûlure. La réanimation initiale est une réanimation sodée : toutes les formules aboutissent à délivrer la même quantité de sel en 48 heures (soit 0,5 mmol/NaCl par %SCB). Cela a pour conséquence d’augmenter ensuite les besoins en eau libre. Les formules suivantes peuvent être utilisées : • chez l’adulte : 1500 ml/m 2 + {(25 ml + %SB) × m 2 × 24 heures} ; • chez l’enfant : 1500 ml × m 2 SC + {35 ml + %SB × SC × 24 h}. Où SB = surface brûlée et SC = surface corporelle. L’évaluation des besoins en eau est difficile. La diurèse n’est pas suffisante pour estimer que les besoins sont satisfaits. On doit se servir de paramètres biologiques tels que la natrémie, la glycémie, et la glycosurie. On doit également effectuer quotidiennement un bilan des ingesta et excreta ainsi qu’une pesée du patient. 5.5. Produits de nutrition entérale visant à restaurer l’immunité Il s’agit de ce que les anglo-saxons appellent des « immune enhancing diets » (IED). Ces produits sont des mélanges prêts à l’emploi riches en ARG, ARN, AG n-3, vitamines antioxydantes et oligoéléments. Deux études portant sur le brûlé ont été publiées. La première [162] concerne un collectif de 50 patients très hétérogènes tant pour l’âge (3–76 ans) que pour le niveau d’agression (SCB = 10–89 %). Les patients ont reçu soit une nutrition standard (Osmolite®), soit une formule plus spécialement destinée au malade hypercatabolique (Traumacal®), soit un régime enrichi en arginine, cystéine, AG n-3, vitamine A et C, et zinc. Pour que les trois régimes soient rendus isoazotés,

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isocaloriques et isovolumiques, Osmolite® était enrichi en protéines et Traumacal® était dilué dans l’eau. De plus, tous les patients ont été supplémentés en vitamine A et C, et en zinc. L’administration de l’IED entraîne une diminution des infections au niveau de la plaie, de la durée d’hospitalisation (exprimée en % de surface brûlée) et de l’excrétion urinaire de créatinine. Les autres paramètres cliniques ou biologiques n’étaient pas différents selon le régime utilisé. Les biais de cette étude ont été soulignés récemment [201] : prévalence des lésions d’inhalation dans le groupe Traumacal® et approche statistique inadéquate. Par ailleurs, il existait une différence majeure de poids à l’admission entre les groupes. La seconde étude [173] concerne 50 patients qui ont reçu soit une IED (Impact®), soit le régime usuellement utilisé par ce service (Replète®). Aucune différence n’a pu être mise en évidence en termes de mortalité, de coût d’hospitalisation, de nombre de jours sous ventilation assistée, de la fréquence des complications ou encore de variations de marqueurs biologiques de l’état nutritionnel. Le problème de cette étude est que Replète®, support nutritionnel du groupe témoin, peut lui-même être considéré comme une IED car ce produit est enrichi en GLN libre (5,6 g/l) et est très riche en vitamines B1, B6, B9 et C, ainsi qu’en AG n-3. Ces données ne sont pas suffisantes pour recommander l’utilisation d’une IED dans cette indication.

6. Besoins en micronutriments (oligoéléments et vitamines) 6.1. Stress oxydatif, réponse inflammatoire et micronutriments La brûlure grave entraîne une réponse inflammatoire ou « syndrome inflammatoire systémique » (SIRS) et cela favorise le développement de défaillance d’organes. On assiste à une libération massive locale et systémique de produits de dégradation de la peroxydation lipidique, et une production importante de radicaux libres et de cytokines [202]. L’activation du nuclear transcription factor kappa B (NFjB) au niveau cellulaire est une des étapes de base de l’amplification du SIRS. Plusieurs micronutriments modulent l’activation du NFjB, comme le sélénium (Se), les vitamines C et E [203]. Une étude récente [204] rapporte des effets cliniques favorables chez des brûlés : des suppléments précoces sont associés à une réduction des complications infectieuses et de la durée de séjour en réanimation. La réponse de phase aiguë s’accompagne d’une redistribution des micronutriments. On observe un déplacement du zinc (Zn) de ses réservoirs (muscle, peau, os) vers les tissus où la prolifération cellulaire et la synthèse protéique sont intenses, en particulier le thymus, la moelle osseuse et le foie [205]. Cette modification s’explique par l’effet des cytokines et des radicaux libres. Le stress oxydatif consécutif aux brûlures augmente l’expression de la métallothionéine (MT) [205] : chez le rat brûlé, les taux tissulaires hépatiques de

glutathion (GSH) diminuent, alors que ceux de glutathion oxydée (GSSG) et le rapport GSSG/GSH augmentent à 24 et 48 heures. Le contenu hépatique de MT s’élève suite à l’augmentation de l’expression du MT-I mRNA entre 3 et 24 heures, probablement en réponse à l’augmentation des taux de peroxydes lipidiques. L’activité de la glutathion peroxydase (GSHPx) hépatique et érythrocytaire augmente à 24 heures. Les concentrations sériques de Zn diminuent à 12 heures en miroir des concentrations hépatiques [205]. En conséquence, les concentrations sériques de plusieurs éléments traces (fer (Fe), Se, Zn) et de leurs protéines vectrices baissent, alors que cuivre (Cu) et manganèse (Mn) sont les seuls à augmenter, aboutissant à un déséquilibre des antioxydants circulants qui modulent la libération du NFkB [206]. En cas de réaction inflammatoire avec statut en Cu normal, la céruloplasmine et le cuivre circulants augmentent. La céruloplasmine, protéine vectrice du cuivre avec une fonction ferroxydase, est une protéine de phase aiguë positive, stimulée par l’IL-1 et l’IL-6. Chez le brûlé, on observe des concentrations abaissées à la fois de cuivre et de céruloplasmine, reflétant un déficit en cuivre [114,140,207]. 6.2. Statut des micronutriments chez les grands brûlés De nombreux déficits ont été décrits chez les brûlés graves. En fait, tous les micronutriments semblent affectés, en particulier : Cu, Fe, Se, Zn, Mn, vitamines A, B et E. Le Tableau 5 présente un résumé des études réalisées sur ces micronutriments. Les déficits sont proportionnels à la sévérité de la brûlure et sont associés à des problèmes de cicatrisation ainsi qu’à des complications infectieuses [206]. La notion de carence est fondée essentiellement sur la mesure de concentrations circulantes, fortement réduites, de plusieurs micronutriments et d’excrétion urinaire faible malgré la supplémentation [208] indiquant une rétention. Les concentrations plasmatiques sont abaissées (voire effondrées) au-delà de ce que provoque une réponse inflammatoire, même intense [206]. Ces déficits sont expliqués en grande partie par des pertes exsudatives de Cu, de Se et de Zn pendant la première semaine suivant la brûlure [140], mais aussi par les fuites urinaires, de drainages et les hémorragies peropératoires [209]. Le déficit en Cu est particulier aux brûlés [210] : ses concentrations plasmatiques restent très basses pendant plusieurs semaines et proportionnellement à l’étendue des brûlures. Le déficit peut être sévère au point de causer des arythmies fatales [211]. Ce déficit est dû aux pertes cutanées par les exsudats, représentant en une semaine 20–40 % du contenu corporel en cuivre [140]. Le statut en vitamine C est rapidement altéré chez les brûlés avec des concentrations plasmatiques souvent inférieures à 50 % de la normale [114]. 6.3. Rappel des principales fonctions des micronutriments dans le contexte de la brûlure En plus de leurs fonctions nutritionnelles, les micronutriments ont des fonctions antioxydantes, immunitaires, et cicatrisantes.

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Tableau 5 Études démontrant l’existence de déficits en éléments traces (par ordre alphabétique des auteurs) Résumés des études Berger et al. observent des pertes cutanées de cuivre, de sélénium et de zinc, en utilisant la méthodologie des études de bilan chez 15 patients brûlés à 30 % : les pertes cumulées sur sept jours représentaient l’équivalent de 10 % du contenu corporel pour le sélénium et le zinc, et 20–40 % du contenu corporel pour le cuivre. Les pertes cutanées étaient associées à des concentrations plasmatiques basses des trois éléments, et à une réduction de l’activité de la glutathione peroxydase (GSHPx). Le même groupe a depuis confirmé la présence de déficits en éléments traces dans deux séries consécutives d’études randomisées et contrôlées. Les patients supplémentés avaient une évolution clinique améliorée avec une réduction de la peroxydation lipidique, des complications infectieuses et une durée d’hospitalisation plus courte. Boosalis et al. observent des concentrations de sélénium et de cuivre abaissées, parallèles à celles de céruloplasmine. Les auteurs ont observé que l’hypozincémie était liée à la réponse inflammatoire. L’augmentation de la zincurie persistait pendant deux à cinq semaines, sans relation avec les concentrations plasmatiques. Chez les enfants, Cunningham et al. ont mis en évidences plusieurs perturbations des éléments traces : sous nutrition parentérale avec des suppléments de Zn, l’hyperzincurie est constante malgré un Zn plasmatique bas, alors que l’excrétion de Cu est normale. La céruloplasminémie est anormalement basse et sous NPT. Cunningham recommande la prescription de 20 µg/kg i.v. de Cu par jour, soit 1 mg pour 50 kg. Quelques années plus tard il conclut que cette dose est insuffisante au maintien d’un statut adéquat estimé par la céruloplasmine. Fell et al. étudiant le catabolisme post-traumatique observent que l’excrétion urinaire de Zn est maximale au cours de la 2e semaine, et proportionnelle à la sévérité des lésions. Henzel et al. montrent une zincurie augmentée : la teneur des zones cicatricielles en Zn est abaissée chez le brûlé alors que celle du tissu de granulation est normale Hunt et al. concluent à l’existence d’un déficit en Se, avec Se plasmatique et urinaire bas et altération de l’activité de la GSHPx Lafargue et al. constatent un abaissement précoce et important de la concentration plasmatique de Cu et de Zn dont la normalisation coïncide avec la guérison. Chez les enfants brûlés, Larson et al. trouvent des concentrations tissulaires abaissées en Zn, médiocrement corrélée avec les concentrations plasmatiques: dans l’exsudat les concentrations de Zn sont le double des taux plasmatiques. Les auteurs concluent à un déficit aigu en Zn. Chez les enfants brûlés, Pochon et Klöti tentent une supplémentation entérale combinée de Cu (20 mg/kg par jour) et de Zn (80 mg/kg par jour) en cas concentration plasmatique abaissée de Cu ou Zn à l’admission: ils n’obtiennent pas de correction des concentrations plasmatiques et concluent que ces deux éléments traces se concurrencent mutuellement pour l’absorption. Ils n’observent pas de corrélation entre le degré de perturbation des concentrations sériques à l’admission et la taille de la brûlure. Rettmer et al. ont démontré, chez 15 brûlés à 45 % SCB, que le cuivre était diminué et le fer plasmatique était fortement abaissé avec une diminution modeste du rapport zinc protophorphyrine/hème (test fonctionnel du statut en fer reflétant l’érythropoïèse) Sanchez-Agreda et al. sur la base de mesures plasmatiques répétées, concluent à la présence de déficit en Cu et Zn. Selmanpakoglu et al. confirment les concentrations abaissées de Zn dans les tissus en voie de cicatrisation, les zincémies basses, les sélénémies basses, ainsi qu’une excrétion urinaire de cuivre augmentée dès la 2e semaine Shakespeare observe des zincuries augmentées au cours de la 2e semaine après brûlure, sans altération majeure des concentrations sériques de Zn et Cu Shewmake et al. constatent des concentrations anormalement basses de Cu et Zn chez des grands brûlés avec altérations des protéines vectrices : ils concluent à la nécessité d’un monitorage et d’une supplémentation systématique

6.3.1. Défenses antioxydantes Une peroxydation lipidique intense caractérise les brûlures graves. Celle-ci résulte en partie de l’effet direct de la brûlure sur la graisse cutanée, mais aussi de la production accrue de radicaux libres liée à l’activation des leucocytes [212]. C’est pourquoi des traitements anti-inflammatoires et antioxydants destinés à réduire la formation de produits de la peroxydation des lipides ont été considérés comme traitements adjuvants dans les brûlures graves [213]. Quatre éléments traces (Cu, Mn, Se, Zn) ont des propriétés antioxydantes car ils sont les cofacteurs des principales enzymes antioxydantes de l’organisme : Cu–Zn et Mn superoxyde dismutase (SOD), catalase, GSHPx, et certaines ferroxydases comme la céruloplasmine. Les vitamines du groupe B n’ont pas de fonction antioxydante directe. Néanmoins, la vitamine B3 est convertie dans les tissus en NAD+ et en NADP+, lesquels sont importants

Références Élément trace [140,204,214,231] Cu, Se, Zn

[236–239]

Se, Cu, Zn

[207,234,240]

Cu

[241]

Zn

[225]

Zn

[242]

Se

[243]

Cu, Zn

[244]

Zn

[235,245]

Cu, Zn

[114]

Cu, Fe

[246] [247]

Cu, Zn Zn

[248]

Zn

[249]

Cu, Zn

dans la défense antioxydante, en tant que donneurs d’électrons pour la réduction du glutathion oxydé [206]. La vitamine C, fortement réductrice, est un antioxydant puissant dans le compartiment circulant. Plusieurs études démontrent un bénéfice de la supplémentation en vitamine C chez l’animal [215] comme chez l’homme [216]. Des mégadoses (110 g) d’acide ascorbique administrées pendant les 24 heures suivant une brûlure grave réduisent les besoins en liquides de réanimation requis pour la stabilisation hémodynamique. Les mécanismes évoqués sont une normalisation de la perméabilité capillaire et une diminution de la formation de peroxynitrites dans l’endothélium. L’influence de la supplémentation en éléments traces sur la peroxydation lipidique et ses produits de dégradation, comme le malondialdéhyde (MDA), a fait l’objet de plusieurs études. La vitamine C donnée à forte dose (14 mg/kg par heure) réduit la peroxydation lipidique chez le chien (diminution du MDA dans la lym-

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phe) [217]. La vitamine E atteint son niveau le plus faible dans le plasma après six à huit jours, en même temps que les peroxydes lipidiques culminent et restent perturbés jusqu’au 20e jour après brûlure : la supplémentation permet la réduction significative de la peroxydation lipidique et une restauration des taux circulants de vitamine E [218]. 6.3.2. Immunité L’immunité est gravement déprimée chez les brûlés, les perturbations étant détectables dans les premières 12 heures après la brûlure [206]. L’altération du statut des micronutriments y participe car plusieurs éléments traces (Cu, Se, Fe, Zn) et vitamines (C et E) sont impliqués dans les défenses immunitaires [206] : le déficit en cuivre diminue la production d’anticorps, parallèlement à la diminution de l’activité de la céruloplasmine. Les PNN dépendent également du Cu pour leur activité. Le fer a de multiples fonctions immunologiques. Son déficit réduit la production d’anticorps et l’immunité cellulaire et la fonction des PNN. Le sélénium participe à la défense immunitaire par ses fonctions antioxydantes. Il module la fonction de phagocytose des PNN. Le zinc est impliqué dans l’immunité cellulaire et humorale : toutes les voies immunitaires sont directement ou indirectement sous son influence. Le déficit provoque une augmentation de l’incidence des infections bactériennes, fongiques et virales. L’effet de suppléments sur l’immunité a été peu étudié. Chez le rat brûlé, un traitement incluant vitamine C, N-acétyl cystéine, déféroxamine et allopurinol pendant sept jours a amélioré la réponse immunitaire cellulaire [219]. Des gigadoses de vitamine E chez le rat brûlé ont des effets favorables sur la muqueuse intestinale [220]. La supplémentation précoce en Cu, Se et Zn pendant huit jours chez des patients brûlés est associée à une réduction des complications infectieuses, en particulier des infections pulmonaires, reflétant probablement une amélioration de l’immunité [204]. 6.3.3. Cicatrisation Le cuivre est essentiel pour la croissance et la réparation tissulaire. C’est un cofacteur des amines oxydases responsable de la maturation du collagène. Le traitement topique des brûlures par la sulfadiazine d’argent contribue aussi aux altérations du métabolisme du Cu. L’argent chélate le Cu et la céruloplasmine, provoquant une réduction des concentrations circulantes ; le Se est aussi antagonisé [221]. Le remplacement de l’argent par le zinc dans ces préparations est associé à une amélioration de la cicatrisation et une réduction de la perte pondérale [222]. Le déficit en zinc contribue à perturber la cicatrisation. Lors de celle-ci, la régulation de la prolifération fibroblastique requiert divers facteurs nutritionnels et en particulier des éléments traces et des vitamines. L’expression des intégrines des kératinocytes, responsables de leur adhésion cellulaire et de leur migration, est fortement stimulée in vitro par plusieurs éléments traces, en particulier le Zn [223] : cela explique une partie des phénomènes d’accélération de cicatrisation observés avec les suppléments de Zn. Chez le brûlé, les

concentrations de Cu, de Se et de Zn dans la peau diminuent lors du processus de cicatrisation [224]. Les patients présentent des troubles de la cicatrisation d’autant plus que la teneur en zinc est faible [225]. Il en résulte que des apports insuffisants d’éléments traces, des pertes ou des besoins accrus causés par un traumatisme entraînent des bilans négatifs avec des déficits. La vitamine A est requise pour le maintien de l’intégrité épithéliale et la synthèse de glycoprotéines. Des concentrations plasmatiques abaissées ont été rapportées chez les brûlés [226], mais leur interprétation est compliquée par la baisse de sa protéine vectrice, la RBP, dans le cadre de la réponse inflammatoire [131]. Les vitamines du groupe B sont essentielles au métabolisme des glucides et donc à la cicatrisation. Chez le brûlé grave, on observe des taux abaissés [114]. Néanmoins les tests fonctionnels ne montrent que des perturbations modestes. Il est, de longue date, recommandé de donner aux brûlés de fortes doses de vitamine C (1–2 g/jour) en association avec de la thiamine, de la riboflavine et de l’acide nicotinique [208]. La vitamine C est cruciale pour la synthèse du collagène, car essentielle à l’activité des proline et lysine hydroxylases. Ainsi la cicatrisation s’accompagne de besoins accrus de vitamine C. 6.4. Besoins nutritionnels et apports recommandés L’hypermétabolisme occasionne des besoins accrus de tous les substrats, y compris des micronutriments. Ces derniers sont essentiels à l’utilisation des glucides, des protéines et des lipides. Un exemple est le besoin en vitamine B1 qui est souvent exprimé en mg par 1000 kcal [227]. Les apports nutritionnels conseillés de la population générale ne s’appliquent pas, par définition, aux patients et encore moins aux brûlés. Il a été établi qu’il convient de chercher des marqueurs biologiques de la fonction des micronutriments afin de déterminer, non seulement le niveau minimal d’apport évitant le déficit, mais bien le niveau qui optimise les fonctions enzymatiques [228]. Les solutions industrielles de NE sont bien équilibrées ; néanmoins leur teneur en micronutriments est fondée sur les ANC et ne couvre donc pas des besoins accrus. Les études concluant à la suffisance d’apports d’éléments traces par l’alimentation sont rares, se limitant à deux publications dont les conclusions sont discutables : • dans un groupe très inhomogène de patients (2 à 55 % SCB, dont un tiers de brûlures de moins de 10 %), la zincémie était évaluée à la fin de la 3e semaine : la normalisation de la concentration plasmatique était interprétée comme témoin de l’absence de besoin en suppléments de zinc [229]. Cette conclusion est peut-être applicable aux « petits brûlés » (< 20 % SCB), mais elle ne peut pas être extrapolée aux brûlures graves, dont il est question présentement ; • Perro et al. [230] ont étudié le statut en Cu, Zn et Fe ainsi que les vitamines B1, B12, A et E chez des brûlés à

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Tableau 6 Suppléments de micronutriments recommandés et proposés avec leur voie d’administration Micronutriment

Vitamine A – rétinol Vitamine C Vitamine D Vitamine B1 Vitamine B2 Vitamine B6 Biotine Niacine Ac folique Vitamine B12 Ac pantothénique Vitamine E Vitamine K Cuivre Fer Sélénium Zinc

Dose adulte d’entretien pour nutrition IV 1000 ug 100 mg 200 IU 3 mg 3,6 mg 4 mg 60 ug 40 mg 400 ug 5 ug 10 mg 150 ug 0,3–1,3 mg 1,2 mg 30–60 ug 3,2–6,5 mg

Recommandation iv FDA 2000 [233] 1000 ug 200 mg 5 ug/200 IU 6 mg 3,6 mg 6 mg 60 ug 40 mg 600 ug 5 ug 15 mg 10 mg 150 ug – – – –

Suppléments IV brûlés en sus des besoins de base 10 mg 2 g puis 1 g 400 IU 300 mg

Durée

Voie

une à deux sem tout le séjour phase tardive (> 22 mois) une sem

IV puis EN PO IV

300 mg si nutrition IV 4 mg – 500 ug 30 mg

deux à trois sem

IV ou EN

deux à trois sem

IV

deux à trois sem deux à trois sem

IV IV

IV : intraveineux ; EN : entéral ; sem : semaine ; PO : per os.

33 ± 12 % recevant une alimentation hypercalorique mixte entérale et parentérale. Des suppléments d’éléments traces et de vitamines ont été administrés en sus par voie entérale (Cernevit® et Nonan®). Les auteurs concluent à l’absence de déficit sur la base des concentrations sériques ; c’est oublier que leurs patients recevaient des suppléments et une nutrition fournissant deux à dix fois les apports recommandés usuels et que la normalisation plasmatique n’est intervenue que tardivement pour plusieurs micronutriments ; enfin le zinc et le fer sont restés très bas pendant toute l’étude chez la plupart des patients. 6.4.1. Stratégie : prévenir ou traiter les déficits ? En sus des besoins métaboliques de base, les brûlés graves ont des besoins spécifiques, liés d’une part au stress oxydatif massif engendré par les brûlures et, d’autre part, à leurs déficits suraigus causés par les pertes cutanées. Ces patients sont caractérisés par la survenue rapide de déficits bien établis causés surtout par les pertes cutanées, à un moment où le stress oxydatif est maximal. L’objectif de la supplémentation est double : • renforcer les défenses antioxydantes ; • substituer les pertes aiguës évitant ainsi les effets biologiques du déficit suraigu. La supplémentation avec des quantités d’éléments traces (Cu, Se, Zn), destinées à compenser les pertes exsudatives, restaure partiellement les concentrations plasmatiques [204,209] et cette correction est associée à une normalisation de l’activité de la GSHPx qui dépend du sélénium [231]. Par ailleurs, ces suppléments ont des effets bénéfiques sur la cicatrisation, avec une amélioration de la prise de greffe [209]. 6.4.1.1. Éléments traces. Il n’y a à ce jour que la recommandation de l’American Burns Association [232], fondée sur

des avis d’experts. Les apports proposés sont comparables à ceux de la nutrition parentérale. 6.4.1.2. Vitamines. Des avis d’experts conseillant des apports accrus ont été publiés dès les années 1940 [208]. En 2000, la FDA (food and drug administration) a révisé les besoins intraveineux en vitamines des plusieurs catégories de patients y compris les brûlés (Tableau 6) [233]. Les brûlés graves sont désignés comme des patients pouvant recevoir, pendant quatre jours ou plus, plusieurs fois cet apport révisé à la hausse destiné à la nutrition parentérale : la quantité maximale n’est pas précisée. En revanche, il est stipulé que le clinicien ne devrait pas attendre le développement de déficits pour prescrire ces suppléments. 6.4.2. Quels micronutriments à quelles doses ? Le Tableau 6 indique les recommandations existantes de nutrition parentérale, les suppléments proposés et la durée de cette supplémentation. En moyenne, les doses nécessaires par voie intraveineuse (IV) chez le brûlé sont de l’ordre de cinq à dix fois les apports recommandés en nutrition parentérale. En effet, chez des enfants gravement brûlés, les doses utilisées pour la nutrition parentérale ne permettent généralement pas de restaurer une cuprémie et céruloplasminémie normales [234]. Chez l’adulte, l’apport de doses correspondant à quatre fois les doses de nutrition parentérale sont insuffisantes pour obtenir la correction [204]. La supplémentation en fer est déconseillée pendant la phase inflammatoire, particulièrement par voie intraveineuse : les patients brûlés ont souvent des bactériémies répétées et certaines bactéries, comme les Pseudomonas, ont des sidérophores qui leur permettent de capter le fer circulant à leur profit, favorisant le développement de complications infectieuses [206].

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L’apport optimal de vitamine C n’est pas encore déterminé avec certitude, mais des doses de 1 g/jour ont déjà été proposées [208]. Aucun effet secondaire n’a été décrit à cette dose et il n’y a donc pas de raison de restreindre son administration. Quant au fer, malgré des concentrations sériques basses, la ferritine reste dans les limites des valeurs normales : considérant le risque potentiel de favoriser la prolifération de bactéries Gram négatives, particulièrement par des suppléments intraveineux, il est déconseillé d’en donner pendant la phase inflammatoire (si CRP > 300 mg/l). Des travaux récents indiquent que les brûlés les plus graves ont des perturbations sévères tardives du métabolisme de la vitamine D, avec des déficits importants [234a]. La peau contribue à la synthèse de cette vitamine et elle semble avoir perdu cette fonction : la question de la supplémentation dès le 2e mois se pose. La durée de la supplémentation n’est pas définie : ces suppléments ont été administrés pendant 24 heures pour la vitamine C à gigadose, 8–21 jours pour les éléments traces, deux à trois semaines pour la vitamine E. Il paraît donc raisonnable de considérer que c’est pendant la phase (deux à trois semaines chez la majorité des patients) où les brûlures sont non couvertes chirurgicalement que le risque de déficit est élevé. 6.5. Voies d’administration : digestive vs intraveineuse L’absorption des micronutriments ne peut être garantie chez un patient en phase de réanimation. De plus, il existe une compétition pour l’absorption, voire des antagonismes de plusieurs micronutriments quand on en augmente les apports, en particulier entre Cu et Zn, Se et Cu, Zn et Fe, ou encore Fe et calcium [206]. La voie IV est donc la seule qui, pendant la phase aiguë, puisse garantir la biodisponibilité de doses élevées de micronutriments dans le compartiment circulant. Néanmoins, la méthode est sujette à d’autres contraintes, comme des problèmes de stabilité de solutions contenant des doses élevées de vitamines et l’incompatibilité entre vitamines et éléments traces à doses élevées (précipitation de la vitamine A en particulier) : ces solutions doivent donc être administrées séparément et par un cathéter veineux central, ces mélanges ayant des propriétés phlébogènes sur les veines périphériques. 7. Conclusions L’organisme, dans les conditions extrêmes qu’est la brûlure sévère, met tout en jeu pour fournir aux tissus agressés les substrats énergétiques nécessaires à leur fonctionnement. Cette réponse est caractéristique par son intensité et par sa durée. Elle peut aboutir à un épuisement des réserves d’énergie de l’organisme dont les conséquences sont telles qu’il peut paraître licite de limiter ou de modifier la réponse hypermétabolique. Il convient toutefois d’insister sur plusieurs points : • il existe d’étroites relations entre les perturbations des différentes voies métaboliques et toute intervention sur une voie aura des conséquences sur les autres.

• l’intensité et la durée de l’hypermétabolisme du grand brûlé sont sans comparaison avec celles observées dans les autres situations. Les résultats des études réalisées chez d’autres patients de réanimation ne peuvent pas être extrapolés aux brûlés. Ces différents points incitent à la plus grande prudence dans le choix et l’utilisation de traitements ayant pour objectif la modification des réponses métaboliques physiologiques des grands brûlés et doivent avant tout pousser le brûlologue à limiter les besoins énergétiques de son patient en diminuant les risques de complications infectieuses et en réduisant au mieux les délais de recouvrement cutané. La sagesse populaire tend à admettre que « quand l’intestin fonctionne bien tout va bien ». Cette constatation est quotidienne en réanimation du brûlé. Tout déséquilibre, que celui-ci soit lié à la brûlure, à un retard de réanimation, à la réaction inflammatoire qu’elle entraîne ou qu’il soit dû à la thérapeutique ou à l’absence de thérapeutique, se solde par une amplification de la réaction inflammatoire. Il faut à chaque instant avoir à l’esprit la répercussion de tous ses gestes et de toutes ses prescriptions sur le tube digestif. De nombreux paramètres peuvent concourir à l’évaluation de l’état nutritionnel mais aucun n’est exempt de défaut, ni ne permet, à lui seul, le suivi des patients. Pour cette raison l’association de différents paramètres, cliniques et biochimiques, est nécessaire au suivi nutritionnel du brûlé. Le rythme de cette surveillance doit être adapté en fonction de la gravité du traumatisme et de son évolution. La stratégie d’évaluation de l’état nutritionnel commence à l’admission du patient afin de dépister un état de malnutrition préexistant, favorisé par des conditions socioéconomiques défavorables ou des pathologies préexistantes. Elle repose ensuite sur l’examen clinique où les patients sont examinés et leur courbe de poids suivie régulièrement. La surveillance biochimique doit porter plus particulièrement sur le métabolisme protéique. Ainsi, l’hypercatabolisme protéique est au mieux surveillé par le calcul du bilan azoté avec détermination de l’azoturie et, si possible, la détermination de l’excrétion de 3-MH urinaire et de la phénylalaninémie. Enfin, une protéine de la nutrition (TTR) est mesurée régulièrement en étant couplée à celle d’une protéine de l’inflammation (CRP) pour aider à son interprétation. Le brûlé nécessite des apports élevés en protéines (jusqu’à un maximum de 2 g/kg par jour) et faibles en lipides (≤ 20 % de l’apport calorique). La brûlure est en théorie une excellente indication pour l’emploi de pharmaconutriments. En pratique, les études réalisées concernant un apport élevé en arginine, AG n-3 ou sous forme de mélanges prêts à l’emploi sont peu nombreuses et peu probantes. Les travaux récents concernant la glutamine sont prometteurs. L’apport d’a-cétoglutarate d’ornithine a fait l’objet de nombreuses études tant cliniques qu’expérimentales. Son efficacité sur la cicatrisation et l’état nutritionnel ne paraît pas devoir être discutée. Les données concernant l’immunité sont prometteuses mais doivent être confirmées chez l’homme.

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Les déficits aigus et précoces de micronutriments sont un fait bien établi, tout comme l’est le stress oxydatif intense. Plusieurs études ayant démontré à la fois des bénéfices biologiques et cliniques à l’administration de suppléments de micronutriments, il paraît actuellement raisonnable de conseiller cette pratique chez les patients brûlés graves, surtout en phase aiguë. Cela est d’autant plus vrai, qu’aucun effet délétère n’a été mis en évidence. Les doses utiles sont de l’ordre de cinq à dix fois les apports utilisés dans d’autres indications de NP, et la durée de cette supplémentation est de l’ordre de deux à trois semaines.

Remerciements Nous sommes extrêmement redevables à Mme Solange Ngon pour sa prise en charge secrétariale de ce texte.

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