Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 100S (2014) S388–S392
Disponible en ligne sur
ScienceDirect www.sciencedirect.com
Note de technique
Reconstruction anatomique du ligament talo-fibulaire antérieur et du ligament calcanéo-fibulaire sous arthroscopie : technique opératoire夽 Anatomical reconstruction of the anterior talofibular and calcaneofibular ligaments with an all-arthroscopic surgical technique S. Guillo a , G. Cordier a , B. Sonnery-Cottet b , T. Bauer c,∗ a
Clinique du sport, Bordeaux-Mérignac, France Centre orthopédique Santy, hôpital privé Jean-Mermoz, Lyon, France c Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital universitaire Ambroise-Paré, (AP–HP), hôpitaux universitaires Paris Île-de-France Ouest, 9, avenue Charles-de-Gaulle, 92100 Boulogne-Billancourt, France b
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Accepté le 17 septembre 2014 Mots clés : Instabilité de cheville Entorse Arthroscopie Ligamentoplastie
r é s u m é L’arthroscopie devient incontournable dans la prise en charge des instabilités latérales chroniques de la cheville. Elle permet le bilan et le traitement des lésions associées ainsi que le bilan lésionnel ligamentaire afin de choisir l’intervention la plus adaptée. Récemment plusieurs techniques de réparation ligamentaire sous arthroscopie ont été développées et progressivement il semble possible de réaliser une reconstruction complète anatomique des ligaments latéraux de la cheville par ligamentoplastie sous arthroscopie. Une technique de ligamentoplastie arthroscopique des ligaments latéraux de la cheville est décrite dans cet article. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
1. Introduction L’arthroscopie de cheville semble prendre une place de plus en plus importante dans la prise en charge des laxités latérales chroniques de la cheville puisqu’elle permet à la fois le bilan et le traitement des fréquentes lésions associées mais également la visualisation des ligaments, aidant ainsi dans le choix de la technique de réparation ligamentaire [1]. Aussi plusieurs auteurs ont récemment publié les résultats de réparation capsulo-ligamentaire type Bröström-Gould par technique arthroscopique, confirmant ainsi le rôle central de l’arthroscopie dans le traitement des laxités latérales chroniques de la cheville [2–9]. Si la technique de Bröström-Gould reste la référence dans la majorité des cas, il existe cependant des situations où la réparation n’est pas possible et où il faut s’orienter vers une reconstruction à l’aide de transplants tendineux. Les reconstructions non anatomiques entraînent
DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2014.09.009. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (T. Bauer). http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2014.09.394 1877-0517/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
des modifications biomécaniques et des contraintes (essentiellement au niveau de l’articulation sous-talienne) avec évolution arthrosique précoce [10,11]. Le but de l’arthroscopie dans ces situations est donc de pouvoir réaliser une reconstruction ligamentaire anatomique avec une meilleure précision du positionnement des transplants et une moindre iatrogénie [12,13]. Cet article décrit une technique originale de reconstruction anatomique des ligaments talo-fibulaire antérieur (LTFA) et calcanéo-fibulaire (LCF) sous arthroscopie. 2. Technique opératoire Le patient est installé en décubitus latéral avec un appui sous la jambe permettant de positionner la cheville à la fois en latéral et en position de décubitus dorsal (par rotation latérale du membre inférieur) (Fig. 1). Cette installation permet de réaliser à la fois une arthroscopie antérieure et une arthroscopie latérale de cheville. Un garrot pneumatique est mis en place à la racine de la cuisse. Tout le membre inférieur est préparé jusqu’au garrot. Le tendon du gracilis homolatéral est prélevé pour réaliser le transplant. Le transplant doit mesurer 10 cm au moins, il est préparé en réalisant deux brins, l’un de 3 cm au moins pour le LTFA et l’autre de 4,5 cm au moins pour le LCF. La partie malléolaire du transplant est suturée à un Toggle Lock® (Biomet, Warsaw, Indiana).
S. Guillo et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 100S (2014) S388–S392
S389
Fig. 2. Nettoyage de la gouttière antéro-latérale.
Fig. 3. Réalisation du tunnel malléolaire par une mèche introduite par la voie no 3.
au niveau de la zone d’insertion du LTFA et du LCF et en direction ascendante par la voie no 3. Un tunnel de 6 mm de diamètre est ensuite réalisé dans la malléole latérale (Fig. 3). Fig. 1. Installation du patient. a : cheville en position latérale ; b : cheville en position verticale.
2.1. Étape no 1 L’intervention commence par une arthroscopie antérieure classique de cheville avec le pied en position verticale et en flexion dorsale. L’arthroscope de 4,5 mm est introduit par la voie d’abord antéro-médiale classique (voie no 1). Après exploration articulaire à la recherche de lésions associées, la voie antéro-latérale classique (voie no 2) est réalisée par transillumination et sous contrôle direct à l’aiguille au niveau de la gouttière antéro-latérale. Un shaver est introduit par la voie no 2 afin de débuter la préparation de la gouttière latérale. Tout le tissu cicatriciel et inflammatoire situé à la partie distale du faisceau inférieur du ligament tibio-fibulaire antéro-inférieur est réséqué depuis le tibia jusqu’à la malléole latérale afin de rejoindre l’insertion fibulaire du LTFA. Le LTFA cicatriciel est ensuite réséqué depuis son insertion malléolaire jusqu’à son insertion talienne afin de mettre en évidence ses zones d’insertion (Fig. 2). 2.2. Étape no 2 L’arthroscope est ensuite placé dans la voie d’abord no 2. Une voie d’abord instrumentale (voie no 3) est réalisée au niveau du sinus du tarse. Les repères de cette voie sont le bord postérieur du rétinaculum des extenseurs et le bord supérieur du tendon peroneus brevis. La voie d’abord est réalisée à l’intersection de ces deux droites. Un shaver est ensuite introduit par cette voie pour compléter la préparation au niveau de l’insertion malléolaire du LTFA et du LCF. Une broche est ensuite introduite dans la malléole latérale
2.3. Étape no 3 La cheville est placée en position latérale pour permettre la réalisation de la tendinoscopie des fibulaires. Une voie d’abord rétromalléolaire, située 1 cm au-dessus de la pointe de la malléole (voie d’abord no 4), est nécessaire. Après incision cutanée, le retinaculum supérieur des fibulaires est exposé puis incisé avant d’introduire l’arthroscope dans la gaine des tendons fibulaires. L’exploration permet de retrouver le septum entre les 2 tendons qui marque le début des tunnels propres et le niveau de la dissection du sinus du tarse et du LCF. L’arthroscope est placé en avant du peroneus brevis, la lumière dirigée vers l’interligne sous-talien. La préparation au shaver, introduit par la voie no 3, débute juste en amont du début des tunnels propres des tendons et permet de visualiser de distal en proximal l’interligne sous-talien puis le LCF qui le croise. Cette étape permet de repérer et de libérer le LCF en contrôlant les tendons fibulaires (Fig. 4).
2.4. Étape no 4 La cheville est replacée en position verticale et l’arthroscope est introduit dans la voie d’abord no 3. Un shaver placé dans la voie d’abord no 2 permet de finaliser le nettoyage de l’insertion talienne du LTFA. Un tunnel borgne au niveau de l’insertion talienne du LTFA est ensuite réalisé à l’aide d’une broche permettant d’introduire une mèche de 6 mm sur une profondeur de 20 mm. Le tunnel est dirigé vers le centre du dôme talien. Une ancre Jogger Knot® 1,4 mm (Biomet, Warsaw, Indiana) est ensuite placée à l’intérieur de ce tunnel pour servir, par un effet de poulie, à introduire le transplant ultérieurement (Fig. 5).
S390
S. Guillo et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 100S (2014) S388–S392
Fig. 6. Tunnel calcanéen réalisé par la voie no 3. a : schéma ; b : vue peropératoire.
Fig. 4. Visualisation et dissection du LCF. a : Tendinoscopie des fibulaires (arthroscope par la voie no 4 et shaver par la voie no 3) ; b : dissection du LCF.
Indiana) dans la malléole. La fixation finale du transplant de LTFA est assurée par une vis d’interférence dans le tunnel talien. 2.7. Étape no 7 L’arthroscope reste dans la voie no 2. Le transplant calcanéen est introduit dans le tunnel calcanéen par la voie no 3. La mise en tension du transplant se fait avec la cheville en position neutre, par traction sur le fil du transplant calcanéen. La fixation finale est assurée par une vis d’interférence dans le tunnel calcanéen (Fig. 8). 3. Discussion
Fig. 5. Tunnel talien et mise en place du Jogger Knot® (Biomet, Warsaw, Indiana).
2.5. Étape no 5
L’arthroscopie a une place centrale dans la prise en charge des instabilités latérales chroniques de la cheville en permettant à la fois :
2.6. Étape no 6
• le bilan et le traitement des fréquentes lésions associées qui conditionnent le pronostic après une réparation ligamentaire [14] ; • le bilan ligamentaire (LTFA et LCF) et orientant ainsi vers la technique de réparation la plus adaptée à la situation [15] ; • et le traitement de la laxité latérale chronique avec soit un geste de réparation ligamentaire type Bröström-Gould [2–9], soit un geste de reconstruction ligamentaire avec ligamentoplastie telle que décrite dans cet article [10,11].
Cette étape correspond au positionnement du transplant talofibulaire (Fig. 7a). L’arthroscope est placé dans la voie no 2. Un des brins du Jogger Knot® (Biomet, Warsaw, Indiana) ressort par la voie no 3 et sera suturé à l’extrémité talienne du transplant (Fig. 7a). Le Toggle Lock® (Biomet, Warsaw, Indiana), introduit par la voie no 3, est ensuite introduit dans le tunnel fibulaire et plaqué sur la corticale postérieure de la malléole permettant de positionner la portion malléolaire du transplant dans le tunnel malléolaire (Fig. 7b). Le transplant de LTFA est introduit dans le tunnel talien par traction sur l’un des brins du Jogger Knot® (Biomet, Warsaw, Indiana), par un effet de poulie (Fig. 7c). La tension finale du transplant est obtenue par traction au niveau du Toggle Lock® (Biomet, Warsaw,
Le concept d’endoscopie latérale de cheville avec la voie d’abord du sinus du tarse et la tendinoscopie des fibulaires permet de visualiser l’ensemble des structures latérales de la cheville et de l’arrière-pied (articulation sous-talienne, tendons fibulaires, LTFA et LCF). Il s’agit d’une endoscopie extra-articulaire qui nécessite un apprentissage et une technique rigoureuse pour retrouver facilement les repères anatomiques, créer un espace de travail en toute sécurité et réaliser des gestes facilement reproductibles. L’endoscopie latérale de cheville permet ainsi par une dissection profonde et sous-cutanée du plan capsulo-ligamentaire de parfaitement visualiser les structures à réparer (contrairement aux techniques percutanées) et de limiter les risques de lésions
L’arthroscope est placé dans la voie no 2 et le shaver dans la voie no 3 pour préparer l’insertion calcanéenne du LCF. Le tunnel calcanéen est réalisé à l’aide d’une mèche de 6 mm de diamètre montée sur broche et introduite par la voie no 3. Il s’agit d’un tunnel transfixiant dirigé en bas, en dedans et en arrière (Fig. 6).
S. Guillo et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 100S (2014) S388–S392
S391
Fig. 7. Mise en place du transplant de LTFA. a : schéma ; b : mise en place du transplant dans le tunnel malléolaire ; c : mise en place du transplant dans le tunnel talien.
Fig. 8. Mise en place du transplant de LCF. a : schéma ; b : fixation du transplant du LCF par une vis d’interférence ; c : aspect final.
neurologiques (notamment des branches cutanées du nerf fibulaire superficiel) malgré leur proximité [16]. Enfin avec l’expérience, cette technique endoscopique permet d’envisager la reconstruction ligamentaire du LTFA et LCF, de fac¸on anatomique avec une plus grande précision dans le positionnement des tunnels. Des études anatomiques sont en cours afin de confirmer la faisabilité et la reproductibilité de telles techniques de reconstruction anatomique sous arthroscopie et de standardiser les étapes et moyens de fixation. Des études à moyen et long terme seront indispensables pour confirmer l’intérêt de ces techniques en termes de délai de récupération et d’évolution arthrosique.
Déclaration d’intérêts S. Guillo : consultant pour BIOMET ; B. Sonnery-Cottet et T. Bauer : consultants pour ARTHREX. G. Cordier déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Guillo S, Bauer T, Lee JW, et al. Consensus in chronic ankle instability: aetiology, assessment, surgical indications and place for arthroscopy. Orthop Traumatol Surg Res 2013;99(8 Suppl.):S411–9, http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2013.10.009.
S392
S. Guillo et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 100S (2014) S388–S392
[2] de Vries JS, Krips R, Blankevoort L, Fievez AW, van Dijk CN. Arthroscopic capsular shrinkage for chronic ankle instability with thermal radiofrequency: prospective multicenter trial. Orthopedics 2008;31(7):655. [3] Ventura A, Terzaghi C, Legnani C, Borgo E. Arthroscopic four-step treatment for chronic ankle instability. Foot Ankle Int 2012;33(1):29–36, http://dx.doi.org/10.3113/FAI.2012.0029. [4] Vega J, Golano P, Pellegrino A, Rabat E, Pena F. All inside arthroscopic lateral collateral ligament repair for ankle instability with a knotless suture anchor technique. Foot Ankle Int 2013, http://dx.doi.org/10.1177/1071100713502322. [5] Corte-Real NM, Moreira RM. Arthroscopic repair of lateral ankle instability. Foot Ankle Int 2009;30:213–7. [6] Kim ES, Lee KT, Park JS, et al. Arthroscopic anterior talofibular ligament repair for chronic ankle instability with a suture anchor technique. Orthopedics 2011;34(4):1–5. [7] Acevedo JI, Mangone PG. Arthroscopic lateral ankle ligament reconstruction. Tech Foot Ankle 2011;10:111–6. [8] Giza E, Shin EC, Wong SE, Acevedo JI, Mangone PG, Olson K, et al. Arthroscopic suture anchor repair of the lateral ligament ankle complex: a cadaveric study. Am J Sports Med 2013, http://dx.doi.org/10.1177/0363546513500639. [9] Cottom JM, Rigby RB. The “all-inside” arthroscopic Broström procedure: a prospective study of 40 consecutive patients. J Foot Ankle Surg 2013;52(5):568–74, http://dx.doi.org/10.1053/j.jfas.2013.02.022.
[10] Snook GA, Chrisman OD, Wilson TC. Long-term results of the Chrisman-Snook operation for reconstruction of the lateral ligaments of the ankle. J Bone Joint Surg Am 1985;67:1–7. [11] Mabit C, Tourné Y, Besse JL, Bonnel F, Toullec E, Giraud F, et al. Chronic lateral ankle instability surgical repairs: the long term prospective. Orthop Traumatol Surg Res 2010;96:417–23. [12] Lui TH. Arthroscopic-assisted lateral ligamentous reconstruction in combined ankle and subtalar instability. Arthroscopy 2007;23(5):554e1–5. [13] Guillo S, Archbold P, Perera A, Bauer T, Sonnery-Cottet B. Arthroscopic anatomical reconstruction of the lateral ligaments of the ankle with a gracilis autograft. Arthroscopy 2014 [accepté pour publication]. [14] Kim BS, Choi WJ, Kim YS, Lee JW. The effect of an ossicle of the lateral malleolus on ligament reconstruction of chronic lateral ankle instability. Foot Ankle Int 2010;31:191–6. [15] Yasui Y, Takao M. Comparison of arthroscopic and histological evaluation on the injured anterior talofibular ligament. In: The American Academy of Orthopaedic Surgeons (AAOS) 2013 annual meeting. 2013. [16] Drakos M, Behrens SB, Mulcahey MK, Paller D, Hoffman E, DiGiovanni CW. Proximity of arthroscopic ankle stabilization procedures to surrounding structures: an anatomic study. Arthroscopy 2013;29:1089–94.