Reconstruction d’une rupture chronique du tendon patellaire au moyen d’une autogreffe de semi-tendineux

Reconstruction d’une rupture chronique du tendon patellaire au moyen d’une autogreffe de semi-tendineux

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2011) 97, 445—448 FAIT CLINIQUE Reconstruction d’une rupture chronique du tendon patellaire au m...

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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2011) 97, 445—448

FAIT CLINIQUE

Reconstruction d’une rupture chronique du tendon patellaire au moyen d’une autogreffe de semi-tendineux夽 Chronic patellar tendon rupture reconstruction with a semitendinosus autograft A.G. Nguene-Nyemb , D. Huten , M. Ropars ∗ Service de chirurgie orthopédique, hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes, 2, rue Henri-le-Guilloux, 35033 Rennes, France Acceptation définitive le : 27 janvier 2011

MOTS CLÉS Tendon patellaire ; Rupture chronique ; Autogreffe au semitendinosus

Résumé Réputées peu fréquentes, les ruptures chroniques du tendon patellaire ont fait l’objet de rares travaux et leur incidence réelle n’est pas connue. La prise en charge d’une rupture chronique négligée du tendon patellaire pose trois problèmes : l’ascension patellaire invétérée, la reconstruction du tendon patellaire et la protection temporaire de la reconstruction. À travers un cas de rupture chronique du tendon patellaire, les auteurs mettent en avant les avantages de la reconstruction utilisant une autogreffe isolée de tendon semitendinosus, notamment dans l’optique d’une rééducation précoce. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction La rupture du tendon patellaire survient préférentiellement chez les sujets de moins de 40 ans [1—3] typiquement lors d’une activité sportive [4—6]. La rupture est le

DOI de l’article original : 10.1016/j.otsr.2011.01.015. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Ropars). 夽

plus souvent complète et concerne préférentiellement l’insertion proximale du tendon [7]. La rupture du tendon patellaire vue précocement est traitée par suture simple tendon-tendon ou par suture transosseuse, associée le plus souvent à un geste complémentaire de protection temporaire [1]. Passée inaperc ¸ue, la rupture devient chronique ou négligée ; c’est une lésion peu fréquente [8]. Il n’existe pas de larges séries dans la littérature. À travers un cas de rupture chronique du tendon patellaire, nous soulignons la difficulté de prise en charge et l’intérêt de la reconstruction en utilisant une autogreffe isolée de tendon semitendinosus suivie d’une rééducation précoce.

1877-0517/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rcot.2011.04.003

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Cas clinique Il s’agit d’un patient de 49 ans, menuisier, travaillant régulièrement à genoux qui pratiquait le sport de fac ¸on régulière, en moyenne trois heures semaine. Une rupture du tendon patellaire gauche était survenue à l’âge de 28 ans traitée par suture termino-terminale protégée par un cerclage et d’évolution favorable. Le patient ne présentait pas de pathologie de système ou de traitement intercurrent pouvant favoriser une fragilité tendineuse. Au cours d’un match de football et à la suite d’une réception d’un saut sur le membre inférieur droit, le patient a ressenti un « lâchage » de son genou droit suivi d’une douleur antérieure et une impotence fonctionnelle. Aux urgences, l’examen clinique mettait en évidence une douleur franche de l’aileron patellaire médial et la radiographie de profil montrait une patella haute (index de Caton et Deschamps = 1,5) avec un aspect typique de patella de sportif (Fig. 1a). Le diagnostic d’instabilité patellaire était posé. Le traitement consistait en une immobilisation par attelle. Revu à un mois, des séances de rééducation étaient initiées avec une bonne évolution. Revu à quatre mois du traumatisme, le patient décrivait alors un tableau de faiblesse et de défaut de verrouillage du genou lors de la descente des escaliers évoluant depuis cinq semaines et notait une impression d’ascension de la patella qu’il percevait, notamment en position assise. L’examen clinique confirmait cette ascension avec un vide sous-patellaire. L’extension active était toutefois conservée. L’abaissement de la patella et le rabot patellaire étaient douloureux. L’échographie confirmait le

A.G. Nguene-Nyemb et al. diagnostic de rupture ancienne du tendon patellaire sur tendinopathie chronique. L’indication opératoire était posée. Par une incision médiane, l’exposition de l’ensemble du tendon patellaire montrait un tendon désinséré à la pointe de la patella. Il existait un continuum fibreux qui expliquait la conservation de l’extension active. Après excision et avivement de la pointe de la patella, la patella était mobilisable en distal. Un tunnel horizontal était foré à l’aide d’une mèche 4,5 mm dans la moitié inférieure de la patella, au travers duquel étaient faufilés trois fils non résorbables de Mersuture® 3/0, permettant de réinsérer le tendon patellaire sur la patella. Le tendon semitendinosus était prélevé par une petite incision en regard de la patte d’oie. Il était prélevé au stripper et récupéré dans l’incision principale. L’insertion tibiale du tendon était laissée intacte. Un deuxième tunnel était foré avec une tarière de 6 mm dans la moitié supérieure de la patella dans le plan horizontal. Le tendon ainsi prélevé était passé, sans faufilage dans le tendon, dans ce tunnel de médial à latéral puis suturé au bord du tendon patellaire de part et d’autre à 30◦ de flexion. Dans cette position, selon l’index d’Insall-Salvati, la longueur du tendon patellaire est égal à la hauteur de la patella. Ainsi, la tension de l’autogreffe était réglée de sorte que la longueur du tendon reconstruit était approximativement égale à la hauteur de la patella sans qu’aucune radioscopie peropératoire ne soit nécessaire. Aucun tunnel tibial n’était réalisé. La suture était réalisée par des points en X d’un fil résorbable non tressé de décimale 4 (PDS® 1). Afin d’obtenir une bonne continuité patella-tendon patellaire et d’augmenter la solidité du montage, le surtout patellaire était retourné

Figure 1 a : radiographies de profil montrant une patella alta (index de Caton et Deschamps : 1,5) lors du traumatisme initial ; b : radiographies de profil postopératoire. La hauteur de la patella est normalisée.

Rupture chronique du tendon patellaire. Reconstruction par tendon semi-tendineux isolé

Figure 2

L’extension active à deux ans de recul est complète.

sur une largeur de 1,5 cm et suturé au tendon patellaire par le même type de fil. En peropératoire, la flexion atteignait aisément 90◦ sans tension. Les radiographies standard postopératoires montraient une bonne restitution de la hauteur de la patella avec un index de Caton et Deschamp égal à 1 (Fig. 1b). L’appui complet était autorisé à j1 et protégé par une attelle en extension entre les séances de kinésithérapie. La rééducation dans un premier temps était axée sur la récupération des amplitudes articulaires initialement passives et limitées à 90◦ de flexion pendant les 45 premiers jours, l’extension active était proscrite. À partir de la sixième semaine les amplitudes de la mobilisation étaient progressivement augmentées et le quadriceps était renforcé. Au dernier recul à deux ans, on notait une flexion complète et comparable au côté controlatéral, la force du quadriceps était cotée à 5/5, le tour de cuisse à 10 cm au dessus de la patella était comparable au côté gauche (Fig. 2). Le patient pouvait reprendre ses activités sportives. Il ne présentait aucune douleur ni gêne aux activités de la vie courante.

Discussion La rupture de l’appareil extenseur du genou est une pathologie rare [2,6,9]. L’incidence réelle de la rupture du tendon patellaire est inconnue mais représente la troisième lésion la plus fréquente de l’appareil extenseur après la fracture de la patella et la rupture du quadriceps [10,11]. Le diagnostic peut ne pas été posé à la phase posttraumatique initiale. Siwek [10] retrouve 27 % de lésions invétérées dans sa série rétrospective. La rupture du tendon patellaire est totale dans 97 % des cas rapportés dans la littérature et, comme notre cas, se fait majoritairement au niveau de la pointe de la patella [7]. Plusieurs techniques de reconstruction ont été proposées, par tissu synthétique [12,13] ou plus fréquemment par autogreffes utilisant le tendon semitendinosus seul [14] ou associé au gracilis [15] et le tendon patellaire controlatéral [1,11], mais aussi par allogreffes tendineuses, utilisant les tendons achilléens [3,4,8,16]. La technique du greffon os-tendon patellaire-os controlatéral consiste en un apport composite « tendon quadricipital, patella, tendon patellaire et tibia » permettant de reconstruire l’appareil extenseur et de positionner automatiquement la patella à la bonne hauteur. Elle est très utile en cas d’insuffisance du moi-

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gnon tendineux restant et en cas de chirurgie de reprise. La technique est essentielle en particulier en termes de fixation du greffon. Malgré la morbidité importante du site donneur, les techniques faisant appel aux allogreffes font courir un risque de transmission d’une infection bactérienne ou virale, d’une néoplasie et surtout d’un agent transmissible non conventionnel. Elles ne devraient être envisagées qu’en cas de destruction étendue de l’appareil extenseur lorsqu’une autogreffe n’est pas utilisable. L’autogreffe de semitendinosus est fréquemment utilisée dans les reconstructions ligamentaires et tendineuses au genou. Il s’agit d’une autogreffe très résistante, permettant de rétablir un appareil extenseur stable et solide, associée à une faible morbidité du site donneur [14,17]. Ce type de reconstruction sans tunnel osseux tibial permet d’adapter cette technique aux athlètes préadolescents dont la maturation osseuse n’est pas finie et chez qui cette lésion peut être retrouvée [12]. De plus, les problèmes de positionnement du tunnel tibial et de longueur du greffon ne sont pas rencontrés. Il s’agit cependant d’une technique non dénuée de risques, notamment de fracture sur une patella de petite taille [1]. La véritable difficulté de cette chirurgie est de faire descendre une patella fixée, ce qui n’a pas été le cas chez ce patient. À l’origine, beaucoup d’auteurs utilisaient une traction transpatellaire préopératoire continue pendant une quinzaine de jours ou une traction transpatellaire peropératoire [1,4,11]. Actuellement la technique d’abaissement de la patella ascensionnée est la section peropératoire des ailerons patellaires et la libération par arthrolyse du cul-de-sac sous-quadricipital qui en général suffit [1]. Si ce n’est pas le cas, la section du tendon proximal du droit antérieur par une voie d’abord de Hueter peut compléter l’abaissement [1]. Beaucoup d’auteurs associent à la reconstruction un cerclage ou cadrage métallique pour réduire la tension sur le tendon reconstruit. Cet artifice permet une rééducation précoce mais nécessite une seconde intervention pour l’ablation du matériel. Nous avons utilisé une plastie de retournement du surtout patellaire comme technique de protection, permettant 90◦ de flexion sans tension, comme le recommande Dejour [1] et épargnant une reprise chirurgicale pour ablation du matériel.

Conclusion Les ruptures invétérées du tendon patellaire sont rares. La réparation chirurgicale fait appel à un renfort tendineux par autogreffe, allogreffe ou matériel synthétique sans qu’un consensus ne se dégage. Plusieurs techniques de reconstruction donnent des résultats satisfaisants. L’utilisation d’une autogreffe de semitendinosus limite la morbidité du site donneur, évite les risques spécifiques des allogreffes et évite une reprise chirurgicale pour ablation du matériel de protection de la reconstruction.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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A.G. Nguene-Nyemb et al.

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