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Re´daction de certificats par le me´decin du travail§ Certificates writing by occupational physician J. Danan Service de me´decine de pre´vention, universite´ Paris-Descartes, 45, rue des Saints-Pe`res, 75006 Paris, France
Question Le droit du travail permet-il au me´decin du travail ou de pre´vention de re´diger, dans le cadre d’un accident du travail : un certificat me´dical initial ; un arreˆt de travail ? A priori le premier point me semble le´gitime – comme pour tout docteur en me´decine – mais le second plus sensible. Cependant, je ne retrouve aucun texte stipulant l’impossibilite´ de re´diger cet arreˆt de travail. Qu’en pensez-vous ? Dr E.-C. (Paris). Re´ponse La question pose´e rele`ve en re´alite´ autant du droit de la Se´curite´ sociale et du Code de de´ontologie me´dicale que du droit du travail proprement dit. Vous avez raison, aucun de ces dispositifs juridiques ne pre´cise de fac¸on totalement explicite la possibilite´ ou l’impossibilite´ pour les me´decins du travail ou de pre´vention de re´diger, d’une part, le certificat me´dical
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Toute question doit eˆtre transmise par e´crit avec coordonne´es pre´cises au docteur Dominique Lafon, 85 bis, chemin du Bas-des-Ormes, 78160 Marly-leRoi, France ; e-mail :
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Courrier des lecteurs
initial, et, d’autre part, la prescription d’arreˆt de travail pour la victime d’un accident du travail (ou d’une maladie professionnelle). Le droit du travail et les textes relatifs a` la me´decine de pre´vention pre´cisent le roˆle, exclusivement pre´ventif, des me´decins du travail et des me´decins de pre´vention, mais ne re´pondent pas formellement a` la question. L’article L.441-6 du Code de la Se´curite´ sociale1, qui organise la proce´dure accident du travail-maladie professionnelle (AT-MP) de droit commun, utilise, pour de´signer la personne charge´e de la re´daction des deux e´le´ments (certificat initial et arreˆt de travail), le terme de « praticien ». C’est encore un « praticien » qui re´digera le certificat de gue´rison ou de consolidation. Les modalite´s pre´cise´es par le texte pre´voient des conse´quences en termes d’honoraires du « praticien ». Ce vocable de « praticien » de´signe habituellement (sauf quand il s’agit du praticien-conseil de l’organisme de Se´curite´ sociale) le professionnel de sante´ (me´decin ou autre) qui re´alise des actes susceptibles d’entraıˆner une prestation de l’assurance maladie. S’il s’agit en ge´ne´ral des professionnels de sante´ libe´raux et de ceux qui exercent dans les e´tablissements de soins, publics ou prive´s, cette formulation peut cependant eˆtre lue comme n’excluant pas formellement et a priori le me´decin du travail ou de pre´vention.
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Code de la Se´curite´ sociale – Article L. 441-6. Le praticien e´tablit, en double exemplaire, un certificat indiquant l’e´tat de la victime et les conse´quences de l’accident ou les suites e´ventuelles, en particulier la dure´e probable de l’incapacite´ de travail, si les conse´quences ne sont pas exactement connues. Il adresse directement un de ces certificats a` la caisse primaire et remet le second a` la victime. Lors de la gue´rison de la blessure sans incapacite´ permanente ou, s’il y a incapacite´ permanente, au moment de la consolidation, un certificat me´dical indiquant les conse´quences de´finitives, si elles n’avaient pu eˆtre ante´rieurement constate´es, est e´tabli en double exemplaire. L’un des certificats est adresse´ par les soins du praticien a` la caisse primaire, le second est remis a` la victime, ainsi que toutes les pie`ces ayant servies a` l’e´tablissement dudit certificat. Hormis les cas d’urgence, faute pour le praticien de se conformer aux dispositions qui pre´ce`dent, la caisse et la victime ou ses ayants droit, dans le cas pre´vu au deuxie`me aline´a de l’article L.432-3, ne sont pas tenus pour responsables des honoraires.
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L’article re´glementaire2 qui encadre les modalite´s pratiques d’application des dispositions le´gislatives ci-dessus est plus pre´cis. Il indique, en son second aline´a, que le formulaire qui sert a` re´diger les certificats initial et final peut eˆtre e´galement utilise´ par le praticien pour e´tablir le « certificat me´dical attestant, « au cours du traitement », la ne´cessite´, selon le cas, d’interrompre le travail ou de prolonger le repos ». C’est ce dernier certificat qui permettra a` la victime de pre´tendre au versement d’indemnite´s journalie`res. La notion d’arreˆt de travail (ou de prolongation) est, dans cet article, tre`s nettement relie´e a` la notion de « traitement ». Cette dernie`re conside´ration, qui n’est pas sans conse´quences, paraıˆt logique, tant en matie`re d’AT–MP qu’en cas de maladie non professionnelle. Les me´decins du travail ou les me´decins de pre´vention peuvent, notamment par leur connaissance du milieu de travail, de´tenir des e´le´ments d’information et d’appre´ciation particuliers qui leur permettent de « pre´coniser » l’interruption du travail ou la prolongation du repos. Ils ont pour cela leurs moyens propres, comme les e´changes avec les patients et avec leurs me´decins traitants, les orientations, voire, dans certains cas, les restrictions d’aptitude. Mais la « prescription » de l’arreˆt de travail et la de´termination de la dure´e de celui-ci sont indiscutablement lie´es a` la conduite du traitement et a` ses re´sultats, et rele`vent donc par principe des pre´rogatives des me´decins traitants, sans qu’il soit besoin d’e´voquer les questions d’attribution des indemnite´s journalie`res qui pourraient se poser si l’arreˆt e´tait « prescrit » par un me´decin du travail ou par un me´decin de pre´vention. Les dispositions ci-dessus e´voque´es s’appliquent pleinement aux be´ne´ficiaires du droit commun de la se´curite´ sociale, qu’il s’agisse d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, mais ce raisonnement doit logiquement inspirer aussi les acteurs du dispositif propre a` la fonction publique pour ses agents titulaires. Enfin, si l’on retient l’analyse qui consiste a` inte´grer la « prescription » d’un arreˆt de travail au traitement et aux
soins, l’article 99 du code de de´ontologie me´dicale3 s’applique e´galement.
Conclusion La re´daction d’un certificat me´dical de constat par le me´decin du travail ou par le me´decin de pre´vention est possible en matie`re d’accident du travail et de maladie professionnelle, meˆme si, on l’a vu, les textes n’ont pas ne´cessairement e´te´ conc¸us dans cet esprit. Tout me´decin peut e´tablir un certificat qu’il remet a` l’inte´resse´, notamment dans le cadre du premier aline´a de l’article 50 du Code de de´ontologie me´dicale4. Cette re´daction peut, dans certains cas, be´ne´ficier au patient dans l’acce`s a` ses droits et elle peut eˆtre alors conside´re´e comme une obligation de´ontologique. En revanche, la prescription de l’arreˆt de travail est, comme les soins, du domaine des me´decins traitants, qui, dans ce cas, peuvent le plus souvent parfaitement accomplir (au moyen du meˆme formulaire) les deux formalite´s. Je pense enfin qu’il faut rester prudent sur l’e´ventuelle pratique de re´daction du certificat me´dical initial d’accident du travail par les me´decins du travail, et la limiter aux cas ne´cessaires et de´ontologiquement indiscutables, en veillant a` ce qu’elle n’induise pas de de´rive ne´faste comme, par exemple, l’incitation de fait a` ne pas be´ne´ficier d’un arreˆt de travail. Il est certain que le me´decin du travail ou de pre´vention a le devoir de s’engager en matie`re d’atteintes a` la sante´ d’origine professionnelle, d’attester de ses constats et d’assister de son expertise son patient et le me´decin traitant de celui-ci, mais il doit le faire avec ses propres instruments qui diffe`rent de ceux du me´decin traitant, notamment en ce qui concerne la prescription des arreˆts de travail. e-mail :
[email protected] 1775-8785X/$ - see front matter ß 2009 Publie´ par Elsevier Masson SAS. 10.1016/j.admp.2009.09.004 Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2009;70:600-601
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Code de la Se´curite´ sociale – Article R. 441-7. Les certificats me´dicaux adresse´s a` la caisse primaire d’assurance maladie par le praticien, conforme´ment aux dispositions de l’article L.441-6 devront mentionner, inde´pendamment des renseignements pre´vus audit article, toutes les constatations qui pourraient pre´senter une importance pour la de´termination de l’origine traumatique ou morbide des le´sions. La formule arreˆte´e pour ces certificats peut eˆtre utilise´e par le praticien pour e´tablir le certificat me´dical attestant, au cours du traitement, la ne´cessite´, selon le cas, d’interrompre le travail ou de prolonger le repos. Ce certificat justifie du droit de la victime au be´ne´fice des indemnite´s journalie`res, sous re´serve des dispositions de l’article R.433-17. En application de l’article L.441-6, dans les 24 heures, l’un des exemplaires du certificat de consolidation ou de gue´rison est adresse´ par les soins du praticien a` la caisse primaire, le second est remis a` la victime, ainsi que toutes les pie`ces ayant servi a` l’e´tablissement dudit certificat.
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Code de de´ontologie me´dicale – Article 99 (article R.4127-99 du Code de la sante´ publique). Sauf cas d’urgence ou pre´vu par la loi, un me´decin qui assure un service de me´decine pre´ventive pour le compte d’une collectivite´ n’a pas le droit d’y donner des soins curatifs. Il doit adresser la personne qu’il a reconnue malade au me´decin traitant ou a` tout autre me´decin de´signe´ par celle-ci. 4 Code de de´ontologie me´dicale – Article 50 (article R.4127-50 du Code de la sante´ publique). Le me´decin doit, sans ce´der a` aucune demande abusive, faciliter l’obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son e´tat lui donne droit. A` cette fin, il est autorise´, sauf opposition du patient, a` communiquer au me´decin-conseil nomme´ment de´signe´ de l’organisme de se´curite´ sociale dont il de´pend ou a` un autre me´decin relevant d’un organisme public de´cidant de l’attribution d’avantages sociaux, les renseignements me´dicaux strictement indispensables.
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