Régorafénib et autorisation de mise sur le marché dans le cancer colorectal métastatique avancé

Régorafénib et autorisation de mise sur le marché dans le cancer colorectal métastatique avancé

Synthèse General review Volume 100 • N◦ 10 • octobre 2013 John Libbey Eurotext © Régorafénib et autorisation de mise sur le marché dans le cancer c...

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Synthèse General review

Volume 100 • N◦ 10 • octobre 2013 John Libbey Eurotext

©

Régorafénib et autorisation de mise sur le marché dans le cancer colorectal métastatique avancé Regorafenib approved in Metastatic Colorectal cancer Thierry André, Sarah N. Dumont

Tirés à part : T. André

Hôpital Saint Antoine, Service d’oncologie médicale, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, Paris 75012, France ; Université Pierre-et-Marie-Curie (UPMC), Paris, France Pour citer cet article : André T, Dumont SN. Régorafénib et ATU dans le cancer colorectal métastatique avancé. Bull Cancer 2013 ; 100 : 1027-9. doi : 10.1684/bdc.2013.1808.

Résumé. Le régorafénib, agent antinéoplasique, inhibiteur multi-kinase ciblant l’oncogenèse, l’angiogenèse tumorale et le micro-environnement tumoral a obtenu son autorisation de mise sur le marché (AMM) en Europe, le 26 août 2013, sur avis favorable de la commission européenne d’AMM dans l’indication suivante : traitement des patients adultes atteints d’un cancer colorectal métastatique, en échec de chimiothérapie à base de fluoropyrimidine, d’un traitement par anti-VEGF ou par une anti-EGFR (si le cancer exprime le gène KRAS non muté [type sauvage]), ou en cas de contre-indication à ces traitements. Cette décision a été fondée sur les résultats d’efficacité et de tolérance d’une étude internationale de phase III qui a montré que le régorafénib améliorait la survie globale contre placebo (6,4 mois vs 4 mois ; HR = 0,774, IC à 95 %, 0,64 à 0,94 ; p = 0,005 2). Les toxicités de grade 3-4 les plus fréquemment rapportées avec le régorafénib sont syndrome main-pied (17 %), fatigue (10 %), diarrhée (7 %), hypertension (7 %), rash ou desquamation (6 %). 

Abstract. Regorafenib, oral multi-kinase inhibitor that targets oncogenesis, tumor angiogenesis and maintenance of the tumor microenvironment, obtained its European approval, August 26, 2013 after favorable review of the European Medecines Agency in the following indication: treatment of patients with metastatic colorectal cancer who have been previously treated with fluoropyrimidine-, oxaliplatin- and irinotecan-based chemotherapy, an anti-VEGF therapy or are not considered candidates for available therapies and, if KRAS wild type, an anti-EGFR therapy. This decision was based on the efficacy and safety results of an international phase III trial. This study showed an improved overall survival, with régorafénib versus placebo (6.4 months vs 4 months; HR = 0.774, IC à 95%, 0.64 à 0.94; p = 0,005 2). Reported grade 3-4 adverse events with regorafenib were hand-foot syndrome (17%), asthenia (10%), diarrhea (7%), hypertension (7%), rash and desquamation (6%). 

Mots clés : régorafenib, cancer colorectal métastatique, inhibiteur multi-kinase, anti-angiogénque

Key words: regorafenib, colorectal cancer, multi-kinase inhibitor, anti-angioenic

doi : 10.1684/bdc.2013.1808

Introduction Le cancer colorectal métastatique (CCRm) représente la deuxième cause de mort par cancer en France en 2011 [1]. L’évolution des protocoles de chimiothérapie cytotoxique fondés sur les fluoropyrimidines associées à l’oxaliplatine et à l’irinotecan et l’arrivée des thérapies ciblées anti-angiogéniques et anti-Epidermal Groth Factor Receptor (EGFR) en ont amélioré le pronostic, néanmoins une résistance à ces traitements s’installe à plus ou moins brève échéance. Dans ces conditions la recherche d’alternatives après échec des traitements Bull Cancer vol. 100 • N◦ 10 • octobre 2013

habituels s’avère nécessaire. Le régorafénib est un agent oral qui bloque de multiples protéines kinases, y compris les kinases impliquées dans l’angiogenèse tumorale (VEGFR1, 2, 3, TIE2), l’oncogenèse (KIT, RET, RAF-1, BRAF, BRAFV600E ) et le micro-environnement tumoral (PDGFR, FGFR).

Résultats Le développement de ce médicament dans le cancer colorectal (CCR) a été rapide puisque le choix du

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T. André, S.N. Dumont

laboratoire Bayer a été, après les phases I, de faire dans le CCR une phase III contre placebo [2, 4]. Le régorafénib a montré son efficacité dans cette étude internationale de phase III dans laquelle, les patients PS 0 ou 1 au moment de l’inclusion, étaient en échec de chimiothérapie à base de fluoropyrimidine (en association avec l’oxaliplatine ou l’irinotecan), d’un traitement par anti-VEGF (bevacizumab) et par anti-EGFR (cetuximab ou panitumumab) si porteurs de KRAS de type sauvage. La dose recommandée était de 160 mg par voie orale une fois par jour pendant 3 semaines, suivies d’une semaine de pause. Au total, 760 patients ont été inclus selon un ratio de 2/1 pour recevoir, en plus des soins de support, soit 160 mg de régorafénib une fois par jour (N = 505), soit le placebo (N = 255), pendant 3 semaines suivies d’une semaine de pause sans traitement [4]. Le bras avec régorafénib a été associé à une survie significativement plus longue par rapport au placebo, avec un hazard ratio de 0,774 (p = 0,005 2) et une survie globale médiane de 6,4 mois vs 5,0 mois (IC à 95 % : 0,64-0,94). La survie sans progression a été significativement plus longue chez les patients traités par régorafénib (RR : 0,494 ; p < 0,000 001). Le taux de contrôle de la maladie (RC + RP + SD) était significativement supérieur avec le régorafénib (41 %) par rapport au placebo (14,9 %), essentiellement en raison d’un taux plus élevé de stabilisation de la maladie. L’étude de la détérioration de la qualité de vie était identique dans les 2 groupes. Dans cette étude, les événements indésirables de tout grade, plus fréquemment rapportés dans le bras régorafénib (différence supérieure à 10 % par rapport au bras contrôle) étaient : fatigue, syndrome main-pied (SMP), anorexie, diarrhée, perte de poids, dysphonie, hypertension, rash, stomatites, fièvre et hyperbilirubinémie. Les toxicités de grade 3-4 les plus fréquentes ont été SMP (17 %), fatigue (10 %), diarrhée (7 %), hypertension (7 %), rash ou desquamation (6 %). Dans cette étude le régorafénib a été associé à une augmentation de l’incidence de l’hypertension artérielle [4] Ainsi, il est recommandé de surveiller la pression artérielle sous régorafénib et de traiter l’hypertension conformément à la pratique médicale standard. Le SMP et les éruptions cutanées sont les effets dermatologiques indésirables les plus fréquemment observés avec le régorafénib. Dans l’essai de phase III, l’incidence globale du SMP (ou érythrodysesthésie palmo-plantaire) a été de 45,2 % chez les patients traités par régorafénib [4]. Les SMP ont été pour la plupart de sévérité légère à importante (grades 1 et 2 : 30,4 % ; grade 3 et 4 : 17 %) et sont apparus majoritairement au cours du premier cycle de traitement par régorafénib, se traduisant par des zones de peau épaissie avec une rougeur périphérique douloureuse. Une surveillance étroite et des mesures préventives peuvent aider à contrôler les symptômes du SMP. Ces mesures pré-

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ventives doivent comprendre l’utilisation de semelles absorbant les chocs, le port de chaussettes en coton, des chaussures confortables peu serrées et l’éviction d’activités traumatiques entraînant des chocs répétés au niveau palmo-plantaire (éviter l’eau chaude, porter des gants pour jardinage, vaisselle, afin de se protéger des traumatismes). En cas de zone d’hyperkératose plantaire avant le traitement, des soins de pédicurie douce sont à effectuer par un pédicure (soins de décapage avec applications de kératolytiques). La prise en charge du SMP, lorsqu’il sera présent, devra inclure l’utilisation de crèmes kératolytiques (type vaseline salicylée 30 % ou Xerial) et ou de dermocorticoide (appliquées avec parcimonie sur les régions affectées uniquement). Une réduction de la dose et/ou une interruption temporaire du traitement par régorafénib devront être envisagés, de même qu’un arrêt définitif en cas de réaction sévère ou persistante.

Conclusions et perspectives En conclusion, le régorafénib est une nouvelle possibilité thérapeutique chez les patients avec cancer colorectal avancé et préalablement traité, pour lequel une AMM européenne a été délivrée le 26 août 2013. Le régorafénib augmente significativement la survie globale des patients avec CCRm en échec des traitements standards. Cependant, environ 50 % des patients ont une maladie progressive selon les critères RECIST lors de la 1re évaluation à 2 mois. De plus, le régorafénib n’est pas dénué de toxicité et, comme tous les traitements innovants, a un coût élevé. Les réponses objectives en termes de critères RECIST sur les scanners d’évaluation sont rares (1 %) [3] et l’évaluation de l’effet du traitement, comme la plupart des antiangiogéniques nécessite de nouveaux critères et une nouvelle méthodologie d’évaluation de l’efficacité [5]. Il existe une grande variabilité d’exposition aux inhibiteurs de kinase oraux, comme l’ont montré les travaux sur le sorafenib, l’imatinib ou l’erlotinib. En outre, l’exposition peut être variable au cours du temps, influencée par l’environnement (alimentation, tabac, comédication) ou par la flore intestinale (antibiotiques). Des études de pharmacocinétique du régorafénib avec dosages de taux résiduel et de ses métabolites pourraient peut-être aider à optimiser l’utilisation de ce médicament.  Liens d’intérêts : T. André est investigateur principal de l’essai CORRECT. Il perc¸oit également des honoraires pour son activité de conseil auprès des laboratoires Bayer.

Références 1. Rapport INCa « La situation du Cancer en France en 2011 » http://www.ecancer.fr/component/docman/doc_download/7708-lasituation-du-cancer-en-france-en-2011

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Régorafénib et ATU dans le cancer colorectal métastatique avancé 2. Mross K, Frost A, Steinbild S, et al. A phase I dose-escalation study of régorafénib (BAY 73-4506), an inhibitor of oncogenic, angiogenic, and stromal kinases, in patients with advanced solid tumors. Clinical cancer research : an official journal of the American Association for Cancer Research 2012 ; 18 : 2658-67. 3. Strumberg D, Scheulen ME, Schultheis B, et al. Régorafénib (BAY 73-4506) in advanced colorectal cancer: a phase I study. British journal of cancer 2012 ; 106 : 1722-7.

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4. Grothey A, Cutsem EV, Sobrero A, et al. For the CORRECT Study Group. Régorafénib monotherapy for previously treated metastatic colorectal cancer (CORRECT): an international, multicentre, randomised, placebo-controlled, phase 3 trial. Lancet 2013 ; 381 : 303-12. 5. André T, Raymond E, de Gramont A. Correspondance. Is there room for optimizing régorafénib in metastatic colorectal cancer and advanced gastrointestinal stromal tumors? Lancet 2013 ; 381 : 1536-7.

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