Rec¸u le : 11 aouˆt 2012 Accepte´ le : 21 mars 2013 Disponible en ligne 30 avril 2013
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Me´moire original
Relation entre de´bit de filtration glome´rulaire, parathormone et acide urique chez l’enfant Relationship between glomerular filtration rate, uric acid, and parathyroid hormone in children D. Dialloa,b,*, L. Dubourgc,d, B. Ranchinb, P. Cochatb,d, J. Bacchettab,d a
Service de ne´phrologie et d’he´modialyse, CHU du Point-G, Bamako, Mali Centre de re´fe´rence des maladies re´nales rares, hoˆpital Femme-Me`re–Enfant, boulevard Pinel, 69477 Bron cedex, France c Service d’exploration fonctionnelle re´nale, UJERN, hoˆpital E´douard-Herriot, pavillon P, 5, place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03, France d Universite´ de Lyon 1, 8, avenue Rockefeller, 69008 Lyon, France b
Summary Introduction. Parathyroid hormone (PTH) and uric acid (UA) levels increase early during chronic kidney disease (CKD). The objective of this study was to evaluate the relationship between these two parameters at different stages of pediatric CKD. Patients and methods. One hundred patients (range, 5–18 years) were included in this retrospective study: they had undergone renal exploration with a direct measurement of the glomerular filtration rate (GFR) using the reference standard (i.e., inulin clearance, Cin) and presented with increased circulating levels of PTH and/or UA. Results. GFR was normal in 39% of patients, with UA increased in 44% and PTH in 75% of them. Interestingly, 29% of the children with increased PTH levels had a strictly normal GFR (i.e., above 90 mL/min/1.73 m2). An inverse association was found between UA and GFR (r = 0.452, P 0.0001) as well as between PTH and GFR (r = 0.226, P = 0.024). The same negative relationships were found between UA and PTH (r = 0.266, P = 0.007), and between UA and the phosphate reabsorption rate (r = 0.415, P < 0.001). Discussion. Since hyperuricemia was found at all stages of CKD, an early silent tubular impairment can be discussed to explain these findings. The early increase in PTH levels during CKD has not been described by all authors, with North American studies describing rather late increased PTH levels during CKD. Prospective studies are required to confirm these data and evaluate the role of UA in the pathophysiology of the mineral disorders observed during CKD. ß 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Re´sume´ Introduction. Les concentrations plasmatiques de la parathormone (PTH) et de l’acide urique (AU) s’e´le`vent de`s que le de´bit de filtration glome´rulaire (DFG) commence a` diminuer au cours de la maladie re´nale chronique (MRC). L’objectif de cette e´tude e´tait d’e´valuer l’association entre le DFG et l’augmentation de ces 2 parame`tres chez l’enfant. Patients et me´thodes. E´tude re´trospective de 100 enfants aˆge´s de 5 a` 18 ans ayant re´alise´ une exploration fonctionnelle re´nale (EFR), et qui pre´sentaient une augmentation de la PTH ou de l’AU. Le DFG a e´te´ mesure´ par la clairance de l’inuline (C In). Re´sultats. Le DFG e´tait normal (> 90 mL/min/1,73 m2) chez 39 % des enfants, l’AU e´tait augmente´ chez 44 % et la PTH chez 75 % ; 29 % des enfants ayant une PTH e´leve´e avaient un DFG normal. Une corre´lation inverse a e´te´ observe´e entre l’AU et le DFG (r = 0,452, p 0,0001), et entre la PTH et le DFG (r = 0,226, p = 0,024). La meˆme relation ne´gative a e´te´ observe´e entre l’AU et la PTH (r = 0,266, p = 0,007), ainsi qu’entre l’AU et le taux de re´absorption du phosphore (TRPhosph) (r = 0,415, p < 0,001). Discussion. L’hyperurice´mie s’observait a` tous les stades de la MRC, faisant discuter une atteinte tubulaire pre´coce infraclinique. L’augmentation pre´coce de la PTH dans cette cohorte semble en contradiction avec certaines e´tudes nord-ame´ricaines de´crivant des concentrations de PTH normales en phase pre´coce de la MRC. Des e´tudes prospectives sont ne´cessaires pour confirmer ces donne´es et e´valuer le roˆle de l’AU dans la gene`se des anomalies mine´rales et osseuses de la MRC. ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
* Auteur correspondant. e-mail :
[email protected] 0929-693X/$ - see front matter ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2013.03.023 Archives de Pe´diatrie 2013;20:601-607
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D. Diallo et al.
1. Introduction La parathormone (PTH) est une hormone peptidique de 84 acides amine´s et de poids mole´culaire de 9500 daltons, code´e par un ge`ne situe´ sur le bras court du chromosome 11, et tre`s conserve´e au cours de l’e´volution. Elle est se´cre´te´e par les glandes parathyroı¨des, avec un stockage dans 2 types de granules : le premier contenant uniquement la PTH totale (PTH 1-84) et le 2nd la PTH et des cathepsines qui clivent la PTH 1-84 en PTH 7-84 et un me´lange de fragments N-terminaux [1]. Par ailleurs, elle est de´grade´e dans le foie et dans les tubules re´naux. La production de PTH 1-84 est inhibe´e principalement par l’hypercalce´mie, le fibroblast growth factor 23 (FGF23) et la vitamine D, dont la forme active (1-25 dihydroxy-vitamine D) et son re´cepteur VDR se lient sur des se´quences spe´cifiques sur le promoteur des ge`nes cibles, via le vitamin D responsive element (VDRE) [1]. La PTH a une action hypercalce´miante et hypophosphore´miante, tout en stimulant le remodelage osseux. L’augmentation de la concentration de PTH se´rique s’observe de`s le stade pre´coce de la maladie re´nale chronique (MRC), et chez beaucoup de patients, elle s’observe de´ja` bien avant une re´duction du de´bit de filtration glome´rulaire (DFG) en dessous de 60 mL/min/1,73 m2 [2]. Cependant, ce concept a e´te´ remis en question dans les cohortes nord-ame´ricaines re´centes, rapportant une augmentation de la PTH quand la MRC e´tait de´ja` bien avance´e [3,4]. L’acide urique (AU) est le produit de de´gradation finale des purines chez les primates supe´rieurs qui ne posse`dent pas d’uricase, enzyme qui clive l’AU en allantoı¨ne plus soluble. Sa concentration circulante est re´gule´e par le rein. Chez l’homme, les concentrations physiologiques d’AU sont e´leve´es graˆce a` une fraction d’excre´tion basse. Le roˆle de l’AU est mal connu mais c’est un anti-oxydant et un inhibiteur de radicaux libres. Il est responsable de pathologies par accumulation (goutte et lithiase notamment) et est associe´ au de´veloppement ou a` la progression d’autres affections comme l’hypertension arte´rielle (HTA) ou la MRC [5]. Cependant, plusieurs e´tudes de cohortes ont montre´ des re´sultats mitige´s sur le roˆle de l’AU dans le de´veloppement de la maladie re´nale comme facteur de risque inde´pendant de morbidite´ et de mortalite´ cardiovasculaire, questionnant sa toxicite´ directe ou son roˆle comme « simple » marqueur de risque [6,7]. Dans une analyse prospective re´alise´e dans une population chinoise d’adultes ayant une fonction re´nale (FR) normale ou le´ge`rement alte´re´e, Zhang et al. sugge´raient en effet que l’augmentation de l’AU plasmatique e´tait un pre´dicteur fort et inde´pendant du de´clin de la FR ; dans cette e´tude, cette association e´tait inde´pendante de l’HTA et du diabe`te [8]. Chez les enfants, peu d’e´tudes prospectives ont e´te´ re´alise´es et l’histoire naturelle des premie`res anomalies biologiques associe´es a` la MRC est mal connue. Ne´anmoins, chez les enfants avec MRC, les concentrations d’AU peuvent eˆtre augmente´es et l’hyperurice´mie dans ce contexte peut eˆtre associe´e a` un e´tat de de´shydratation. Chez les enfants
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transplante´s, l’hyperurice´mie peut s’expliquer par diffe´rents facteurs, comme la diminution de la FR, mais aussi l’utilisation des diure´tiques et des anticalcineurines (ciclosporine et modification de la re´absorption tubulaire d’AU), l’HTA et le surpoids [9]. Le but de notre e´tude e´tait de de´terminer a` quel niveau de filtration glome´rulaire apparaissait une augmentation des concentrations plasmatique de la PTH et de l’AU chez les enfants ayant re´alise´ une exploration fonctionnelle re´nale (EFR) dans le service.
2. Patients et me´thodes Il s’est agi d’une e´tude re´trospective des dossiers des enfants aˆge´s de 5 a` 18 ans ayant re´alise´ une EFR dans le service de ne´phrologie pe´diatrique. Cent enfants ayant un re´sultat d’EFR complet avec une augmentation de l’AU ou de la PTH se´rique ont e´te´ inclus. Comme l’e´tude s’inte´ressait au DFG et a` l’augmentation des concentrations se´riques de l’AU et de la PTH, tous les enfants ayant un traitement susceptible d’augmenter l’AU circulant, c’est-a`-dire les diure´tiques, la ciclosporine, le tacrolimus et les anticance´reux, ont e´te´ exclus de l’analyse. Les donne´es ont e´te´ recueillies a` partir du fichier individuel des malades (dossiers de l’unite´ de jour d’exploration re´nale et ne´phrologie de l’hoˆpital E´douard Herriot et des dossiers me´dicaux du service de ne´phrologie et rhumatologie pe´diatriques de l’hoˆpital femme-me`re-enfant. Le DFG a e´te´ mesure´ par la clairance de l’inuline (C In) par perfusion continue et recueil d’urines. Une perfusion continue d’inuline e´tait re´alise´e apre`s une premie`re dose de 30 mg/kg de poids corporel (Inutest 25 %, Fresenius Kabi, Graz, Autriche), tre`s toˆt le matin a` 8 h apre`s une nuit de jeuˆne. La diure`se e´tait induite par ingestion de 5 mL/kg de poids corporel d’eau au cours de la premie`re heure, suivie de 3 mL/kg toutes les 30 min. Quatre e´chantillons d’urine ont e´te´ recueillis par miction spontane´e toutes les 30 min, et des e´chantillons de sang ont e´te´ pre´leve´s entre les mictions. Les dosages plasmatique et urinaire de l’inuline ont e´te´ effectue´s en utilisant une me´thode enzymatique. Le calcul de la clairance a e´te´ re´alise´ en utilisant la formule classique DFG = U D/P ou` U : concentration urinaire de l’inuline ; D : de´bit urinaire et P : concentration plasmatique de l’inuline. La valeur de la C In (exprime´e en mL/min) obtenue a` partir de la moyenne des 4 pe´riodes a e´te´ corrige´e par rapport a` la surface corporelle [10]. Les enfants ont e´te´ re´partis selon la classification Kidney Disease Outcomes Quality Initiative (KDOQI) de la MRC [11], et le DFG e´tait conside´re´ comme normal s’il e´tait supe´rieur a` 90 mL/min pour 1,73 m2. Les dosages de PTH ont e´te´ effectue´s sur les analyseurs Roche Elecsys. La me´thode uricase a e´te´ utilise´e pour le dosage de l’AU sur le syste`me Dimension VistaW de Siemens. En l’absence de phe´nome`ne de saturation apparente de la re´absorption de l’AU, son me´tabolisme re´nal a e´te´ e´value´ a` l’aide de l’excre´tion fractionnelle, qui est le pourcentage de l’AU filtre´ non re´absorbe´ par les tubules [12]. Nous avons
Fonction re´nale, PTH et acide urique
Tableau I Valeurs normales de l’acide urique, de la PTH, de la phosphore´mie, de la calce´mie plasmatique, en fonction de l’aˆge et du sexe, de la fraction d’excre´tion de l’acide urique et du taux de re´absorption du phosphore. ˆ ge Acide urique PTH (ng/L) Phosphate´mie Calce´mie totale TRPhosph (%) FEAU (%) A (mmol/L) (mmol/L) (mmol/L) 2–5 ans 6–11 ans 12–18 ans (garc¸ons) 12–18 ans (filles)
100–350 130–390 180–400 160–360
10–46 10–46 10–46 10–46
1,45–2,10 1,16–1,87 0,74–1,45
2,35–2,70 2,35–2,57 2,20–2,55
85
10
PTH : parathormone ; TRPhosph : taux de re´absorption du phosphore ; FEAU : fraction d’excre´tion de l’acide urique.
dans le tableau II. La corre´lation entre l’AU et les percentiles de PAS et de PAD e´tait proche de la significativite´ statistique : r = 0,183, p = 0,068 pour le percentile de PAS et r = 0,177, p = 0,07 pour le percentile de PAD. La MRC e´tait au stade le´ger a` mode´re´ dans 59 % des cas. Comme cela est illustre´ dans le tableau III, hormis l’aˆge, les autres variables e´taient significativement diffe´rentes en fonction des stades de la MRC. Le DFG moyen e´tait de 82 36 mL/min pour 1,73 m2, alors que l’AU moyen et la PTH me´diane e´taient respectivement de 354 102 mmol/L et 53 ng/L (12 et 132 ng/L). Le TRPhosph e´tait infe´rieur a` 85 % chez 35 enfants. La FEAU e´tait de 6 % (0 et 19 %). La PTH e´tait augmente´e chez 75 enfants et l’AU chez 44 enfants (16 filles, 28 garc¸ons). Une augmentation des 2 parame`tres e´tait pre´sente chez 19 enfants et 39 avaient une augmentation de l’AU ou de la PTH au stade 1 de la MRC. Les caracte´ristiques des variables biologiques de ces 39 enfants sont re´sume´es dans le tableau IV. En re´gression line´aire bivarie´e, il existait une corre´lation inverse entre l’AU et la C In, d’une part : r = 0,452, p 0,0001 (fig. 1) et la PTH et la C In, d’autre part : r = 0,226, p = 0,024 (fig. 2). La meˆme association ne´gative e´tait observe´e entre l’AU et la PTH : r = 0,266, p = 0,007 (fig. 3), alors qu’il n’y avait pas d’association significative entre l’AU et la FEAU : r = 0,119, p = 0,238.
800 700 Acide Urique (µmol/l)
calcule´ ce parame`tre par le rapport de la clairance de l’AU corrige´e sur la C In corrige´e. Les valeurs plasmatiques normales de la PTH et de l’AU utilise´es pour le tri et l’interpre´tation de nos re´sultats, ainsi que ceux du calcium, du phosphore, du taux de re´absorption du phosphore (TRPhosph) et de la fraction d’excre´tion de l’acide urique (FEAU) sont rappele´es dans le tableau I [13]. La pression arte´rielle (PA) a e´te´ de´finie comme normale pour une systolique (PAS) et une diastolique (PAD) infe´rieure au 90e percentile, la pre´-hypertension pour une PAS et ou PAD supe´rieure ou e´gale au 90e et infe´rieure au 95e percentile, et l’HTA pour une PAS et ou PAD supe´rieure ou e´gale au 95e pour l’aˆge, le sexe et la taille [14]. Nous avons exprime´ l’indice de masse corporelle (IMC) en centiles afin d’estimer la corpulence des enfants de notre e´tude, selon les re´fe´rences franc¸aises de´finissant le surpoids. La zone d’insuffisance ponde´rale est ainsi de´finie par des valeurs infe´rieures au 3e percentile, la zone de normalite´ entre le 3e et le 97e percentile et la zone de surpoids pour des valeurs supe´rieures au 97e percentile depuis la naissance jusqu’a` l’aˆge de 20 ans [15]. L’analyse statistique des donne´es a e´te´ effectue´e avec le logiciel SPSS 17W pour Windows. L’analyse descriptive des variables, avec moyenne e´carttype ou me´diane (minimum, maximum) en fonction de la distribution a e´te´ re´alise´e. Le test de normalite´ de Kolmogorov-Smirnova a e´te´ utilise´ pour de´finir le type de test en analyse bivarie´e, c’est-a`-dire une corre´lation de Pearson pour les variables avec une distribution parame´trique et une corre´lation de Spearman pour les variables ayant une distribution non parame´trique. L’analyse de la variance a e´te´ effectue´e avec le test Anova pour les variables parame´triques et le test de Kruskal-Wallis pour les variables non parame´triques. La re´gression line´aire a e´te´ effectue´e pour e´tablir des relations entre les parame`tres d’inte´reˆts. Une valeur p < 0,05 a e´te´ conside´re´e comme statistiquement significative.
600 500 400 300 200
3. Re´sultats
100 0
Cette e´tude re´trospective chez des enfants aˆge´s de 5 a` 18 ans, nous a permis de recenser 100 sujets selon nos crite`res d’inclusion, dont les caracte´ristiques cliniques sont re´sume´es
20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Débit de Filtration Glomérulaire (ml/min/1,73m2)
Figure 1. Relation entre acide urique et de´bit de filtration glome´rulaire (r = 0,452 ; p < 0,001).
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D. Diallo et al.
70
Tableau II Caracte´ristiques cliniques des 100 enfants.
60
58
50
Tranches d’aˆge 5–11 ans 12–18 ans
45 55
Indice de masse corporelle Insuffisance ponde´rale Corpulence normale Surpoids
5 80 15
Percentile de pression arte´rielle systolique Normal Pre´-hypertension Hypertension
84 3 13
Parathormone (ng/l)
Pourcentage Sexe Masculin
40 30 20 10 0 0
20
40 60
80 100 120 140 160 180 200
Débit de Filtration Glomérulaire (ml/min/1,73m2)
Percentile de pression arte´rielle diastolique Normal Pre´-hypertension Hypertension
92 4 4
Stades de la maladie re´nale chronique selon la clairance de l’inuline Stade 1 Stade 2 Stade 3 Stade 4 Stade 5
39 31 28 2 0
Causes de la maladie re´nale chronique CAKUT Hypodysplasie re´nale reflux Ne´phropathies obstructives Ne´phropathies he´re´ditaires Ne´phropathies conge´nitales Ne´phronophtise Maladies me´taboliques Cystinose Maladies ge´ne´rales Dre´panocytose Diabe`te Se´quelle de SHU Insuffisance re´nale chronique Maladies syste´miques Autres
36 26 10 30 22 1 5 2 10 8 2 9 8 3 4
Figure 2. Relation entre parathormone et de´bit de filtration glome´rulaire (r = 0,226 ; p = 0,024).
70
Parathormone (ng/l)
60 50 40 30 20 10 0 100
200
300
400
500
600
700
800
Acide Urique (µmol/l) Figure 3. Relation acide urique et parathormone (r =
0,266 ; p = 0,007).
CAKUT : anomalies conge´nitales des reins et des voies urinaires ; SHU : syndrome he´molytique et ure´mique.
4. Discussion
Au contraire, l’association entre l’AU et le TRPhosph e´tait significative : r = 0,415, p < 0,0001, ainsi que l’association entre la PTH et le TRPhosph : r = 0,201, p = 0,045. Il existait e´galement une corre´lation inverse entre l’AU et le taux de re´absorption du sodium : r = 0,277, p = 0,005. L’AU et l’IMC e´taient par ailleurs positivement associe´s : r = 0,237, p = 0,018, alors qu’il n’existait pas d’association entre l’AU et la protide´mie : r = 0,029, p = 0,776.
Cette e´tude visait a` e´valuer l’association entre le DFG et l’augmentation des concentrations plasmatiques de l’AU et de la PTH, chez des enfants aˆge´s de 5 a` 18 ans ayant effectue´ une EFR. La limite de cette e´tude tient principalement a` son caracte`re re´trospectif, et a` l’absence de certains marqueurs du me´tabolisme phosphocalcique et notamment la 25OH-vitamine D3 et le FGF23. Les causes de la MRC chez l’enfant, telles que rappele´es a` la fois dans les rapports 2008 de la North American Pediatric Renal Trials and Collaborative Studies (NAPRTCS) [16], et de l’Association europe´enne du rein, de la dialyse et de la transplantation (ESPN ERA-EDTA) [17] sont
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Fonction re´nale, PTH et acide urique
Tableau III Caracte´ristiques des variables cliniques et biologiques des 100 enfants en fonction du stade de la maladie re´nale chronique. Stade 1
Stade 2
Stade 3
Poids (kg)
47,6 18,5
40,4 16
36,4 15,6
0,02
Taille (cm)
152,2 20,3
145,2 20,5
139,7 22,4
0,05
13 (5–18)
11 (5–18)
10,5 (5–18)
0,21
Clairance inuline (mL/min/1,73 m )
117 (90–177)
75 (60–86)
42 (30–59)
< 0,001
PTH (ng/L)
55 26
48 15
66 20
< 0,01
Acide urique (mmol/L)
270 (184–511)
359 (193–529)
416 (231–693)
< 0,001
TRNa (%)
99 (98–99)
98 (97–99)
97 (92–99)
< 0,001
93 (65–99)
86 (69–99)
77 (56–90)
< 0,001
Clairance AU (mL/min/1,73 m )
7 (0–15)
4 (1–9)
3 (1–8)
< 0,001
Albuminurie (mg/L)
12 (2–2090)
10 (2–260)
39 (2–1800)
Alb/Cre´at urinaire (mg/mmol)
1 (0–179)
1 (0–83)
8 (0–333)
ˆ ge (anne´e) A 2
TRPhosph (%) 2
p
0,024 < 0,001
PTH : parathormone ; TRNa : taux de re´absorption du sodium ; TRPhosph : taux de re´absorption du phosphore ; Clairance AU : clairance acide urique ; Alb/Cre´at urinaire : albumine/ cre´atinine urinaire ; le « p » correspond au re´sultat de l’Anova multi-groupes ou son e´quivalent non parame´trique.
principalement les anomalies conge´nitales des reins et des voies urinaires ou CAKUT (48 % vs 36 % respectivement), les ne´phropathies he´re´ditaires (10 % vs 22 % respectivement), les ne´phropathies glome´rulaires (14 % vs 15 %, respectivement) et le syndrome he´molytique et ure´mique (SHU) (2 % vs 6 %, respectivement). Dans cette se´rie de 100 enfants, nous avons des re´sultats similaires mais nous n’avons ne´anmoins pas recense´ de ne´phropathies glome´rulaires du fait des crite`res d’exclusion. L’AU est re´absorbe´, se´cre´te´ puis re´absorbe´ au niveau du tube contourne´ proximal. Ces concentrations se´riques e´leve´es sont un marqueur de la diminution de la FR, ce qui pourrait jouer un roˆle sur l’incidence et la progression du de´clin de la FR. C’est probablement un facteur de risque inde´pendant dans la survenue de l’HTA et des maladies vasculaires [5,18]. Dans notre se´rie, les concentrations se´riques moyennes d’AU e´taient augmente´es chez 44 % des enfants. Cette augmentation de l’urice´mie s’observait a` tous les stades de la MRC alors que le caracte`re pe´diatrique de cette e´tude permettait de s’affranchir des facteurs confondants habituels de l’hyperurice´mie chez l’adulte, notamment le syndrome me´tabolique,
Tableau IV Caracte´ristiques des variables biologiques des 39 enfants au stade 1 de la maladie re´nale chronique avec parathormone ou acide urique e´leve´. Valeurs
Calce´mie totale Phosphate´mie TRPhosph FEAU (mmol/L) (mmo/L) (%) (%)
Normale 37 Augmente´e 1 Basse 1
24 15 0
0 33 6
0 6 33
TRPhosph : taux de re´absorption du phosphore ; FEAU : fraction d’excre´tion de l’acide urique.
l’obe´site´ ou le diabe`te. Nous confirmons ainsi une accumulation d’AU lorsque le DFG diminue, et ce, de`s les stades pre´coces de la MRC. Le dosage pre´coce de l’AU chez les enfants avec une MRC pourrait permettre de mettre en e´vidence une atteinte tubulaire infraclinique ou une tendance a` l’hypovole´mie relative malgre´ une filtration glome´rulaire estime´e encore normale ou peu diminue´e, d’autant plus qu’il existait dans notre se´rie une association inverse entre l’AU et taux de re´absorption du sodium. Les principales causes de l’atteinte re´nale dans notre se´rie e´taient les CAKUT et les ne´phropathies he´re´ditaires qui entraıˆnent en ge´ne´ral une atteinte tubulaire a minima avec une polyurie, une fuite de sodium et une acidose me´tabolique [19]. Par ailleurs, l’AU qui est un antioxydant et un inhibiteur de radicaux libres, entraıˆne une dysfonction endothe´liale, des modifications inflammatoires et oxydatives des adipocytes, provoquant des le´sions re´nales tubulo-interstitielles et glome´rulaires infracliniques [5]. L’augmentation des concentrations plasmatiques de l’AU en situation de MRC peut eˆtre en the´orie explique´e soit par la diminution de son excre´tion re´nale (mais il n’y a pas de corre´lation entre l’AU et la FEAU), soit par un exce`s d’apport, soit par une combinaison des 2 me´canismes. L’AU circulant pourrait ainsi eˆtre un marqueur nutritionnel pre´coce d’un exce`s d’apports en prote´ines en situation de MRC pe´diatrique. Dans ce contexte, nous avons re´cemment montre´ une association significative entre la 3e hormone du me´tabolisme phosphocalcique, le FGF23 et l’AU circulants chez des enfants avec une FR normale [20] ; les associations inverses retrouve´es dans cette se´rie entre l’AU circulant et le TRPhosph d’une part et la PTH et le TRPhosph d’autre part pourraient ainsi eˆtre explique´es par une augmentation paralle`le du FGF23, d’autant plus que le FGF23 est le premier parame`tre du me´tabolisme phosphocalcique a` augmenter quand le DFG diminue [3].
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Archives de Pe´diatrie 2013;20:601-607
D. Diallo et al.
En pratique, la prise en charge d’une hyperurice´mie chez l’enfant atteint de MRC est mal codifie´e, mais la correction d’un e´tat de de´shydratation chronique souvent infraclinique est la 1re e´tape, avec une correction des erreurs die´te´tiques si besoin, en gardant a` l’esprit que les apports prote´iques journaliers chez les enfants atteint de MRC de´pendent de l’aˆge et du stade de la MRC, comme rappele´ dans les recommandations internationales de nutrition pe´diatrique en situation de MRC publie´es en 2009 [21]. En cas d’e´chec de ces mesures ou en pre´sence de signes cliniques de goutte, un traitement par allopurinol peut se discuter en 2nde intention, mais il n’y a aucune e´tude bien mene´e d’un point de vue me´thodologique dans cette population tre`s particulie`re. L’autre parame`tre e´tudie´ au cours de ce travail e´tait la PTH. Chez les sujets atteints de MRC, la PTH est utilise´e en routine comme un marqueur du me´tabolisme mine´ral et osseux, malgre´ de nombreuses limitations tenant au fait notamment que le type d’oste´odystrophie re´nale sousjacente n’est pas pre´visible de manie`re fiable sur une simple mesure de PTH [22,23]. Dans cette se´rie, la PTH e´tait augmente´e chez 75 sujets malgre´ des DFG conserve´s chez 29 sujets, avec une augmentation de la PTH quand le DFG diminuait ; ces re´sultats sont similaires a` ceux publie´s par Shroff et al. [24]. Ne´anmoins, cette augmentation pre´coce de la PTH de`s que la C In est infe´rieure a` 90 mL/min pour 1,73 m2 n’a pas e´te´ de´crite par tous les auteurs. Dans les se´ries pe´diatriques nord-ame´ricaines notamment, la PTH commence a` monter plus tardivement, quand le DFG est infe´rieur a` 70 voire 60 mL/min pour 1,73 m2 [4]. Enfin, l’association entre AU et PTH, de´ja` de´crite pre´ce´demment mais en sens inverse [20], a e´galement e´te´ observe´e dans notre e´tude. Plusieurs e´tudes ont de´montre´ une relation entre l’AU et la PTH, notamment avec la description d’une baisse des concentrations circulantes d’AU apre`s chirurgie chez des patients et des animaux atteints d’hyperparathyroı¨die primaire, ces patients pre´sentant en ge´ne´ral des concentrations e´leve´es d’AU au moment du diagnostic [25–27]. Cette corre´lation inverse entre la PTH et l’AU s’explique probablement par les taux normaux de PTH chez certains patients peut eˆtre trop charge´s en vitamine D et qui sont dans le groupe avec AU augmente´ [24]. Apre`s ve´rification des donne´es de cette cohorte, nous confirmons bien ce re´sultat apparemment contradictoire de corre´lation inverse entre PTH et AU, sans explication e´vidente.
5. Conclusion Cette e´tude re´trospective a permis de mettre en e´vidence une augmentation tre`s pre´coce, de`s les premiers stades de la MRC, des concentrations plasmatique de l’AU et de la PTH chez des enfants suivis en ne´phrologie pe´diatrique. Il semble exister un lien entre l’AU et la PTH, dont les me´canismes physiopathologiques sous-jacents sont encore mal connus, mais qui
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pourraient eˆtre explique´s au moins partiellement par le FGF23. Des e´tudes prospectives sont ne´cessaires pour confirmer ces donne´es et e´valuer le roˆle de l’AU dans l’e´volution de la MRC, en tant que « simple » marqueur de risque ou en tant que « coupable direct » de morbi-mortalite´ cardiovasculaire, qui affecte de plus en plus les jeunes adultes ayant un ante´ce´dent de MRC dans l’enfance.
De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.
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