Relation entre néophobie et préférences alimentaires et pratiques alimentaires maternelles

Relation entre néophobie et préférences alimentaires et pratiques alimentaires maternelles

Journal de pédiatrie et de puériculture (2014) 27, 16—22 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ARTICLE ORIGINAL Relation ent...

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Journal de pédiatrie et de puériculture (2014) 27, 16—22

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

ARTICLE ORIGINAL

Relation entre néophobie et préférences alimentaires et pratiques alimentaires maternelles Relationship between neophobia and food preferences and maternal feeding practices L. Dridi ∗, H. Oulamara , A.N. Agli Laboratoire de nutrition et de technologies alimentaires, institut de la nutrition, de l’alimentation et des technologies agro alimentaires, université de Constantine 1, route de Ain El Bey, Constantine 25000, Algérie Rec ¸u le 19 septembre 2013 ; accepté le 22 octobre 2013

MOTS CLÉS Néophobie alimentaire ; Préférences alimentaires ; Enfant ; État pondéral ; Pratiques alimentaires maternelles



Résumé Introduction. — Le comportement alimentaire de la plupart des enfants passe par l’étape de néophobie alimentaire. Les parents se trouvent inquiets face à ce refus. Ils appliquent des stratégies diverses pour guider l’alimentation de leurs enfants. Objectifs. — Le but du présent travail est l’étude de la néophobie et des préférences alimentaires en fonction de l’état pondéral et des pratiques alimentaires (restriction, récompense, pression) des mères chez des enfants de 6 à 10 ans à Constantine. Méthodologie. — L’enquête a concerné 297 enfants (163 filles et 134 garc ¸ons) et leurs mères. Pour l’étude de la néophobie alimentaire des enfants, nous avons utilisé le Questionnaire pour enfants de néophobie alimentaire. Également, les mères ont complété le Child Feeding Questionnaire pour les pratiques alimentaires parentales. Les critères d’International Obesity Task Force ont été utilisés pour évaluer le surpoids et l’obésité. Résultats. — Les résultats révèlent que les enfants en surpoids sont plus néophobes que les normo pondéraux (p = 0,03). La restriction est la pratique la plus appliquée par les mères d’enfants néophobes. Une corrélation positive (r = 0,17, p = 0,01) a été trouvée entre cette pratique et le niveau de néophobie alimentaire des enfants. Les préférences alimentaires des enfants envers le groupe des produits sucrés sont corrélées négativement à une plus grande utilisation de la pression (r = −0,15, p = 0,04).

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Dridi).

0987-7983/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2013.10.004

Néophobie et préférences alimentaires et pratiques alimentaires maternelles

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Conclusion. — L’étude des pratiques alimentaires maternelle et d’autres facteurs est essentielle pour comprendre le comportement de néophobie alimentaire chez les enfants. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Food neophobia; Food preferences; Child; Weight; Maternal feeding practices

Summary Introduction. — The feeding behavior of most children passes through the food neophobia step. Parents are worried face to this refusal. They apply different strategies to guide their children feeding. Objectives. — The purpose of this work is the study of neophobia and food preferences based on the weight and eating habits state (restriction, reward, pressure) of mothers with children aged 6 to 10 years in Constantine. Methodology. — The survey involved 297 children (163 girls and 134 boys) and their mothers. For the study of the food neophobia children, we used the Questionnaire for Children Food neophobia. Also, mothers completed the Child Feeding Questionnaire for parental feeding practices. The International Obesity Task Force criteria were used to assess overweight and obesity. Results. — The results show that overweight children are more neophobic than normal weight (P = 0.03). The restriction is the practice applied by most mothers neophobic children. A positive correlation (r = 0.17, P = 0.01) was found between this practice and the level of food neophobia children. The children’s food preferences to sweet products group are negatively correlated with greater use of pressure (r = −0.15, P = 0.04). Conclusion. — The study of maternal feeding practices and other factors is essential for understanding the behavior of children food neophobia. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction La néophobie alimentaire a été définie de fac ¸on opérationnelle comme le rejet et l’évitement des aliments nouveaux [1—4] et a été conceptualisée à la fois comme un processus comportemental et comme un trait de personnalité [4]. Bien que le maintien d’un régime alimentaire varié pourrait être atteint en mangeant une variété d’aliments familiers, les enfants très néophobes échouent souvent à atteindre des niveaux de consommation recommandés pour certains nutriments [5]. Les comportements alimentaires des enfants sont appris, entre autres, à travers le modelage des comportements alimentaires des parents, les pratiques parentales utilisées pour contrôler le comportement alimentaire et les messages transmis aux enfants à propos de leur poids et de leur alimentation [6]. Les pratiques parentales décrivent des stratégies comportementales utilisées par les parents pour socialiser leurs enfants et/ou les surveiller [7]. Il a été démontré qu’elles ont un impact sur le comportement alimentaire des enfants [8]. La restriction alimentaire est une stratégie utilisée par le parent dans le but de limiter la consommation de l’enfant, d’aliments « non nutritifs ». La restriction s’effectue en limitant l’accès à ces aliments ou en imposant des limites quant aux quantités pouvant être consommées ainsi qu’aux moments où ces aliments peuvent être ingérés [9]. La pression à manger est une pratique alimentaire qui désigne l’incitation, la pression, ou l’encouragement à consommer plus d’aliments sains ou en général plus de nourriture, en particulier au moment des repas [10]. Selon Berthoud [11], la récompense est peut-être considérée comme un phénomène d’apprentissage renforcé, conduit par des entrées de stimulus sensoriels tels que les aliments et provoque des émotions positives.

Le fait d’utiliser l’aliment de fac ¸on contingente (comme une récompense ou comme un moyen) est une pratique courante [12]. Selon Birch [13], obliger l’enfant à manger un aliment dans l’ordre d’obtenir une récompense est considéré comme un contexte social négatif ; la récompense qui peut être un aliment ou l’accès à une activité séduisante induit une diminution des préférences. Cependant, les préférences alimentaires des enfants augmentent significativement pour les aliments présentés dans un contexte social positif comme récompense ou associés à l’attention de l’adulte. Dans cette étude, nous nous sommes intéressés à l’étude de la néophobie et des préférences alimentaires chez les enfants âgés de 6 à 10 ans et avons exploré le lien entre la néophobie alimentaire de l’enfant, son état pondéral et les pratiques alimentaires de la mère (restriction, récompense et pression).

Méthodologie Notre étude a porté sur 297 enfants âgés de 6 à 10 ans (163 filles et 134 garc ¸ons) scolarisés au niveau des établissements primaires, situés dans le secteur urbain d’Ali Mendjeli de la commune du Khroub, wilaya de Constantine (Algérie). Dans notre travail, nous avons utilisé trois questionnaires. Le premier étant destiné à l’étude de la néophobie alimentaire de l’enfant, le deuxième questionnaire concerne les préférences alimentaires et le troisième questionnaire porte sur l’étude des pratiques alimentaires de la mère (restriction, récompense et pression). Tous les questionnaires ont été traduits en langue franc ¸aise et en langue arabe. Les questions du QENA ont été posées aux enfants en langue parlée (locale).

18 Le Questionnaire pour enfants sur la néophobie alimentaire (QENA) a été élaboré par Rubio et Rigal [14], il est composé de 13 items dont 7 sont illustrés par des photographies d’aliments. Tous les items sont codés avec des scores allant de 1 jusqu’à 4, le score le plus élevé signifie un taux de néophobie élevé. Le score moyen de néophobie est calculé pour chaque enfant. Selon la médiane des scores de néophobie alimentaire, nous avons divisé l’ensemble des enfants en deux groupes, néophobes et non néophobes. Le questionnaire de préférences alimentaires comprend une liste de 98 aliments. Il a été élaboré en prenant en considération des différents aliments couramment consommés dans la commune de Constantine. En premier lieu, l’enfant répond à la question « as-tu déjà goûté à cet aliment ? » Si la réponse est positive, il a le choix entre six propositions allant de « j’adore » à « ¸ ca me dégoûte ». Ces réponses sont codées de manière décroissante avec des scores allant de 1 à 6. À partir de la liste d’aliments, nous avons procédé à un regroupement des aliments. Nous avons établi 8 catégories d’aliments : fruits, légumes, laitages, viandes, poissons et œufs (VPO), aliments gras, produits sucrés, assaisonnements et féculents. La liste des aliments par groupe est indiquée en annexe. Le Child Feeding Questionnaire (CFQ) destiné à l’étude des pratiques alimentaires des mères a été élaboré par Birch et al. [15]. Ce questionnaire mesure l’usage des pratiques alimentaires parentales. Ces pratiques utilisées par le parent pour amener l’enfant à adopter un comportement alimentaire jugé bénéfique ou adéquat. L’étude des pratiques alimentaires est basée sur la mesure de contrôle alimentaire, l’usage de la restriction, de la récompense et de la pression. Le CFQ renferme 12 questions. Les 12 questions sont codées avec des scores allant de 1 à 4 de manière à ce que le score le plus élevé signifie la pratique la plus utilisée. La moyenne des énoncés no 1, 2, 3, 4, 7 et 8 mesure l’usage de la restriction, qui englobe les pratiques visant à limiter l’accès des enfants aux aliments non nutritifs. Celle des énoncés no 5 et 6 mesure l’usage de la récompense qui renseigne sur l’utilisation des aliments comme récompense et pour mesurer l’usage de la pression à manger qui renseigne sur l’incitation et l’encouragement à faire manger l’enfant ; nous avons calculé la moyenne des énoncés no 9, 10, 11 et 12. Ce questionnaire a été traduit en franc ¸ais et en arabe et envoyé dans les deux langues aux parents. Le questionnaire a fait l’objet d’une pré-enquête et est adapté à la population de Constantine. Toutes les pratiques alimentaires citées dans le CFQ sont pratiquées par les parents constantinois. Nous avons pris des mesures anthropométriques des enfants enquêtés. Le poids est mesuré en utilisant une balance marque Hanson d’une étendue de 140 kg et d’une précision de 0,1 kg. La taille par une toise de marque Seca comprend une partie fixe de 130,5 cm et une autre coulissante de 69,5 cm et d’une précision de 0,1 cm. Pour la classification du surpoids, et de la maigreur, nous avons utilisé respectivement les références IOTF Cole et al. [16] et celles de Cole et al. [17]. Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel Stat View version 5 (Berkeley, États-Unis). Le seuil de signification est de 0,05.

L. Dridi et al.

Figure 1. sexe.

Distribution de la population par état pondéral et par

Résultats Caractérisation de la population d’étude Notre travail a porté sur une population de 297 enfants dont 163 filles et 134 garc ¸ons (54,88 % filles et 45,11 % garc ¸ons) âgés de 6 à 10 ans. La moyenne d’âge est de 8,30 ans. La fréquence globale du surpoids est estimée de 26,60 %. Celle de la maigreur est de 2,70 %. Selon le sexe, il n’y a pas de différence significative entre le pourcentage de surpoids et de la maigreur (Fig. 1).

Néophobie alimentaire de l’enfant Dans notre population, le score moyen de néophobie alimentaire est de 2,32 ± 0,49. Le Tableau 1 présente les scores moyens de néophobie alimentaire par sexe et état pondéral. Chez les filles, le score moyen de la néophobie est de 2,33 ± 0,49 et chez les garc ¸ons il est de 2,29 ± 0,49. Il n’y a pas de différence significative entre les scores de néophobie par sexe (p = 0,49). Les enfants en surpoids ont un niveau de néophobie alimentaire plus élevé que les enfants normo pondéraux (p = 0,03). Le Tableau 2 donne les scores moyens de néophobie alimentaire en fonction de l’âge des enfants. Aucune différence significative n’a été observée entre les scores de néophobie par âge.

Tableau 1 Score moyen de néophobie alimentaire selon le sexe et l’état pondéral. Score moyen ± écart-type Total Filles Garc ¸ons Maigres Normo pondéraux Surpoids a

2,32 2,33 2,29 2,46 2,27 2,41

± ± ± ± ± ±

0,49 0,49 0,49 0,49 0,47 0,52a

Différence significative entre les enfants en surpoids et les normo pondéraux.

Néophobie et préférences alimentaires et pratiques alimentaires maternelles Tableau 2 l’âge.

Score moyen de néophobie alimentaire selon

Âge (ans)

Score moyen ± écart-type

6 7 8 9 10

2,30 2,31 2,27 2,34 2,36

± ± ± ± ±

0,51 0,53 0,50 0,44 0,47

Tableau 3 Score moyen de l’usage des pratiques alimentaires parentales (restriction, pression et récompense). Score moyen ± écart-type 3,12 ± 0,52 3,13 ± 0,74 3,27 ± 0,56a

Restriction Récompense Pression a

Différence significative entre la pratique alimentaire pression et les autres pratiques.

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restriction est plus appliquée sur les enfants néophobes que sur les enfants non néophobes (3,22 ± 0,53 vs 3,04 ± 0,50, p = 0,03). Néanmoins, il n’y pas de différence significative entre les scores de l’utilisation de la pression (p = 0,62) et de la récompense (p = 0,77) entre ces deux groupes. Aucune différence significative entre l’usage des trois pratiques alimentaires (restriction, récompense et pression) n’a été observée chez les enfants néophobes (p = 0,65). Néanmoins, les mères des enfants non néophobes appliquent plus la pression que la restriction et la récompense (p = 0,01). Les résultats de la corrélation entre le niveau de néophobie alimentaire de l’enfant et les pratiques parentales sont représentés dans le Tableau 5. Il n’existe pas de corrélation significative entre le niveau de néophobie alimentaire de l’enfant et les pratiques de récompense (p = 0,58) et de pression (p = 0,97). Néanmoins, il y a une corrélation positive entre le niveau de néophobie alimentaire de l’enfant et l’usage de la pratique alimentaire de restriction (p = 0,01). Plus la mère utilise la restriction comme pratique alimentaire, plus le niveau de néophobie alimentaire de son enfant augmente.

Les préférences alimentaires Pratiques alimentaires parentales Le Tableau 3 présente les scores moyens d’usage des pratiques alimentaires des mères concernant la restriction, la récompense et la pression. Le score le plus élevé (3,27 ± 0,56) est celui de la pratique de pression. Ce score est significativement plus élevé comparant aux scores moyens de restriction (p = 0,01) et de récompense (p = 0,03). Le score moyen de la pratique alimentaire de récompense ne diffère pas significativement à celui de la restriction (p = 0,79).

Pratiques alimentaires parentales et la néophobie alimentaire de l’enfant Le Tableau 4 présente les scores moyens de l’usage des pratiques alimentaires parentales des enfants néophobes et non néophobes. Nous observons que la pratique alimentaire de

Tableau 4

Le Tableau 6 présente les scores moyens des préférences alimentaires des différents groupes d’aliments. Les scores de préférences alimentaires les plus élevés concernent les groupes des produits sucrés et des féculents, respectivement 3,26 ± 0,36 et 3,24 ± 0,28. Cependant, les enfants ont moins de préférence pour les légumes et assaisonnements avec des scores de 2,97 ± 0,36 et 2,32 ± 0,51.

Préférences alimentaires et les pratiques alimentaires parentales Le Tableau 7 présente les résultats de la corrélation entre les différents groupes d’aliments et les pratiques alimentaires parentales. La préférence alimentaire des enfants envers le groupe des produits gras (r = 0,22, p = 0,003) et celui des assaisonnements (r = 0,15, p = 0,05) est corrélée positivement à la pratique parentale de la restriction. D’un autre côté, nos résultats révèlent que les préférences

Score moyen de l’usage des pratiques alimentaires parentales des enfants néophobes et non néophobes.

Restriction Récompense Pression Degré de signification

Enfant néophobes

Enfant non néophobes

Degré de signification

3,22 ± 0,53 3,15 ± 0,69 3,25 ± 0,58 p = 0,65

3,04 ± 0,50 3,12 ± 0,78 3,29 ± 0,56 p = 0,01

p = 0,03 p = 0,77 p = 0,62

Tableau 5 Corrélation entre le niveau de néophobie alimentaire de l’enfant et l’usage des pratiques parentales (restriction, pression et récompense).

Restriction/néophobie alimentaire de l’enfant Récompense/néophobie alimentaire de l’enfant Pression/néophobie alimentaire de l’enfant

Coefficient de corrélation

Degré de signification

r = 0,17 r = 0,04 r = −0,003

p = 0,01 p = 0,58 p = 0,97

20

L. Dridi et al.

Tableau 6 Score moyen des préférences alimentaires des enfants âgés de 6 à 10 ans. Score moyen ± écart-type Fruit Légumes Laitages VPO Gras Sucrés Assaisonnements Féculents

3,17 2,97 3,13 3,21 3,14 3,26 2,32 3,24

± ± ± ± ± ± ± ±

0,28 0,36 0,41 0,31 0,38 0,36 0,51 0,28

VPO : viandes, poissons et œufs.

alimentaires des enfants envers le groupe des produits sucrés sont corrélées négativement à une plus grande utilisation de la pression (r = −0,15, p = 0,04).

Discussion Selon la référence de l’IOTF, nos résultats indiquent des pourcentages de surpoids et de maigreur respectivement de 26,93 % et de 2,7 %. La fréquence de surpoids dans notre population est plus élevée que celle observée dans d’autres études alors que la maigreur est beaucoup plus faible. En 2005, à Tebessa, chez les écoliers de 5 à 8 ans, le surpoids est estimé à 5,81 % [18]. En 2006, chez des enfants de 6—10 ans scolarisés dans trois régions de l’est algérien, Oulamara et al. [19] indiquent un pourcentage de surpoids de 9,5 % et 24,5 % de maigreur. Entre 2005/2007, à Tébessa, Taleb et al. [20] ont estimé une fréquence de surpoids de 8,49 % pour les enfants âgés de 4 à 13 ans. À Constantine, lors d’une enquête réalisée en 2008/2009, auprès d’écoliers de 5 à 10 ans, un taux de surpoids de 25 % et une fréquence de maigreur de 4,3 % [21]. Dans notre population, le score moyen de néophobie alimentaire est de 2,32 ± 0,49. Considérant qu’un score de néophobie égal à 4 représente un score élevé, nous pouvons dire que les enfants de notre étude sont peu à moyennement néophobes. Dans cette étude, les filles et les garc ¸ons ont le même score de néophobie alimentaire. Les études qui ont été réalisées sur le niveau de néophobie alimentaire selon

Tableau 7

le sexe ont rapporté des résultats contradictoires. Selon une enquête transversale réalisée à Constantine sur un groupe d’enfants âgés de 5 à 10 ans, les filles et les garc ¸ons ont le même score de néophobie alimentaire [21]. Selon Russell et al. [22], aucune association n’a été trouvée entre le sexe et la néophobie alimentaire chez les enfants australiens âgés de 2 à 5 ans. Également à Londres, dans une enquête sur la néophobie alimentaire auprès d’enfants âgés de 4 à 5 ans, Cooke et al. [1] n’ont trouvé aucune différence par sexe. Chez l’adulte, l’étude de Fernandez-Ruiz et al. [23] sur la néophobie alimentaire chez les consommateurs espagnols âgés de 25 ans à plus de 70 ans, montre que l’effet du sexe sur la néophobie alimentaire n’était pas significatif. Koivistro-Hursti et Sjöden [24] ont rapporté dans leur étude sur la ressemblance familiale dans les familles suédoises des enfants âgés de 7 à 17 ans, que la seule différence significative entre les filles et les garc ¸ons (p < 0,05) a été observée chez les enfants de 9 ans. Ils ont trouvé que les garc ¸ons de 9 ans étaient plus néophobes que les filles du même âge. Également, les hommes finlandais (16—80 ans) ont été trouvés plus néophobes que les femmes [25]. Plusieurs études attestent que la néophobie alimentaire ou période des rejets est minimale durant la petite enfance, elle croît rapidement lors de l’enfance et décline lorsque le modèle adulte commence à apparaître [26]. Nos résultats montrent que les enfants ont significativement le même niveau de néophobie quel que soit l’âge. Nos résultats sont en accord avec ceux de Russell et al. [22], qui ont rapporté qu’il n’y a pas de relation entre l’âge et la néophobie des enfants âgés de 2 à 5 ans. De même, Cooke et al. [27] indiquent que la néophobie alimentaire chez les enfants de 4 à 5 ans ne varie pas selon l’âge. Cependant, dans une étude, à Constantine, portant sur des enfants âgés de 5 à 10 ans, Dridi et al. [21] ont observé que les enfants âgés de 5 ans sont moins néophobes que ceux âgés de 8—10 ans. Nos résultats nous amènent à penser que d’autres facteurs peuvent influer sur l’intensité de la néophobie alimentaire. En effet, l’exposition antérieure aux saveurs dans la vie utérine et dans le lait maternel peut être un facteur d’atténuation de la néophobie alimentaire dans la petite enfance [28,29]. Également, l’exposition au lait maternel peut induire une meilleure acceptation aux aliments nouveaux [30]. Dans notre étude, les enfants en surpoids sont plus néophobes que les enfants normo pondéraux. Raudenbush et al. [31] ont proposé que le poids corporel, entre d’autres

Corrélation entre les préférences alimentaires et l’usage des pratiques alimentaires parentales.

Fruits Légumes Laitages VPO Gras Sucrés Assaisonnements Féculents VPO : viandes, poissons et œufs.

Restriction

Récompense

Pression

r = −0,10 ; p = 0,18 r = −0,01 ; p = 0,87 r = −0,12 ; p = 0,10 r = 0,05 ; p = 0,48 r = 0,22 ; p = 0,003 r = 0,01 ; p = 0,83 r = 0,15 ; p = 0,05 r = −0,08 ; p = 0,25

r = 0,03 ; p = 0,64 r = 0,08 ; p = 0,27 r = −0,01 ; p = 0,89 r = 0,08 ; p = 0,27 r = 0,10 ; p = 0,18 r = 0,04 ; p = 0,54 r = 0,34 ; p = 0,65 r = −0,02 ; p = 0,71

r = 0,005 ; p = 0,95 r = 0,04 ; p = 0,57 r = −0,07 ; p = 0,35 r = −0,006 ; p = 0,93 r = −0,003 ; p = 0,97 r = −0,15 ; p = 0,04 r = −0,008 ; p = 0,91 r = −0,07 ; p = 0,35

Néophobie et préférences alimentaires et pratiques alimentaires maternelles facteurs physiologiques, peut être lié à la néophobie alimentaire. Cependant, Rigal [32] et Dridi al. [21] ont trouvé que le niveau de néophobie alimentaire semble être indépendant de l’excès pondéral. Concernant les résultats des pratiques alimentaires, les mères utilisent plus la pression comme pratique pour faire manger leurs enfants. Selon Lannoti et al. [33], l’usage des pratiques alimentaires varie en fonction du contexte culturel. En effet, Dulude et Marquis [34], dans une étude menée sur des enfants québécois de 3 à 5 ans, indiquent que les mères utilisent plus la restriction pour guider l’alimentation des enfants. Wardle et al. [35] ont constaté que la néophobie alimentaire des enfants est liée à l’usage parental des pratiques de contrôle alimentaires. Cependant, ils n’ont pas distingué entre la pression et la restriction. Nos résultats indiquent que la restriction est la pratique alimentaire la plus appliquée sur les enfants néophobes comparés aux enfants non néophobes (p = 0,03). Aussi, nous avons trouvé une corrélation positive entre le niveau de néophobie alimentaire de l’enfant et l’usage de la pratique alimentaire de restriction (r = 0,17, p = 0,01). Plus la mère utilise la restriction comme pratique alimentaire, plus le niveau de néophobie alimentaire de son enfant augmente. Tan et Holub [36] ont montré que la néophobie alimentaire de l’enfant est corrélée positivement à une plus grande utilisation de la restriction pour la santé, mais elle n’est pas liée à la pression ou la restriction pour le poids. D’après nos résultats sur les préférences alimentaires, les enfants âgés de 6 à 10 ans sont des mangeurs diversifiés, présentant des attitudes particulièrement positives pour la majorité des groupes d’aliments. Les enfants de notre étude préfèrent plus les produits sucrés et les féculents. Selon Rigal [26], l’enfant présente tout au long de son développement une attirance marquée pour les produits alimentaires à forte densité énergétique, notamment s’ils sont gras et/ou sucrés. Les préférences alimentaires des enfants envers le groupe des produits gras (r = 0,22, p = 0,003) et les assaisonnements (r = 0,15, p = 0,05) sont corrélées positivement à la pratique parentale de restriction. Il est probable que la restriction attire l’attention de l’enfant sur l’aliment « interdit » en augmentant ainsi son désir de le consommer [37]. D’un autre côté, nos résultats révèlent que les préférences alimentaires des enfants envers le groupe sucré sont corrélées négativement à une plus grande utilisation de la pression (r = −0,15, p = 0,04). Des résultats de corrélation entre l’usage de la pression et la consommation de divers aliments ont été signalés. L’usage de la pression sur les enfants pour manger des aliments plus sains a été associé à une faible consommation des fruits [38,39] et légumes [38], et avec une consommation plus élevée d’aliments non nutritifs [39,40]. Notre étude révèle que la néophobie est plus importante chez les enfants en surpoids. Également, la restriction est une stratégie plus utilisée par les mères d’enfants néophobes. Plus la mère limite l’accès à certains aliments, plus la néophobie de l’enfant augmente. Toutefois, ce résultat n’est pas suffisant pour pouvoir établir la relation entre la néophobie alimentaire de l’enfant et la pratique de restriction utilisée pour contrôler le poids et celle utilisée pour surveiller la santé. Il apparaît essentiel de préciser la nature de la stratégie suivie par la mère.

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Annexe. Liste des aliments par groupe. Fruits

Pomme, cerise, coing, grenade, orange, pamplemousse, figue, mandarine, prune, raisin sec, abricot, pèche, ananas, datte, melon, banane, nèfle, citron, poire, pastèque, pruneaux, raisin Gras Amande, huile d’olive, mayonnaise, olive, arachide, noix, beurre

Légumes

Laitages

Betterave, tomate, épinard, citrouille, navet, salade verte, courgette, aubergine, poivron, carotte, concombre, artichaut, fenouil, nèfle, petit pois, choux, haricot vert, choufleur

Fromage, yaourt, leben, crème dessert, petit suisse, gruyère, camembert, lait

Sucrés

Assaisonnements Huile d’olive, mayonnaise, ketchup, harissa, moutarde

Biscuit, jus de fruit, chocolat, crêpes, miel, boisson gazeuse, Nutella, confiture, crème glacé, viennoiserie, pâtisserie

Viande, poulet et œufs Viande hachée, crevette, abats, sardine, thon, poulet/dinde, saucisson, poisson, viande bouillie, œufs, viande grillée, viande frittée, merguez

Féculents Riz, pain/galette, chips, pois chiche, hamburger, couscous, frites, maïs, pizza, pomme de terre, chekhchoukha, lentilles, fève, pate alimentaire, pop corn, haricot sec

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