J Radiol 2006;87:752-4 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2006 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
@ -quid
Réponse au @-quid de mai Une cause médicale de pneumopéritoine La rubrique « @-quid » vous présente ci-dessous le cas présenté dans le numéro 5, 2009 du Journal de Radiologie. Pour rappel, nous publions l’intégralité du cas en facsimilé avec à la suite la réponse.
Quel est votre diagnostic ? S Novellas (1), C Marcotte-Bloch (1), BS Karimdjee (2), R Anty (3) et P Chevallier (1) (1) Service d’Imagerie Médicale, Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Nice, Hôpital Archet 2, 151, route de Saint-Antoine de Ginestière, BP 3079, 06202 Nice Cedex 3. (2) Service de Chirurgie Viscérale, Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Nice, Hôpital Archet 2, 151, route de Saint-Antoine de Ginestière, BP 3079, 06202 Nice Cedex 3. (3) Service d’HépatoGastro-Entérologie, Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Nice, Hôpital Archet 2, 151, route de Saint-Antoine de Ginestière, BP 3079, 06202 Nice Cedex 3. Correspondance : S Novellas E-mail :
[email protected]
Observation
Quel est votre diagnostic ?
Un homme de 75 ans se présente aux urgences pour une douleur de l’hypochondre droit. L’examen clinique identifie une sensibilité à la palpation de cette région sans défense ou contracture. Le patient est apyrétique et le bilan biologique de routine est normal. On note un antécédent de néoplasie colique droite réséquée il y a 6 mois sans complication, classée T3N1, en cours de chimiothérapie systémique par 5FU associé à de l’oxaliplatine. Un examen tomodensitométrique de l’abdomen et du pelvis est réalisé au temps portal d’une injection iodé intraveineuse (fig. 1 à 3).
1) 2) 3) 4) 5)
Fig. 1 :
Récidive tumorale anastomotique avec perforation Diverticulite du colon droit Pneumatose intestinale kystique perforée. Colite ischémique Colite neutropénique aiguë grave
Coupe tomodensitométrique axiale sur le dôme hépatique en fenêtre parenchymateuse.
Fig. 2 :
Fig. 3 :
Coupe tomodensitométrique en reformatage oblique centrée sur l’hypocondre droit.
Coupe tomodensitométrique axiale sur l’abdomen après injection intra veineuse de produit de contraste iodé.
Réponse au @-quid de mai
S Novellas et al.
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Diagnostic Pneumatose intestinale kystique (PIK) perforée. Conduite à tenir : Abstention chirurgicale, traitement médical et surveillance.
Commentaires Le scanner permet d’identifier un pneumopéritoine de très faible abondance en situation péri-hépatique (fig. 1). Ce pneumopéritoine est associé à la présence de plusieurs structures aériques de petites tailles accolées au colon transverse et à l’anastomose iléocolique (fig. 2). Le colon n’est pas préparé mais sa paroi est fine au voisinage de ces anomalies aériques (fig. 2). Il n’existe pas d’infiltration de la graisse du mésocolon. Le reformatage permet de mieux déceler la nature arrondie de ces structures gazeuses ainsi que leur proximité immédiate avec la séreuse colique (fig. 3). L’ensemble réalise un chapelet de structures arrondies, infracentimétriques, gazeuses, épousant les contours du colon. Devant l’existence d’un épanchement aérique péricolique, de forme microkystique, il faut évoquer en première intention le diagnostic de pneumatose intestinale kystique compliquée chez ce patient d’une rupture kystique intrapéritonéale. Une prise en charge conservatrice avec une antibiothérapie à large spectre a été entreprise et a permis une évolution favorable et rapide des symptômes. Le diagnostic a été conforté dans un second temps par une coloscopie qui a retrouvé au voisinage de l’anastomose de nombreux kystes aériques sous-muqueux, s’affaissant à la ponction.
Fig. 2 :
Présence de multiples formations aériques de forme arrondie (têtes de flèches) le long de la séreuse colique et à proximité d’une chainette anastomotique. La paroi colique (flèche) apparait fine et de rehaussement habituel.
Fig. 3 :
En reformatage coronal oblique, on s’aperçoit du caractère adhérent, uniforme, des microkystes aériques à la paroi colique (têtes de flèches). Ces anomalies semblent débuter dès l’anastomose iléocolique (flèche).
Discussion La pneumatose intestinale kystique (PIK) est une entité particulière d’étiologie encore imprécise et de fréquence rare. Un seul cas authentifié de PKI a été mis en évidence lors d’une revue de 5368 coloscanners à l’air (1). Il s’agit par définition de la présence de multiples kystes, de contenu aérique, non communicants, présents au sein de la paroi digestive en position sous-séreuse ou
Fig. 1 :
Mise en évidence d’un discret pneumopéritoine sousdiaphragmatique droit (flèche).
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sous-muqueuse (2). Cette pathologie se localise avec une fréquence de 42 % sur l’intestin grêle, sur le colon avec une fréquence de 36 % ou plus rarement sur les deux à la fois (3). La pathogénie de cette atteinte pariétale colique apparaît multifactorielle (4). Les causes dites idiopathiques regroupent environ 20 % des cas (5). Les causes secondaires sont majoritaires avec comme hypothèse mécanique commune la survenue d’une brèche sous-muqueuse et la diffusion d’air dans la paroi digestive (5). Les mouvements péristaltiques seraient alors responsables du regroupement en forme de bulle de cet air piégé. Les pathologies suivantes, en augmentant le risque de brèche, sont associées de manière plus fréquente à la survenue d’une PIK : obstruction colique chronique, colite inflammatoire, affection respiratoire, maladie collagéni-
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Réponse au @-quid de mai
que. Une autre théorie fait état d’une cause bactérienne qui modifierait la flore colique et la transformation de l’hydrogène (5). Une petite série rapporte trois cas de PIK touchant le versant colique plusieurs années après la réalisation d’une anastomose iléocolique (5). Comme chez notre patient, ces interventions avaient été réalisées pour néoplasie colique et suivies d’une chimiothérapie par voie générale. Par contre, dans cette série, les patients étaient asymptomatiques et l’intervention comme la chimiothérapie dataient de plusieurs années. Il existe cependant des articles qui font états de cas de PIK symptomatiques pendant une chimiothérapie pour hémopathies ou lésion colique (6, 7). Le petit nombre de cas rapportés ne permet cependant pas d’incriminer formellement l’intervention chirurgicale ou la chimiothérapie comme facteur prédisposant à une PKI. Cette atteinte semble plus souvent décrite chez la femme avec un âge moyen autour de 55 ans (3). Bien que plus généralement asymptomatique, ces kystes peuvent induire des symptômes digestifs à type de douleur abdominale, constipation, diarrhée, fièvre (2-4). La survenue d’un pneumopéritoine est une complication classique lorsqu’un kyste sous-séreux se rompt dans le péritoine. Ce pneumopéritoine est en règle général de très faible volume et nécessite une prise en charge conservative (8). Devant un tableau clinique assez peu spécifique, les examens complémentaires sont indispensables pour poser ce diagnostic rare. Le lavement baryté peut montrer ces lésions sous la forme d’un effet de ‘scalloping’ de la lumière colique (3). Ces lacunes arrondies peuvent cependant mimer des polypes solides si leur contenu aérique n’est pas bien révélé. Le scanner est l’examen de choix pour la détection de ces structures aériques grâce à son excellente résolution spatiale. Les lésions kystiques sont au mieux analysées au moyen d’un fenêtrage adapté de type pulmonaire. Outre les lésions kystiques, le scanner est l’examen à réaliser pour détecter des complications de la PKI ou des anomalies associées (1-3, 8). Les descriptions les plus récentes mettent en avant la valeur du coloscanner qui associe la vision luminale de ces anomalies polypoïdes avec l’analyse en densité qui affirme le contenu aérique d’un kyste (9). La coloscopie optique détecte aisément ces images et peut faire le diagnostic lors de l’affaissement des kystes après une ponction (10). Il n’y a pas de complications d’avantage rapportées lors des coloscopies optiques réalisées dans ce cadre pathologique. Les traitements proposés en cas de forme symptomatique varient de la simple observation à l’oxygénothérapie en passant par l’antibiothérapie à large spectre (2-4, 8-10). La règle semble être la régression sous
S Novellas et al.
traitement symptomatique et il n’y a pas d’indication à effectuer un contrôle régulier (3, 9). Le recours à un geste chirurgical est décrit de manière exceptionnelle dans la littérature, il s’agissait de cas non diagnostiqués par l’imagerie. Finalement le radiologue doit pouvoir faire reculer le bras du chirurgien devant l’association d’un pneumopéritoine et de lésions kystiques aériques coliques en évoquant une pneumatose kystique intestinale. Absence de conflit d’intérêt.
Références 1.
Pickhardt PJ, Kim DH, Taylor AJ. Asymptomatic pneumatosis at CT colonography: a benign self-limited imaging finding distinct from perforation. AJR Am J Roentgenol 2008;190:112-7. 2. Kim KM, Lee CH, Kim KA, Park CM. CT Colonography of pneumatosis cystoides intestinalis. Abdom Imaging 2007;32:602-5. 3. Kim YN, Lee SJ, Kim MJ, Kim YH, Jang DK. Computed tomography colonographic findings of pneumatosis cystoides coli. J Comput Assist Tomogr 2008;32:65-8. 4. Soyer P, Martin-Grivaud S, Boudiaf M, Malzy P, Duchat F, et al. Linéaire ou kystique : une revue iconographique des aspects tomodensitométriques de la pneumatose intestinale de l’adulte. J Radiol 2008;12:1907-20. 5. Horiuchi A, Akamatsu T, Mukawa K, Ochi Y, Arakura N, Kiyosawa K. Case report: Pneumatosis cystoides intestinalis associated with postsurgical bowel anastomosis: a report of three cases and review of the Japanese literature. J Gastroenterol Hepatol 1998;13:534-7. 6. Hashimoto S, Saito H, Wada K, Kobayashi T, Furushima H, Kawai H, Shinbo T. Pneumatosis cystoides intestinalis after chemotherapy for haematological malignancies: report of 4 cases. Intern Med 1995;34:212-5. 7. Mimatsu K, Oida T, Kawasaki A, Kano H, Kuboi Y, Aramaki O, Amano S. Pneumatosis cystoides intestinalis after fluorouracil chemotherapy for rectal cancer. World J Gastroenterol 2008;14:3273-5. 8. Hoover EL, Cole GD, Mitchell LS, Adams CZ Jr, Hassett J. Avoiding laparotomy in nonsurgical pneumoperitoneum. Am J Surg 1992;164:99-103. 9. Kim BN, Jeong JY, Sohn DK, Han KS, Hong CW, Chang HJ, Lim SB, Choi HS, Jeong SY. Pneumatosis cystoides coli of the ascending colon: colonoscopic and CT colonographic features. Endoscopy 2007;39:73-4. 10. Di Giorgio A, Sofo L, Ridolfini MP, Alfieri S, Doglietto GB. Pneumatosis cystoides intestinalis. Lancet 2007;369:766.
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