J Radiol 2010;91:1329-32 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
@ -quid
digestif
Réponse du @-quid de novembre. Splénose disséminée JA Roch, VA Tran Minh et I Morelec et F Réty La rubrique « @-quid » vous présente ci-dessous le cas présenté dans le numéro 11, 2010 du Journal de Radiologie. Pour rappel, nous publions l’intégralité du cas avec à la suite la réponse.
Quel est votre diagnostic ? JA Roch, VA Tran Minh, I Morelec et F Réty
Observation Une femme de 65 ans, d’origine algérienne, multipare (11 enfants) consulte aux urgences pour des douleurs abdominales et des nausées évoluant depuis quelques heures. L’interrogatoire, difficile en raison de la barrière linguistique retrouve dans ses antécédents une hypertension artérielle, une éventration, une hernie ombilicale opérée, et la pose d’une prothèse totale de hanche ayant eu lieu trois semaines avant cette consultation. Cette patiente aurait également été hospitalisée pour un accident de la voie publique, plusieurs années auparavant. Son traitement associait : héparine de bas poids moléculaire (enoxaparine sodique), anti-inflammatoire non stéroïdien (diclofenac) pommade et analgésique morphinique mineur (dextropropoxyphène) à la demande. L’examen clinique révèle une douleur abdominale diffuse à la palpation mais sans
Fig. 1 : a, b c
défense ni contracture. Les examens biologiques montrent : plaquettes à 663 Giga/L, hémoglobine à 10,6 g/dl, des globules blancs à un taux normal et une CRP normale. Un scanner abdominal avec injection est réalisé (fig. 1) puis complété par une IRM pelvienne (fig. 2).
Quel est votre diagnostic ? 1) 2) 3) 4) 5)
Lymphome Carcinose péritonéale Endométriose Leïomyomatose péritonéale Splénose
a bc Coupes axiales au temps portal. De l’abdomen. Du pelvis.
a b
Fig. 2 :
Service d’imagerie médicale, Centre Hospitalier Lyon Sud, Chemin du grand Revoyet, 69310 Pierre Bénite. Correspondance : F Réty Correspondance : E-mail :
[email protected]
Coupes axiales T2 TSE du pelvis.
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Diagnostic Splénose disséminée. La TDM montre des images kystiques de 4,5 cm sur l’ovaire droit et de 3 cm sur l’ovaire gauche. Le complément IRM montre que ces deux images sont liquidiennes homogènes (hypersignal T2 TSE), uniloculaires, non cloisonnées, à paroi fine sans composante tissulaire (fig. 2). La séquence en pondération T1 avec gadolinium ne montrait pas de rehaussement pathologique (non montrée). De plus, on visualise de multiples images nodulaires se rehaussant de façon homogène comme le foie après contraste, situées dans l’hypochondre gauche, la loge de Morisson, la région périhépatique, les ligaments ovariens et le long des vaisseaux iliaques droits (fig. 1). Ces localisations font discuter une dissémination péritonéale métastatique. Mais l’absence d’altération de l’état général et d’épanchement péritonéal alors que les nodules sont multiples et volumineux remet en cause le diagnostic de carcinose péritonéale ou de lymphome. Par ailleurs, l’interrogatoire de la famille révèle que la patiente avait bénéficié d’une splénectomie plusieurs années auparavant lors de son accident de la voie publique. Une scintigraphie aux globules rouges marqués est réalisée confirmant le diagnostic de splénose (fig. 3). La douleur abdomi-
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nale disparaît spontanément en deux jours sans récidive dans les six mois. Les deux kystes ovariens ne présentent pas de signe suspect en IRM (paroi fine sans cloison et sans prise de contraste suspecte). Une surveillance par échographie seule est décidée par le gynécologue.
Discussion La splénose correspond à une auto transplantation de tissu splénique par dissémination de cellules de la pulpe. Elle se rencontre soit après splénectomie, soit après traumatisme abdominal. Elle est le plus souvent asymptomatique mais peut être à l’origine de douleurs abdominales, voire de tableau d’occlusion intestinale (1). D’un point de vue anatomopathologique, il s’agit de multiples nodules spléniques de petite taille, qui se greffent sur la séreuse péritonéale, sans préférence topographique (gouttière pariéto-colique, loge de résection splénique, cul-desac de Douglas, mésentère, grand épiploon). Ils reproduisent le plus souvent l’architecture histologique de la rate avec des contingents de pulpe rouge et blanche entourés par une capsule fibreuse avec une vascularisation provenant des tissus environ-
a b c
Fig. 1 :
Nodules de splénoses isodenses au foie en périhépatique (flèche courbe), dans la loge de morisson et de splénectomie (flèches), le long des vaisseaux iliaques externes et internes droit (flèches creuses) et sur les ligaments ovariens (tête de flèche). Image kystique ovarienne droite (flèche pleine).
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a b
nants. Ces splénules peuvent être disséminés dans l’ensemble de la cavité péritonéale et faire porter à tort le diagnostic de tumeurs hépatiques, rénales, rétropéritonéales (2), pancréatiques (3), de lymphome ou de carcinose péritonéale. Les nodules peuvent également se rencontrer dans la région rétro péritonéale, péri rénale ou péri urétérale. En cas de rupture du diaphragme associée au traumatisme de l’abdomen, des greffes intrathoraciques (4) ont été décrits dans la cavité pleurale (5) ou dans le péricarde. Les autres diagnostics différentiels de la splénose sont les polysplénies et rates accessoires, qui sont observées indépendamment de la présence ou non de chirurgie. Mais à la différence de la splénose, les rates accessoires ont une localisation proche du hile ou du pôle inférieur de la rate, une taille plus importante, un nombre moins élevé, et une histologie plus structurée avec une capsule périphérique, des travées et un pédicule vasculaire. Concernant la polysplénie, cette entité correspond à un syndrome polymalformatif regroupant une hétérotaxie viscérale et un lévoisomérisme, éventuellement associée à des anomalies cardiovasculaires et/ou digestives. En dernier lieu, les cas de léiomyomatose péritonéale pouvant ressembler à une splénose sont rares. J Radiol 2010;91
Fig. 2 :
Kystes ovariens homogènes bilatéraux en hypersignal T2 à paroi fine (flèche), nodule de splénose (en hypersignal par rapport aux muscles) situé sur le péritoine du cul de sac de douglas visible en regard des vaisseaux iliaques internes droits (tête de flèche).
Fig. 3 :
Scintigraphie aux globules rouges marqués (Technétium-99) montrant de multiples fixations, corrélées strictement avec les nodules vus en scanner et correspondant à des nodules de splénose.
L’imagerie classique (échographie, TDM, IRM) peut aider au diagnostic : la cinétique de rehaussement des splénules retrouve un rehaussement précoce hétérogène, qui s’homogénéise à la phase portale. Mais la comparaison à des examens antérieurs peut-être inquiétante, dans un contexte de suspicion néoplasique, du fait de leur caractère évolutif. Par conséquent, l’examen de référence reste la scintigraphie de la rate dont deux modalités existent. La scintigraphie aux colloïdes marqués (technétium 99) utilise des substances marquées par un traceur radioactif qui vont se fixer sur l’ensemble du tissu réticulo-endothélial (ganglions, rate et foie) ; alors que la scintigraphie aux globules rouges marqués et dénaturés (technétium 99), teste la fonction de séquestration splénique des hématies dénaturées. Elle est plus spécifique que la scintigraphie aux colloïdes marqués car elle ne se fixe que le tissu splénique mais son mode de réalisation est plus compliqué (6). En présence de nodules de splénose la prise en charge thérapeutique dépend de la clinique : le traitement chirurgical n’est indiqué qu’en cas de splénose douloureuse ou compliquée (occlusion, infarctus par torsion, hémorragie par rupture, récidive d’une maladie hématologique traitée par splénectomie).
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Références 1. 2.
3.
Sirinek KR, Livingston CD, Bova JG, Levine BA. Bowel obstruction due to infarcted splenosis. South Med J 1984;77:764-7. Chagnaud C, Champsaur P, Di Costanzo V, Petit P, Chamati S et al. Splénose péritonéale simulant une masse rétropéritonéale droite. J Radiol 1998;79:1407-9. Brancatelli G, Vilgrain V, Zappa M, Lagalla R. Case 80 : Splenosis. Radiology 2005;234:728-32.
4.
5. 6.
JA Roch et al.
Papakonstantinou C, Christoforidis E, Vasiliadis K, Kanellos I, Zarogoulidis K. Thoracic splenosis twenty-nine years after traumatic splenectomy mimicking intrathoracic neoplasm. Eur Surg Res 2005;37:76-8. Gezer S, Gülhan SS, Altinok T, Agaçkiran Y, Tastepe AI. Rare cause of pleural nodularity: Splenosis. J Natl Med Assoc 2006;98:1342-4. Abu-Nema T, Nawaz K, Sadek S, Ayyash K, Tibblin S, AlMohannadi S, Abdel-Dayem HM. Splenic implants: evaluation with radionuclide methods. Radiology 1987;163:641-3.
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