Résorption spontanée de hernies discales thoraciques calcifiées : à propos de deux cas et revue de la littérature

Résorption spontanée de hernies discales thoraciques calcifiées : à propos de deux cas et revue de la littérature

Neurochirurgie 58 (2012) 353–357 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Cas clinique Résorption spontanée de hernies discales thoraciques c...

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Neurochirurgie 58 (2012) 353–357

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Cas clinique

Résorption spontanée de hernies discales thoraciques calcifiées : à propos de deux cas et revue de la littérature Spontaneous resorption of thoracic calcified disc herniation: Report of two cases and review of the literature C. Eap ∗ , S. Bennis , T. Blauwblomme , P. Compaore , A. Chamsedine , E. Mireau , S. Aldea , S. Gaillard Service de neurochirurgie, hôpital Foch, 40, rue Worth, 92150 Suresnes, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 21 mai 2012 Accepté le 22 mai 2012 Keywords: Intervertebral disc herniation Thoracic spine Spontaneous resorption

a b s t r a c t We report on two cases of spontaneous resorption of a calcified thoracic hernia. This phenomenom is widely recognised in lumbar and cervical hernia, but is exceptional at the thoracic level. The potential mechanisms underlying this resorption are discussed trough a review of the literature. We think this could be another argument for a “wait and watch” period before a surgical decision in the patients who have few symptoms. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

r é s u m é Mots clés : Hernie discale thoracique Rachis thoracique Résorption spontanée

Nous rapportons le cas de deux patients présentant une résorption spontanée de hernie discale thoracique calcifiée. L’involution spontanée de hernies discales est un phénomène connu pour les localisations cervicales et lombaires. Les cas concernant les hernies thoraciques sont exceptionnels, notamment concernant les hernies calcifiées. Nous discutons les autres cas décrits et les phénomènes pouvant être impliqués dans ces résorptions. Ces disparitions spontanées nous confortent à proposer une période de surveillance clinique et radiologique chez les patients peu ou pas symptomatiques avant de discuter une éventuelle décision chirurgicale. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

1. Introduction

2. Cas cliniques

Les hernies discales thoraciques sont beaucoup moins fréquentes que les localisations lombaires et cervicales. De plus, elles sont le plus souvent calcifiées et révélées par des signes de souffrance médullaire. La possibilité de résorption spontanée est connue pour les atteintes lombaires et cervicales mais exceptionnelle pour les hernies thoraciques. Nous rapportons deux patients, qui ont présenté une disparition complète de hernies discales dorsales calcifiées. Nous discutons les autres cas rapportés dans la littérature et les mécanismes pouvant expliquer ces résorptions.

2.1. Patient 1

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Eap). 0028-3770/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.neuchi.2012.05.005

Il s’agit d’un patient âgé de 48 ans, enseignant. Depuis six mois il présentait des douleurs intercostales gauches de plus en plus invalidantes nécessitant une morphinothérapie au long cours avec une efficacité modérée. Il ne présentait par ailleurs aucun déficit sentivo-moteur, ni syndrome pyramidal. Le scanner et l’IRM dorsale mettaient en évidence une volumineuse hernie discale thoracique T8-T9 latérale et foraminale gauche, calcifiée (Fig. 1). À noter la présence de calcifications intradiscales à l’étage de la hernie et au niveau sous-jacent. Au vu du volume de la lésion et de l’inefficacité de tous les traitements antalgiques, il a été décidé une intervention par voie antérieure thoracoscopique. Lors du scanner de repérage préopératoire réalisé huit mois après l’imagerie initiale, il a été observé

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Fig. 1. (patient 1) IRM séquence T2, coupe axiale (A) et sagittale (B) mettant en évidence une volumineuse hernie discale latérale et foraminale gauche en T8-T9. TDM en fenêtre osseuse, coupe axiale (C) et sagittale (D) confirmant le caractère calcifié de la hernie et la présence de calcifications intradiscales à l’étage de la hernie et au niveau adjacent. Axial (A) and sagital (B) T2-weighted MRI images, showing a T8-T9 left lateral and foraminal disc herniation. Axial (C) and sagital (D) CT images which confirm the calcification of the disc herniation and the presence of calcifications in the intervertebral disc.

Fig. 2. (patient 1) IRM séquence T2, coupe axiale (A) et sagittale (B) objectivant la disparition spontanée de la hernie discale T8-T9. TDM en fenêtre osseuse, coupe axiale (C) et sagittale (B) confirmant la résorption et montrant la persistance des calcifications intradiscales. Axial (A) and sagital (B) T2-weighted MRI images showing a spontaneous disparition of the T8-T9 disc herniation. Axial (C) and sagital (D) CT images confirm the resorption.

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Fig. 3. (patient 2) IRM séquence T2, coupe axiale (A) et sagittale (B) mettant en évidence une volumineuse hernie discale T12-L1 refoulant le cordon médullaire. TDM en fenêtre osseuse, coupe axiale (C) et sagittale (D) confirmant le caractère calcifié de la hernie et la présence de calcification intradiscale au niveau de la hernie. Axial (A) and sagital (B) T2-weighted MRI images, showing a T12-L1 disc herniation. Axial (C) and sagital (D) CT images which confirm the calcification of the disc herniation and the presence of calcifications in the intervertebral disc.

une disparition quasi complète de la hernie calcifiée, ce qui a été confirmé par une IRM dorsale (Fig. 2). L’intervention a été annulée. À l’interrogatoire on ne retrouvait aucune modification de la symptomatologie corrélée à l’involution spontanée de la lésion. Six mois après, le patient présentait une disparition quasi complète de ses douleurs intercostales gauches et ne prenait plus de traitement antalgique. L’IRM de contrôle était superposable, confirmant la disparition de la hernie.

2.2. Patient 2 Il s’agit d’une patiente âgé de 45 ans, suivie pour une volumineuse hernie discale thoracique calcifiée découverte de fac¸on fortuite lors d’un bilan de lombalgie. L’examen clinique était normal, sans radiculalgies ni déficit sensitivo-moteur. Le scanner et l’IRM mettaient en évidence une volumineuse hernie discale T12L1 calcifiée, amputant 30 à 40 % du canal rachidien (Fig. 3). Devant le caractère asymptomatique, la patiente avait bénéficié d’un bilan électrophysiologique qui ne mettait en évidence qu’une discrète désynchronisation de la voie somesthésique du membre inférieur gauche.

Il avait donc été décidé un suivi clinique, radiologique et électrophysiologique. Il a alors été observé une disparition complète de sa volumineuse hernie calcifiée sur le scanner et l’IRM au décours d’un suivi de 12 mois (Fig. 4). 3. Discussion Contrairement à ce qui est habituellement admis, les hernies discales dorsales ne sont pas rares. L’apport de l’IRM a montré une fréquence beaucoup plus élevée, jusqu’à 37 % chez des patients asymptomatiques (Wood et al., 1995). Néanmoins l’incidence annuelle de hernies discales dorsales symptomatiques est estimée à un pour un million d’habitants (Carson et al., 1971). Elles concernent donc moins de 0,5 % des hernies discales opérées (Gille et al., 2006). L’étiologie des hernies discales dorsales reste toujours débattue et semble multifactorielle. Les facteurs mis en cause sont les traumatismes, l’arthrose, la maladie de Scheuermann, ainsi que des prédispositions génétiques (McInerney et Ball, 2000; Overvliet et al., 2009).

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Fig. 4. (patient 2) IRM séquence T2 à six mois, coupe axiale (A) et sagittale (B) objectivant une disparition spontanée de la hernie T12-L1. TDM en fenêtre osseuse, coupe axiale (C) et sagittale (D) confirmant la résorption avec persistance de la calcification intradiscale. Axial (A) and sagital (B) T2-weighted MRI images showing a spontaneous disparition of the T12-L1 disc herniation. Axial (C) and sagital (D) CT images confirm the resorption.

L’évolution naturelle de ces hernies est peu connue. Néanmoins, contrairement aux hernies discales lombaires et cervicales, elles sont habituellement stables avec de faibles changements de taille (Wood et al., 1997). Les cas de résorption sont exceptionnels puisque l’analyse de la littérature ne rapporte que trois publications présentant quatre cas de hernies discales dorsales spontanément disparues (Coevoet et al., 1997; Haro et al., 2008; Morandi et al., 1999). Les phénomènes de résorption des hernies discales ont surtout été étudiés au niveau lombaire (Martinez-Quinones et al., 2010). Ces mécanismes sont liés à des phénomènes inflammatoires médiés par les macrophages et corrélés à une néovascularisation (Haro et al., 1996). La traduction à l’IRM de ce phénomène est une prise de contraste en périphérie de la hernie, qui est un facteur prédictif de résorption (Autio et al., 2006). Certains auteurs estiment que l’administration de prostaglandines favoriserait la résorption des hernies discales dorsales en entraînant une vasodilatation et une facilitation de ces phénomènes inflammatoires, ce qui a été décrit chez deux patients présentant des hernies discales thoraciques non calcifiées (Haro et al., 2008). Cette attitude découle de travaux sur ces molécules qui améliorent la vascularisation du tissu nerveux, même en cas de sténose canalaire (Sekiguchi et al., 2006, Yone et al., 1999).

Chez nos deux patients, aucun n’a bénéficié de traitements vasodilatateurs favorisant une potentielle réponse inflammatoire et aucun n’avait bénéficié d’un IRM injectée. Aucun traitement médical n’a été instauré chez le patient 2 et le patient 1 ne bénéficiait que d’antalgiques morphiniques. Nous pensons donc que les mécanismes à l’origine de ces résorptions sont plus complexes. Parmi les quatre autres observations de hernies thoraciques spontanément résorbées, une seule était calcifiée (Morandi et al., 1999). Les hernies discales thoraciques sont calcifiées dans 30 à 70 % des cas (McInerney et Ball, 2000, Stillerman et al., 1998). Les calcifications dans la pathologie discale thoracique peuvent s’observer au niveau du disque, de la hernie et du ligament vertébral commun postérieur (LVCP). Les calcifications intradiscales sont présentes dans plus de 60 % des cas de hernies thoraciques opérées (Gille et al., 2006). Ces calcifications intradiscales ont été étudiées et corrélées à la dégénérescence du disque. Les phénomènes liant dégénérescence du disque, présence de calcifications et néovascularisation ne sont pas clairement établis. Leur association est néanmoins avérée (Karamouzian et al., 2010). Le caractère calcifié des hernies discales est particulier et soumet l’hypothèse d’une calcification du LVCP associée chez certains patients. En effet, aux vues des différentes imageries, il est fréquent

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d’observer un liseré entre les calcification herniaires et le mur postérieur, comme chez le patient 2. Cette constatation est confirmée en peropératoire d’après notre expérience. Les calcifications du LVCP sont à rapporter aux ossifications du ligament vertébral commun postérieur (Ossification of Posterior Longitudinal Ligament [OPLL]), pathologie surtout connue en Asie. La physiopathologie n’est pas encore élucidée mais il existe un facteur génétique évident (Inamasu et al., 2006). Il existe plusieurs forme d’OPLL (Matsumoto et al., 2008), dont une isolée appelée « en bec » dont il est difficile de faire la part avec une hernie discale calcifiée (Yang et al., 2010). Les tableaux cliniques et les imageries sont similaires et la frontière entre les deux pathologies n’est pas clairement définie, si elle existe. La résorption spontanée de ces calcifications n’a jamais été décrite dans le cadre des OPLL. La résorption de hernies calcifiées chez nos deux patients ne peut être expliquée au vu des donnés actuelles de la littérature. Il est probable que des mécanismes inflammatoires soient responsables de ces régressions. Les médiateurs en sont inconnus, tout comme les facteurs favorisants et déclenchants. 4. Conclusion En l’absence de signes cliniques de myélopathie, ces phénomènes de résorption nous confortent dans une attitude prudente et expectative devant les hernies discales thoraciques, même volumineuses et calcifiées. Une surveillance clinique, électrophysiologique et radiologique rapprochée pour les patients peu ou pas symptomatiques nous semble l’attitude la plus adaptée en première intention, avant de discuter une éventuelle intervention chirurgicale. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références Autio, R.A., Karppinen, J., Niinimaki, J., Ojala, R., Kurunlahti, M., Haapea, M., VAnharanta, H., Tervonen, O., 2006. Determinants of spontaneous resorption of intervertebral disc herniations. Spine (Phila Pa 1976) 31, 1247–1252.

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