ARCPED-4146; No of Pages 2
Rec¸u le : 19 janvier 2016 Accepte´ le : 20 janvier 2016
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E´ditorial Becoming of very preterm and very low birth weight children in adulthood: One more effort. . . P. Fournereta,*,b a Service psychopathologie du de´veloppement, hoˆpital Femme–Me`re-Enfant, hospices civils de Lyon, 59, boulevard Pinel, 69677 Bron cedex, France
Devenir a` l’aˆge adulte des grands pre´mature´s et des nourrissons a` faible poids de naissance : encore un effort. . .
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Laboratoire L2C2 UMR 5304 CNRS, universite´ Claude Bernard Lyon 1, 69677 Bron, France
L
a me´decine pe´rinatale a re´alise´ ces vingt dernie`res anne´es des progre`s me´dico-techniques conside´rables permettant, aujourd’hui, une prise en charge efficace des grands pre´mature´s (GP) (dont l’aˆge gestationnel est infe´rieur a` 32 semaines) et des nouveau-ne´s de faible poids de naissance (FPN) (< 1500 g). Si l’on ne peut que se re´jouir de ces avance´es pour les parents et leur famille, plusieurs e´tudes prospectives sont venues cependant tempe´rer notre optimisme en objectivant un risque accru et tre`s significatif pour cette population de connaıˆtre, a` moyen et long termes, des difficulte´s du de´veloppement cognitif et, plus ge´ne´ralement, du fonctionnement psychosocial, pouvant compromettre la qualite´ de leur inte´gration socioprofessionnelle [1]. Pour autant, le niveau de stabilite´ de ces difficulte´s au cours du temps – de la pe´riode postnatale au de´but de l’aˆge adulte – et l’aˆge minimum pre´dictif restaient mal connus en raison du peu de donne´es disponibles et de leur caracte`re souvent contradictoire. L’e´quipe du Dr Dieter Wolke, du de´partement de psychologie de l’universite´ de Warwick en Angleterre, vient tout re´cemment d’apporter des e´le´ments de re´ponses concordants a` ces deux questions, au travers de quatre publications issues d’une e´tude longitudinale bavaroise. Cette e´tude suit de manie`re prospective une cohorte de 260 enfants a` risque (GP et FPN) ne´s en Allemagne entre janvier 1985 et mars 1986, comparativement a` un groupe te´moin de 229 enfants, ne´s sans particularite´s pe´rinatales. Dans leur premier travail publie´ dans Pediatrics [2], les compe´tences cognitives des enfants avaient e´te´ re´gulie`rement e´value´es, graˆce a` plusieurs * Correspondance. e-mail :
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tests standardise´s, a` l’aˆge de 5 et 20 mois (quotient de de´veloppement [QD] exprime´ en aˆge corrige´ pour les GP et les FPN), puis a` l’aˆge de 4, 6, 8 et 26 ans (quotient intellectuel [QI]). Il ressortait de ces analyses que le niveau de de´veloppement cognitif des enfants GP et FPN e´tait infe´rieur a` celui du groupe te´moin, quel que soit l’aˆge d’e´valuation. A` 26 ans, environ un adulte sur quatre ne´ GP ou FPN avait une de´ficience cognitive se´ve`re. Les faibles scores de QI e´taient plus stables de l’enfance a` l’aˆge adulte pour ceux ne´s GP ou FPN que pour ceux ne´s a` terme. La stabilite´ des scores de QI pour les GP ou FPN e´tait d’autant plus marque´e que ceux-ci avaient une de´ficience cognitive se´ve`re a` l’aˆge adulte. Surtout, le niveau d’efficience des fonctions cognitives a` l’aˆge adulte pouvait eˆtre assez bien estime´ a` partir de l’aˆge de 6 ans chez les enfants ne´s a` terme, mais de`s l’aˆge de 20 mois pour ceux ne´s GP ou FPN. L’e´tude plus approfondie des performances neurocognitives, notamment des fonctions exe´cutives (FE), du groupe GP/FPN n’a pas permis de retenir un profil spe´cifique de difficulte´s [3]. Les adultes ne´s GP ou FPN exprimaient des proble`mes cognitifs ge´ne´raux et multiples plutoˆt qu’en lien avec un de´ficit spe´cifique. La` encore, ces de´ficits cognitifs restaient stables et ne diminuaient pas avec l’aˆge. Ceci e´tait particulie`rement vrai pour l’attention [4]. Meˆme si dans l’ensemble les performances attentionnelles progressaient avec l’aˆge pour les deux groupes, les troubles de l’attention se montraient plus stables dans le temps pour ceux ne´s GP ou FPN que chez ceux ne´s a` terme. Au-dela` de ces caracte´ristiques neuro-de´veloppementales, un dernier travail s’est inte´resse´ aux diffe´rents aspects de la personnalite´ et du devenir psychosocial a` l’aˆge adulte de ces enfants a` risque [5]. Les re´sultats sont, la` aussi, a` prendre se´rieusement en compte.
http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2016.01.004 Archives de Pe´diatrie 2016;xxx:1-2 0929-693X/ß 2016 Publie´ par Elsevier Masson SAS.
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Ainsi dans le groupe GP/FPN, le risque e´tait plus e´leve´ de pre´senter a` l’aˆge adulte une personnalite´ au trait « socialement isole´e ». Les auteurs ont e´galement trouve´ dans ce groupe une fre´quence accrue d’e´le´ments du registre autistique (notamment traits de personnalite´ rigide et distante, troubles de la communication), du neuroticisme (de´fini par l’hypersensibilite´ aux e´motions ne´gatives avec anxie´te´, cole`re, culpabilite´ et sentiments de´pressifs), de la personnalite´ introvertie, ou encore, une diminution de la prise de risque. Si ces re´sultats n’e´taient explique´s ni par les capacite´s cognitives ge´ne´rales du sujet, ni par son sexe, ils n’e´taient pas sans rapport avec le statut socio-e´conomique de la famille d’origine. Quoiqu’il en soit, ce profil de personnalite´ pourrait rendre compte, en partie tout au moins, de la difficulte´ des sujets ne´s GP ou FNM a` composer a` l’aˆge adulte avec leurs pairs ou leur partenaire amoureux, et plus ge´ne´ralement dans leurs relations sociales. Tout en devant eˆtre conside´re´s dans leur ensemble et avec prudence, ces travaux viennent enrichir et comple´ter les donne´es franc¸aises issues de l’e´tude EPIPAGE 2, dont le suivi ne s’e´tale que sur 12 ans [6]. Ils invitent, surtout, a` mettre l’accent – s’il le fallait encore – sur l’importance de la prise en charge pre´coce, pluridisciplinaire et coordonne´e, de ces nouveau-ne´s ; puis plus tard, sur celle des diverses interventions et mesures de pre´vention, d’accompagnement ou de soin habituellement propose´es aux parents, tout long du parcours de de´veloppement de leur enfant. En effet, malgre´ trois plans de pe´rinatalite´ et un rapport alarmiste de la Cour des comptes en 2012 [7], force est de constater la grande disparite´ des moyens et des mesures mis en œuvre sur le territoire. Alors que la France s’est dote´e d’une politique structurante et volontariste en matie`re de pe´rinatalite´, trop d’ine´galite´s persistent au niveau des re´gions, ce qui n’est pas sans incidence sur le taux de morbidite´ et plus largement sur le devenir psychosocial de cette population a` risque. Pour illustration, alors que les soins de de´veloppement du be´be´ sont unanimement reconnus pour leur efficacite´, rares sont les services de ne´onatalogie qui disposent d’un poste de psychomotricien pour de´cliner spe´cifiquement ces programmes ; ou encore d’orthophoniste spe´cialise´e, pour la pre´vention ou la prise en charge des troubles de l’oralite´. De la meˆme fac¸on, passe´ l’e´tape de l’e´valuation cognitive pre´coce, combien de re´seaux de pe´rinatalite´ sont en mesure de proposer des mesures d’accompagnement des parents ou un parcours de soin balise´,
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coordonne´ et clairement articule´ entre les diffe´rents dispositifs (services de protection maternelle et infantile [PMI], centres d’action me´dico-sociale pre´coce, et surtout centres me´dico-psychologiques et les centres me´dico-psycho-pe´dagogiques) pour les situations les plus a` risque ? Enfin, dans un contexte socio-e´conomique de plus en plus de´grade´, combien de parents – par manque d’information ou d’une compre´hension ade´quate des enjeux – renoncent au suivi me´dical et surtout psychologique de leur enfant ? Le chantier de la pe´rinatalite´ est un enjeu de sante´ publique de´terminant pour l’avenir de notre socie´te´. Nous devons donc nous donner les moyens d’aller plus loin et plus vite. En 2016, il ne suffira pas d’eˆtre les champions europe´ens de la natalite´, encore faudra-t-il acce´le´rer la diffusion de nos connaissances pour faire e´voluer et de´cloisonner nos pratiques cliniques, entre soins somatiques et soins psycho-de´veloppementaux, entre prouesses techniques et accompagnement humain. Et la`, il y a urgence. . .
De´claration de liens d’inte´reˆts L’auteur de´clare ne pas avoir de liens d’inte´reˆts.
Re´fe´rences [1]
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van der Pal-de Bruin KM, van der Pal SM, Verloove-Vanhorick SP, et al. Profiling the preterm or VLBW born adolescent; implications of the Dutch POPS cohort follow-up studies. Early Hum Dev 2015;91:97–102. Breeman LD, Jaekel J, Baumann N, et al. Preterm cognitive function into adulthood. Paediatrics 2015;136:415–23. Eryigit-Madzwamuse S, Baumann N, Jaekel J, et al. Neurocognitive performance of very preterm or very low birth weight adults at 26 years. J Child Psychol Psychiatry 2015;56:857–64. Breeman LD, Jaekel J, Baumann N, et al. Attention problems in very preterm children from childhood to adultehood: the Bavarian Longitudinal Study. J Child Psychol Psychiatry 2015. http://dx.doi.org/10.1111/jcpp.12456 [Epub ahead of print]. Eryigit-Madzwamuse S, Strauss V, Baumann N, et al. Personality of adults who were born very preterm. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed 2015;100:F524–9. Ancel PY, Goffinet F, EPIPAGE 2 Writing Group. EPIPAGE 2: a preterm birth cohort in France in 2011. BMC Pediatr 2014;14:97. Rapport public annuel 2012 de la Cours des comptes. La Politique de pe´rinatalite´ : l’urgence d’une remobilisation. Consultable sur le site internet https://www.ccomptes.fr.