revue neurologique 166s (2010) a146–a149
Communication orale
Re´union commune : SNLF – GRECO
Mardi 27 avril 2010 Musique, me´moire et e´motion
Informations supple´mentaires.– Agence nationale pour la recherche et institut universitaire de France.
S. Samson Lab de neurosciences fonctionnelles et pathologies, CNRS 8160, universite´ Lille–Nord de France, hoˆpital de La Salpeˆtrie`re, 59653 Villeneuve d’Ascq, France
La maladie de Maurice-Ravel
Mots cle´s : Neuropsychologie ; Neurophysiologie ; E´pilepsie Introduction.– La musique est un puissant vecteur d’e´motion. Malgre´ le nombre grandissant d’e´tudes en neurosciences affectives, les connaissances concernant les bases ce´re´brales des e´motions musicales restent encore limite´es. Objectifs.– Dans le but de pre´ciser le fondement neurobiologique des e´motions porte´es par la musique, nous avons adopte´ une approche inte´grative qui associe la neuropsychologie a` l’imagerie ce´re´brale et a` l’e´lectrophysiologie. Me´thodes.– Les jugements e´motionnels associe´s a` l’e´coute musicale ont e´te´ recueillis chez des patients avec le´sion du lobe temporal me´dian incluant l’amygdale. L’e´tude neuropsychologique permettant d’examiner l’effet de diffe´rentes structures temporales sur le jugement e´motionnel de diffe´rents extraits musicaux a e´te´ comple´te´e par une e´tude e´lectrophysiologique (EEG intracraˆniens). L’inte´reˆt de cette dernie`re e´tait de pre´ciser le de´cours temporel de la signature neurale recueillie en re´ponse aux e´motions musicalement induites. Re´sultats.– Les re´sultats ont mis en e´vidence le roˆle de l’amygdale dans la reconnaissance de la peur musicalement exprime´e confirmant ainsi la repre´sentation supramodale de la peur dans l’amygdale. L’enregistrement intrace´re´bral en re´ponse aux manipulations de l’harmonie musicale a permis de pre´ciser l’implication se´quentielle des structures temporales et frontales dans le traitement des e´motions. Discussion.– Ces donne´es sugge`rent que, quelle que soit sa late´ralisation, l’amygdale, et en particulier le noyau basolate´ral, est ne´cessaire pour e´valuer l’intensite´ de la peur et qu’il existerait un lien e´ventuel entre la perception d’une menace et le niveau d’anxie´te´ en pre´sence d’une le´sion du lobe me´dian. Enfin, l’apparition tardive de la re´ponse enregistre´e dans l’amygdale semble surprenante et sera discute´e en rapport avec la litte´rature actuelle. Conclusion.– Le caracte`re non verbal et e´motionnel de la musique offre des perspectives innovantes pour explorer le substrat ce´re´bral des e´motions et de´velopper des outils cliniques uniques a` vise´e a` la fois diagnostique et the´rapeutique.
Maurice Ravel (1875–1937) a progressivement de´veloppe´ un tableau neuropsychologique associant une agraphie (de`s 1927) et une apraxie (de`s 1928) confirme´es par Alajouanine lors de son observation de 1936. Tout l’inte´reˆt neuropsychologique de la maladie de MauriceRavel re´side dans ses re´percussions sur son activite´ musicale. De 1928 a` 1932, il conserve la capacite´ de composer : le Bole´ro (1928) qu’il qualifie lui-meˆme d’« expe´rience d’orchestration dans une direction tre`s spe´ciale et limite´e », le Concerto pour la main gauche (1929/1931), le Concerto en sol majeur (1931) et les 3 chansons « de Don Quichotte a` Dulcine´e » (1932). Apre`s 1932, Ravel imagine ses compositions et son langage musical inte´rieur est intact, mais il perd la capacite´ de transcrire les me´lodies imagine´es, en raison de l’agraphie (il ne peut re´diger une partition) et d’une apraxie du clavier. L’examen tre`s e´labore´ re´alise´ par Alajouanine en 1936 montre que Ravel peut reconnaıˆtre des œuvres entendues, reconnaıˆtre ses propres compositions lues ou entendues, identifier des modifications de notes, rythme, tonalite´, jouer des gammes au clavier, jouer ou e´crire le de´but de ses œuvres. En revanche, il ne peut pas nommer ou e´crire des notes lues ou entendues, e´crire des me´lodies vues ou entendues, de´chiffrer une partition au clavier, se repe´rer sur le clavier. Compositeur dans sa teˆte, Ravel ne peut plus exprimer sa musique au moyen de l’e´criture d’une partition ou d’un jeu au piano ! Maurice Ravel est de´ce´de´ en 1937 quelques jours apre`s une craniotomie frontale droite. En l’absence d’autopsie, il est spe´culatif de conclure a` une e´tiologie pre´cise mais, a` la lumie`re des tableaux d’atrophie focalise´e que nous rencontrons actuellement, on peut envisager un syndrome de´ge´ne´ratif du gyrus angulaire gauche ou une de´ge´ne´rescence corticobasale.
0035-3787/$ – see front matter doi:10.1016/j.neurol.2010.02.027
B. Croisile Service de neuropsychologie, hoˆpital neurologique, 69677 Bron, France
Me´moire et musique dans la maladie d’Alzheimer H. Platel Inserm U923, EPHE, universite´ de Caen Basse-Normandie, CHU de Caen, 14032 Caen, France
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Mots cle´s : Neuropsychologie ; Alzheimer ; Me´moire Introduction.– La pre´servation de capacite´s d’apprentissages musicaux chez des patients atteints de maladie d’Alzheimer (MA) est une observation qui pose la question de la nature de ces capacite´s d’apprentissages implicites. ` partir de plusieurs e´tudes comportementales chez Objectifs.– A des patients MA vivant en institution, nous avons souhaite´ tester la spe´cificite´ de ces apprentissages implicites pour des mate´riels divers (musiques, textes, peintures). Me´thodes.– Nous avons re´alise´ trois e´tudes aupre`s de patients atteints de maladies d’Alzheimer mode´re´s a` se´ve`res (MMS entre 7 et 15). L’e´mergence d’un sentiment de familiarite´ a e´te´ mesure´e a` partir d’une e´chelle comportementale en 6 points, au cours de se´ances d’expositions re´pe´te´es (une se´ance par jour) a` diffe´rents types de mate´riels (chansons, ` musiques instrumentales, histoires, tableaux de peintures). A l’issue des se´ances d’expositions, nous avons compare´ le sentiment de familiarite´ des stimuli expose´s a` des nouveaux. Re´sultats.– Les analyses statistiques montrent une augmentation tre`s significative du niveau de familiarite´ entre les premie`res et les dernie`res se´ances d’expositions. Ce niveau de familiarite´ est toujours plus fort pour le mate´riel musical ou pictural par rapport au mate´riel linguistique (textes courts, poe`mes). Dans la deuxie`me e´tude, la se´ance test a` distance (deux mois et demi) montre que seul le niveau de familiarite´ pour le mate´riel musical ne chute pas. Discussion.– Ces re´sultats de´montrent que la me´moire perceptive permet, par la re´pe´tition de l’exposition a` un stimulus donne´, de cre´er un sentiment de familiarite´ fort et robuste, meˆme chez des patients atteints d’une MA a` un stade se´ve`re. Les stimuli non verbaux (musiques, tableaux de peintures) be´ne´ficient davantage de cet effet que les stimuli linguistiques, sans que cela ne puisse permettre de juger d’une spe´cificite´ pour un type de mate´riel. Conclusion.– Ces observations de´montrent des capacite´s d’apprentissages implicites largement sous-estime´es chez les patients MA mode´re´s a` se´ve`res. L’apprentissage de chants nouveaux en repre´sente l’illustration la plus spectaculaire. Informations supple´mentaires.– Ces travaux ont e´te´ soutenus par la fondation Me´de´ric Alzheimer.
Un parfumeur anosmique. . .
K. Mondona, B. Atanasovab a CMRR, CHU de Tours, 37000 Tours, France ; b Inserm U930, CHU de Tours, 37000 Tours, France Mots cle´s : Anosmie ; Neuropsychologie ; Comportement Jean Carles (1892–1966), maıˆtre parfumeur et fondateur de l’e´cole de parfumerie Givaudan-Roure, compte parmi les nez les plus ce´le`bres. Il est a` l’origine de nombreux parfums ` la fin de sa vie, Jean Carles de´veloppa une de renom. A anosmie. Malgre´ cette condition pathologique, il continua ses cre´ations sans que cela n’ait alte´re´ son art. ` partir de cette observation singulie`re, nous approcherons les A processus ce´re´braux qui sous-tendent la cre´ativite´. Nous pre´senterons les particularite´s de la cre´ation olfactive parmi les autres modes de cre´ation. Enfin, nous envisagerons les hypothe`ses qui ont pu permettre a` Jean Carles de cre´er sans re´trocontroˆle sur sa propre production.
Cerveau et cre´ativite´ artistique J.-P. Changeux Institut Pasteur, 75015 Paris Mots cle´s : Imagerie par re´sonance magne´tique ; Me´moire ; Neuropsychologie
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Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Comment l’artiste proce`de-t-il dans sa de´marche cre´atrice ? Comment l’art e´volue-t-il ? Les travaux en cours sur les sciences du cerveau et les sciences de la cognition sugge`rent des hypothe`ses et des pistes de re´flexion encore peu aborde´es tant par les artistes que par les historiens d’art. D’abord, il est clair que l’activite´ artistique apparaıˆt chez Homo sapiens a` la suite d’une e´volution ge´ne´tique qui a permis un accroissement spectaculaire de la complexite´ ce´re´brale a` partir de modifications modestes de son ge´nome. Ce qui implique une intrication profonde avec les processus e´pige´ne´tiques au cours du de´veloppement postnatal. La contemplation de l’œuvre d’art – ici une peinture – est envisage´e sous l’angle d’une exploration par le regard du spectateur qui acce`de a` une synthe`se ce´re´brale consciente (des formes et des figures perc¸ues et des me´moires qu’elles e´voquent) qui se distingue par sa singularite´ et ses profondes re´sonances e´motionnelles. La cre´ation est conside´re´e sous l’angle d’une e´volution des repre´sentations dans l’espace ce´re´bral conscient de l’artiste accompagne´e de processus de se´lection et d’actualisation en gestes moteurs conduisant a` l’esquisse puis a` l’œuvre acheve´e. Le processus de se´lection est encadre´ par des « re`gles e´pige´ne´tiques » comme l’originalite´, l’harmonie, la parcimonie, la signification, la vise´e e´thique. . . qui contraignent et de´finissent le style de l’artiste. L’histoire de l’art re´sulterait d’un re´seau d’e´volutions emboıˆte´es se produisant entre le cerveau de l’artiste et les e´volutions culturelles actuelles et passe´es de l’environnement de l’artiste, s’accompagnant d’un constant renouvellement des the`mes, mais ne conduisant pas ne´cessairement a` un progre`s, comme c’est le cas avec l’histoire des sciences et des technologies. Pour en savoir plus [1] Changeux JP. Du Vrai, du Beau, du Bien. Paris: Odile Jacob; 2008.
Amne´sie re´trograde, self et jugement esthe´tique P. Piolino CNRS UMR 8189, Inserm U923–EPHE–universite´ de Caen, universite´ Paris Descartes, 92100 Boulogne-Billancourt, Caen, France Mots cle´s : Neuropsychologie ; Me´moire a` long terme ; Anatomie Les patients neurologiques souffrant d’une amne´sie re´trograde massive se trouvent souvent prive´s d’une partie plus ou moins importante de leur passe´ autobiographique. La me´moire autobiographique est la me´moire des expe´riences e´pisodiques et des connaissances se´mantiques personnelles acquises tout au long de la vie. Elle forge la plus grande part du contenu de notre self (mode`le d’identite´) qui de´termine nos gouˆts, nos pre´fe´rences, nos objectifs et nos traits de personnalite´ et fonde notre sentiment d’identite´ : ce que nous avons e´te´, ce que nous sommes maintenant et ce que nous pourrions devenir. L’atteinte fonctionnelle du re´seau ce´re´bral implique´ dans la me´moire autobiographique (re´gions frontales et temporales principalement) se traduit a` des degre´s divers par une atteinte de la me´moire autobiographique et un remaniement du self. ` partir de la comparaison de plusieurs cas cliniques souffrant A d’une amne´sie re´trograde autobiographique massive (e´pisodique et/ou se´mantique), l’objectif de cette communication est d’illustrer le lien entre amne´sie autobiographique et changements du self (gouˆts, pre´fe´rences, objectifs et traits de personnalite´). Sur le plan plus fondamental, ces observations nous permettent de discuter la part des composantes e´pisodique et se´mantique de la me´moire autobiographique dans les changements du self et leur re´percussion sur le jugement esthe´tique dans la vie quotidienne.
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Parkinson, dopamine et cre´ativite´ P. Krack, C. Ardouin, E. Lhomme´e, E. Schmitt, V. Fraix, P. Pollak Neurologie, CHU de Grenoble, 39043 Grenoble cedex 9, France Mots cle´s : Parkinson (maladie de) ; Comportement ; L. dopa Introduction.– La relation entre le´sion nigrostrie´ et akine´sie est bien e´tablie. La maladie de Parkinson touche aussi, a` un moindre degre´, les neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale, base du syste`me dit de re´compense. Observation.– Le manque de dopamine dans ce syste`me entraıˆne un e´moussement affectif. Le traitement dopaminergique va re´veiller le syste`me me´solimbique mis au repos force´ par la maladie et peut entraıˆner un de´bordement des syste`mes de´sirants et he´doniques. Le patient retrouve le de´sir de se faire plaisir. Le temps redevient pre´cieux. En fonction de la personnalite´ et du ve´cu de chacun, cette recherche de plaisir peut s’exprimer dans le travail, le jardinage, la cuisine, l’internet, le sexe, les achats, le jeu. . . ou encore dans la cre´ation artistique. Le talent, voire le ge´nie n’ont, eux, rien a` voir avec la dopamine. Il est vrai toutefois que la curiosite´, le besoin du divers peuvent ouvrir la porte de l’art a` des sujets qui n’y e´taient pas pre´pare´s. La beaute´ est l’expression de l’aˆme humaine. Or, comme le dit Jean-Didier Vincent, celle-ci ne peut rien hors l’emprise souveraine du de´sir. C’est ici qu’intervient la dopamine. Le malade parkinsonien ouvre sous l’impulsion du me´dicament ses syste`mes de´sirants au monde sensorimoteur qui s’offre a` lui. Il est dans la position d’e´tonnement d’un naı¨f devant un monde neuf qui suscite chez lui des repre´sentations qui peuvent devenir œuvres d’art. Discussion.– Dans certains cas, cette appe´tence au plaisir peut s’emballer pour de´passer la raison et devenir une ve´ritable addiction comportementale. Le neurologue doit adapter le traitement dopaminergique, visant le meilleur compromis entre effets be´ne´fiques et de´le´te`res, tant pour la motricite´ que pour le comportement. Conclusion.– Nous pre´senterons des œuvres artistiques de patients parkinsoniens pour illustrer l’importance de la collaboration neurologue/neuropsychologue dans une nouvelle prise en charge plus globale de la maladie de Parkinson. Informations supple´mentaires.– Remerciements J.-D. Vincent, France Parkinson, GSK, X Hiron, D. Guillaudin, J. Perret.
Couleurs chaudes et douleur au froid (un cas)
C. Thomas-Anteriona,b a Neurologie, CHU Nord, 42055 Saint-E´tienne cedex 2, France ; b Caj L’adapt, 69007 Lyon, France Mots cle´s : Neuropsychologie ; Douleur ; Imagerie par re´sonance magne´tique Introduction.– La re´ve´lation d’un talent artistique (dessin, peinture, poe´sie, musique) apre`s une pathologie ce´re´brale est rapporte´e dans la litte´rature (e´pilepsie, DFT, Parkinson, stimulation sub-thalamique) et reste intriguante. Observation.– M.B., jeune femme de 36 ans, coiffeuse, quelques semaines apre`s un AVC insulaire ante´rieur gauche (re´gion SII), se mit a` peindre quotidiennement et exposa avec succe`s ses toiles ! Elle n’avait aucune connaissance ou compe´tence artistique ante´rieure. Suite a` l’AVC, MB pre´sentait une he´mianesthe´sie corporelle droite (analyse´e en e´lectrophysiologie) et un tableau douloureux tre`s intense de´clenche´ par le froid. Elle avait modifie´ son e´tat e´motionnel et de´crivait ainsi percevoir les e´motions des autres, « savoir » ce qu’elle devrait ressentir mais le plus souvent, se sentir anhe´donique et indiffe´rente dans des situations tristes (laisser son fils pour effectuer un voyage lointain) ou joyeuses (retrouver sa famille). La production picturale e´tait prolixe sans eˆtre compulsive :
M.B. pouvait s’arreˆter de peindre, avait des the`mes pre´fe´re´s mais pouvait changer de sujet ou de format. Discussion.– Nous rapportons le bilan neuropsychologique, e´lectrophysiologique et artistique de M.B. Les toiles sont figuratives, colore´es, de grand format. Les re`gles picturales (perspectives, choix des matie`res) sont d’emble´e maıˆtrise´es. Il s’agit toujours ou presque de couleurs chaudes (92 % des 120 toiles examine´es). M.B. de´crit lorsqu’elle peint, un effet antalgique et un sentiment physique de ple´nitude qui nous fait discuter la re´ve´lation de synesthe´sies. Conclusion.– Cette observation extraordinaire nous semble permettre de discuter ce qui peut conduire a` re´ve´ler un talent artistique (des synesthe´sies ?) et la richesse des phe´nome`nes « e´motionnels et sensoriels » organise´s dans l’insula. Informations supple´mentaires.– Nous remercions la patiente qui a accepte´ que soit diffuse´es ces donne´es.
« Le petit Arlequin de Picasso » : c’est ravissant !
P. Pradat-Diehla, M.-C. Masureb, C. Barbillonc a MPR, Salpeˆtrie`re, 75013 Paris, France ; b CNRS UPR 640, Salpeˆtrie`re, 75013 Paris, France ; c e´cole du Louvre, 75001 Paris, France Mots cle´s : Ce´cite´ corticale ; Accident vasculaire ce´re´bral ; Prosopagnosie Introduction.– Les troubles de la reconnaissance visuelle peuvent toucher pre´fe´rentiellement une cate´gorie telle que celle des visages, mais peuvent a` l’inverse pre´server une cate´gorie particulie`re telle que celle des œuvres d’art. Observation.– La patiente aˆge´e de 80 ans, experte en œuvres d’art, pre´senta une ce´cite´ ce´re´brale par accident ische´mique dans le territoire des 2 arte`res ce´re´brales poste´rieures. L’IRM montrait une atteinte de l’aire 17 a` droite et des aires 18 et 19 bilate´rales a` pre´dominance droite. Elle se de´crivait et se de´plac¸ait comme une « aveugle ». Elle pre´sentait des troubles tre`s importants de la reconnaissance visuelle avec des troubles sensoriels et perceptifs se´ve`res (une acuite´ visuelle non mesurable, un champ visuel limite´ a` des perceptions dans l’he´michamp droit et une ne´gligence gauche persistante). La reconnaissance des couleurs e´tait bonne a` l’exception du jaune. La reconnaissance d’objets, de photos d’objets, de dessins au trait d’objets ou d’animaux e´tait partiellement possible mais lente et he´sitante. La reconnaissance des visages e´tait impossible en vie quotidienne et sur photographie et elle touchait aussi bien les visages ce´le`bres que les visages de ses proches, avec des erreurs sur le sexe et l’aˆge. Cette prosopagnosie contrastait avec une reconnaissance souvent imme´diate des reproductions de peintures, qui e´taient identifie´es par l’artiste ou par la pe´riode, te´moignant de la pre´servation d’un stock de repre´sentations (« je reconnais ce que je connais »). Discussion.– La dissociation entre les capacite´s de reconnaissance des visages et celle des œuvres d’art est rapporte´e a` une dissociation entre deux types d’expertise : acquisition d’une compe´tence a` utiliser des repe`res configuraux d’une classe « biologique » dans le cas des visages, oppose´e a` une compe´tence a` identifier des œuvres artistiques dont la configuration, comme celle des objets, n’est pas fixe´e. Conclusion.– Ce re´sultat sugge`re que, malgre´ des troubles perceptifs se´ve`res, l’expertise de la patiente lui permet un acce`s direct a` des repre´sentations internes pre´serve´es pour les œuvres d’art.
Cre´ativite´ dans la de´mence frontotemporale (DFT) : une approche neuropsychologique et de neuro-imagerie
revue neurologique 166s (2010) a146–a149
L. Cruz De Souzaa, E. Vollea, B. Duboisa, M.-O. Habertb, A. Kasb, R. Levya a Neurologie, hoˆpital de La Pitie´-Salpeˆtrie`re, 75651 Paris cedex 13, France ; b me´decine nucle´aire, hoˆpital de La Pitie´-Salpeˆtrie`re, 75651 Paris cedex 13, France Mots cle´s : De´mence frontotemporale ; Neuropsychologie ; Comportement Introduction.– En neurosciences, la cre´ativite´ peut eˆtre de´finie comme la capacite´ a` re´aliser des productions a` la fois nouvelles et adapte´es au contexte. Cette de´finition souligne le lien entre la cre´ativite´ et les fonctions de´volues au cortex pre´frontal. L’importance du cortex pre´frontal pour la performance cre´ative a e´te´ de´montre´e dans plusieurs e´tudes d’imagerie fonctionnelle. Cette relation est e´galement rapporte´e dans une se´rie d’articles de´crivant la production artistique de patients avec DFT. Toutefois, ces travaux rapportent soit l’apparition, soit l’ame´lioration d’habilite´s artistiques apre`s l’installation d’une DFT. C’est pourquoi cette e´tude vise a` e´tudier le rapport entre DFT et production cre´ative par deux approches : (1) neuropsychologique : les processus cognitifs de cre´ativite´ sont-ils de´te´riore´s, ou facilite´s, dans la DFT ? ; (2) neuroimagerie : quelles sont les re´gions ce´re´brales implique´es dans la performance cre´ative ? Me´thodes.– Un ensemble de tests neuropsychologiques e´valuant les fonctions « frontales » et un test valide´ de cre´ativite´ (le test de Torrance – Forme « Verbale » et Forme « Visuelle ») ont e´te´ administre´s a` trois groupes apparie´s : un groupe de patients DFT, un groupe de sujets avec maladie de Parkinson (MP) et un groupe de sujets sains. La perfusion ce´re´brale des patients DFT a e´te´ e´value´e par scintigraphie ce´re´brale (SPECT). Re´sultats.– Les performances des patients DFT aux tests de cre´ativite´ sont significativement re´duites compare´es a` celles des autres groupes. L’analyse qualitative des re´ponses des patients DFT montre que certains aspects de la production cre´ative, bien que quantitativement normaux, correspondent en fait a` des atteintes cognitives et comportementales importantes. L’analyse des donne´es SPECT montre que les scores de cre´ativite´ sont corre´le´s a` diffe´rentes re´gions pre´frontales (BA 9, 10, 11, 47) et temporoparie´tales (BA 20, 21, 22, 39, 40). Conclusion.– Nos re´sultats montrent que la production cre´ative de´pend de l’inte´grite´ du cortex pre´frontal. Ceci va a` l’encontre de la notion de « facilitation paradoxale » de cre´ativite´ des sujets DFT pre´ce´demment de´crite dans la litte´rature.
Cre´ativite´ en pe´riode pe´ri-ictale chez un photographe e´pileptique
L. Vercueila, F. Sellalb a EFSN, CHU de Grenoble, 38043 Grenoble cedex 9, France ; b neurologie, CHRG de Colmar, 68000 Colmar, France Mots cle´s : E´pilepsie crise partielle complexe ; Neuropsychologie ; Comportement Introduction.– La cre´ativite´ a fait l’objet de peu d’e´tudes chez des patients e´pileptiques, alors que cette pathologie cre´e l’opportunite´ de comparer des e´tats distincts, intercritiques (a` distance des crises) et critiques ou pe´ricritiques. Observation.– F.V., patient masculin de 40 ans, droitier, e´tait suivi pour une e´pilepsie partielle pharmacore´sistante symptomatique d’une scle´rose hippocampique droite, dans le contexte ` partir de l’aˆge d’une scle´rose tube´reuse de Bourneville (STB). A de 16 ans, tre`s a` distance d’une crise fe´brile de la pe´riode
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infantile, complique´e d’un de´ficit moteur transitoire gauche, il de´veloppait des crises ste´re´otype´es, enregistre´es en vide´oEEG, impliquant le lobe temporal droit, et qui persistaient sous traitement. Les crises e´taient regroupe´es en se´ries « clusters » de 2 a` 4 sur quelques jours, avec des intervalles libres de crise d’un mois environ. Il faisait spontane´ment l’observation d’un impact re´gulier des pe´riodes de crise (pe´riode « pe´ricritiques ») sur son activite´ professionnelle de photographe : en pe´riode pe´ricritique, il se sentait plus cre´atif et pouvait concevoir des logos, imaginer des prises de vue, pratiquer le photomontage, ou « solariser » les photographies qui lui e´taient confie´es professionnellement. Dans les pe´riodes intercritiques, il se consacrait aux retouches, a` l’analyse comptable de son entreprise, aux ope´rations de re´fe´rencement sur internet, toutes taˆches qui lui e´taient impossibles en pe´riode de crise. Discussion.– La distinction classique des e´tats critiques et intercritiques chez les patients e´pileptiques est venue s’enrichir re´cemment des modifications comportementales et thymiques attribue´es aux e´tats post- et pre´critiques (pe´riode pe´ricritiques). L’augmentation de la cre´ativite´, ressentie et exprime´e dans ses travaux professionnels par notre patient, pourrait eˆtre attribue´e a` l’impact des crises sur le fonctionnement ce´re´bral dans ces circonstances. Conclusion.– Une augmentation de la cre´ativite´ associe´e a` la survenue re´pe´te´e de crises impliquant le lobe temporal droit soule`ve des hypothe`ses physiopathologiques ne pouvant se re´duire a` un hypome´tabolisme re´gional intercritique.
Le hard-rock c’est fini !
F. Sellala, L. Vercueilb a De´partement de neurologie, hoˆpitaux civils de Colmar, 68024 Colmar cedex, France ; b de´partement de neurologie, CHU de Grenoble, 38043 Grenoble cedex, France Mots cle´s : E´pilepsie pharmacore´sistante ; Neuropsychologie Introduction.– Les pre´fe´rences e´motionnelles (et donc artistiques) sont de´pendantes de l’inte´gration des informations sensorielles affe´rentes, dans laquelle les re´gions temporales jouent un roˆle e´minent quoique me´connu. Observation.– Un homme de 21 ans pre´sentait une e´pilepsie temporale pharmacore´sistante due a` un gangliogliome situe´ dans la 3e circonvolution temporale (T3) gauche. Apre`s re´section gauche du poˆle temporal, de la partie ante´rieure de T2, T3, T4 et T5, pre´servant l’hippocampe, les crises disparurent sans se´quelle cognitive. Dans les mois qui suivirent, le patient observa un changement drastique et surprenant de ses gouˆts musicaux, litte´raires et, dans une moindre mesure, picturaux. Il n’y eut pas de changement de personnalite´ mais un gros retentissement social de ces changements de gouˆt. Discussion.– De telles observations de changement de gouˆt sont rares mais ont de´ja` e´te´ faites dans le contexte de de´mences frontotemporales. Elles soule`vent le roˆle important du ne´ocortex temporal, singulie`rement du poˆle temporal ante´rieur, dans l’inte´gration e´motionnelle des informations sensorielles provenant de diffe´rents canaux par des voies dorsales (auditives), me´diales (olfactives) ou ventrales (visuelles). Conclusion.– Cette observation permet, au-dela` de l’anecdote, d’approcher les bases neurales des pre´fe´rences artistiques. Elle souligne aussi les limites de nos e´valuations standard apre`s lobectomie. Informations supple´mentaires.– Remerciement au Dr Philippe Kahane, E´douard Hirsch et Jacques Pellat.